04/01/2010
Georges de la Tour
" Un grand artiste se sert de tout ce que lui offre son temps. Mais il n'en est jamais l'esclave. L'esprit a besoin d'un choc extérieur qui mette en mouvement la sensibilité, l'imagination, les facultés créatrices. Peu importe, ou presque, d'où vient ce choc. Son rôle est, si j'ose dire, purement mécanique. Du frottement de deux silex jaillit une étincelle. Il n'y a que l'étincelle qui nous intéresse. Elle n'existerait pas sans les silex, mais elle ne leur ressemble pas."
- Paul Jamot -
Georges de La Tour est le héros le plus mystérieux de l'histoire de l'art. Peintre à succès sous Louis XIII, il tomba dans l'oubli pour renaître au XXè siècle. Né à Vic-sur-Seille le 14 mars 1593, fils de boulanger, Jean de la Tour dit "l'architecte", et de Sibylle de Crospeaux, issue également d'une famille de boulangers. Peintre débutant, il fit la rencontre des maîtres hollandais Honhorst et Terbrugghen lors d'un voyage en 1616, son mariage avec Diane de Nerf, membre d'une grande famille de Lunéville, à Vic-sur-Seille en 1617, lui permet d'entrer toute la noblesse lunévilloise. Il s'installe à Lunéville en 1620, afin d'y exercer ses activités artistiques.
A cette époque, la guerre de 30 ans vient de débuter. De la Tour est soupçonné de spéculation sur le grain. Il devient, en tout cas, l'un des bourgeois les plus riches de la ville, et déménage à Paris en 1639, par prudence, lorsque les combats se font plus violents. A son retour à Lunéville, il se présente sous le titre de "peintre particulier du Roi". Dans les faits, il a rencontré Louis XIII lors de son séjour à Paris, et lui a donné le "Saint Sébastien dans une nuit", lequel sera exposé dans la chambre du Roi. A plusieurs reprises, le Duc de la Ferté, gouverneur français de la Lorraine, exigea des peintures de Georges de la Tour, lequel demandait en échange des impôts prélevés sur une population très pauvre.
Georges de la Tour meurt le 30 janvier 1652, et tombe alors dans l'oubli. A tel point que nombre de ses oeuvres sont attribuées à d'autres artistes, tels le Nain, des Caravagesques, ou même Maurice Quentin de Latour, né plus d'un siècle plus tard. Dans les musées qui avaient le privilège d'en posséder, l'étiquette disait indifféremment Guido Reni, Saraceni, Gentileschi, pour les musées proches de l'Italie, Terbrugghen, Honthorst, pour les musées près du Nord, Zurbaran, Velasquez, pour les musées près du sud. Autrement dit, son oeuvre était complètement répandue aux azimuts de l'histoire de l'art. C'est véritablement un cas extraordinaire d'exil total, absolu.
Jusqu'à ce qu'un érudit allemand le ressuscite en 1905 en rapprochant trois toiles mystérieuses. Le feuilleton de la résurrection commence alors, doublé d'une chasse au trésor alléchante, car, peu à peu, on trouve des La Tour dans les lieux les plus fous, et aujourd'hui, on ne connaît encore qu'une quarantaine de tableaux sur les trois cents probables.
En 1915, l'historien Hermann Voss attribue deux toiles du musée de Nantes à Georges du Mesnil de La Tour.
En 1922, un historien d'art de génie, Louis Demonts, est frappé de voir dans les musées de la province française, à Nantes, Epinal et Rennes surtout, des tableaux qui, très visiblement, appartiennent à la même main.
En 1926, un collectionneur, Pierre Landry, achète Le tricheur. En le nettoyant, il trouve la signature !
En 1934 treize oeuvres de Georges de La Tour à l'Orangerie à Paris. Il est enfin reconnu et la recherche de ses œuvres perdues commence ...
" Les silhouettes sont nettes, les schémas perceptibles; La Tour les voit avec acuité et il les exagère volontiers. Il y a du géomètre en lui pour la composition, les formes et aussi l'éclairage... ces jeux lumineux , toujours arbitraires, qu'ils aient pour origine un projecteur extérieur à la scène ou un luminaire, visible ou non dans la composition, ont une fonction plastique et surtout ont pour but de mettre en valeur des détails lourds de sens...
Il peut être sonore, contrasté. Il est aussi discret, modeste, monotone, pauvre même mais harmonieux, car la Tour sent les valeurs, il aime faire chanter des tons rapprochés et les séparer par des nuances presque imperceptibles. Sa palette se réduit à quelques dominantes, qui contribuent à l'unité de production; jaune, brun, rouge et une gamme de gris et de mauves ou de violets qui servent de transition..."
- François Georges Pariset -
10:22 Publié dans art | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : art, peinture, lumière, écrits, humains, émotion
Commentaires
J'aime beaucoup le citation de Paul Jamot, en exergue. Et j'apprécie beaucoup ce peintre, pour ses lumières, sa grâce et son mystère. Ses oeuvres sont pleines d'une intimité "surprise au vol", ce sont des "coups d'oeil" en passant.....
Elles se contemplent, on s'y oublie et...on s'y trouve, c'est troublant...
Écrit par : anne des ocreries | 04/01/2010
Oui, moi aussi, cette citation de Paul Jamot est tout à fait juste, il appréciait beaucoup le travail de Latour, une intimité et une introspection je trouve en simultanée, dû à la lumière toute spéciale, probablement...
Écrit par : helenablue | 04/01/2010
fascination du clair-obscur ! Merci Hélèna pour tes amours de peinture !
Écrit par : carole | 05/01/2010
:-)
A bientôt Carole...
Écrit par : helenablue | 05/01/2010
Je pensais passer en coup de vent sur votre blog et finalement je me suis laissé prendre à lire vos textes, à admirer la beauté des illustrations, peintures... Il y a l'excellente émission Palettes qui a consacré un passionnant numéro aux "Joueurs de cartes" ou au "Tricheur" (je ne sais plus quel est le titre exact de ce tableau) de de la Tour.
Écrit par : pier | 13/01/2010
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