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05/04/2012

Le Dialogue entre André Villers et Picasso

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- André Villers - Autoportrait -

 

PICASSO PAR ANDRE VILLERS.jpg

- Picasso par André Villers -


Mon pylône mon patron mon pilote mon explorateur

Tu as pris de la peinture du papier du charbon de la ficelle et des clous

Y as mêlé de la tôle de la glaise et de la colle

L'as fait cuire avec du ciment de la terre de l'osier des feuilles et du plâtre

Et tu en as fabriqué des pichets des verres des bouteilles des chaises et des guitares

 

Mon elfe mon apprenti mon navigateur mon géographe

A travers les chaumes et les plages les vagues et les horizons

Les nuages les pluies les épines les écorces et les falaises

Les nervures les duvets et les coquilles les vignes et les racines

Tu révéleras fixeras l'heure et le sourire

 

Mon minotaure mon Barbe-bleue mon labyrinthe ma spirale

Tu as pris de la peinture des pichets du papier des verres du charbon et des bouteilles

Et tu en as fabriqué des chevaux des taureaux des coqs des chèvres des colombes et des hiboux

Du ciel de la mer des arbres des chevelures des visages et des femmes

Cherchant depuis toujours à trouver sans chercher et trouvant toujours

 

Mon Thésée mon chat botté mon belvédère mon rayon

A travers les rideaux et les draps les nappes et les vêtements

Les jouets les meubles et les cendriers les miroirs et les bouquets

Les toits la poussière et la fumée les murs et les caves

Tu réveilleras multiplieras le jour et la nuit

 

Mon berger mon silhouetteur mon éclat mon atelier

Tu as tordu des pichets des bouteilles des guitares des taureaux et des chèvres

Les a pressés avec du ciel des arbres des visages des journaux et des livres

Les as imprégnés de musées de musiques d'histoires de cirques et de lampes à pétroles

Et tu en as extrait du sang du voyage de la cendre des fenêtres et de la fureur

 

Mon dompteur mon remplisseur mon gong mon laboratoire

A travers le riz la farine le sucre et le pain

La vapeur l'huile et le vinaigre le sel et le safran

Les bruits les cuillers et couteaux moulins et parfums

Tu mijoteras sublimeras la soif et la faim

 

Mon roc mon port mon phare mon château

Tu as pris des pichets du sang des bouteilles du voyage des guitares et de la cendre

Et tu en as extrait des cornes du soulèvement du silence de la panique des mâchoires et des outils

Des balbutiements des larmes des agonies des charognes des putréfactions et des songes

Perdu depuis toujours dans la mêlée des villes et grattant toujours

 

Mon tourbillon mon navire mon sémaphore mon observatoire

A travers filtres et sabliers soufflets et pinceaux

Les plis les déchirures et les brûlures les superpositions et les reflets

Les éblouissements les cadres et les caches la patience et l'éclair

Tu guériras embaumeras la guerre et la paix

 

Mon olivier ma locomotive mon souvenir mon rempart

Tu as sucé du sang de la fureur du soulèvement et de la panique

Les as recrachés à travers des balbutiements des agonies des putréfactions des songes des mensonges et des sciences

Tu y as fait macérer des aegipans des gladiateurs des centaures et des peintres

Et tu en as isolé de la douceur perdue de la découverte et du rire

 

Mon bourgeon ma vigie mon illumination mon souterrain

A travers les encres et les phrases les cartes et les images

Les cris les explications et les interrogations les sous-entendus et les ironies

Les interprétations les points et les blancs les prémonitions et les nostalgies

Tu découvriras transmettras le silence et le paradis

 

Mon alphabet mon monument ma résistance mon rameau d'or

Tu as pris du sang de la douceur perdue de la fureur de la découverte du soulèvement et du rire

Et tu en as isolé des cris des chants de la respiration du sommeil du réveil et des coups de chance

Du tonnerre de l'éruption de la fermentation de la germination de la floraison et des astres

Creusant depuis toujours dans le malheur du monde et le refusant toujours

 

Ma voix ma braise ma patience ma grappe de mercure

A travers le souffle et la salive les lèvres et les articulations

La peau les doigts et les yeux les plaintes et les caresses

La palpitation la souffrance et la fraîcheur la tendresse et la buée

Tu apprivoiseras déchiffreras l'angoisse et le délice

 

Mon oracle mon foyer mon élocution ma main

Mon empereur des masques tu as revêtu les insultes les ricanements la sottise et la solitude à toute épreuve

Et tu en as distillé les baisers de l'enfance l'alcool de survie le baume des foules

Tu en as délivré le ventre et les yeux questionné les beautés exclues

Né de cette interrogation depuis toujours et mort naissant toujours

 

Ma perspective mon hublot ma lecture ma paupière

Prince de l'instant alchimiste des ténèbres rouges

A travers geôles bûchers hopitaux charniers et camps

Refus et fièvres colères et suintements calculs et astuces

Tu libéreras transperceras le pourrissement de notre univers 


- Michel Butor -


Commentaires

j'adore les oeuvres de Picasso mais là ça fait un peu passe brosse....

Écrit par : alex | 07/04/2012

Et André Villers a son musée (de photographie) à Mougins, Picasso y a habité....Si tu passe dans le Sud.

Écrit par : Louis-Paul | 08/04/2012

Oh! Merci Louis-Paul, pour l'info... Je compte justement descendre dans le Sud au mois de Mai, vais y faire un crochet!

Écrit par : helenablue | 08/04/2012

Les commentaires sont fermés.