05/01/2012
Brève sémiologie du vêtement
Jalel El Gharbi offre à notre réflexion aujourd'hui ce texte sur la communication au travers du vêtement et plus spécialement du niquab:
" Le propre du vêtement n'est pas de couvrir la nudité, mais de la sublimer. Les parties du corps ne sont plus que leur galbe ou des formes géométriques. Réduire le vêtement à un voile, c'est réduire e corps à ses parties honteuses. Un vêtement n'est pas un cache-sexe, encore qu'il existe de beaux ous-vêtments. le propre du vêtement est d'être doté d'un coefficient beauté, d'être une touche personelle, de cacher mais également de laisser voir. le vêtment est métaphorique: corolle comme pour une fleur, plis comme pour une rose. Il laisse voir un mollet, un bras, la naissance d'une poitrine qu'il donne pour un tout. la mini-jupe couvre plus que le voile. la mini-jupe suggère que les jambes se prolongent indéfiniment, le niquab laisse voir une nudité couverte. En cela, je trouve que rien n'est plus impudique que le niquab."
Le niquab me paraît une abérration et j'ai du mal à comprendre qu'on puisse imposer cela aux femmes. D'autant qu'il est parfaitement à l'opposé de ce que préconise à longueur de journée au travers du métier que j'exerce. Celles qui décident d'elles-mêmes de se protéger du monde ainsi sont pour moi une sorte d'énigme. Tout comme Jalel le dit au début de son texte, je pense le vêtement comme outil de sublimation mais pas uniquement. Le vêtement est pour moi un moyen d'exprimer sa personnalité, un moyen d'entrer en contact avec le monde. Il protège bien sûr, du froid, de la pluie, du soleil, dans son aspect le plus pragmatique, mais au-delà de cela il permet à chaque individu de créer son style et de donner à voir une partie de ce qu'il est, de suggérer, de séduire aussi. Le niquab me fait peur. Je ne sais si c'est l'impudeur qu'il inspire qui me met mal à l'aise ou si c'est la négation par le corps de ce que peut-être un individu dans toute sa splendeur et son unicité, en l'occurence, là, une femme! Il me semble être une invention rétrograde, anhilante et sans humanité. Pour moi, il est l'anti-thèse totale de ce que peut être un vêtement, il empêche d'exister.
16:12 Publié dans réflexion | Lien permanent | Commentaires (42) | Tags : réflexion, vêtement, niquab, jalel el gharbi, blog, mode, partage, humain
Commentaires
Plus qu'impudique, je le trouve très... impudent.
Écrit par : ArD | 05/01/2012
la sémio ne tique pas , ouf !
Écrit par : cactus | 05/01/2012
Je souffre quand je vois une femme voilée! C'est comme si, en plus qu'elle soit brimée par par toutes sortes d'images à l'emporte pièce, la voilà qu'elle s'enlaidit avec du noir trop triste! Si la mode n'existait pas, ce n'est pas de la sorte qu'elle serait inventée et la poèsie n'aurait pas existé non plus! Et ce n'est pas Mokhtar qui me contredirait non plus!
Écrit par : bizak | 05/01/2012
Je souffre moi aussi mais peuvent-elles faire autrement?
C'est sûr, si la mode n'existait pas, ce n'est pas ainsi qu'elle verrait le jour! Mais la mode existe pour le plus grand bonheur des femmes, des hommes et des poètes...
Écrit par : helenablue | 05/01/2012
@ ArD:
Impudent, en effet! C'est faire offense à la beauté!
Écrit par : helenablue | 05/01/2012
@ Cactus:
Et qu'est-ce que le niquab vous inspire?
Écrit par : helenablue | 05/01/2012
Pire que cela ! Je le ressens comme une insolence à mon égard, un interdit que l'on m'impose, l'interdit d'entrer en regard avec l'autre, l'obligation de ne pas considérer l'autre. Je trouve cela très violent et trouve qu'on n'aborde pas suffisamment le niquab sous cet angle : je me fiche de savoir qui est dessous, en tous cas, moi, je suis là !
Écrit par : ArD | 05/01/2012
perso en tant qu'ancien prof j'ai vu mes jeunes en arrivant au lycée mettre la mini jupe en cachette dans les WC , fumer en cachette , flirter en cachette et me supllier de ne rien dire à leur père à la réunion parents-profs , participé à ce qu'on empèche une fille d'être mariée de force au pays , alors je trouve ça aussi triste que le père qui tabassait devant un prof sa fille car le prof lui avouait ce que je viens de vous dire ! perso alors j'avais déjà choisi mon chemin à moi , le non niquab et aujourd'hui je trouve dégueulasse que les femmes qui ont cru en Afgha au non retour des talibans de merde soient abandonnées ainsi par nos démocrachies à nous ! ( là sur mon blog je vais dénoncer l'attitude de Canal plus avec preuves à l'appui qui ont décidé de ridiculiser Hollande , Bayrou , Mélenchon et non Sirko et Marine : alors démocrachie de merde ! perso je repars pour un tour lutter à mon âge avancé ( 71 ans ) pour nos jeunes mais j'ai peu d'espoir : combien ce soir vont regarder la grande librairie sur FR5 ! excusez mon énervement apparent mais quand on lit que chez certains la révolution sera pour eux d'agir en votant Marine , comprenez moi ! ) désolé pour les fautes de petite frappe éventuelles mais je préfère ne pas relire ces horreurs si réelles !
Écrit par : cactus | 05/01/2012
Ok Cactus, votre énervement est légitime et fait preuve d'une grande émotivité. En tant qu'ancien prof vous en avez vu des vertes et des pas mûres, plus que moi sans doute concernant la jeunesse. Je n'ai d'expérience que celle que je côtoie, mes enfants, leurs amis et quelques autres que je soutiens comme je peux au travers d'échanges bénévoles. Vous savez, aucun combat pour plus de justice, plus de respect, plus d'expression, plus d'humanité, plus d'ouverture n'est vain. Ne croyez pas que ça soit perdu d'avance, au contraire, je suis la première surprise parfois de l'appétit de sens que la jeunesse demande. L'appétit de justice, l'appétit d'espérance dans une société meilleure.
Marine! J'ai dans mon jeune âge approché de près la famille Le Pen, je ne m'en vante pas, j'y ai été obligée par les convictions familiales de mon père et ma mère qui ne déroge pas de cette appartenance au front national: travail, famille, patrie! Aïe! Marine est bien plus dangereuse que son père, elle est jeune, efficace, femme, et bien plus manipulatrice! Elle a été à bonne école mais lui avait ce côté vieille branche qui n'enthousiasmait pas la jeunesse!
Ce qui me paraît intéressant c'est ce besoin de modèle, ce besoin qu'ont les individus et c'est normal, jeunes, de voir incarner leurs valeurs. Si pour eux la révolution c'est Marine, c'est qu'ils ont besoin de repères forts et archaïques, c'est qu'ils ne sont pas prêts à s'aventurer, à prendre des risques, l'avantage pourtant de la jeunesse!
Pourquoi?
Pourquoi personne n'arrive à insuffler à cette énergie émergente plus d'humanité, pourquoi n'arrive-t-on pas à leur faire comprendre que la voie c'est le partage, l'écoute, l'acceptation de l'autre dans sa différence, le droit à l'expression, la quête de liberté plutôt que ces carcans tous préparés à l'aliénation de l'individu!
J'ai de l'espoir, faut pas baisser les bras, les extrêmes sont souvent choisis quand le repères manquent, quand la confiance fait défaut, quand l'avenir semble bouché, quand il n'y a plus d'espoir!
71 ans, âge avancé vous dîtes, je ne trouve pas. Age oui. Un apanage. L'expérience est toujours à double tranchant, comment en faire profiter l'autre sans paraïtre trop docte, trop certain. Comment arriver avec ce que l'on sait à se mettre en situation de ne pas savoir, comment permettre au plus jeune en face de nous de nous apprendre et d'ainsi trouver sa place et d'ainsi nourrir un possible?
Je vous comprends. Et j'ai juste envie de vous dire que cette énergie que vous êtes prêt à déployer n'est pas vaine, juste, posez-vous et mesurez, entendez ce qui se dit sans qu'on vous dise. Les appels au secours sont toujours déguisés!
On vit tellement dans une société de paraître, qu'être semble suspect! Pourtant j'y crois et du haut de mes presque 47 ans, je travaille comme je peux à fabriquer ou au moins à défendre ce monde que je souhaite pour nous tous.
Écrit par : helenablue | 05/01/2012
@ ArtD:
C'est vrai, je n'ai pas pensé à cette façon d'aborder la chose. Au fond vous vous sentez agressé de ne pouvoir savoir à qui vous avez à faire, de ne pouvoir entrer en contact. Le niquab, c'est vous qu'il enferme!
Pourtant, je ne peux m'empêcher , pardonnez-moi, de me permettre de vous dire, que vous avez la chance d'avoir ce sentiment de vous appartenir à ce point où l'autre enfermé sous son étoffe vous semble vous agresser!
Je n'ai pas cette réaction, et même si j'aimerais croiser le regard de la personne en face de moi, ma frustration passe en deçà de l'idée que je me fais du carcan dans lequel cet être humain est engoncé.
Écrit par : helenablue | 05/01/2012
merci de cette longue réponse !
Écrit par : cactus | 05/01/2012
Ce sont des recluses!
Voir le travail de cet ami sculpteur,
http://www.jeansuzanne.com/Jean%20Suzanne/html/Sculptures%20%20Les%20recluses2.htm
Et plus précisément, ce que l' art donne à voir et à penser, sans discours inutile.
http://www.jeansuzanne.com/Jean%20Suzanne/Popup/S%20806-pop.jpg
Écrit par : Versus | 05/01/2012
Moi ce qui me tracasse au sujet de ces vêtements c'est la manipulation du corps féminin qui remplit toujours une fonction politique, idéologique, religieuse. Qu'il soit à l'extrême voilé ou dévoilé sur des panneau en 4x3 dans les rues c'est aussi choquant et affligeant.
La femme est une conquête comme une terre, une soumission ou un bouclier, elle est utile à asseoir des principes et des prétextes à la guerre. On défend nos femmes en les enterrant, tu parles d'un principe cosmique ! autant baiser profondément mère nature.
Le pire étant de parvenir jusqu'au cerveau de celles qui y adhèrent par choix ou conviction. Les barrières du cerveau, l'acceptation de la différence c'est un sacré boulot au quotidien ça, Héléna a bien raison de se lever tous les matins... Accepter la différence, accepter d'être différent, c'est aussi choisir de porter un vêtement qui colle à sa peau.
Je repense à l'experience de cette amie qui est créatrice de vêtement et performer, elle a porté pendant un mois une sorte de burqa . La plupart de ces amis n'ont pas bien compris le pourquoi de l'affaire, moi j'ai trouvé ça plutôt fascinant, de s'essayer à ressentir ce que ça provoque dans le corps et dans la tête que d'être voilé de la tête au pieds.
Elle ne faisait pas ça par conviction religieuse mais artistique, c'est ça qui a pû paraître choquant. Elle raconte sa mise sous voile volontaire, et ce n'est pas fait inintéressant.
Un voile, un certain moi de Juin
Écrit par : Laure K. | 06/01/2012
http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/info/Les-dossiers-de-la-redaction/burqa-debat-occident-avril-2010/p-7250-Entretien-avec-Berengere-Lefranc.htm
Écrit par : Laure K. | 06/01/2012
Je suis né étranger, dans un pays musulman, le voile dévoile l’érotisme arabe! en traversant l’Algérie j'ai découvert avec étonnement le voile en dentelle qui rappelle le foulard des danseuses du ventre !
L'autre jour a l’aéroport une famille passait lui tunique blanche très ample des clap clap au pied d'une décontraction totale , derrière un chariot une enveloppe de tissu laissant apparaitre l’œil et son regard !
Dans mon enfance j'entendais dire que les princes dont les palais brillaient d'or venaient au Maroc pour déflorer des vierges !
Le voile est toujours au service de l'homme !
La femme se dévoile dans les harems!
Je n'ai jamais compris qu'un groupe d’extrémistes n'entre pas voilé dans une banque pour mettre un terme a cette polémique !
Écrit par : rv | 06/01/2012
@Laure K
J' ai lu vos informations avec un très grand et très vif intérêt.
Mettre le voile, prendre le voile, toutes voiles dehors! La sémantique du voile est assez riche dans notre langue déjà en ce qu' elle révèle des attitudes et des pratiques connues.
Quelques remarques en ce qui concerne l' attitude qui se dit "esthétique".
D' abord le choix de l' exotisme du voile à l'étranger, comme un mauvais tableau néo colonialiste. Vous savez,ces peintres que l' on nommait " orientalistes".
Déjà là, il y a débat.
Même si et surtout l' argument du voile présent dans notre vie quotidienne est un prétexte, vu son exception.
Dans le champs esthétique de cette artiste, puisqu' elle agit en artiste selon ses dire, il me semble qu' il s' y joue une terrible facticité( et en cela il faut mettre cette action voile dans le contexte des exhibitions de cette artiste).
On a vraiment l' impression d' un "art toy", d' un art charismatique, un art d' incantation. Une perversité jouissive d' une vision bobo occidentale, même si elle s' en défend, mais sans trop d' argument.
L' enfermement qui est évoqué dans son discours, qui lui, fait montre d' une sociologie des sentiments peu fiable car peu transmissible, montre une œuvre inachevée, une non œuvre.
Mettre une burqa pour constater la différence de...il suffit de lire Sartre par exemple et son analyse de la sensation de mettre des vêtements neufs et ce que cela induit de l' extériorité à soi, de l' étrangeté, de l' étranger.
Voilà ce que j' en attend, une mise à distance qui renvoie mon expérience, notre expérience, à l' autre et non pas une performance autistique, même si elle est médiatisé, dans le droit fil du narcissisme " art contemporain".
Bien à vous.
Écrit par : VERSUS | 06/01/2012
@Versus
je vous lis avec attention car l'idée était de poursuivre le débat. "Une experience autistique" me semble assez bien vu, oui. La plupart des "amis" ont trouvé sa démarche ridicule, narcissique et non assumée, à cause de l'évidente connotation idéologique et religieuse avec la burqa. Il se peut oui, que sa démarche soit dans cette sorte de travers bobo-artistique-parisien-autistique.
Se pose alors aussi, la question de la légitimité de l'art,non ?
"La Littérature n'a rien à voir avec la morale", j'ai lu ce matin chez Manouche, qui évoquait La Lolita de Nabokov... c'est un grand écart avec le sujet du jour, j'en conviens. Pas de morale, pourrait-on le lui reprocher...
Peut être ce qui est dérangeant dans cette démarche c'est la position de l'artiste à vouloir expérimenter le port d'un voile intégral "au nom de soi" uniquement, et de ne pas réaliser par la suite cette distanciation et une prise de conscience autrement dite que sa propre "perversité jouissive" ou souffrance jouissive.
Je comprends et j'entends ces arguments-là, je les trouve tout à fait recevables. Mais a-t-on déjà entendu ce que pensaient les femmes musulmanes "obligées" à porter la burqa ou le niqab? comment-elles le vivent dans leur corps, dans leur tête ? ...
Dans l'expérimentation de cette plasticienne, il y a peut être une part d'auto-mutilation bien inutile à vos yeux mais peut-être aussi une volonté de dévoiler la souffrance qui est tue. Exprimer ce que d'autres femmes ne peuvent simplement pas dire. Si ces mots de femmes voilées existent ailleurs alors je suis tout à fait curieuse de les lire ou de les entendre.
Vous citez Sarte,hmm... pas très enclin à arborer le voile lui... il me faudrait lire ce passage, pourriez vous le trouver ? ça m'intéresse.
Bérengère Lefranc, elle, interroge son corps dans, oui, une souffrance volontaire , comme le fait la plasticienne Orlan depuis les années 60.
Je note qu'il est quand même encore assez fréquent, que lorsque une femme évoque de quelques manières que ce soit son rapport au corps, on la balance un peu trop vite sur le bûcher des vanités... je suis engagée de ce côté. Je n'ai pas choisit mon sexe, sinon je me serais payé la Pléiade de Sartre depuis l'adolescence. Maintenant que je m'y suis à peu prêt accoutumée, permettez que je le défende.
Écrit par : Laure K. | 06/01/2012
@Laure K
Je partage votre questionnement sur le rapport sexe/corps, une des constantes de la réflexion des atistes du XXème siècle. Les travaux de Gina Pane, pionnière dans ce domaine sont là, entre autres, comme un incontournable témoignage.
Mais malgré toutes ses explications notre artiste ne pourra jamais être à la place d' une porteuse de burqa et cela dans ses multiples et complexes motivations et soumissions(sociales, religieuse,tribales, etc..etc..).
Elle me parait plus convaincante dans ses batailles de torchons mouillés. Car on y voit le jeu et la violence, le plaisir de frapper l' autre. Si vous voulez, c' est de l' efficacité esthétique dont je veux parler ici. Et surtout pas de l' immoralité ou de la moralité du geste.
Quelle danger peut-elle courir cette occidentale artiste? L' expérience des porteuses de burqa est incommunicable et selon moi, sa pratique rate cette volonté d' art qui devrait tendre à dire, à se dire à tous.
Que le corps soit un espace de conflits plutôt, trouble, évident décalque de l' instabilité de la condition humaine, voilà une constante travaillée par un grand nombre d' artistes déjà.
L' exemple de la couleur isabelle, qui viendrait de la reine du même nom qui avait promis de ne pas retirer sa robe blanche jusque au retour des croisades de son cavalier d' époux, voire qui plus est de ne pas se laver( ce que aurait du faire notre artiste, et analyser le rapport corps/temps/odeur): couleur jaune pâle nous dit le dictionnaire!
Bref, je vous renvoie au beau travail de Paul Ardenne, L' Image Corps, figure de l' humain dans l' art du XXème siècle, édition du regard que vous connaissez sûrement.
Bien à vous pour cette passionnante relance!
Versus
Écrit par : Versus | 06/01/2012
J'avais écrit un texticule sur un sujet semblable, si cela te tente :
http://www.passerelledesjours.org/2009/03/08/femmes-fantomes/
Il y a celles qui le font pour bien faire ce qu'on leur a enseigné ; il y a celles qui le font pour s'affirmer idéologiquement contre ce qui est généralement perçu comme la culture occidentale, ie affirmation réactionnaire. Dans les deux cas, il y a erreur de pensée sur une affirmation de liberté.
Il faut surtout se battre pour le 3e cas, celui où elles sont forcées.
Écrit par : Vincent | 06/01/2012
L'islamisme vestimentaire vit 100 ans en arrière,
peut-être même 300.
Je n'appelle plus cela du conservatisme mais une idéologie religieuse
sclérosée voulant imposer ses dogmes "tous azimuts" en 2012.
Écrit par : Yvan L. | 07/01/2012
... et pourtant, qui n'a jamais ressenti la curiosité, l'envie, l'urgence de se couvrir d'abnégation, de cette abnégation de coton ?
La négation du regard, et non du corps.
Quand il n'est pas imposé, le port d'un voile intégral est un droit d'abstraction que je comprends, qu'il m'arrive de ressentir, et que je défendrai toujours ...
Écrit par : anha | 07/01/2012
@ anha:
je n'ai jamais ressenti cette curiosité, cette envie, cette urgence de me couvrir d'abnégation. Peut-être est-ce parce qu'à l'inverse j'ai lutté pour sortir de cette abstraction dans laquelle on m'avait enfermée petite? On: mon père, ma mère, ma famille, leur peur, leur névroses.
Si je le pensais librement, j'entends terriblement librement choisi ce besoin de s'abstraire du monde et des regards, ce besoin d'à priori ne pouvoir se montrer qu'à soi-même et à son époux, je serais la première à le revendiquer comme un droit même si je n'en partage pas le goût. Mais j'ai un doute sur ce librement choisi...
Je m'interroge vraiment sur cette nécessité si elle existe telle que vous semblez l'exprimer.
Écrit par : helenablue | 07/01/2012
Bien souvent, les cloisons familiales diminuent, taisent, nient, enferment de par leur jugement, leur regard...
... mais "enferme"-t-on une personne dans l'abstraction/abnégation ? Je crois que les deux définitions sont opposées.
L'abnégation, telle qu'elle se présente sous le voile intégral, est, qu'il soit rationnel ou pas, un désir individuel et intime, qui s'oppose à tout cloisonnement, à toute corruption, à toute récupération.
Le langage émane autrement.
Écrit par : anha | 08/01/2012
Je participe un peu en retard à ce débat passionnant. Je pense comme Laure K que le problème est plutôt la manipulation que nous subissons de façon implicite. Je suis contre toutes les modes mais j'accorde une grande importance au vêtement. Il est protection certes et expression et à cet égard, il est essentiel que chaque personne puisse faire usage de sa liberté pour inventer les combinaisons qui lui conviennent. Ayant vécu pendant deux ans dans les Emirats Arabes Unis, j'ai pu voir cohabiter beaucoup de modes vestimentaires, le niqab aggravé par le port du masque en cuir, le sari des femmes indiennes, le shalwar kamiz pakistanais, cette alliance robe pantalon que j'aimais bien, et bien-sûr les vêtements occidentaux. Je connaissais une jeune femme qui portait par provocation des tenues ultra décolletées et ultra courtes, moyennant quoi, elle ne pouvait de déplacer sans être prise sous le feu des regards de tous les hommes frustrés dans une société faite à 90% d'étrangers et à 80% d'hommes. Mais bien-sûr elle s'en délectait alors que je détestais ces situations.
J'ai trouvé l'expérience de l'artiste intéressante, elle a fait écho à des situations où j'ai pu moi-même me sentir en décalage avec les codes vestimentaires et corporels où je me trouvais parachutées : quoi de plus ridicule que des talons hauts dans un champ de glèbe.
Pour conclure, je n'aime pas plus le niqab dans une société qui méprise les femmes que la quasi nudité dans une société qui vend le corps féminin. Le vêtement est la seconde peau qui doit nous permettre de glisser avec bonheur dans le flux du monde.
Écrit par : Zoë Lucider | 08/01/2012
@ anha:
Oui, on peut nier un individu dès son plus jeune âge, tout simplement.
Maman me mettait nue devant la glace, j'avais à peine quatre ans, elle me disait: " regarde comme tu n'es rien!"
J'ai eu plusieurs grandes tantes qui étaient soeurs, elles avaient pris le voile. L'une d'entre elle était carmélite, elle n'avait pas droit aux visites avec le monde extérieur, pourtant pour ma communion, elle obtint une dérogation. Elle semblait hors du monde... Ces soeurs de ma grand-mère ont pris le voile à priori par choix et par conviction, par besoin, sans doute.
Vous dîtes:
"L'abnégation, telle qu'elle se présente sous le voile intégral, est, qu'il soit rationnel ou pas, un désir individuel et intime, qui s'oppose à tout cloisonnement, à toute corruption, à toute récupération.
Le langage émane autrement."
Je crains ne pas pouvoir vous suivre dans cette idée. Celle du langage qui émane autrement... Je me sens beaucoup moins corrompue et beaucoup moins récupérée depuis que j'ai pu reprendre la liberté de mon corps et de ses expressions les plus intimes. Je crois à cette importance de la relation qu'on entretient avec son corps, elle se dégage de son être tout entier. la communication non verbale existe et c'est la gestuelle, le regard, la manière de vivre son corps qui devient alors langage.
Je respecte votre manière de voir les choses mais n'y adhère pas.
J'aime beaucoup cette remarque de Zoé sur le vêtement, plus qu'une seconde peau, il me parait être une expression artistique, une construction, une création unique pour chaque individu, un outil. C'est triste de voir ce moyen réduit à néant par une uniformisation qui cache, qui engendre la peur et la honte et qui maintient les femmes sous tutelle.
L'idée n'est pas de provoquer, trop habillée, ou pas assez, l'idée c'est pouvoir être ce qu'on a envie d'être et de s'exprimer. Est-ce que ces femmes qu'on invite ou qu'on oblige à endosser le niquab sont aussi invitées ou obligées à penser uniformément ou ont-elles droit à penser par elle-même, voire ne pas être d'accord? je ne suis pas convaincue par ce besoin d'abnégation, il me semble être anti-vie et un moyen de fuir ce qui peut être trop difficile à joindre: sa liberté.
Écrit par : helenablue | 08/01/2012
Mais, cette (odieuse !) remarque de votre mère est oxymorique. Ce qui n'est rien n'a pas de quoi entendre ou voir..! Et n'a même pas de reflet... Ce que vous évoquez, je l'identifie plus à de la prédation, de la domination, qu'à de l'abstraction (et je peux me tromper).
"Je me sens beaucoup moins corrompue et beaucoup moins récupérée depuis que j'ai pu reprendre la liberté de mon corps et de ses expressions les plus intimes."
Mais sous le voile intégral, il y a bien un corps qui peut trouver sa liberté dans l'abstraction, c'est en tous cas mon sentiment. Car on peut choisir de ne pas exprimer le langage de l'image, tout comme on peut choisir le silence, le jeûn, l'abstinence... qui sont toutes des formes de communication différentes.
Écrit par : anha | 08/01/2012
Mais, cette (odieuse !) remarque de votre mère est oxymorique. Ce qui n'est rien n'a pas de quoi entendre ou voir..! Et n'a même pas de reflet... Ce que vous évoquez, je l'identifie plus à de la prédation, de la domination, qu'à de l'abstraction (et je peux me tromper).
"Je me sens beaucoup moins corrompue et beaucoup moins récupérée depuis que j'ai pu reprendre la liberté de mon corps et de ses expressions les plus intimes."
Mais sous le voile intégral, il y a bien un corps qui peut trouver sa liberté dans l'abstraction, c'est en tous cas mon sentiment. Car on peut choisir de ne pas exprimer le langage de l'image, tout comme on peut choisir le silence, le jeûn, l'abstinence... qui sont toutes des formes de communication différentes.
Écrit par : anha | 08/01/2012
Anha, c'est étrange, pour moi le silence, l'abstinence, le jeûn ne me semblent pas naturels, pas dans l'ordre des choses et loin de l'humain. Mais, pardonnez ma désinvolture ou ma naïveté, je crois que l'être est de facto gourmand, curieux, aventurier, communicant, joyeux , expressif et étonnant si on lui permet de l'être...
Je reste, pardonnez-moi, convaincue que "l'intégral" n'est pas une panacée mais un refuge.Je conçois qu'on puisse en avoir besoin mais je conçois moins qu'on l'impose.
La remarque de ma mère, qui entre nous était loin d'être une remarque mais plus un leitmotiv est de l'ordre de la domination, oui, mais a fait jaillir en moi une forme d'abstraction, j'ai été longtemps comme sous burka alors que j'avais envie d'être au monde toute rien que j'étais dans le regard de ma mère et dans ses manières de faire avec moi!
Écrit par : helenablue | 08/01/2012
@Versus
Je reprends votre phrase "L' expérience des porteuses de burqa est incommunicable", et je la trouve terrible cette phrase. Terrible dans l'idée de "on ne peut rien dire..."
Je pense que le corps féminin occidental a tout est en mesure d'interprété quelque chose à ce sujet. Alors soit, l'acte de porter un habit intégral pendant 24 jours ne relève peut être pas de la plus haute finesse pour évoquer l'enfermement de l'habit, mais pourquoi pas.
Je ne connaissais ni Gina Pane, ni les écrits de Paul Ardenne tout ceci m'ouvre des horizons de lectures à venir et je vous en remercie.
Écrit par : Laure K. | 09/01/2012
@Anha
J'essaye de comprendre vos propos au sujet de l' abnégation , ce besoin de se retirer... cette manière d'être au monde comme le sont tous ceux qui embrassent tôt ou tard la religion ( et quelqu'elle soit je crois), ne plus subir le corporel mais d'essayer d'atteindre une certaine, ... sérénnité d'esprit ?
Je crois que je peux comprendre ça, ce serait comme annuler une certaine bassesse liée au corps et à l'entrejambe. Mais notre corps ne peut être délié de qui on est. J'ai navigué dans ses deux états-là, longtemps, avant que d'accepter d'être au monde, avec un corps, qui même s'il n'est pas idéal m'oblige à avancer à re-connaître et à re-connecter avec moi et les autres. Entre temps j'ai accouché ce qui m'a permis d'unifier ma personne... et encore... des fois je ne suis pas sûre.
Mais à mes yeux d'occidental, le port d'habit intégral ne me semble pas être simplement une action de se retirer ou de jeûner ou de cesser de communique verbalement. Il s'agit de montrer de façon ostensible que l'on "n'appartient pas" au monde. Et c'est une façon "d'être au monde" assez spectaculaire je trouve.
Que fait t-on du regard, du langage du geste, de ce corps mouvant mais caché ?
Le langage émane, oui, mais émane pour qui et comment ?
Écrit par : Laure K. | 09/01/2012
@HelenaBlue
"Je reste, pardonnez-moi, convaincue que "l'intégral" n'est pas une panacée mais un refuge. Je conçois qu'on puisse en avoir besoin mais je conçois moins qu'on l'impose."
Je suis tout-à-fait d'accord avec ça :-) Et je n'adhère en rien à son obligation, qui s'apparente alors là à la domination que vous avez subie.
Pour autant, l'homme est un être de choix et de désirs, qui s'écoute et s'adapte... mais que l'on éloigne de sa connaissance de lui-même (ou dont on la biaise).
Au fond, je pense que nous sommes d'accord pour dire que ce qui importe de manière essentielle, c'est le libre-arbitre, c'est la liberté de se connaître, de se tromper, et de se trouver, de se désolidariser d'angoisses transmises, apprises, crachées, et d'être en harmonie avec soi-même. Même dans le refuge...
Je ne crois pas en l'être programmé pour le bonheur, tel qu'on nous le vend, préconise et médicalise. Pour reprendre mes exemples, les bienfaits du jeûn sont reconnus, et l'abstinence est une question tellement intime qu'elle ne devrait être ni théorisée ni récupérée... il en va de même à mes yeux pour l'image que l'on projette.
@Laure K.
"Je crois que je peux comprendre ça, ce serait comme annuler une certaine bassesse liée au corps et à l'entrejambe. Mais notre corps ne peut être délié de qui on est."
La corruption dont je parlais était celle du regard extérieur. Pas du regard intime. C'est, effectivement, la recherche de la sérénité.
"Mais à mes yeux d'occidental, le port d'habit intégral ne me semble pas être simplement une action de se retirer ou de jeûner ou de cesser de communique verbalement. Il s'agit de montrer de façon ostensible que l'on "n'appartient pas" au monde. Et c'est une façon "d'être au monde" assez spectaculaire je trouve."
Certains choix paraissent 'spectaculairement' réfutables : une femme au crâne rasé, par exemple. Un tatouage intégral. Un changement de sexe.
Pour moi, aucune intervention - légale, physique, verbale - n'est recevable/valable lorsqu'il s'agit d'une démarche personnelle et délibérée.
Mais, j'ai l'impression que les yeux occidentaux ont une tendance déconcertante au voyeurisme et à la condamnation. Et j'en fais partie, bien entendu ! Mais je reste convaincue que l'ethnocentrisme, sentiment malheureusement inévitable, doit être détecté et remis en question.
"Le langage émane, oui, mais émane pour qui et comment ?"
Pour qui on le veut et quand on le veut.
Écrit par : anha | 09/01/2012
@HelenaBlue
En tous les cas, j'espère de tout coeur ne pas vous avoir froissée avec ma vision de l'abnégation (et ma croyance en son choix).
Merci pour vos articles (et commentaires) beaux, questionnants et fourmillants :-)
Écrit par : anha | 09/01/2012
@Laure K
L' incommunicable n' exclut aucunement le témoignage mais nous sommes alors dans des registres différents.
Si je "communique" mon intimité, elle n' est plus intime!
J' y reviendrai dans un futur message sur mon blog car vous avez ouvert ici des questions qui touchent à notre existence même.
@anah
Tout à fait d' accord avec vos deux dernières réflexions.
Enfermé dans ses tatouages ou libre comme les indigène lorsqu' ils lubrifient la vie sociale et symbolique?
Il me semble que ces questions méritent un traitement circonstancié..Je pense au magnifique livre de Michel Thévoz intitulé Le corps peint paru chez Skira.
Nous autres occidentaux nous portons des camisoles aussi implacables que la burqa, et ce qui est plus grave, c' est que elles sont souvent invisibles à l' œil.
Ce cas m' isole...
Belle journée
Écrit par : Versus | 09/01/2012
@ anha:
Je crois que nous sommes d'accord, c'est vrai, l'important étant le libre-arbitre et l'harmonie avec soi-même et le monde, la sérénité.
Plus sereine, je devrais être à même de mieux voir et de mieux comprendre encore.
Merci de cette discussion intelligente et mesurée, respectueuse, j'ai eu beaucoup de plaisir à ainsi converser avec vous. Je dois dire que ça a ouvert le champ de ma pensée et ça m'a permise aussi de peut-être mieux comprendre certaines démarches qui me paraissent tellement éloignées de moi.
Vous ne m'avez aucunement froissée, au contraire. Votre vision vous honore autant que la manière d'en faire part et votre capacité à accepter qu'on puisse ne pas la partager.
Revenez me donner vos idées et appréciations quand bon vous semble, elles me font avancer...
Écrit par : helenablue | 09/01/2012
@ Versus:
A quelles sortes de burqas non visibles à l'oeil nu nous pensez-vous nous autres occidentaux si dépendants?
Écrit par : helenablue | 09/01/2012
@Helenablue
Par exemple tous ces conditionnements idéologiques et sociétaux que nous avons assimilés comme étant nos propres convictions personnelles!
Belle journée à vous et merci pour le débat si fructueux.
Écrit par : Versus | 09/01/2012
@Laure
Une expérience presque similaire à ce que tu décris sur ces voyages sur les avenues de la différence, puisqu'il s'agit bien de cela, du "nous" et d'eux où un journaliste américain blanc s'est déguisé de la tête aux pieds en homme noir, notant pendant plus de 2 mois tous les changements perceptibles du regard et réactions des autres à son sujet. Expérience géniale et riche en enseignements sur les oppositions de la différence qui mènent souvent, pas toujours, aux extrèmes, comme dans le cas soulevé, ici, du port du niquab et de la burqa. Pour moi c'est toujours et avant tout la lutte des classes. Je ne vois absolument aucune différence entre "l'obligée" à marcher derrière son maître cachée du regard de tous et la secrétaire obligée au petit tailleur à qui le porc, son supérieur hiéarchique, tripote le cul en lui demandant de lui servir le café, souvent, sous le regard bienveillant de ces (j'allais dire truies mais m'suis retenu!), également supérieures hiéarchiques et qui participent allègrement à toute cette combine sociale de la domination des uns sur les autres. Pas plus qu'il n'y a de différence entre la femme superbement instruite et très puissante qui vit dans une opulence démesurée, bien au fait de la pauvreté des siens, surtout des siennes, et qui tient par-dessus tout à se dérober et aux regards et au peu que nos sociétés occidentales pourraient lui offrir (comme Laure le décrit assez bien!)Rien de bien subtentiel à relever entre elle et les femmes d'ici, instruites, indépendantes, solides avec ou sans leur homme dans le rétroviseur. Il y a toujours ces différences extrêmement marquées entre hommes et femmes, le vêtement, lui un tout petit marqueur, en comparaison beaucoup trop facile à enlever sur le dos des femmes ici, avec, ou, la plupart du temps, sans leur consentement. Et si il vous arrivait de douter de leur féminité sous le voile, demandez à voir, aux exportateurs de Lejaby, Aubade et cie, leurs carnets de commandes à destination des Mille et une Nuits, de quoi faire rougir nos royales Ségolène...et leurs maris, ex et à venir!
Écrit par : MakesmewonderHum! | 09/01/2012
@anha
J'ai pris un peu de temps avant que de poursuivre cet échange car je ne voyais pas sous quel éclairage nouveau je pourrais réagir... et, le sujet me paraissant chaud bouillant, j'ai pris quelques peines à rédiger ce qui suit. Merci d'avance pour cette poursuite d'échanges et d'éclaircissement qui n'est pas vain. En tout cas pour moi.
il y a de ça 2 jours, j'ai ouvert un livre emprunté à la bibliothèque dont j'avais entendu parler il y a quelques mois. Je l'ai lu d'une traite, ce qui m'arrive pour ainsi dire jamais. Il s'intitule "Du domaine des murmures", et raconte l'histoire d'une femme en 1187, qui refuse le mariage imposé, et choisit "sa liberté" en vivant recluse et enfermée dans une petite cellule du château de son père. Elle y prie Dieu et sa renommée grandissante la statufie rapidement en sainte... si ce n'est qu'elle porte en son sein quelque épine du diable. Il en va de la mère, d'une armée et de réclusion à perpétuité... Il y est question de Foi surtout, dans cette attitude déterminée à vivre recluse. Je ne connaissais pas l'existence de cette histoire des "recluses" dont s'est inspiré l'auteur Carole Martinez , une tradition datant du premier siècle du christiannisme:
"Les femmes désirant mener la vie solitaire optaient pour la réclusion qui leur assurait plus de sécurité. Souvent leur reclusoir était une cellule annexée à une église où, par une ouverture, elles pouvaient s'unir à la liturgie et adorer.
Spirituellement, la réclusion monastique est une symbolique mais radicale « mort au monde », par l’adoption volontaire de l’enfermement et le choix délibéré de la prison. En Occident, au Moyen Âge, le cérémonial d’entrée en réclusion comportait d’ailleurs le chant de funérailles In paradisum deducant te angeli. Le souhait du reclus est de trouver sa voie vers Dieu dans le « fuis, tais-toi, reste tranquille » de l’hésychasme."
L' histoire d'Esclarmonde rassemble tout à coup toutes ces femmes "recluses" dans leur habit, ou dans un cachot, avec cette même fenêtre grillagée comme seule lien au monde des vivants. L'acte de Foi et la quête de la spiritualité est tout à fait à respecter comme une décision personnelle et profondément intime, même si de notre point de vue on veut uniquement y lire ici la femme emprisonnée sous des lois religieuses puissantes, et ce quel qu'en soit l' époque. Je révise juste mon point de vue quant à ce port du voile intégral si on l'imagine comme une décision non religieuse mais spirituelle.
Suite à cela, j'ai trouvée des articles reprenant une étude réalisée en 2006, par la journaliste Naïma Bouteldia, qui a interviewé 32 femmes Françaises qui portent le voile intégral, soit récemment depuis l'interdiction en France, soit depuis plus longtemps. Comme quoi il existe bel et bien une parole sous le voile, Versus...
Il en ressort que parmi ces trente deux femmes la plupart assurent que ce choix est très spirituel et individuel, pour preuve la majorité d'entre elle le porte contre l' avis de leur famille et se sont vu rejetés et maltraités par les islamistes musulmans. Ce en quoi je relierai volontiers ce choix du port du niqab, en France en tout cas, à l'image des recluses du Christianisme. Sauf qu'ici point de cachot, si ce n'est un retrait du monde à certains instants de la journée et sous un tissu. Que le gouvernement les ait condamné en les utilisant comme cheval de bataille de peur islamique m'apparait nettement possible dans la mesure où l'une d'elle témoigne avoir effectuer ses études voilé intégralement il y a 10 ans et que personne ne lui en avait interdit l'accès à ce moment là.
Cependant l' étude ne démontre en aucun cas le nombre de femmes voilées réels en France ni ne rend compte forcément d'une réalité globale, ça permet quand même d'aborder la question avec un peu plus de recul et moins de ridicule ethnocentrique.
J'entends aussi à travers les mots de Jalel et de ce qu'il vit actuellement en Tunisie, que la montée de l'idéologie salafiste se fait ressentir de façon très perceptible et violente. Je puis comprendre aussi qu'il condamne le voile intégral comme une barbarie et un outrage à l'expression simple de la liberté, en réponse à une agression de plus en plus présente.
Principaux résultats de l'étude mené par Naïma Bouteldia:
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article4560
Article le plus complet que j'ai pu trouve et que je vous invite à consulter.
Écrit par : Laure K. | 12/01/2012
Merci Laure K., pour ces apports et documentations. Cet ensemble de commentaires révèle quelque chose d'aussi délicat qu'urgent... et soulève de vastes questions !
Je comprends votre interrogation sur l'ambivalence du voile islamique, quand il récolte plus de tollés que de l'abnégation qu'il renvoit. Quand il est l'expression odieuse d'un salafisme prédateur. Quand il ressemble à une réaction politique pour certaines. L'étude de Naïma Bouteldia est riche ! Et complexe. Mais elle dévoile (hum) dans la majorité des cas un profond désir spirituel... de soumission à dieu...
Sans m'épencher plus sur le voile religieux, je voulais revenir sur ce que Carole Martinez nomme la "mort au monde". Le sacrifice de la possibilité de son existence n'est pas comparable avec le désir de soustraire l'image de son corps au monde. Sous le voile, une personne, une personnalité, une existence, un imaginaire, une parole, des désirs et que sais-je encore.
Finalement, ce qu'il ressort de vos recherches, c'est l'exploration de la Foi : une conscience de son existence, de sa rareté, de son universalité... mais aussi, de sa rare universalité en nous-même - tant l'appréhension extérieure et les enjeux de dominance peuvent nous soustraire... Que faire de cette foi et comment ne pas se la laisser piller par les publicitaires et les laboratoires ?
Nous vivons (j'insiste sur 'vivre' plutôt que 'subir') tous ces moments de désolidarisation d'avec le paraître, où le port du corps s'annule (le corps pesant, alourdi de sens et de responsabilités).
À mon sens, le voile intégral est une des infinies formes que peut prendre cette désolidarisation.
Écrit par : anha | 12/01/2012
@Laure K
"Comme quoi il existe bel et bien une parole sous le voile, Versus.."
Mais je n' ai jamais dit le contraire. Je crois à l' efficacité du silence des mots!
J' ai parlé d' incommunicabilité, ce qui n' est pas la même chose...
Le paradoxe vient du fait de l' exhibition, l' affrontement de la claustration au public.
La religion catholique enfermait dans l' habit pour les plus intransigeants des ordres mais dans le cloître, sans affirmation à l' extérieur. Là est la grande pour ne pas dire l' énorme différence!
Cela pose la question de l' image et de son usage. Que voulons-nous montrer en nous cachant derrière le voile. Voilà le résultat pour nous.
Bien à vous!
Écrit par : VERSUS | 12/01/2012
je suppose que ce vêtement n'empêche pas les viols ni les mains "baladeuses" partout ou la femme est considérée, au mieux comme une citoyenne de seconde zone et au pire un objet négociable, le schmilblick n'avancera pas et ce n'est pas du jus de matière grise qui améliorera la situation. Tergiversons pendant ce temps là on mutile on frappe on viole... Parle toujours.
Bzzz...
Écrit par : le bourdon masqué | 14/01/2012
Bien vu Le bourdon masqué, trop de réflexion nuit à l'action..!
Je vais de ce pas m'enchaîner à une pompe à essence pour empêcher un massacre de petits Irakiens...
Trêve de plaisanteries, il y avait un peu plus que du jus de bulbe dans ces échanges, il y avait de l'écume de mers noires, de la pulpe de fruits étranges, et même un peu de sueur froide. ;-)
Bien d'accord avec ce que vous dites, par ailleurs.
À la vôtre !
Écrit par : anha | 16/01/2012
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