09/11/2009
dans le rétroviseur
Souvent, et c'est récurrent je me prends à construire des films dans le rétroviseur celui du véhicule devant moi où je ne perçois qu'un regard et à l'arrière dans le mien où je profite davantage de l'inconnu dans son entièreté; j'observe, j'invente, j'extrapole mon imagination va bon train et, j'en ris parfois toute seule dans mes babines!
Je n'ai pas pu conduire pendant plus de dix ans ayant ce que Sigmund a nommé et qu'on appelle communément des hallucinations, terrifiantes et sanglantes. Toujours la même, un couteau m'éventrait, le sang giclait sur le pare-brise et finissait par envahir tout l'habitacle. Ca me paralysait sur place et je n'étais alors plus capable d'appuyer sur la bonne pédale ou de passer la vitesse adéquate. J'ai laissé des lors la voiture au garage ou dans des mains moins atteintes du ciboulot. Ce n'est qu'après ma longue et laborieuse thérapie que j'ai pu récupérer mes facultés au volant; étrange quand même que tout cela ait disparu car c'était vraiment très présent très précis en 3D palpable et incroyablement violent.
Le moniteur d'auto-école avec qui j'ai appris à conduire était un pervers grisonnant la cinquantaine bien sonnée tombeur de ces dames prétentieux et macho et qui n'avait qu'une idée en tête du moins me concernant tripoter de la chair fraiche. Avec moi il jouait sur du velours sa main effleurait ma cuisse souvent et je devenais alors dure comme du bois de fer en état de tétanie totale incapable de quoi que ce soit, il a prolongé jusqu'à mon sexe tendre et frais de jeune fille je sens encore sa main d'homme dans ma culotte, les miennes agrippées au volant de terreur incapable de lui envoyer un aller retour ni même d'émettre un son de désaprobation. J'ai mis du temps à comprendre que sans doute tout cela m'était familier...
A l'examen du permis, l'inspecteur m'a trouvé trop émotive mais a fini par me le donner au bout du quatrième passage ayant compris finalement que je ne serais jamais une Speedy Gonzales de la route.
Maintenant je m'éclate! Quand je suis au volant de titine, la musique à tire larigot, chansons, jazz, classique et même de la variette de midinette d'antan, je me plais à chanter à tue-tête ou à me raconter mes histoires de rétroviseurs... Les temps ont changés, moi aussi, joueuse et courtoise je suis souvent reprise au klaxon aux tricolores perdue dans mes pensées, je jette toujours un petit signe de la main à un acte galant de laisser passer et apprécie une conduite souple feutrée féline et comme je suis dans une sorte de véhicule sans âge un peu déglingué j'intéresse beaucoup les contrôles de gendarmerie et je me fais des amis parmi les rastaquouères de mon quartier. Toujours est-il que je peux enfin conduire ma vie comme bon me semble sans craindre les giclées d'hémoglobine, les caresses intempestives ou les bouffées de chaleur émotionelles et je me régale...
11:58 Publié dans fragments | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : vie, expérience, souvenir, art de vivre, histoire, mots, échange, humain
Commentaires
Cette fois, j'ai compris, Helena. C'est à dire que je comprends pourquoi tu sembles un peu centrée sur toi-même - sur tes proches, bien sûr - sur tes amies et amis, et au fond sur ton bonheur.
Évidemment, après l'agression, le couteau, il fallait le plonger - symboliquement - dans le ventre de l'agresseur. C'est bien sûr facile à dire. Très difficile à faire sans aide puisqu'il y avait eu sidération. Merci donc au thérapeute (masculin ou féminin ?) qui t'as écoutée et probablement sauvée. Est-ce que je me trompe si je considère que tu es à la fois enrichie par ce traumatisme dépassé et peut-être encore un peu en convalescence ?
En tout cas, je trouve ton témoignage tout à fait opportun (et courageux). Le message est reçu 5 sur 5.
Écrit par : Le passant... | 09/11/2009
Et le traumatisme là n'était que l'écho, la remise en acte devrais-je dire d'un autre bien plus ancien, plus violent encore...
Bien sûr je suis enrichie de ce dépassement, et d'autres encore, en concalescence encore un peu sans doute, tant encore à faire pour être au monde ...
Écrit par : helenablue | 09/11/2009
après la révolte ! à la lecture de moments très perso. sur le comportement irresponsable d'un ' monstre ' un peu de.... légèreté si je puis dire.
http://www.youtube.com/watch?v=WoTNn1fMVAA
p/s plus bas..., c 'est une des photos que j'affectionne,merci pour le clin d'oeil et pour les...regardscroisés :-)
Écrit par : francis | 09/11/2009
Hi,hi françis, j'aime beaucoup se sketche avec Jean Yanne!
:-)
Comme tu dis, un peu de légéreté si je puis dire...
J'aime les regards croisés, les chassés croisés et le mouvement des rencontres.
Écrit par : helenablue | 09/11/2009
J'aimerais bien l'avoir aussi, moi, le permis....
élargir "en vrai" cet horizon que je ne peux arpenter que par mon écran....
Écrit par : anne des ocreries | 09/11/2009
Oh! Pourquoi ne le passes-tu pas?
Écrit par : helenablue | 09/11/2009
Helena, t'ayant lu, j'étais informé du traumatisme précédent, mais cela ne m'avait pas permis de comprendre ton positionnement qui faisait question pour moi.
Le désir d'anne des ocreries m'a inspiré cette remarque : pour moi, conduire (une voiture) est chose facile et agréable, par contre - je ne sais pas ce que vous en pensez - mais se conduire...
Écrit par : Le passant | 09/11/2009
Bonjour,
ce qui rassure c'est que tu nous démontres par ton exemple que rien n'esr irrémédiable dans sa vie et qu'avec du courage, de la patience et de l'obstination on peut surmonter bien des choses pour trouver une vie "normale" si tenté que ça existe dans ce monde qui nous stresse comme des citrons....
Comme je suis allergique au permis, aux médailles,aux diplomes et même au certificat d'étude et aussi contre le travail ( même si là il m'a fallu à 30 ans me résoudre à cet exclavage quotidien) je ne peux rien dire sur la conduite à tenir ( ça ne m'empèche pas d'aimer les voituires....)
allez Vive les victoires et pas que le 11 novembre
amitié!
Écrit par : alex | 10/11/2009
@ Le passant :
c'est vrai tu me l'avais précisé.
En quoi ce positionnement faisait question?
Maintenant, je dois dire que cet image à la voiture et à l'acte de conduire est symbolique, conduire sa vie c'est en être l'acteur, ne plus "être agi" mais agir...
Hum, comment dire au plus juste. Disons que ce traumatisme d'enfance ayant généré une amnésie conséquente, le seule manière pour moi a été le dédoublement de personnalité, j'ai été folle pour faire plus simple, je le suis sans doute encore un peu mais plus lucidement si je puis dire, disons que je sais que la frontière est mince, conduire sa vie se conduire c'est prendre conscience de ses actes de ses dires de ses émotions de ses ressentis, c'est être là tout entier à ce que l'on fait, c'est aussi une communication interne, un flux et un reflux entre son conscient et son inconscient.
Tout mon travail thérapeutique a permis de renouer avec ce contact, à mes souvenirs de refaire surface et aux émotions bloquées de s'exprimer ce qui a redonné une nouvelle fluidité, tordue que j'étais de presque partout, le travail mais aussi la vie, la remise en acte et la volonté farouche "d'être" à la vie, la mienne, de reprendre la main.
Écrit par : helenablue | 10/11/2009
@ alex: Rien n'est irrémédiable, c'est vrai , tout est mouvement et changement possible, parfois plus difficile pour certains que pour d'autres, des résistantces, pas le contexte, pas les rencontres qui sauvent qui ouvrent qui interpellent ce que j'ai eu la chance d'avoir et que j'ai pu saisir, l'art la littérature la musique la poésie et quelques êtres humains exceptionnels d'humanité de générosité d'intelligence d'intégrité d'humour aussi, tout cela m'a permise de faire ce chemin. A mon tour j'aimerais pouvoir offrir ce qui m'a été donné, ce que j'en ai compris à ma petite échelle, ce que je connais du pouvoir de l'empathie et de l'écoute active, de la puissance des mots dits, lus, soupirés, hurlés, tus.
Toute mon amitié.
Hélèna
Écrit par : helenablue | 10/11/2009
Ah la bagnole, le char, l'automobile.
Véhicule d'amour libre ou d'esclavage résigné.
Bulle sur roues.
Conduire est une expression individuelle routière dans la jungle
du 21e siècle de bitume.
Bien dit, Blue.
Écrit par : Yvan | 10/11/2009
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