23/01/2014
De l'importance de l'art ...
Je ne sais pourquoi j'ai eu cette idée subite de m'interroger sur l'importance de l'art dans ma vie, pas plus que je ne sais non plus pourquoi j'ai posé cette question à un certain nombre d'entre vous en vous demandant de dire en quelques mots cette importance. La plupart, la majorité devrais-dire, de ceux que j'ai interrogés n'ont pas pu, faute de temps, ou pas tenu d'y répondre. Certains ont tenté de l'écrire, sans succès, d'autres ont carrément oublié et d'autres enfin se sont impliqués et m'ont retourné leurs réponses.
La première réponse reçue est celle de Mistral : sobre, efficace et concise :
" L'art, c'est ma vie. Ma vie, c'est de l'art."
Elle rejoint d'ailleurs celle que je reçue quelques heure après d'Henri Zerdoun, me remerciant d'avoir pensé à lui et m'écrivant ne pouvoir théoriser sur ce qui fait sa vie. " Je pratique dans mon quotidien afin de faire de celle-ci une oeuvre d'art. " Me précisant d'ailleurs que ce choix se paie parfois très cher, ce choix d'être libre et pas du tout formaté.
Je me suis rendue compte d'ailleurs après ces deux réponses que j'avais essentiellement posé ma question à des artistes...
...from where does the inspiration needed to create spring?
malgré l'obscurité
j'entends le cri perçant
d'une langue pointue
pleine du lointain
de l'agonie qui s'ennuie
Ne rien faire d'autre, malgré la nature inintelligible de l'extravagance, que de discourir dans n'importe quelle langue, à même l'innocence des révélations réciproques.
D'autres auront la flamme factice et fumeuse du désir pitoyablement jeté dans l'improbable soupir d'un lendemain aphone.
- Texte et oeuvre du Plumitif -
Mot qui sonne trop fort aux oreilles pour en palper toute la substantifique épopée.
"Aimez-vous l'art ?" demandait mon acolyte à un époque, aux passants, afin de leur soumettre sa marchandise de cartes postales; ça marchait à tous les coups, à part pour les très pressés.
Attraper les gens avec l'art ce serait comme de demander si on aime le soleil ?
Aimez-vous le soleil ? ... euh oui, Ah! ça tombe bien, j'ai en stocks de très beaux rayons!
L' art au quotidien est une infernale quête de justesse de soi au monde, et de soi aux autres. Ne pas trop y penser et acter au mieux. "
une démarche pour aller de la fêlure à la paix, une déchirure, l'improbable rencontre de la joie ( le noir absolu du tragique, parfois), une recherche irrassasiable liberté, l'impraticable langage du silence, de l'empêchement ; des fulgurations jamais achevées, la méditation : incandescence intérieure... un paradoxe, quelque chose en suspens, une ascèse, une attente, un effacement de l'impossible, un supplément d'âme, une façon d'être... contre ! une insurrection ! la présence de l'être humain si fragile ou une absence au monde, un bonheur sensuel, une pulsation des couleurs, un étonnement, une géographie intime... "
Je suis un écrivain-nomade
Par Marc Alpozzo
Puisqu’il m’a été demandé de répondre à cette question : « Pourquoi écrivez-vous ? » je commencerai in extenso par dire que j’écris depuis tout jeune parce que je suis très tôt parti en voyage. Une bonne raison je pense de me qualifier d’écrivain-voyageur. Voyageur au sens de son étymologie : être sur la voie. Voilà pourquoi je me suis toujours senti un tel écrivain alors même que je ne partais nulle part.
L’écriture c’est pour moi la possibilité donnée de parcourir mon chemin sur la voie infinie. Et lorsque je sors de chez moi, que je quitte le clavier de mon ordinateur, et que je continue d’écrire sur de petits cahiers Moleskine® qui ne me quittent jamais, je ne modifie pas spécialement mon état. Toujours je demeure sur la voie quoi que je fasse. J’avance lentement. Mais tout texte, toute rencontre, toute idée contribue à ce cheminement. J’ai été placé sur la voie depuis le début, alors même que je ne connaissais pas encore la signification de celle-ci. Et j’y ai avancé longtemps en aveugle. Depuis toujours même je considère que j’y chemine en nomade.
Je me souviens de ces mots de Deleuze à propos du nomadisme : « Le nomade n’est pas forcément quelqu’un qui bouge : il y a des voyages sur place, des voyages en intensité […] » On peut donc, dit-il, « nomadiser pour rester à la même place en échappant aux codes. » Dans ces quelques réflexions se trouve tout ce qui m’a toujours amené et ramené à l’écriture : le refus de la domestication, une ouverture sans bornes sur le monde, une culture bariolée et protéiforme. Or, c’est bien ce que suggèrent Jacques Ménétrier et Jean Duignaud à propos du nomade : il refuse les codes et conventions ; il sera toujours en dehors, réfractaire à tout discours de clôture. Voilà pourquoi précisément je me dis écrivain-nomade.
C’est en même temps un qualificatif qui peut embrouiller. Et c’est tant mieux ! Sans quoi ça ne donnerait pas à réfléchir. En fait j’écris surtout depuis toujours pour en finir avec la recherche d’un certain ordre. Mais dans le même temps, et c’est paradoxal, j’écris pour trouver un ordre, et tirer au clair ce qui m’apparait autour de moi, depuis le début, comme une sorte de grande confusion. Écrire m’apparaît alors comme une tentative de faire la lumière sur des zones laissées obscures par une représentation du monde qui imagine que tout cela va de soi.
Je crois que l’écrivain doit en finir avec la pensée linéaire et la rationalité auxquelles j’ai toujours préféré la pensée circulaire, le labyrinthe, l’errance, l’éclosion d’une énergie. C’est pour cela que j’écris : non pour renverser un ordre, mais plus pour trouver un déploiement. C’est également pour donner le goût de lire, le goût d’écrire, et le goût de vivre. J’ai toujours voulu partager mes expériences littéraires ou philosophiques, et mes textes n’ont eu de cesse de se présenter tels des passeurs en dehors de tout jugement, tout principe, et loin de toute dialectique. En fait, j’écris comme je médite : par à-coups, de manière dérivante, sans but. C’est vrai, je cherche une profondeur. Mais pas nécessairement de cohérence continue. Je ne crois pas à la moindre cohérence dans la continuité en l’homme. Je crois plus aux pouvoirs de l’instant présent ; un instant présent qui, systématiquement, nous ordonne de renouveler l’idée posée l’instant précédent, de renouveler le pacte passé, le pari tenu…
Disons le, j’ai toujours écrit tous mes textes (articles et livres) comme un cartographe. Jamais je n’ai procédé au moindre inventaire, alors même que je crois en une fin de l’histoire. Cette expression très hégélienne ne m’a pas toujours convaincu. Il me semble avoir écrit quelque part qu’elle m’inspirait quelques doutes. Je n’en ai plus aucun aujourd’hui tant elle me parait visible à l’œil nu. Voilà pourquoi je crois qu’il ne s’agit plus d’écrire aujourd’hui – sauf à vouloir faire l’inventaire avant fermeture définitive ! – en cherchant à s’inscrire dans une histoire de la littérature ou des idées. D’histoire il n’y a plus. Je préfère de loin ceux qui pensent et écrivent à partir d’un monde ouvert sur l’extérieur, libéré de tout processus historique, de tout processus dialectique : je pense à une écriture phénoménologique qui chercherait à se séparer du connu, qui se déploierait en dehors même de sa propre culture. Je l’appellerai une écriture transhumante. Ce serait une écriture qui refuserait tout cloisonnement ; qui refuserait de se laisser enfermer dans les codes académiques, ou les règles émises par l’Occident. Je pense qu’écrire c’est toujours accepter de se confronter à l’inconnu, et donc accepter que les différences se concilient dans une unité des cultures, une totalité qui serait un éternel dépassement. Si on vit également ainsi, je crois alors qu’on pourrait tout gagner. Ne plus orienter nos désirs selon ce qu’on nous a appris, mais laisser notre désir intérieur nous guider très simplement.
Je viens de le dire, nous sommes manifestement à la fin de l’histoire. Désormais, il n’y a plus de sens. Le sens de l’histoire à disparu. C’est précisément cette présence dans l’absence qu’il s’agit alors d’habiter. Cette présence/absence très tôt je l’ai vécue et questionnée. Voilà aussi pourquoi j’écrire depuis l’âge de sept ans. On doit donc cesser pour écrire, mais aussi pour sa propre vie, de prolonger les voies déjà tracées, et accepter de se mettre toujours en danger.
Pour bien faire comprendre cette idée, je dirais qu’il faut définitivement en finir avec la certitude cartésienne. Elle est datée. Elle appartient à ce qu’un ami appelle l’ancien agôn. L’écriture ne doit plus être fidèle à un discours de la méthode ; elle gagnerait à suivre le discours du chemin. Je l’appelle la voie. Parce que le chemin plus que la méthode vous donne cette ultime chance de vous perdre.
Or, je dirai que j’ai toujours écrit pour me trouver, mais que j’ai systématiquement emprunté des chemins qui m’ont amené à me perdre, ce qui m’a donné la chance systématique d’être en perpétuel devenir.
Je refuse donc tout processus logique, cartésien, car je le trouve trop scientifique, trop rationnel : du connu il m’emmène vers le connu. Or, si l’écriture n’est pas cet abîme qui s’ouvre sur l’inconnu, alors à quoi sert-elle donc ? Je ne cesse donc de le penser : les prosateurs qui refuseront de mettre leur honneur en danger, leur peau sur la table (comme l’écrivait Céline), qui n’accepteront pas de regarder la vérité en face, leur vérité, qui refuseront cette écriture qui les amènera en face pour demeurer dans un processus artificiel et cartésien resteront pour toujours des écrivains de salon. À la prose creuse qui nourrit les dîners mondains j’ai toujours préféré la parole pleine (comme la définissait Lacan.)
Être écrivain-voyageur c’est donc avant tout un état de vie, une manière d’habiter le monde sans jamais rechercher à se fixer quelque part, dans un lieu, une idée, une langue, une école ou une patrie. C’est écrire sans but ni fin, acceptant l’aspect insensé du désir, poursuivant le fil de ce désir, parcourant un itinéraire méditatif duquel éclora la vérité sur soi ; une vérité intérieure, une connaissance de soi que l’on ne redoutera plus.
Et ce sera surtout une belle manière de s’autoproduire en permanence, comme le dirait Edgar Morin.
À paraître en librairie du même auteur :
Seuls. Éloge de la rencontre, Les Belles Lettres (mars 2014)
Le Saut Nijinski. Journal d’un éveil, Regard & Voir (novembre 2014)
17:53 Publié dans art | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : art, art de vivre, écriture, partage, échange, humain
Commentaires
La vie ne peut être séparée de l'art (pour moi) comme l'art est partie intégrante de la vie :
art si chaud
feuilles d'écriture
littérature
desseins
photos
films
musique
architecture
sculpture
à pratiquer ou à voir
à entendre ou à contempler
à caresser du regard
ou de la main
Une vie sans art serait une existence sans respiration.
L'art est une bonbonne ou une bouteille d'oxygène dont on sait qu'elle a une capacité déterminée : toujours penser au détendeur.
Écrit par : Dominique Hasselmann | 23/01/2014
"on ne peut que rêver d'un art qui serait un enchevêtrement profond des symboles actifs, capables de parler au public un langage où rien ne serait dit mais tout pressenti"JEAN GENET
L'art, dans le sens classique du mot, a perdu depuis bien longtemps sa raison d'être.
Écrit par : alex-6 | 23/01/2014
https://www.youtube.com/watch?v=Qg-Tiddvt1I
de l'importance des entrailles. Pas des discours sur l'art.
Écrit par : Lorka | 23/01/2014
Love, Baby Blue.
T'as encore travaillé fort...
Écrit par : Christian Mistral | 24/01/2014
Oui, grand grand merci (pour ta patience aussi...) et bravo! Une fois de plus. Sur une thématique aux infinis développements possibles. Ce qui a donné naissance à une belle catalogne de réflexions, en dépit des trous que toi seule peut percevoir! D’ailleurs, selon ce que tu nous en dis, il y a eu autant d’authentiques réponses dans l’expression de plusieurs "refus" de répondre...
Écrit par : Le Plumitif | 24/01/2014
Merci de l'invitation, chère Blue!
Écrit par : Guillaume Pâquet | 26/01/2014
Vous aviez eu déjà Louis Jouvet qui affirmait : "un peu d'art dans sa vie, un peu de vie dans son art" ; l'écrire rejoindrait l'errance, l'exil et l'ailleurs, ne sachant jamais ce que sera la découverte de l'horizon du Jour à nuit... en soi., vers l'altérité. L'écrire, le peindre, le dessiner, se mettre au piano des rêves et des fantasmes, jouer L'éphémère Ekistenz...., improvisant bien souvent des cœurs de bagatelles, des romances et des sarabandes à la suite des impromptus....d'âme à esprit ouvert.
B.
Écrit par : SAINT-SONGE | 27/01/2014
merci de la richesse de cette question et de la qualité de l'engagement de ceux qui vous ont répondu.
je suis par force de pratique depuis ....
une artiste , c'est toujours délicat de le dire mais je gagne ma vie plus ou moins bien avec mon art qui se déploya sur certains domaines sculpture , peinture mais l'art orale et artiste dramatique interprète
et l'écriture depuis longtemps
et de plus en plus et fondamentalement écriture.
merci merci beaucoup.
Écrit par : lamangou | 23/02/2014
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