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22/11/2009

le paradoxe amoureux

 

 

" Nous vivons sur deux mythes à la fois libertin et romantique de l'amour qui se cumulent et se bousculent dans nos esprits. Le premier nous commande de soumettre notre érotisme, le second de sombrer dans la pose de la déploration. Le fameux vers d'Aragon "Il n'y a pas d'amour heureux" pose sur toute expérience sentimentale le sceau de la malédiction. Or c'est l'inverse qu'il faut soutenir: il n'y a d'amour qu'heureux tant qu'il dure, même si les amants se quittent un jour. Il n'y a de l'harmonie, de la gaieté, un immense bien-être dans la vie à deux. Si toute passion était torturante ou impossible, comment expliquer que tant de gens, à peine sortis d'une histoire chaotique, rêvent de retomber sous la coupe d'un despote aussi envoûtant que dangereux? Qu'il y ait de la souffrance dans un couple est indéniable et la même personne qui m'a élevé dans la lumière peut d'un instant à l'autre me renverser de mon piédestal, me rejeter dans le néant. Mais l'amour n'est rien d'autre que l'état de douleur euphorique, intolérable autant que divine. Tel est son paradoxe: il est une angoisse génératrice et une jouissance, un servage merveilleux, un mal délectable dont la disparition nous accable. Même générateur d'affliction, cet état est souvent préférable au calme du coeur: notre chagrin nous plaît et il nous manquerait s'il venait à disparaître. La passion est peut-être vouée à l'infortune. C'est une infortune plus grande encore que de n'être jamais passionné."

- Pascal Bruckner