31/01/2011
VILLONELLE
Dis-moi quelle fut la chanson
Que chantaient les belles sirènes
Pour faire pencher des trirèmes
Les Grecs qui lâchaient l'aviron
Achille qui prit Troie, dit-on,
Dans un cheval bourré de son
Achille fut grand capitaine
Or, il fut pris par des chansons
Que chantaient des vierges hellènes
Dis-moi, Vénus, je t'en supplie
Ce qu'était cette mélodie.
Un prisonnier dans sa prison
En fit une en Tripolitaine
Et si belle que sans rançon
On le rendit à sa marraine
Qui pleurait contre la cloison.
Nausicaa' à la fontaine
Pénélope en tissant la laine
Zeuxis peignant sur les maisons
Ont chanté la faridondaine !...
Et les chansons des échansons?
Échos d'échos des longues plaines
Et les chansons des émigrants !
Où sont les refrains d'autres temps
Que l'on a chantés tant et tant?
Où sont les filles aux belles dents
Qui l'amour par les chants retiennent?
Et mes chansons? qu'il m'en souvienne !
- Max Jacob - Laboratoire central -
17:25 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : poésie, peinture, mythologie, surréalisme, art, tiroirs, humain
Commentaires
Superbe ! je devrais relire Max Jacob, tiens.
Écrit par : anne des ocreries | 01/02/2011
J'ai beaucoup de plaisir à le découvrir...
Écrit par : helenablue | 01/02/2011
Echos d' échos, ce poème et ces sirènes, beige sacripant s' attachant à la rame, c' est faire une queue de poisson au destin que cette scène !
Écrit par : Versus | 01/02/2011
:-), joliment dit et subtile analyse!
Écrit par : helenablue | 02/02/2011
C'est un très beau pastiche de "Ballade des dames du temps jadis" de Villon.
Tout le poème de Max Jacob est traversé aussi par un dense intertexte chargé de références à l'univers mythologique de l'Iliade et l'Odysée d'Homère.
J'aime bien ces poèmes si culturels; ça pousse à la lecture ou relecture des incontournables de la littérature, même si ça semble quelque part un peu hermétique ou accessible pour seulement une minorité. Et pourquoi pas un nivellement par le haut?
C'est ce que tu fais toujours, Hélènablue; merci!
Écrit par : Mokhtar EL Amraoui | 02/02/2011
Je préfère nettement un nivellement par le haut, j'avoue, même si cela paraît paradoxal!, n'est-ce-pas! On ne peut que monter davantage et toujours apprendre et contempler les richesses du monde et leurs pluralités, s'enrichir ainsi me paraît sans limite, au contraire...
J'aime beaucoup ces poèmes aussi.
Écrit par : helenablue | 02/02/2011
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