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15/08/2013

La dolce vita -1-

La route pour Gênes les cheveux dans le vent annonçait déjà la couleur que prendraient ces vacances italiennes, dorées et bleues. Nous avons embarqué, mon homme et moi, sans encombre dans un grand ferry, la coque peinturlurée d’un Titi géant et d’un gros Gros minet. Les voyages en mer ont toujours une consistance particulière. Se voir quitter la terre pour un espace infini est une sensation étrange et apaisante. On se sent si petit.

Mercedes vintage bien au chaud dans la cale, nous avons pris un repas au restaurant du bateau tout a fait délicieux avant de rejoindre notre cabine où nous nous sommes endormis bienheureux bercés par le tangage du gros navire traçant sa route à travers les eaux noires pour nous amener au petit matin au bord des côtes sardes. 

Là, une mauvaise surprise nous attendait. Impossible de démarrer la machina. Pas moyen. Nada. Quatre marins charpentés nous la poussent hors du ferry et nous laissent pantois au milieu du parking du port d’Olbia. Le rêve allait-il s’arrêter là ? J’avais du mal à ne pas sentir en moi s’effondrer tous mes espoirs de détente mais je restais calme, me disant qu’après tout nous étions là où nous voulions être, loin du Nord, sur une île trois fois plus grande que la Corse, dans un pays inconnu et sans maîtrise de la langue, toujours pas eu le temps nécessaire pour apprendre l'italien. Tout notre projet de vacances était construit autour de la voiture qui devait nous emmener d’un point à un autre, difficile de ne pas céder au désoeuvrement. L’assurance prenant en charge ce genre de déconvenue, nous avons fini au bout de plusieurs heures d’attente à l’unique bar du port, dans la Mercedes recapotée sur le plateau d’une dépanneuse via le garage le plus proche. Puis laissant là, aux spécialistes la mission d’analyser la panne, nous sommes descendus découvrir Olbia et sa vieille ville.

Trois jours de réparation. Un jour pour démonter, un autre pour faire venir la pièce défectueuse de Rome et un troisième pour véritablement réparer. Par chance, nous avions réservé un hôtel un peu plus au Nord, tout près de la Costa Smeralda. Nous avons donc laissé titine au garagiste et nous avons filé là-haut, à la Villa del Golfo, un endroit magique et esthétique qui invitait au lâcher prise…

Je me levais très tôt le matin pour m’asseoir devant la mer, voir le lever du soleil et lire mon livre sur le désir de Willy Pasini. Bien loin du petit déjeuner des champions publié par Hunter S. Thompson en 1973: "Quatre Bloody Marys, deux pamplemousses, une cafetière de café, des crêpes Rangoon, une demi-livre de saucisse ou de bacon ou encore de Corned-beef haché avec des dés de piments, une omelette espagnole ou des oeufs Benedict, un litre de lait, un citron coupé pour assaisonner et quelque chose qui ressemble à une part de tarte au citron, deux margaritas et six lignes de la meilleure cocaïne pour le dessert. Le tout consommé nu et seul, dehors en plein soleil, avec deux ou trois journaux et de la bonne musique", celui proposé par l’hôtel avait en commun le soleil et la bonne musique et était d’un genre pantagruélique, je n’ai jamais vu buffet du matin plus fourni. Des tablées entières de fruits, de fromages de pays, de gâteaux faits maison, de marmelades au saveurs nouvelles comme ce mélange figue-basilic et de charcuterie. C'était presque indécent d'avoir autant de choix mais assez magique aussi. Tout ici n'était qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté...

J'ai aimé les paysages sauvages de Sardaigne, l'archipel de la Maddalena, la mer bleu turquoise. Je n'ai pas eu le temps de voir les sites nuragiques, il me faudra revenir et j'ai détesté par contre les deux célèbres ghettos de richissimes que sont Porto Cervo et Porto Rotondo, jaillis de terre sous l'impulsion du consortium immobilier de l'Aga Khan et qui sont sans âme malgré une volonté de cohérence architecturale forte avec des maisons et résidences aux formes arrondies et douces, chaulées tantôt blanc, tantôt terre de Sienne et l'omniprésence de bougainvillées. Par contre Santa Teresa di Gallura tout au Nord de la Sardaigne m'a, comme dirait mon plus jeune fils, vendu du rêve. Là tout à la pointe, face à la Corse et vue sur l'extraordinaire village de Bonifacio, un bâtiment en jachère, année 70, avec tout à refaire. Toujours les sites abandonnés comme ça m'inspirent et j'ai pu pendant quelques heures reconstruire et voir vivre ce lieu dans ma tête. Un enchantement !

Après les trois jours nécessaires, nous avons récupéré Mercedes et nous sommes remontés sur un autre ferry pour Rome cette fois-ci. Traversée plus courte et tout aussi agréable que la première, nous avons mis pied à terre à six heures du mat et sommes allés prendre un petit déjeuner au Lido, là où tous les romains se pressent pendant les vacances tellement, dans leurs murs, il fait chaud. C'était un vrai bonheur de savourer un cappuccino en lorgnant les gens qui s'installaient sur la plage les uns après les autres comme au ralenti et en se régalant de la brise de mer légère et du clapotis des vagues sur le sable gris et fin.

Quelques heures plus tard, nous retrouvions Rome qu'on avait déjà arpentée quelques années auparavant avec nos trois enfants. Rome la superbe ! Quelle ville incroyable, riche, vivante, historique. Nous l'avons traversée de part en part la tête au soleil laissant le soin à Mercedes de nous véhiculer: Le Colisée, le Vatican, la place Navone, celle du capitole, le quartier du Trastevere et puis nous nous sommes décidés à faire une halte pour voir où en étaient les travaux de restauration de la fontaine de Trévi, lieu mythique présente dans l'inconscient collectif surtout grâce à Fellini. Autant les petites rues de Rome étaient vides, autant le monde autour de la fontaine était suffoquant mais l'endroit néanmoins reste puissant. Après un bref coup d'oeil au dessus de la mêlée, par chance nous sommes grands, un granité pris sur une petite place à l'ombre, nous avons mis le cap sur le lac d'Albano, à Gandolfo, résidence d'été des papes, lieu frais où nous devions passer la nuit.

Avant de partir, j'avais lu dans le deuxième numéro du Vanity Fair français ce propos relaté par Sandrine Kiberlain qui citait en réponse à la question: votre jour préféré? Eleanor Roosevelt: "Hier est de l'histoire, demain est un mystère, aujourd'hui est un cadeau." Je l'ai faite mienne cette pensée tout au long de ces jours, bien décidée à profiter de chacune des petites choses et de tous les petits bonheurs qui s'ouvraient à moi. Et ce fut bon. Tout ne vieillit pas en nous, et notre capacité à nous émerveiller reste intacte, c'est ce que j'ai éprouvé au cours de ce séjour et je ne pensais pas avoir une émotion d'une telle intensité quand Pat a suggéré de visiter ce jardin entre Rome et Sienne qui allait m'emporter par ses beautés et qu'il voulait voir depuis plus de trente ans...

( à suivre )