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05/01/2010

pin quotidien

 

Deux fois l'an, au moins, toute la famille descendait au fin fond de la Haute-Loire dans une ferme isolée en ruine à plus de mille mètres d'altitude, l'air y est soi-disant plus pur, j'en suis pas si sûre... Là-haut on vivait comme des ermites repliés sur nous-mêmes, ça avait aussi du bon, parfois, des heures devant la flamme du foyer ou à errer dans la campagne boisée et sauvage, écouter le ruisseau derrière égrener ses notes cristallines ou embrasser la vaste terre seule au monde.

Chaque départ était une véritable expédition, un déménagement presque, on partait avec au moins de quoi vivre pour la semaine ou le mois, poules poulets légumes victuailles en tout genre et puis aussi tous les matériaux nécessaires à la rénovation du bâtiment qui nous hébergeait, tout ça s'entassait vaille que vaille dans un van que mon padre avait acquis pour transporter occasionellement le cheval de mon frère, un ancien artiste de cirque sauvé in extremis de l'abattoir, pas un pote à moi en tout cas, il ne m'aimait guère il faut dire que notre première rencontre ne s'était pas franchement bien passée, suis tout de suite tombée et il m'a trainée le pied coincé dans l'étrier au milieu des herbes et des orties pendant quelques mètres assez inoubliables...

J'y avais un ami, pas tout jeune mais je crois qu'il y vit encore, je ne l'ai pas revu depuis plus de vingt ans, un ami sincère à qui je confiais volontiers mes états d'âme, je m'asseyais contre lui à bavasser, pleurer, rire, parfois je gesticulais endiablée lui toujours impassible et serein et je vociférais des mots atroces, j'hurlais ma colère, ma douleur, mon désarroi pour finir contre lui enlacé à sa puissance et à sa force rassénérante. Il m'a toujours été fidéle, n'a jamais bronché à mes excés et ne m'a jamais abandonnée même quand j'ai espacé mes visites. Une fois, la plus torride de notre histoire, désemparée par un cauchemar récurent, je suis arrivée nue en pleine nuit l'enserrant de toutes mes forces pour m'imprégner de sa séve, frottant ma peau fragile et blanche à sa couenne grise endurcie, me donnant à lui jusqu'à l'orgasme, la lune était belle et lui majestueux et noble, mon corps en tressaille encore d'aise quand je repense à son tronc vigoureux. Il a été pendant toutes ces années adolescentes mon pin quotidien, et est à jamais engrammé dans ma mémoire, sa présence tranquille et son silence apaisant me manque aujourd'hui ...

 

Arbre_pin-corse.jpg

 

 

 

Commentaires

J'en connais un comme ça. Le Maître de la Montagne-des-Coyotes. À 4, on n'en fait pas encore le tour avec nos bras étendus. On le visite, on l'embrasse, on lui murmure les histoires de la forêt et celles de nos coeurs. Je n'y m'y suis jamais frottée nue mais je te promets de le faire quand la neige sera fondue. À ce moment, je penserai à toi.

Écrit par : Miléna | 05/01/2010

;-)

Écrit par : Didier | 05/01/2010

Le mien, c'est pas un pin ; il est planté devant ma ferme et je le vois de ma fenêtre tous les jours depuis dix ans. Je ne connais même pas encore son nom, parce que je l'appelle "mon bel arbre" et que ça nous suffit.....tiens, je te le présenterais.....:)

Écrit par : anne des ocreries | 05/01/2010

@ Milena:

Ok! Et c'est quand la fonte des neiges chez vous?

Écrit par : helenablue | 05/01/2010

@ Didier:

:-)

Écrit par : helenablue | 05/01/2010

@ anne:

Oh, mais avec grand plaisir......

Écrit par : helenablue | 05/01/2010

S'il t'avait connue avant, chère Helena, voilà comment Fugain aurait tourné son...

C'est un beau roman, c'est une belle histoire
C'est une romance d'aujourd'hui
Il se dressait chez lui, là-haut vers le brouillard
Elle descendait dans le midi, le midi
Ils se sont trouvés au bord du chemin...

Blague à part, Helena, quand on jouit d'une mémoire aussi vivace, d'une plume aussi alerte (petite revision Grevisse tout de même) et d'une telle magie évocatoire (réelle ou imaginaire, qu'importe), on ne se contente pas d'inspirer à postériori les chanteurs de charme, mais on écrit soi-même UN GRAND ROMAN!

C'est pour quand?

Écrit par : giulio | 05/01/2010

La fonte des neiges... voyons voir.

Ça dépend. Je dirais en mai, pour faire sûr, comme on dit chez nous. Avant, c'est friquet pour les bouttes. :0)

Écrit par : Miléna | 05/01/2010

Superbe billet. Bien écrit, juste ce qu'il faut pour émouvoir, faire réfléchir, faire rire et sourire. Bref, tes mots m'ont vraiment émue de a à z.
merci pour tout ça.

Écrit par : Suzanne | 05/01/2010

@ Giulio: Hum, faut d'abord que je révise et que je travaille un peu l'affaire, suis plongée dans Grevisse, Bescherelle et petit robert... Y'a encore du boulot!
:-)

Écrit par : helenablue | 05/01/2010

@ Milena:

Mai pour faire sûr, Ok, alors j'attends ton billet dans ses eaux là! :-)

Écrit par : helenablue | 05/01/2010

@ Suzanne:

Tes mots me touchent et m'encouragent, merci à toi.

Écrit par : helenablue | 05/01/2010

Ca, Blue, c'est un très beau début pour un roman. Tu devrais l'écrire, si ce n'est déjà fait.

Bises.
L'oiseau

Écrit par : The Freebird | 06/01/2010

L'Arbre et sa présence tranquille...
Moi, j'ai un "ami" que je surnomme "Grand chêne"
présence tranquille pendant 15 ans, mais agité par un grand désordre intérieur en ce moment :-((
Le début de ton billet m'amuse... j'ai passé toutes mes vacances, tous mes dimanches d'enfance dans une vieille ferme que la famille rénovait...
Que de bons moments ;-))

Beau billet pour découvrir ton chez toi

Écrit par : Teb | 06/01/2010

@ Teb:

merci, et bienvenue ici...

Écrit par : helenablue | 07/01/2010

@ Freebird:

:-)

Écrit par : helenablue | 07/01/2010

Bien joué, ce texte ! Félicitations !
Si vous aimez découvrir autrement des lieux connus et inconnus, passez me voir (je suis venu via Maxime).

Écrit par : J F F GrandsLieux | 10/01/2010

Ok! J F F, je passe découvrir vos grands lieux inconnus...

Écrit par : helenablue | 11/01/2010

Les commentaires sont fermés.