13/01/2010
Des fleurs en hiver
Visionnement tard dans la soirée d'un téléfilm américain comme eux seuls savent le faire, appuyé en diable, shaker de tous les ingrédients nécessaires à faire venir la larme, une histoire chassé croisé de relations parents enfants, hum, plutôt mère fille père fille, genre une fille qui vient de perdre son père infirmière aux urgences et qui sauve une vieille dame atteinte d'un cancer du poumon pendant qu'il meure juste à côté de cinq balles dans le thorax. La vieille elle même en conflit avec sa fille qui n'accepte pas de voir sa mère en phase terminale et surtout d'en rire, d'en plaisanter, d'avoir l'air de s'en foutre, oh, j'oubliais la fille de la mère en question enceinte bien sûr, un bon mélo du Dimanche soir. Sauf que je n'ai pas versé une larme mais un torrent, sauf que la maman mourante était jouée par Gena Rowlands, sauf qu'elle joue de surcroit le rôle d'une brillante pianiste, sauf que la musique de Chopin dans les moments boîte à kleenex, sauf que ces morts qui vivent en nous, les amours manqués, les paroles non dîtes, les réconciliations, le happy end ou presque, les tulipes jaunes qui poussent dans la neige blanche, ça m'a remuée sec et profond et je me suis mise à l'horizontale dans des gros sanglots d'enfant emmitouflée dans un pyjama douillet chaussettes comprises, j'avais si froid dehors et si liquide et humide en dedans.
Plusieurs rêves ont secoués ma nuit mais un plus tenace, évident comme un flash: j'écris à mon cousin!
Ce cousin parmi tous mes cousins est le fils aîné du frère de ma mère, son frère préféré, je le soupçonne de l'être parce qu'il a failli tuer son père à coup de pioche, mon parrain de plus, celui aussi des frères de ma mère qui a épousé une des sœurs de mon père, Olivier de son prénom, il était avec Maxime, l'autre fils aîné de l'autre frère de ma mère mon cousin préféré, nous étions les trois aînés faut dire de ce côté il y avait de quoi se serrer les coudes, gamins on a fait les quatre cent coups ensemble gentiment, la dernière fois que je l'ai vu et entendu, j'avais 15 ans. Et là, suite à un véritable suintement outre-atlantique me prenait une viscérale et imposante envie, voir besoin de lui écrire trente années après, je réitère, le cheminement de l'inconscient est imprévisible et surtout il ne connaît aucun repos ni RTT...
Les fleurs qui poussent dans la neige. Des fleurs en hiver.
Cher Olivier,
Je vais sans doute te paraître une revenante, on le serait à moins, pas vu ni entraperçu ni parlé depuis de longues années, pourtant cela ne me semble pas si loin quand j'y repense. Je ne sais de toi que ce que ton père m'en a dit lors de l'unique visite que je lui ai faite il y a bien quinze ans maintenant, j'y ai appris que tu étais kiné et que tu exerçais à Paris, j'aurais pu faire des recherches plus approfondies à l'époque, n'en ai pas eu la force. Je venais de lui parler de son père, tu sais, peut-être t'en a-t-il touché un mot, c'était mon souhait mais je n'en suis pas certaine, son père, notre grand-père... Je venais lui parler de moi, de mon frère ma sœur de la tienne, la petite écrasée par un camion en le fuyant et l'autre portant comme moi un prénom de martyre, de sainte, de celle qu'on jette aux lions.
Je ne sais comment est ta vie, si tu as rencontré l'âme sœur si tu es toi-même papa, je me souviens de toi d'une manière assez vague surannée n'ayant plus aucune photos de famille à mon actif toutes brûlées dans une grosse caisse noire au milieu de ma cheminée un hiver torride il y a un bail maintenant.
J'aimerais que l'on se voit, qu'on se raconte, qu'on se retrouve, la vie passe si insensée, je voudrais qu'on puisse se parler avant le décès de mamie, que je te dise ce que sans doute tu sais dans ton for intérieur ou que tu sais tout court quoique j'en doute, les secrets sont bien gardés dans nos familles respectives d'un côté comme de l'autre.
Je reconnais que mon initiative est brutale et directe mais je ne peux pas ne pas le faire, alors appelle-moi ou déchire moi ou répond moi ou laisse pisser, l'important finalement c'est de savoir que tu existes et que tu connaisses mon existence en retour.
Je suis moi même mariée depuis 25 ans, je vais bientôt très bientôt avoir 45 ans moi qui pensais ne jamais passer la quarantaine, mise sous quarantaine si jeune, je suis mère de trois fils grands sensibles et fiers. J'habite Lille, de Paris c'est une heure de TGV, d'une vie à l'autre une éternité.
Take care, et fait comme bon te semblera.
Ta cousine.
HB
Alors voilà, j'ai posté ce courrier, papier bleu enveloppe de même couleur, encre noire à l'adresse que j'avais eu par ma tante, la femme de mon parrain qui avait couru derrière ma voiture pour que je dise à ses enfants ce qu'elle ne pouvait dire accepter voir reconnaître, je n'ai pas eu le courage à l'époque, pas le courage, et maintenant que je fais face, maintenant que la boucle est presque bouclée pour moi et que je peux comprendre et accepter, Gena jouant ce petit bout de morceau de Mozart dans ce moovie pour coeurs en détresse m'en donne la force, j'en suis toute remuée et miel aussi voilà que je retrouve au fond d'un carnet cette adresse oubliée et que je lance mon flacon d'encre et de papier dans les tuyaux des postiers.
Une fleur en hiver.
01:55 Publié dans fragments | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : histoire, tranche de vie, enfance, humain, famille, écriture, mots, correspondance, importance, témoignage
Commentaires
C'est une démarche courageuse. J'aime te voir saisir toutes les occasions, parce que tu les décèles bien, pour oser, oser avancer, bousculer... J'aime.
Écrit par : Claudio | 13/01/2010
comme Claudio.... c'est bien. il y des moments oú les choses nous viennent soufflées par quelque chose, un film, une musique, une photo, une intuition..... on sait que c'est le bon moment....
lorsque j'ai démarché l'impeimeur de la ville, le jour oú j'y suis allée pour lui proposer mes services, c'est quelque chose qui m'y a poussé ce matin là en sachant au fond de moi que je ferai mouche .... cette assuance que tu as et qui te vient d'on ne sait d'où....
tiens nous au courant, j'aime les belles histoires....
autre registre, j'ai regardé dianche soir un Dvd "partir" avec Yvan Athal et Kristin Scott Thomas.....des rêve agités aussi et au réveil la boule au ventre qui te tient... tout s'était mélangé, toutes les histoires, les vraies, les cinémas....pas un chef d'œuvre cinématographique mais......la vie
je t'embrasse chère Blue
Écrit par : Barbara | 13/01/2010
Bien ma belle, bien bien bien bien......c'est un pas de plus, de ceux qu'il fallait faire, oui. Avance !
Écrit par : anne des ocreries | 13/01/2010
Yup.
Écrit par : Top Floor Man | 13/01/2010
un jour on sait que c 'est " Le " moment et on y va ...
Écrit par : francis | 13/01/2010
tu es venue me voir...j'ai aimé ton doux nom et ta présence mais cliquer sur ton avatar ne me menait à rien...
je t'ai trouvé chez Noèse...que j'adore...et ce premier post que je lis...ouah...dans la lignée de mes actes...un jour, on ne sait pas pourquoi, c'est impérieux, on DOIT faire çà ! bravo !
je sens que je dois venir te lire plus...
Noèse, Menfin, serge...oui je comprend mieux...enfin je crois...pourquoi tu t'es retrouvée ce jour chez moi
A bientôt
nanouou Clara (mon autre blog très intime (entrevengeanceset pardons.blogspot.com) celui là secoue un peu ! Aucune oblogation
Écrit par : Nanoub973 | 13/01/2010
Bienvenue ici Nanou, hum, il n'y a pas de hasard finalement, tout se tisse au gré des rencontres mais pas n'importe comment!
Certains actes s'imposent à nous, comme des chances aussi.
A bientôt.
Blue
Écrit par : helenablue | 14/01/2010
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