06/09/2009
dolorosa
Pendant vingt trois années passées à ses côtés je l'ai vu traverser multiples épreuves et maintes cruautés de l'existence solide et inventif. Plus jeune il avait réussi à surmonter le suicide de son frère de vingt ans par pendaison même si cela a marqué à vie toute la famille au coeur, il avait à sa manière fait face et tiré les enseignements d'un tel séisme. Il a toujours été là pour moi, une écoute active, un amour indéfectible une présence rassurante et encourageante, et une volonté tenace de me sortir de la fange psychique d'où je venais, il en fallait du courage et du sang froid pour affronter de telles horreurs de telles souffrances et nous y sommes arrivés sans doute par notre générosité réciproque et le sentiment fort qui nous animait et nous anime encore mais différemment. Voilà deux ans maintenant le chêne de cinquante quatre ans s'est écroulé terrassé par une dépression puissante et inattendue un véritable raz de marée pour lui pour moi pour nos fils. Diable que c'est difficile de voir un homme aimé se défaire devenir moins que l'ombre de lui-même, plus de mot plus de geste plus de souffle, un mort vivant grapillant le peu d'énergie possible pour se remettre à vivre. Des nuits à le prendre dans mes bras sans rien pouvoir faire d'autre livré à toutes les larmes de son corps, peut-être celles qu'il a retenues si longtemps, des jours dans le silence plombant et angoissant d'une incapacité à dire à formuler à toucher du doigt, le malaise la peur omniprésente les tremblements le corps qui lâche qui fond à vue d'oeil qui ne veut plus se lever ne veut plus bouger ne peut plus aimer, les pointes d'agression salvatrices signes d'un regain de vitalité mais criminelles dans la relation tranchantes blessantes incisives.
Deux années à lutter à tenter de comprendre à affronter la maladie tomber sept fois se relever huit, cette fichue maladie implacable et virulente si difficile pour ceux qui entourent qui aiment qui sont liés. Deux années qui marquent à jamais mais qui ont joué leur rôle celui de savoir et d'éprouver nos sentiments et notre désir l'un de l'autre notre propre parcours d'être humain. On est pas inviçible, ni plus fort que ni plus faible non plus on est souvent démuni et riche à la fois, paradoxal. L'amour la tendresse la présence de mes fils m'ont plus qu'aidés dans ce parcours du combattant, l'amitié aussi et Helenablue au plein coeur de la tourmente pour me reconnaître ne pas me perdre ne pas être emportée à mon tour, j'ai pu ainsi refabriquer une toile protectrice relationnelle tenue et invisible mais présente et importante pour moi, j'y ai fait des rencontres salvatrices, une en particulier, et j'ai pu ainsi doucement reconstruire un espace de vie dans cette ambiance mortifère qui m'a permise d'être aidante aimante et présente pouvant à loisir exprimer mes peurs mes doutes mes espoirs mes rêves aussi, pouvant nourrir ma volonté parfois mis à mal à force de douleur et préserver un équilibre pour mes enfants et ainsi ne pas perdre pied.
On ne sort pas indemne d'une telle expérience de vie, la relation en prend un coup, un sacré coup même et il faut sans aucun doute beaucoup d'imagination de créativité de volonté et d'amour pour restaurer le lien. Rien n'est impossible en soi si ce n'est qu'on ne commande pas toujours tout on est faillible sensible et pour peu que l'on soit sincère et attaché à cette sincérité la plus prés possible de son ressenti, on souffre. La vie parait bien injuste et bien cruelle aussi pourtant elle reste à mon sens à vivre, au mieux au plus prés et s'il faut courage et empathie humilité à fortes doses parfois si la légèreté nous quitte il y a toujours un possible et une ressource en soi cet inaliénable volonté d'être et d'aimer.
18:03 | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : état d'âme, tranche de vie, humain
Commentaires
Tu as raison, Blue, rien n'est impossible et je sais que tu y parviendras. Oui, tu y parviendras.
Bises
L'oiseau
Écrit par : Bluebird | 06/09/2009
C'est beau votre texte. Éblouissant de douleur et de saveur et d'espoir.
Écrit par : Une femme libre | 06/09/2009
émouvant est un mot faible. c'est beau du courage de chaque jour et merci de le partager sur le net. cela aide a avancer . voila une belle utilité des blogs et je retiens parmi quelque uns votre blog ( de la part 1 autre blogueur vuedumonde)
Écrit par : xavier de couesbouc | 06/09/2009
J'ai été très touchée par ce texte...Les femmes ont de ressources incroyables pour surmonter les épreuves de la vie, courage à toi...
Écrit par : Rénica | 06/09/2009
Je t'offre ce texte que j'ais écris pour mon Frère jumeau qui souffre depuis 10 ans de la sclérose en plaque...
C'est un méssage d'éspoir pour tout ceux qui souffre...
Tite Isa..très affectueusement & très très emue & touchée par ton texte
SLEROCE...de L'ébauche Sanguine 08
Près de ma chair
Que les jours soient obscurs
Ou Clairs,
Dans mon cerveau tu passes.
Ce n'est pas juste
Quoi que l'on dise , ou fasse
Mais c'est là
Fait partie de toi.
Nous ne vivons pas tes douleurs
Mais comme je ressens tes pleurs,
Mentalement seulement
Ce n'est que si peu suffisant!
La vie est loin d'être une jolie prose
Comme j'en prendrais volontiers de cette Sclérose
Qui fait tomber comme attaque,
C'est bien pire qu'une vilaine claque,
J'en boufferais à me rassasier
Si je pouvais te soulager.
La vie n'esy pas une douce promenade
Surtout pour le destin des gens malades.
Quand les jours ne sont plus vivables
Quand une canne , un fauteuil ne serait être acceptable.
à trente ans , on veut courir après ses enfants
Ou comme tout les autres , travailler à pleins temps.
Même si le corps et l'esprit ont tellement souffert
Par les poussées , les piqûres , les séjours enfermé
Garder le sourire , l'espoir
Ne pas s'éffondrer face à son miroir
Meme ligoter à soi-même
Dans sa vie habituelle.
Ne pas penser que tout est cruel
Mais déchaîner ses peines
S'éxalter, ne pas s'enterrer
Pour qu'un peu tu te libères
Pour une heure, un jour, un mois
Désuni de la maladie.
Tu as tout à vivre
Tu n'as rien à rendre
Tu as tout le temps pour surprendre...
Ta lutte et ta tristesse parfois
Demeurent sourdes et invisibles
Mais tu nes qu'un homme
Et pas invincible.
Garde toute ta raison d'être
Envahis toi de courage
Exauces ton amour
Ta lumière veut reluire
Toon coeur t'appelle à veiller
Sur toi, TOI,
Si mirifique et clément
Et faire scintiller ton âme.
Dans mes liens Duke..poème dans sa colone de droite ...qui y restera...
on souffre tous de ce malheur de la maladie...c'est térrible..je le sais aussi,
J'ai écrit ce texte pour lui tu vois..et la même année...l'année dernière en Avril
partait mo meilleur amiamour d'enfance..à 36 ans..d'une maladie orpheline...incurrable..térrible...en 6 mois il était mort.c'étais Lilian..j'ai écrit tellement sur lui...
Et je dois vivre avec ça..tous les jours...je sais éxactement se que tu ressens..
Très très émue ce soir...Tendrement...écrit moi à la maison stp.
Écrit par : IsaBercée | 06/09/2009
Comment ne pas être touchée par ce que tu as la simplicité de nous partager ici?
Tu es une femme courageuse
Tu es une bonne personne
Merci d'être toi...
Courage à toi
Écrit par : Coumarine | 06/09/2009
En plein dans l'oeil du cyclone on ne peut pas voir que la tourmente ouvre le chemin d'une vie nouvelle, d'une nouvelle conscience. "Opening Night". L'image que tu as choisie, cette ellipse signifie-t-elle la douleur pour toi ? cet enfermement dans le cercle vicieux de la dépression ? Hors cette image est aussi le symbole chez Yung du processus d'individuation : c'est l'image du soi réalisé, équilibré. Lorsque j'étais enfermée dans la dépression mon psychiatre m'a appris petit à petit à aprivoiser ma "maladie", à la percevoir comme une "chance" de m'ouvrir à une autre personne en moi qui "réclame" qui lutte, qui veut VIVRE.
Écrit par : carole | 06/09/2009
"ça, j'ai connu ; cette saleté de dépression, je l'ai vécue, et je l'ai vue vivre autour de moi ; poison sulfureux qui répand son venin, brise et ravage....j'ai passé des mois, des nuits, près d'un ami qui avait heureusement réussi à se rater, qu'il a même fallu hospitaliser plusieurs fois, je me souviens de cette douleur, et de toute l'énergie qu'il nous a fallu, à nous tous qui l'aimions, pour le rehisser debout, en homme libre.....épuisement et douleur, longues insomnies nourries d'angoisse, à craindre la sonnerie du téléphone nous annonçant une autre tentative....rattrapé sur le fil du rasoir, l'ami, pan dans la gueule de la mort, qu'elle aille croquer plus loin ! j'entends son rire encore dans ma vie désormais, on finit bien par sortir de tous les tunnels....surtout ne jamais se dire qu'on n'a pas su, pas fait assez, pas fait bien, quand ça foire...c'est une maladie sauvage, et personne n'est en cause, sinon l'obscure biochimie du cerveau ! et quand ça marche, que " l'autre" revit, on reste longtemps tremblant de frayeur, on met du temps avant de pouvoir se tranquilliser ; deux ans, la durée normale du passage en enfer. La durée normale de cette saloperie. Reprends ton souffle !
Bon courage Blue, je t'embrasse. "
Écrit par : anne des ocreries | 06/09/2009
Que de douleurs et de drames tout de même dans votre vie. Et pourtant, cette vie, vous continuez à l'aimer. Si ce site et ses lecteurs peuvent vous aider, j'en suis heureux. D'un autre côté vous nous donnez une belle leçon de courage. Merci à vous.
Écrit par : Feuilly | 07/09/2009
La dépression est aussi un drôle de mystère de l'humain. Comment soigner, guérir l'être blessé ? L'aider, oui, et vous aidez cet homme aimé, par cet amour et votre présence aimante. Une rassurance forcément, invisible peut-être, mais le cheùin se pârcourt aussi dans l'ombre avant que d'être à la lumière. Rien jamais ne sera inutile et vous le savez bien;
Écrit par : briigtte giraud | 07/09/2009
[...]
Écrit par : Chr. Borhen | 07/09/2009
@ Isa : Douce, je t'aime ... Tu es présente et amie et dans mon coeur, prends soin de toi de tes enfants, nous sommes là l'une pour l'autre.
Avec toute mon amitié.
Hélèna, Blue, et toute moi.
Écrit par : helenablue | 07/09/2009
@ Carole: L'ellipse là est à double message, la douleur pour moi, oui, me suis sentie disparaître, anéantie et insignifiante voir même coupable de ce que je le voyais vivre, ce qu'il vivait. La dépression est un cercle infernal tant qu'on ne l'accepte pas à dire vrai comme la névrose sauf que la névrose est un aménagement et la dépression un déménagement! Mais oui, renaissance à soi même, la dépression est avant tout un plan de sauvegarde de sa personnalité! Alors que la névrose est une adaptabilité bien destructrice parfois.
Néanmoins je dois dire que tout cela n'est que souffrance, qu'avec le recul on puisse en faire du plus du positif, je suis la première à m'inscrire mais je reste dans cette espectative qu'il est possible de faire autrement...
Toute souffrance n'est pas bonne à vivre.
Écrit par : helenablue | 07/09/2009
@ Brigitte Giraud: A dire vrai, je n'en suis pas si sure, parfois voyez vous il vaudrait mieux ne rien faire et ne rien dire!
J'ai perdu dans ma vie beaucoup d'occasion de me taire...
Écrit par : helenablue | 07/09/2009
C'est un très beau texte, difficile à parler de ces choses là. Vous écrivez très bien.
Je suis assez d'accord avec vous. Toute souffrance n'est pas bonne à vivre. La dépression a ses cruautés, elle convie quelquefois sans raison la culpabilité
Puissiez vous, vous préserver aussi du mieux que vous pouvez... Ce sera encore une façon; peut être d'aider l'autre "au + près"... Puisque ce- "au plus près"- existe... Et qu'il est assez rare.
J'aimerais tant vous encourager.
Écrit par : frasby | 08/09/2009
Héléna, tu as raison ! La souffrance n'est pas bonne en soi... S'efforcer d'être heureux.... Quand on ne peut pas ??? trouver des moyens, chercher, avancer. .. J'ai vécu la dépression sous toutes ses formes, celle de ma mère, la mienne, celle de mon ex-mari, celle de ma seour aujourd'hui. et je n'en peux plus ! vraiment... J'ai décidé que je ne pouvais rien faire pour les autres, sinon être heureuse moi-même. J'ai beaucoup parlé moi aussi dans certaines circonstances, et je me suis épuisée.... Alors : se préserver, se préserver, se préserver de la culpabilité d'abord ! .....Chacun fait pour soi même son propre bonheur ou son propre malheur, j'en suis convaincue. Partager mon expérience c'est tout ce que je peux faire ici ... Courage ? non pas courage ... le courage implique une tension une volonté : je dirais plutôt : RESPIRE !
Écrit par : carole | 08/09/2009
Avant qu’il ne passe a l’acte mon cher frère avait dit qu’il le ferai pour nous ce qu’il aimait. Il a sauté ,sa vie c’est arrêtée, sa douleur, son malaise, le malaise de ne pas avoir été assez aimé. Perdre un frère puiné c’est dur , le souvenir reste dans la relation , relation totalement implicite presque surnaturelle ou les mots n’ont pas de place, le regard le geste le fluide , relation de toi et moi , toi t’es plus la moi je suis un peu toi toujours la , mais la relation n’est plus ….. Philippe j’ai juste oublié de te dire que ce que je suis c’est un peu toi et toi un peu moi , je ne sauterai pas pour toi et moi, mais j’ai tellement sentit ta douleur. Douleur d’enfance ,l’enfant que l’on retire a sa mère ,des larmes sèches coulent dans nos âmes.
Au fond d’une classe un grand au épaule d’Yves Montant, le geste maladroit mais très organisé me racontait qu’il venait d’être reforme après le suicide de son frère .
On a passé une année et demi ensemble a découvrir les petites allées de traverse qui font le jardin de la vie , il m’a beaucoup appris , j’espére lu avoir appris !et fait decouvrir quelques coins d’un jardin .
Le jour ou il reprendra les pinceaux, la plume ,pas la truelle (c’est un faux fuyant !) le burin ,le chalumeau……la pression qu’il aura fera fuir la dépression… ah ah
Je le connais le bougre ! beaucoup de choses a exprimer, allez prends les outils et caresse l’image ou le galbe , fait une expo , les gens vont t’expliquer qui tu es , et la depression se degonflera…..
Easy to say ,hard to…. well I did it , it works, and extremely easy…
Grosse amitié a vous deux.
PS ; je demande indulgence pour mon orthographe, la rectitude n’est pas mon fort. La personne qui m’a élévé, Hamed, pour me dire ; rv attaches tes lacets ,me disais « tache ton cordon » depuis j’ai eu du mal a mettre un pied devant l’autre.
Écrit par : RV | 09/09/2009
Oui RV, ce jour où il reprendra les pinceaux, burin ou chalumeau il en aura des choses à exprimer, tu le connais bien... Facile à dire, difficile à faire sans doute il faut franchir le rubicond et se permettre, une fois la première étape franchie, le reste coule et vient de source, n'est ce pas, avec du travail bien sûr mais une telle joie à l'arrivée!
La douleur de la perte d'un être aimé comme un frère, je ne la connais pas, n'ai jamais eu à l'éprouver, mais je peux m'en approcher à te lire.
Merci pour tes mots, et ne t'inquiètes pas pour l'orthographe, Hamed t'a enseigné d'autres choses importantes et tu t'en sors pas si mal avec la marche, pour la danse, là, encore quelques progrès à faire! :-)
Je t'embrasse fort.
Amitiés.
LNA
Écrit par : helenablue | 09/09/2009
Je voudrais te dire tellement de choses à propos de ce texte troublant et si beau...
Je pense que la dépression est ancrée au fond de nous, tapie, prête à se réveiller à n'importe quel moment, sous l'effet d'une poussée imprévisible.
Et que vivre à côté, tu le sais, est un fardeau aussi dur à porter.
Car quelque soit le poids du fardeau, je pense qu'on est toujours seul à le porter, l'autre peut avoir l'impression de l'alléger mais ce n'est qu'une impression !
Il faut beaucoup de force pour continuer à tendre la main ...pour comme tu le dis "ne pas être emportée à son tour"
Il a de la chance d'avoir une Helena à ses côtés.
Amicalement !
Écrit par : Saravati | 10/09/2009
Comme la chute des êtres entraîne parfois l'effondrement des mondes... S'en relever, je ne sais si c'est force ou amour, c'est quelque chose sans doute qui brûle et refuse de s'éteindre, envers et contre les signes ténébreux.
Etre seul dans ces moments d'extrême faiblesse, c'est l'épreuve ultime, celle dont on décide parfois de ne plus se relever, où l'on abandonne en s'abandonnant soi-même. C'est la présence de l'autre qui rend la résistance possible : elle lui donne raison d'être.
Il y a tant de défis qu'on ne relèverait jamais pour soi seul. Il suffit que ce soit aussi pour quelqu'un d'autre, cet "aussi" peut être le souffle de plus, celui qu'il fallait pour continuer de respirer.
Écrit par : Bifane | 10/09/2009
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