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06/02/2011

La plus drôle des créatures

  •  
    • Comme le scorpion, mon frère,
    • Tu es comme le scorpion
    • Dans une nuit d’épouvante.
  •  
    • Comme le moineau, mon frère,
    • Tu es comme le moineau
    • Dans ses menues inquiétudes.
  •  
    • Comme la moule, mon frère,
    • Tu es comme la moule
    • Enfermée et tranquille.
  •  
    • Tu es terrible, mon frère,
    • Comme la bouche d’un volcan éteint.
  •  
    • Et tu n’es pas un, hélas,
    • Tu n’es pas cinq,
    • Tu es des millions.
  •  
    • Tu es comme le mouton, mon frère,
    • Quand le bourreau habillé de ta peau
    • Quand le bourreau lève son bâton
    • Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
    • Et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.
  •  
    • Tu es la plus drôle des créatures, en somme,
    • Plus drôle que le poisson
    • Qui vit dans la mer sans savoir la mer.
  •  
    • Et s’il y a tant de misère sur terre
    • C’est grâce à toi, mon frère,
    • Si nous sommes affamés, épuisés,
    • Si nous somme écorchés jusqu’au sang,
    • Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
    • Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non
    • Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.
  •  
    • Nazim HIKMET, 1948.


Commentaires

Pour entendre ce poème dit par Montand, il suffit de cliquer dans le titre au milieu de la note ou alors ici:

http://www.ybruant.magic.fr/Mon_frere.MP3

Écrit par : helenablue | 06/02/2011

Nazim Hikmet le magnifique, martyre d'un communisme qui incarna tous les espoirs avant de tous les décevoir, héros qui lutta pour des lendemains qui chantent et qui eut l'heur de partir avant qu'ils ne déchantent, mais qui, poète lucide, vit déjà où le bât blessait chez l'homme, son frère, que seul son pré carré peut écarter un moment du chemin de l'abattoir, inéluctable! Oui "Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non,
Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.

Écrit par : giulio | 06/02/2011

C'est l'un des poèmes les plus beaux de Nazim Hikmet. Il y présente l'homme avec sa force et ses faiblesses, son héroïsme et ses peurs. J'aime son humanisme à la dimension réaliste de toutes les facettes de l'humain réservant aussi bien le meilleur que le pire;c'est ce qui fait notre drôlerie, loin de tout idéalisme béat!
Je vous conseille de lire son très beau roman qui s'intitule" Les Romantiques".
Merci , Hélènablue, pour le choix de ce sublime tableau de Salvador Dali, les métamorphoses de Narcisse étant les nôtres.
Merci Yves Montand, pour cette sublime lecture grâce à laquelle tu es toujours vivant, auprès de nous et dans nos coeurs!

Écrit par : Mokhtar EL Amraoui | 06/02/2011

On est tous si fragiles et si forts, si friables et si consistants, on ne mesure pas nos ressources, on vit tellement souvent en deçà et on a plus que tort!
Faut dire que faire face à ses peurs, ses résistances, ses angoisses... pouvoir les nommer, pouvoir les sublimer, pouvoir les transformer dans ne autre matière n'est pas à la portée de tous! Ce en quoi je crois qu'il est de notre responsabilité et de notre charisme et de notre vie d'exprimer nos talents et de les mettre au service humblement d'autrui.
La pire des prisons est nous-mêmes.
A nous de déjouer nos propres ennemis, à nous d'expérimenter sur nous l'art de la guerre, pas facile à dire vrai de s'affronter soi-même!

Écrit par : helenablue | 07/02/2011

Fabuleux. Ce poème est si fort.

Écrit par : anne des ocreries | 07/02/2011

Les commentaires sont fermés.