08/04/2009
Kandinsky et Calder à Beaubourg
"Est beau ce qui procède d'une nécessité intérieure de l'âme. Est beau ce qui est beau intérieurement. "
-Vassili Kandinsky -
"Un soir de 1908, Kandinsky a une révélation : rentrant dans son atelier de Murnau, en Allemagne, il aperçoit dans la pénombre, posé sur un chevalet, «un tableau d'une beauté indescriptible». Il est fasciné : «C'était une superbe mêlée de couleurs, sans sujet.» En s'approchant, Kandinsky est stupéfait de constater qu'il s'agit d'une de ses toiles, mais posée à l'envers. Cette vision le bouleverse. «Tout devint clair, dira-t-il plus tard. La description des objets n'avait aucune place dans ma peinture, elle lui était même nuisible. Un abîme effrayant s'ouvrait sous mes pieds.»
En effet : qu'un tableau puisse ne pas être une image du monde extérieur, se passer d'un prétexte « réaliste », voilà une idée qui s'opposait à toute la tradition de la peinture européenne qui, jusque-là, de Giotto à Ingres, avait toujours été une représentation de personnages, de paysages, d'objets... Que les formes et les couleurs se suffisent à elles-mêmes, sans référence à un sujet, ce constat n'avait jamais été aussi précisément fait. Telle fut ce jour-là pour Kandinsky la prise de conscience de la peinture abstraite.
Ce saut dans le vide, qui marque une rupture avec l'histoire de la peinture européenne, et d'où naîtra tout un pan de l'art moderne, est au cœur de la grande exposition que le Centre Pompidou consacre à Kandinsky à partir du 8 avril. L'accrochage chronologique le suit dans sa démarche vers la découverte, puis l'affirmation d'un espace pictural proprement abstrait. On s'embarque dans l'aventure avec un Kandinsky encore jeune, non pas peintre, mais juriste, plongé dans des études de droit et d'économie. Ce n'est pas une vocation, mais une tradition dans la famille de la grande bourgeoisie de Moscou, où il est né en 1866. Il aurait sans doute continué dans cette carrière prometteuse si, en 1895, il n'avait pas visité, au musée Alexandre III, une exposition d'impressionnistes français. Il y avait là une toile de Claude Monet de la série des Meules de foin, où le peintre étudiait l'évolution de la lumière sur un même motif au fil des heures. Kandinsky est surpris : «Je n'ai pas tout de suite reconnu le sujet de cette peinture, racontera-t-il. Cette incompréhension me troublait et m'agaçait. Je sentais sourdement que le sujet manquait dans cette œuvre, mais je constatais aussi qu'il s'en dégageait la puissance d'une palette qui dépassait tous mes rêves. Le sujet n'était donc pas indispensable au tableau.» Un beau texte : envoûté par Monet, Kandinsky vient d'avoir la première révélation des possibilités d'une peinture non figurative. Et c'est ainsi que d'appel en appel, Vassily renonce peu à peu à la carrière de juriste dans laquelle il s'était engagé pour se consacrer à la peinture. En 1896, il quitte Moscou et s'installe à Munich. Vocation tardive : le futur peintre a déjà 30 ans.
Mais il réfléchit vite : en 1906, il a fait le tour des différentes révolutions artistiques de son temps : impressionnisme, symbolisme, cézannisme, fauvisme, expressionnisme. Il constate que ces différentes « avant-gardes » marquent non pas le commencement, mais la fin d'un cycle artistique, car toutes continuent à se référer à un motif extérieur, vainement disséqué, déformé, disloqué. En 1910, il se lance dans la première œuvre non figurative jamais commise de main d'homme, l'Aquarelle abstraite. Suivent ses premiers grands chefs-d'œuvre, des Compositions et des Improvisations. Il travaille en même temps à son ouvrage le plus célèbre, Du spirituel dans l'art, où il affirme le rôle primordial de la couleur dans sa nouvelle conception d'un art dicté par la seule « nécessité intérieure » (innere Notwendigkeit) de l'artiste. Il aime participer aux expositions internationales, où il retrouve des artistes russes, Larionov, Gontcharova, Malevitch, et d'autres, comme Braque, Picasso, Derain, La Fresnaye et Paul Klee, avec qui il va se lier d'une amitié durable. En même temps que les tableaux de cette époque-là, toute une série d'aquarelles, d'esquisses, de dessins et de gravures nous font assister à l'affirmation de l'art le plus subjectif qui fût jamais pour aboutir, en 1914, dans Improvisation sans titre, à l'une des dix peintures abstraites réalisées la même année.
A la veille de la guerre, Kandinsky quitte Munich pour regagner Moscou. Mais il laisse son œuvre derrière lui, confiant son atelier et ses travaux à sa compagne, peintre elle aussi, Gabriele Münter. Après leur rupture, il ne reverra jamais ces toiles, qui ne figureront même pas dans les diverses monographies publiées de son vivant (en 1924, puis en 1931). Elles ne seront redécouvertes qu'en 1956, douze ans après la mort du peintre, lorsque Gabriele Münter les léguera à la ville de Munich.
Une seconde fois, les œuvres de Kandinsky lui seront confisquées : après son retour à Moscou, en 1914, on lui avait confié la réorganisation des arts et des musées et la direction d'expositions collectives. Sur l'une des rares photos qui témoignent de ces événements, on peut voir des œuvres que Kandinsky sera obligé de laisser en gage lorsqu'il quittera Moscou pour Berlin, en 1921. Elles vont demeurer inaccessibles jusqu'en 1963, date à laquelle certaines seront par miracle exposées lors de la première vraie rétrospective que le Guggenheim Museum de New York consacrera à Kandinsky. Il est assez rare qu'un artiste moderne soit à ce point spolié de son œuvre.
Vassily connaîtra encore deux exils : en 1921, à l'invitation de Walter Gropius, il accepte un poste de professeur au Bauhaus, cette formidable école d'art à la recherche d'une unité de tous les savoirs. Quand, en 1933, les nazis feront fermer l'institution, Kandinsky viendra se réfugier en France. C'est l'ami Duchamp qui trouvera pour le peintre et son épouse un petit appartement à Neuilly, où Vassily s'éteindra en décembre 1944. Pendant l'Occupation, à plusieurs reprises, l'ambassade américaine l'avait pressé de rejoindre les Etats-Unis. Mais, en 1939, Kandinsky était devenu citoyen français. Il aimait Paris, qui, la magnifique exposition du Centre Pompidou le prouve, le lui rend bien."
- Véronique Prat -
Une expo lui est consacré à Beaubourg du 8 Avril au 10 Août .
Parallèlement, et parce que j'affectionne particulièrement son travail, ne manquez pas l'expo Calder.
Sculpteur de père en fils Vers l'abstraction : les Mobiles Exécutées en fil de fer et en bois, ses nouvelles œuvres évoquent le schéma de l'univers. L’artiste construit des sculptures composées d'éléments mobiles indépendants entraînés par un moteur électrique ou par une manivelle, que Marcel Duchamp baptise Mobiles. Les sculptures non aériennes de Calder seront nommés par opposition Stabiles. De retour aux Etats-Unis en 1933, Calder rencontre un grand succès. Il continue à donner des représentations du Cirque Calder, collabore à des mises en scène de Martha Graham ou d'œuvres d'Erik Satie. À partir des années 1950, des commandes importantes lui sont confiées, et Calder se concentre sur la sculpture monumentale, avec notamment en 1958 La Spirale, mobile pour le siège de l'UNESCO à Paris. Il connaît la consécration en 1964 grâce à une rétrospective au Guggenheim Museum de New York. Alexander Calder meurt le 11 novembre 1976 à New York à l'âge de soixante-dix-huit ans. Sartre fut une des premières personnes à acheter un mobile (Paon) à Calder, et il a conservé l’œuvre toute sa vie. L’intérêt pour les mobiles (même s’il semble presque disparu aujourd’hui) se manifestait dans le monde entier. Calder a exposé dès 1943 au MoMA⁵. Dans les années qui suivent, il perfectionne sans cesse les rapports entre les éléments de ses mobiles, tout en en créant de nombreux stabiles, certains gigantesques, pour de nombreuses places publiques sur les cinq continents. Montréal possède un des plus grands, Man (20 m x 30 m), inauguré lors de l’Exposition Universelle de 1967.
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22:23 Publié dans art | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : peinture, sculpture, art