11/02/2011
Christian Mistral, le géant aux doigts fins...
Si vous ne connaissez pas Christian Mistral, vous êtes ou bien perdus, ou bien pas originaires du Québec... Cet homme est un conteur, remuant le triste arbre de la vie pour en faire tomber des fruits poétiques. Mistral raconte sa vie, c'est presque uniquement ce qu'il fait. Ses romans sont des « romans-réalité » pour ainsi dire. Notre bonhomme est une sorte de bohème, un rebelle, un barbare au coeur fébrile et à l'intelligence affûtée. Il croit être un génie. C'en est un : mais seulement lorsqu'il décide de faire le bien.
Christian Mistral est le premier romancier que j'ai lu à l'adolescence. Je ne lisais pas à cette époque, et pourtant, à l'âge de quatorze ou quinze ans, je me suis rué tête première dans Vamp, le roman mythique, où abonde un vocabulaire riche. Je me suis alors cogné la tête ! Mon vocabulaire souffreteux ne me permettait pas de bien sonder le texte. J'avais alors décidé, je m'en souviens, de chercher chacun des mots dans le dictionnaire, et de tous les noter. Quel infernal exercice c'était, si l'on considère la richesse du vocabulaire de Mistral. Depuis, j'ai dû relire Vamp quatre ou cinq fois. Sans compter ses autres romans. À chaque fois, je suis étonné par la qualité de ses textes.
Lorsqu'on ouvre un livre de Christian Mistral, les mots ont un tranchant relief. Ils se soulèvent, s'amplifient, se rapprochent de vous, se gorgent de passion ; ils ont une odeur, une vie ; on est instantanément ailleurs, fascinés d'être pourtant là ; si l'on retrouve des virtuoses de la musique, qui semblent faire de chaque envolée de notes un serment unique, alors chaque mot des livres de Mistral est sacré, et vous captive ; les phrases qu'ils forment se déroulent de façon ardente, gironde, avec une implacable, inlassable beauté, ainsi qu'une matière en fusion, dangereuse, qui progresse, étonne dans un vrai mystère, fait rêver... Quand je le lis, dégustant la succession suave et surprenante des expressions qu'il sait former, je pense : « Nul choix de mots ne serait plus parfait ; ah oui, ce mot également complète la suite parfaitement ; celui-ci aussi ! » ; telle est la réaction simpliste de celui qui s'enhardit face au génie de l'autre, génie dont le fruit semble si intellectuellement accessible, mais dont la gestation a été, à vrai dire, un tourbillon démené, où tout a dû être crument ressenti, réfléchi, repensé, soupesé, flairé par l'âme ! Voulu depuis les entrailles !
Le ton des textes de l'auteur québécois ont, par moments intercalés au joual, quelques reflets pour ainsi dire royaux, sans pourtant porter une essence guindée. Ses mots les plus riches ont la hauteur des étoiles, et ses descriptions aux paroles rares ont souvent la texture du rêve des grands peintres. Mais essentiellement, son ton est vrai, véritablement vrai, on l'entend penser ; c'est un grand conteur... Christian Mistral est violemment doué, et je le remercie d'être ce qu'il est.
Je ne pouvais passer au travers d'un tel texte, juste, savoureux et si joliment et lucidement écrit. Ce Guillaume nouvellement arrivé sur la toile avec sa salve d'étoiles touche à l'une de mes plus chères d'entre elles. Comment pouvais-je passer mon chemin et ne pas l'encourager dans le sien?
J'aime le "violemment doué", j'aime le "voulu depuis les entrailles", j'aime le "crument ressenti "et le "tranchant relief", toutes sensations éprouvées par moi-même à la même lecture, sans toutefois être québécoise de naissance mais devenue depuis québécoise de coeur. Je ne serais pas aussi directe que ce nouvel ami: "si vous n'avez pas lu Mistral, soit vous êtes perdus, soit vous n'êtes pas originaires du Québec"... On peut ne pas l'avoir lu parce qu'on ne savait pas ça possible...une telle écriture, et qu'on a pas eu l'occasion et l'heureuse surprise de la/le rencontrer sur sa route, moi si, aussi, comme Lajeunesse, la jeunesse que je n'ai plus, ou plus ou moins car toujours pourtant si présente dans mon âme et ma soif de vivre.
Une nouvelle occasion pour moi de rebondir sur cette rencontre qui m'a tant apportée jusqu'à l'audace d'écrire grâce à sa fulgurance et à son amitié. Une belle et heureuse occasion pour moi de remercier cet homme d'une rare sensibilité, d'une rare présence, d'une rare étonnante présence, oui, dans ses livres comme dans la vie...
- Black Angel & me - Mont-Royal -
22:19 Publié dans Blog, écriture | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : blog, christian mistral, écriture, rencontre, découverte, amitié, humain
Commentaires
Ebouriffant, ce billet. :)
Écrit par : anne des ocreries | 11/02/2011
Tu sais les dégoter les étoiles dans le firmament du net !
Très belle photo. Je l'aime beaucoup.
Écrit par : Venise | 12/02/2011
C'est l'anniversaire de Ven ce dimanche treize février, héhé. On trouve de tout dans le firmament du net.
Happy birthday, old girl.
C
Écrit par : Christian Mistral | 12/02/2011
Oui, c'est vrai! La veille de la St Valentin...
Bon anniversaire par avance Dame Venise!
Lots of love.
Blue
Écrit par : helenablue | 12/02/2011
@ Venise:
Disons que j'y ai un bon guide... héhé!
J'aime beaucoup cette photo itou, et toute la belle journée qu'elle m'évoque...
Écrit par : helenablue | 12/02/2011
@ anne:
:-)
Écrit par : helenablue | 12/02/2011
Tu sais ma Blue, je regarde ta photo frontispice, que je t'ai toujours enjointe de ne pas changer, c'était avant même qu'on ne commence à s'apprivoiser, et je la compare avec celle de nous deux que tu publies ici, et je mesure le temps et la distance et la beauté de l'amitié, ce qui sépare le mythe du mystère, et je suis très ému.
Écrit par : Christian Mistral | 12/02/2011
♥
Écrit par : helenablue | 12/02/2011
Quelle surprise d'entendre parler de mon anniversaire ici, moi qui l'oubliais
(pas vrai pantoute ...)
C'est magique l'anglais parfois. Pour moi en tout cas. Je lis "old girl" et dans ma tête, j'entends "sage fille" ;-). Pour être tout à fait franche, ce n'est pas seulement l'anglais qui est magique, c'est la manière que Christian Mistral l'utilise.
Merci à vous deux pour les voeux, je les savoure.
Écrit par : Venise | 12/02/2011
Votre relation semble très belle, Helena et Christian. C'est drôle, sitôt que j'aligne deux prénoms, que je les accorde d'un banal « et », je vois surgir des histoires. Ça doit être à cause de « Roméo et Juliette » ; pas que je vous soupçonne d'être amoureux — de toute façon il y a de multiples formes d'amour. Deux êtres sensibles engendrent une poésie illimitée. D'ailleurs, jolie photo, très expressive, on y constate que vous êtes infiniment complices.
Écrit par : Guillaume Lajeunesse | 16/02/2011
Elle l'est, Guillaume... Belle, fluide, naturelle, et exaltante, stimulante, rare! Drôle en effet, qu'en accordant deux prénoms d'un banal "et", te vienne des histoires, pour moi parfois un seul prénom suffit et je me fais un film!
Nous ne sommes pas amoureux, nous nous aimons, c'est différent, nous l'avons été cependant, du moins me concernant! L'amour évolue, et celui qui m'anime pour Christian est source de richesses incommensurables et insoupçonnées, il est unique, tout comme nous le sommes, lui, moi et tout à chacun. Notre amitié est profonde et j'y tiens. Oui, la photo transpire cette complicité capté par un oeil tout aussi complice qui m'est très cher aussi et qui me connaît bien et depuis fort longtemps...
Tout cela est d'une grande beauté, tout cela est fort précieux.
A préserver, et à entretenir à l'infini.
Écrit par : helenablue | 16/02/2011
Oui.
Écrit par : Christian Mistral | 17/02/2011
Les commentaires sont fermés.