23/08/2009
Etroits sont les vaisseaux
" J'ai rêvé, l'autre soir, d'îles plus vertes que le songe... Et les navigateurs descendent au rivage en quête d'une eau bleue; ils voient - c'est le reflux - le lit refait des sables ruisselants: la mer arborescente y laisse, s'enlisant, ces pures empreintes capillaires, comme de grandes palmes suppliciées, de grandes filles extasiées, qu'elle couche en larmes dans leurs pagnes et dans leurs tresses dénouées."
" Et comme le sel est dans le blé, la mer en toi dans son principe, la chose en toi qui fut de mer, t'a fait ce goût de femme heureuse et qu'on approche... Et ton visage est renversé, ta bouche fruit à consommer, à fond de barque, dans la nuit. Libre mon souffle sur ta gorge, et la montée, de toutes parts, des nappes du désir, comme aux marées de la lune proche, lorsque la terre femelle s'ouvre à la mer salace et souple, ornée de bulles, jusqu'en ses mares, ses maremmes, et la mer haute dans l'herbage fait son bruit de noria, la nuit est pleine d'éclosions..."
" Etroits sont les vaisseaux, étroite l'alliance; et plus étroite ta mesure, ô corps fidèle de l'Amante...Et qu'est ce corps lui-même, qu'image et forme du navire? nacelle et nave, et nef votive, jusqu'en son ouverture médiane; instruit en forme de carène, et sur ses courbes façonné, ployant le double arceau d'ivoire au voeu des courbes nées de mer... Les assembleurs de coques, en tout temps, ont eu cette façon de lier la quille au jeu des couples et varangues."
- Saint-John Perse -
17:59 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : poésie, saint john perse, émotion, art