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30/07/2010

Correspondances,"lettre à Christian Mistral"...

Voici mon humble contribution au concours des correspondances d'Eastman, je la souhaitais à l'époque double mais "lettre à ma mère" n'est pas sortie à temps, je n'ai pu donc produire que celle qui suit dans les délais. L'exercice est particulièrement étonnant et mérite qu'on y pense je trouve, la correspondance étant à mon sens par essence destinée à l'intime et donc être lue d'âme à âme, de l'ouvrir au départ à être lue par tous oblige à un recul, à une retenue particulière, ce qui m'a d'ailleurs attirée dans ce cadre du concours, cette ambiguïté oblige à une écriture spécifique et lucide aussi. Cette "lettre à Christian Mistral" s'adresse à l'écrivain en particulier et d'une manière plus générale aux écrivains et hommes de l'art au sens large, et invite à réfléchir à ce qu'ils peuvent provoquer chez le lecteur qui les découvre, on pourrait d'aillers agrandir la réflexion à l'art dans son ensemble, ce qu'il a de vivant de bienfaisant d'indispensable et de redoutablement engageant. Ecrite dans ce sens, le choix de l'intéressé n'est par contre pas du tout un hasard tant l'écriture spécifique de cet homme là ainsi que son amitié ont été pour moi une véritable révélation et c'était une manière personnelle et inspirée de le remercier, ce qui dans le cadre précis et du lieu et du théme me paraissait idéal et à propos...

 

Cher Christian,
 
Cher Christian Mistral,
 
 
 
Ce n'est pas un exercice facile que celui d'écrire à un écrivain que j'admire et qui a compté et compte encore dans ma vie. Pourtant si je prends la plume aujourd'hui pour vous dire que vous avez plus que bouleversé la mienne c'est que je reste attachée viscéralement à dire ce que parfois, voire trop souvent, on a tendance à taire par pudeur timidité bienséance ou éducation. Pourquoi lors ne pas se permettre d'évoquer à un homme de lettres par des mots simples et sincères l'importance qu'il a pris dans mon esprit, pourquoi ne pas lui transcrire les battements de mon coeur à la lecture de ses mots pourquoi ne pas lui rapporter les larmes, rires frais, grincements de dents, suées, à la rencontre de sa poésie et  pourquoi ne pas lui faire sentir avec les miens toutes les prises de conscience fulgurantes et jouissives à leurs contacts et toutes les vibrations poétiques de sa grammaire...
A dire vrai, c'est une des toutes premières fois que je peux que je me permets et ressens le besoin de l'exprimer ainsi à un artiste de son vivant et malgré mon bon vouloir et la forte pression passionnelle qui m'anime c'est sur le comment que j'achoppe, comment rendre un tremblement d'âme, une joie incommensurable, un trouble presque sismique, un plaisir profond et un embrasement des méninges quand j'ai entre les mains un de vos livres et comment exprimer de la plus juste façon l'inspiration et la respiration que vous m'offrez à la lecture d'un de vos poèmes, d'un de vos romans, cette sorte d'incandescence....
Et puisque je m'en donne l'occasion aujourd'hui, et ce dans ce contexte si particulier et si pertinent des Correspondances, sachez que je vous aime pour la forme et pour le fond car au fond n'est-ce-pas ce qui compte le plus pour un homme de l'art tel que vous ou vos congénères de remuer en profondeur un individu, de le toucher, de l'interpeller, de l'émouvoir l'éveiller à lui-même et lui donner à réfléchir sans pour autant l'ensevelir sous des théories fumantes ou des gentillesses doucereuses bien loin de votre carte du monde, j'en conviens, a fortiori de la mienne mais juste de lui ouvrir les portes de sa sensibilité et de ses limbes intérieurs, lui permettre l'accès à sa boîte de Pandore en prenant le risque comme vous le faites d'entrouvrir béante la vôtre.
C'est sans doute ce mélange si personnel, ce choix pointu du mot retenu, cette richesse,cette trivialité cette dimension sensorielle qui donne à votre mouture sa couleur prégnante si particulièrement humaine et déchirante telle que je la reçois.
 
Vous êtes pour moi une nourriture.
 
Et ce n'est pas peu dire... Vous m'avez donné le goût d'écrire à mon tour et vous m'avez affranchie par ce ton qui est le vôtre et par ce traitement percutant et sans ménagement de l'âme humaine empreint à la fois de tendresse et de souffrance dans cette sorte de poésie vibratoire, karchérisante...
Je m'interroge dès lors sur ce qu'un écrivain  comme vous envisage de provoquer quand il écrit et s'il y pense vraiment, chacun des lecteurs s'appropriant vos mots à sa manière, chacun avec ses attentes implicites. Pour moi, ils ont été de concert d'une évidence étonnante et d'une déflagration inouïe comme si vous étiez venu me chercher au fond de mon chaudron.
 

L'art comme tentative de sortir de soi l'essence même de l'être que l'on est.
 
J'aimerais vous rencontrer de chair pour pouvoir deviser avec vous et puis vous imprimer de vive voix l'importance que vous avez prise dans ma vie, pas comme une "fan" ou une sorte d'individu dépossédé de lui-même et en quête de repère, je ne suis pas comme pourrait l'induire ce courrier entrée en religion mistralienne et n'ai pas perdu mon libre-pensant, non,vous rencontrer par congruence et sentir la vôtre car nul doute que doit émaner de votre personne l'image des démons intérieurs et sauvages qui vous habitent comme chacun d'entre nous mais peut-être de façon plus honnête plus criante plus directe comme cela transpire dans vos livres, cette sorte de désespoir assorti d'un tel goût de la vie et de l'amour, cette soif d'affects et ce profond respect de l'amitié portée aux nues et qui me percute tant! Si vous le vouliez bien, j'en serais très émue.
 
Et puis au-delà de tout, c'est vous lire davantage qui me comblerait le plus, il me faut attendre alors le prochain ouvrage qui va agir en vous, ayant déjà dévoré tous les possibles vous concernant... J'ai toujours beaucoup lu et ce depuis mon plus jeune âge, j'en ai besoin. La littérature et la poésie m'ont révélé à moi-même, certains langages plus que d'autres certaines histoires aussi et puis certaines constructions certains canaux certaines musicalités. Pour moi et sans doute plus universellement c'est une nécessité pour exister pour se construire pour ouvrir sa perception du monde.
 
La littérature m'a rendu à moi-même et par la même plus humaine.
 
Et vous?
 
Je n'ai pas envie de vous mettre dans l'embarras avec mes questions qui pourtant tant me brûlent les lèvres, elles ne sont que miennes et sont celles que vous avez semées en moi et qu'il ne me reste plus qu'à faire germer et fructifier. J'ai grandi à vous lire, j'ai pris la mesure aussi sans doute parce que j'y suis prête de ce que j'avais envie moi-même à mon tour de transmettre et de quelle façon. J'ai compris l'importance plus encore des mots, de leur force de frappe et j'ai mesuré l'impact de la truculence, de l'authentique, du vécu à chaud, du témoignage et de l'audace d'être ce que l'on est et de le dire.
 
Je me sens plus libre depuis que j'ai croisé votre route et celle de votre plume et je vous en remercie de la plus vibrante façon du fond de mon âme.
 
 
 
Bien à vous,

Helenablue