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10/11/2011

Catherine Major

 

Merci Christian.

 

Commentaires

La voix qui enferme un soleil fumant, les mots ressentis avec un coeur vrai, une façon d'être et de pianoter qui est aérienne. J'adore.

Moi je te dis à mon tour : merci Blue.

Écrit par : Guillaume Lajeunesse | 11/11/2011

Un vrai plaisir à entendre et à écouter !

Écrit par : anne des ocreries | 11/11/2011

Tout pour Blue.

How long, six jours?

Écrit par : Christian Mistral | 11/11/2011

J'adore ces ambiances et ces heures où se confinent la parole, le plaisir d'être, le silence d'écrin autour d'une voix, d'une chanson... de vrai beaux moments de poésie pure et douce, j'en ferais bien ma hutte pour l'hiver de ces théâtres piano bar.

Écrit par : laure k.. | 12/11/2011

@ Christian:

Parti de chez toi le 31.10, arrivé ici le 8.11 !! Hé,hé... "Saturne sans anneaux" me donne des frissons, tu sais why! Chu sentimentale, moi aussi! Merci encore pour ce beau cadeau.

Écrit par : helenablue | 12/11/2011

Putain, huit jours au lieu de six semaines! C'est clair, on investit dans ces aéroplanes, baby: l'avenir est là.

Écrit par : Christian Mistral | 12/11/2011

Ta patente de validation, crisse, chu pas capable de distinguer les lettres à recopier.

Écrit par : Christian Mistral | 12/11/2011

Ah bais, nous l'avons acheté avant-hier ! Elle a été notre compagne de voyage.

Particulièrement réussi ce Saturne sans anneaux.

Écrit par : Venise | 13/11/2011

Ven est biaisée.

Écrit par : Christian Mistral | 13/11/2011

@ Christian:

Ouep! L'avenir est dans les airs...

Patente de validation?

Écrit par : helenablue | 13/11/2011

@ Venise:

Délicieuse compagne, n'est-ce-pas?

Écrit par : helenablue | 13/11/2011

Ben oué, la patente quand on commente, faut transcrire deux mots pour valider avant d'envoyer.

L'avenir est là, oui oui, faut investir. T'as encore ces vieux titres de la Deutsche Luftschiffahrts-Aktiengesellschaft que pépé avait planqués dans une boîte à souliers après la flambée du Hindenburg à Lakehurst? Tu sais, ceux qui soudain ne valaient plus rien, et qu'il avait acquis avec les sous du camée de mémé qu'il avait mis au clou à court terme du moins il le croyait mais quand c'en fut fait du Zeppelin trois jours après il mit en scène le cambriolage de la maison et pour faire vrai fut forcé de piquer le reste des bijoux et les Napoléons et le pognon-papier que mémé conservait dans le même tiroir, tout pour qu'elle ne sache jamais que pépé avait mis son camée au mont-de-piété pour investir dans un aéronef d'avenir trois jours avant qu'il soit relégué au dépotoir de l'Histoire, putain pépé n'était pas très doué pour les affaires, bon alors tu les as toujours? Paske figure-toi: ils valent une fortune sur le marché des collectionneurs.

Écrit par : Christian Mistral | 13/11/2011

Tu crois! Merde, où ai-je pu égarer cette boîte à souliers, elle doit être entre une paire de Lauboutin et mes bottes Gucci, à moins que je ne l'ai reléguée au grenier dans la malle à souvenirs entre la robe de mariée de tante Jeanne et le costume de marin de l'oncle Albert, tu sais celui qui avait le mal de l'air, justement tiens comme c'est drôle. Pépé n'avait pas le sens des affaires faut dire c'était héréditaire, son père avait tout perdu dans les emprunts russes. Mémé s'en est toujours voulu d'avoir paumé son camée, elle m'avait avoué qu'elle en avait jamais parlé à pépé parce qu'alors elle avait une liaison avec un chaud aviateur barbu qui l'emmenait au septième ciel d'un coup de baguette magique et qu'elle a toujours pensé l'avoir perdu lors d'une de ces brûlantes étreintes. Sacrée mémé, elle était pas commune, faisait la paire tous les deux. Hum, je fouille et je te re-sonne comme disent les belges, je sais que je ne les ai pas jetés, je jette jamais rien. Je fais quoi si je mets la main dessus, e-bay? ou t'as une meilleure idée?



Oauis pas drôle cette patente de validation, je l'ai aussi parfois, c'est écrit tout croche!

Écrit par : helenablue | 13/11/2011

Dieu du ciel (on reste dans le thème), j'ai pas repensé à cette histoire depuis si longtemps. Je croyais que t'avais compris. Mémé, quand elle t'a raconté ça, tu te souviens pas du contexte? T'avais chopé ta première sérieuse suspension du couvent, une semaine pleine il me semble, à cause de ta première sérieuse passion d'amour, t'avais quatorze ans, ils t'ont renvoyée à la maison pour te faire honte et recevoir une bonne dose de sagesse parentale, tu te sentais si mal, anormale, maudite, c'était toute leur pédagogie, écraser le coeur des jeunes filles, les marquer coupables creux avant qu'elles ne soient des jeunes femmes, car alors il serait trop tard.

Mémé, son péché d'aviateur barbu exaltant et secret, tout ce qu'elle t'a conté, elle l'avait inventé, juste pour toi. Pour que tu relèves la tête et que t'arrêtes de te sentir seule de ta race face aux légions d'honnêtes gens soudainement préoccupées de ton cas, depuis les religieuses du pensionnat jusqu'aux parents du village, les voisins, les dames patronesses, les maigrichons myopes du...

Elle avait jamais pu combattre cette hypocrisie, de toute sa vie, elle en avait fait partie en son temps, et pis là c'était fini. Comme ça. Quand elle t'a vue par la fenêtre de sa chambre à l'étage marcher penchée dans le champ dans le vent le dos rond la tête basse en te tenant le ventre , c'était fini, comme ça, elle et l'hypocrisie. Tu lui rendais service.

Évidemment, on pourrait argumenter longtemps sur la solution qu'elle a choisie pour te soutenir contre l'hypocrisie. En bref, elle a menti. À peine un peu plus vieille, tu t'en serais aperçue au bout de trois minutes, tant sa fable était invraisemblable, cousue d'extraits de films qu'elle avait vus et de lettres qu'elle avait lues dans le courrier du coeur de France-Hebdo Madame. Fallait bien: le septième ciel, les brûlantes étreintes, elle n'avait jamais connu ça, ni avec ni sans pépé. Elle s'est inventée une ancienne vie secrète d'amour interdit et coupable pour te dire «eh ben oui tu vois mémé aussi hein pitchounette et mémé eske c'est une traînée? Eh ben alors toi non plus; laisse-les râler, ça va passer, lundi tu retournes au couvent, essaie de pas filer en douce au clair de lune au moins durant quelques semaines et tu verras tout s'arrangera».

Le camée, par contre, ça sonne vrai, et tu me l'apprends. Elle te le réservait, et elle le cherchait depuis 1937: se peut-il qu'elle ait vraiment cru l'avoir perdu, avant le faux cambriolage? Pépé aurait fait toutes ces coûteuses simagrées pour rien. L'ulcère qui l'a emporté en 62, c'était pas apparu l'année d'avant, quand il avait investi les deux briques reçues de la République en dédommagement de sa blessure de guerre, tu sais, celle qu'il s'était faite en promenant le chien dans le champ à patates en 1957, quand le chien avait marché sur un obus allemand non-explosé, on n'était pas nés mais ce qu'on a pu en entendre parler de ce chien, dernière victime des boches, héros Français, déchiqueté pour sauver Pépé, lequel en effet s'en sortit avec un acouphène permanent, une migraine permanente, un mal de dos permanent, un choc post-traumatique permanent et je ne sais plus quoi de permanent, je me souviens seulement qu'il y avait neuf items en tout, singulièrement caractérisés par l'aveu d'impuissance de la médecine à en vérifier l'existence, et qu'à force d'écrire trois lettres par semaine au Général de Gaulle (il en mitraillait aussi à Churchill, Nikita Khrouchtchev, Maurice Thorez), quelqu'un quelque part dans quelque ministère a dit putain donnez-lui ses deux briques et aussi la croix de guerre si ça peut faire qu'il nous foute la paix, et donc Pépé a eu son pognon en 1961, l'a investi dans une nouvelle usine de textile en Algérie, et bon l'ulcère a pété l'année d'après, hein, c'est normal, mais il datait de bien avant, de tout ce mauvais sang à propos du camée... Flûte, quand on pense qu'il n'aurait eu qu'à laisser Mémé flipper, tiré d'affaire peinard par une de ces barakas de cocu sanctifié, et qu'au lieu de ça il s'en est fait vingt-cinq ans d'acide stomacal...

Les lettres, by the way, ça le soulageait. Ses douleurs d'ulcère, je veux dire, quand elles le prenaient. Il écrivait. À la fin, presque exclusivement à Brigitte Bardot, vingt lettres par mois, il retombait en enfance; ça a failli lui causer de sérieux ennuis après le suicide raté de BB en 1960, quand elle a reçu la fameuse lettre anonyme (« La prochaine fois, jetez-vous du 7ème étage. Ça fera une salope de moins sur terre! »): la flicaille était venue le rencontrer, mais ils ont bien vu que Pépé, en plus d'être gâteux, ne connaissait pas la malice. Il écrivait aussi beaucoup à cousine Line, la Ch'ti qui faisait un malheur à Paris, avec les mots et l'accent de Paris, eh, ces péteux n'y voyaient que du feu. C'est lui qui lui a donné un de ces conseils à Pépé, qu'elle a suivi Dieu sait pourquoi: en présentant pour la toute première fois Johnny Hallyday à la télé, âgé de dix-sept ans, elle déclare carrément qu'il s'appelle Hallyday parce que son père s'appelle Hallyday, voilà, la maman est Française, le papa est Américain. Fort, non? Pépé se fend d'une de ses légendaires idées débiles et cousine Line la trouve bonne: mentir effrontément à des millions de Français à l'écoute et laisser ce gamin, Smet, se débrouiller ensuite. Comme quoi cousine Line, gloire à Paris ou pas, c'était toujours une bonne vieille péquenotte du Nord, actrice géniale d'accord, à preuve son interprétation d'une Parisienne, mais jamais aussi triomphante que dans sa vérité, ainsi qu'on l'a vu dans Bienvenue chez les Ch'tis. Ben oui, quoi, vous autres, cousine Line, c'est Line Renaud.

http://www.ina.fr/media/entretiens/video/I09040628/line-renaud-et-son-filleul-johnny-hallyday.fr.html

Écrit par : Christian Mistral | 13/11/2011

Scuse, avec tout ça, j'ai pas répondu à ta question: quoi faire avec si tu les retrouves. E-Bay, non. Fais rien, en fait, à part me le dire. Parce que, oui, y a des collectionneurs prêts à payer gros, mais en privé, et le vendeur a intérêt aussi à garder ça privé. Tu comprends, Pépé, il n'était pas tout à fait en règle: détenir des actions dans la Luftschiffbau Zeppelin GmbH, pour un citoyen Français, eh ben, c'était interdit. Depuis 1919. C'est en toutes lettres dans le Traité de Versailles: les dirigeables étaient alors à usage militaire, c'étaient des bombardiers. Pépé, kestu veux, il était con, et en plus Croix-de-Feu. Bon, tu me diras, on n'irait pas le déterrer maintenant pour lui faire un procès politique, et t'aurais bien raison. Mais la boîte à chaussures, pas sûr qu'on nous laisserait en disposer. Le temps n'y change rien, y a pas prescription sur ces choses-là. Alors le mieux, c'est de continuer à n'en parler qu'en privé, motus, comme on fait ici, à l'abri des curieux, pis tu me feras passer les liasses d'antiquités, je les vendrai ici, good luck s'ils veulent remonter jusqu'à l'origine, ici d'ailleurs tout le monde s'en fout, le seul Zeppelin qu'on connaisse, c'est celui qui a mis fin aux Zeppelins en venant cramer sa croix gammée au New Jersey en 1937: Malvina à 98 ans en riait encore à s'en faire mal aux joues et mouiller ses dessous. 72 ans après, et imaginer la tête du gros Göring apprenant la nouvelle la mettait toujours dans la même joie hilare. Paraît qu'ils étaient tous comme ça, ceux qui vivaient durant 39-45 et qui n'aimaient pas les Allemands: Hitler, c'était l'ennemi symbolique, si on veut, mais abstrait, et les gens choisissaient chacun leur propre Charogne Nazie personnelle à haïr: la plupart des piliers du régime étaient plus connus que Hitler de notre côté: leurs noms et leurs photos et leurs déclarations nourrissaient nos journaux et les actualités cinématographiques les montraient chaque semaine, Göring et Goebbels et Himmler et Speer et cetera. Chacun, chacune devait préférer détester un tel plutôt qu'un autre pour des raisons qui lui étaient propres, et probablement inconnues d'eux-mêmes. Speer, par exemple, le seul à n'avoir pas une tête de brute, le seul qui ne gueulait pas constamment comme un dément dans cette langue de troglodyte en agitant les bras, le seul avec qui la plupart des gens auraient accepté de partager un ascenseur, eh ben même lui avait son antifanclub, hommes et femmes. Göring, je sais pas pourquoi Malvina l'avait en horreur: c'était pas sa corpulence, elle avait été amoureuse de et fiancée à un homme gras, mort jeune avant la noce, puis elle avait épousé Hector, pas mince non plus, par ailleurs c'était pas non plus lié à l'aviation, que je sache, alors je sais pas. Son regard, peut-être. Sa sale gueule. Elle l'encaissait pas. Bien avant la guerre. En 1937, rien n'était décidé. Pourtant, quand cette gigantesque baudruche en forme de cigare est venue s'immoler en plein devant les caméras, s'écraser en 34 secondes et faire 35 morts, Malvina a pouffé, ah si seulement elle pouvait voir la tête qu'il ferait, ce porc immonde de gros Göring.

Moi, j'ai rien contre Göring, même que je l'admire à certains égards, alors c'est pas pour ça que je ris en revoyant le Hindenburg sublimé par combustion spontanée, c'est seulement parce que c'est drôle.

Écrit par : Christian Mistral | 13/11/2011

Fichtre, Mémé, ma super mémé m'a menti! Elle t'a toujours eu à la bonne, je ne peux que te croire mais quand même quelle déception de savoir que cette histoire d'aviateur barbu exaltant et secret n'était en fait qu'un conte pour me donner la pêche et l'envie de transgresser tout ce merdier fielleux d'adultes mal baisés et loin d'imaginer que l'ailleurs est la vie et non macérer dans son jus jusqu'à ce que mort s'en suive. Ouep cette passion d'amour m'a coûté plus qu'un bras mais elle a franchement valu la peine d'être vécue, comment ne pas s'offrir corps et âme à l'amour quand il se présente à toi pour la première fois quelle que soit la forme que prend l'ange qui te transporte, pis j'avais quatorze ans, pis j'étais si fébrile, pis je voulais tellement connaître le grand amour. Ils étaient tous tellement aveugles et sourds mais loin d'être muets, tous les bons pensants et les bigots qui m'entouraient alors. Finalement de savoir qu'elle a choisi le mensonge pour me sortir de là me semble l'acte le plus héroïque qui soit! Sacrée mémé, on n'en fait pas deux comme elle, n'est-ce pas? Elle t'aimait fort toi aussi, hé,hé, elle me disait souvent: " Celui-là, c'est un lascar, tsé, on va pas la lui faire, il a oublié d'être bête même si parfois il fait semblant. Il est pas comme pépé, va pas donner dans les affaires, il va tracer sa route, tu verras. Ce petit là c'est un chiant, un rebelle, un personnel, un genre pas facile à vivre mais mais il l'a là, à la bonne place. Ouais. Remarque toi t'es pas vraiment loin sauf que t'es plus rêveuse, plus idéaliste, plus pommade. Disons pour faire court que lui c'est l'alcool fort et toi une liqueur, enfin genre." Merci mémé, trop de la balle, je vais si tu le permets continuer à croire à ce mensonge joli et romancé sur lequel j'ai construit ma vie de jeune fille et de femme.

Ah pépé, il était comme tous les hommes, fier, comment veux-tu qu'il puisse un seul instant même s'il avait su que mémé inventait pour m'être plus qu'utile, accepter cette histoire de cocufiage, non, valait mieux pour lui qu'il continue à faire comme il a fait. Dire la vérité c'était la disgrâce, et ne pas la dire l'ulcère. La souffrance physique et moins douloureuse que la souffrance morale, nos ancêtres avaient le coeur au ventre et nous en sommes encore aujourd'hui les héritiers. J'ignorais qu'il avait écrit à Brigitte, quelle perte de temps, elle préfère les phoques aux humains et à cousine LIne! Cousine Line, tu te souviens, quand elle venait à la maison, elle nous faisait toujours un canard dans le café, avec une larme de genièvre, toi tu la dévorais des yeux. Elle emplissait tellement la pièce avec ses yeux rieurs et cette gouaille dans sa voix chaleureuse et tellement ch'tie. Ah! Ah! pépé lui a donné cette idée désastreuse et pourtant qui a porté Johnny aux nues! J'ai rencontré une fois dans ma vie ce Halliday, j'étais missionnée pour lui transmettre un cadeau, drôle de rencontre, si j'avais pensé à cousine Line je lui en aurais parlé, j'ai manqué diablement de jugeotte sur ce coup-là. De jugeotte peut-être pas, j'ai manqué d'aplomb et j'ai manqué d'audace, j'ai manqué de dire et de revendiquer que j'étais bien une ch'tie et une vraie!

Écrit par : helenablue | 13/11/2011

Ok, Malvina, Göring, le traité de Versailles, Speer, et j'en passe et le tutti quanti... j'oublie E-bay et je ne retiens qu'une chose, te parler, te dire et compter sur ton savoir, tes relations, ta discrétion pour nous avoir la plus grosse somme possible pour une boîte à souliers oubliée dans un coin mais qui peut susciter par son contenu des convoitises inavouables et inespérées qui nous permettraient l'un et l'autre de s'en jeter un petit au bord de la Deule ou bien du Saint -Laurent.

Écrit par : helenablue | 13/11/2011

Doit-on se gêner pour laisser un commentaire court ? Est-ce encore l'usage ? ;-)

Je serai discrète sur la chose secrète. Tout ce qui se dit ici sera retenu contre moi si j'en parle.

Écrit par : Venise | 13/11/2011

Je la dévorais des yeux si on veut, façon polie de le dire: j'essayais de voir d'où pouvait bien venir cette odeur immonde qu'elle apportait toujours, une femme si belle et vêtue comme dans les magazines, l'air des actrices au cinéma, portant bijoux et parfums chers et tout, mais Bougredieu cette puanteur qui la nimbait comme une aura, et aucun de vous autres n'avait jamais l'air de la sentir, j'étais vraiment plongé dans la plus noire des confusions chaque fois, et même à toi j'osais pas demander, je savais pas comment tourner ça poliment, j'étais jeune encore et sans science du langage, aussi avais-je beau me creuser je ne trouvais aucune autre façon de poser la question sans inclure «Qu'est-ce qui pue comme ça?»

A fallu quoi, quarante ans? Cousine Line dans ce film et cet abominable fromage! Pas étonnant que vous disiez rien: c'était aussi familier à vos narines que l'odeur du Cheez Whiz aux nôtres. Elle en apportait du frais en cadeau chaque fois, mais je l'ai jamais vu, donc je l'ai jamais su, ché pas trop quel concours de circonstances a fait que ça n'ait pas été servi lors des dizaines de petits déjeûners que j'ai pris chez vous au fil de ces années. Marrant plus pire: j'ai fini par le savoir, si on veut, à travers le film, mais j'en ai jamais vu ni goûté, je suis guère plus avancé.

Bon: Hallyday, t'as pas pigé. L'idée débile, c'était pas le nom, c'était le faire passer pour un semi-États-Unien. Heureusement, Aznavour l'a persuadé dès le début de son succès de rétablir la vérité, et Johnny a été assez bright pour suivre ce conseil. Pas comme Dick Rivers et Billy Bridge.

Quand dès la deuxième ligne tu te dis déçue d'apprendre que Mémé mentait, j'ai cliqué le chrono et t'avais dix lignes pour écrire et réfléchir sans ralentir et conclure le contraire. Well, you did. Je te l'aurais pas dit si j'avais cru que tu pouvais être déçue, t'as quarante ans passés après tout et ces fables d'enfance sont bien là en toi pour de bon dans l'endroit de l'enfance on se souvient avec plaisir de nos émerveillements d'avant qu'on sache la vérité sur le Père Noël, sont pas partis à l'égoût avec la marde parce qu'on a su que Santa Claus à la Samaritaine empestait la gnôle sans que Rudolph en soit responsable, c'était ce gros lard imposteur qui buvait comme un trou, il s'appelait Chalifoux Bernard, célibataire quinquagénaire domicilié chez sa mère, bi-polaire sous lithium sociable et serviable, solitaire et secret seulement parce que sa maladie ne se traite qu'au prix d'une cruelle léthargie, aussi sort-il aux Fêtes: Père Noël un mois avant Noël à la Sama, Lapin le jour de Pâques, Élie lors du Séder de Pessa'h (mais ça, par pure facétie, juste pour voir leur tête: ils ont laissé la porte ouverte pour le retour du prophète Élie, ils ont versé une coupe de vin pour le prophète Élie, ils sont en pleine célébration quand Chalifoux Bernard arrive déguisé en prophète Élie (un drap crotté pris à sa mère qui est incontinente, c'est lui qui lave, scrupuleusement sans lassitude aussitôt qu'elle se souille, sauf la semaine avant la Pâque, là il ôte le drap et le remet autrement, quatre ou cinq fois suffisent habituellement à sa maman pour teindre le tissu mieux qu'un costumier de cinéma: il le rince, juste assez mais pas trop, il le tord, il le met à sécher sur le tas de compost, aux deux heures il va chercher le cendrier de sa mère pour le vider, la pauvre vieille n'a que le tabac pour se désennuyer, la télé la fait chier, elle boit pas, elle aime pas lire, elle n'a pour ainsi dire aucun vice, sauf fumer, ce serait d'une cruauté sans nom de lui faire des misères pour une cartouche par jour, toujours est-il que la vieille cheminée remplit son cendrier aux 120 minutes top chrono, et son fils va le vider, mais ailleurs ce jour-là: pour conférer au drap cette patine d'authenticité, ce vieillissement accéléré, pour en faire un costume de prophète Élie, rien ne vaut la cendre de clope étalée savamment sur les motifs de crotte. Ensuite, ne restera qu'à, mais c'est délicat, déchirer ici et lacérer là, créer le costume en donnant l'illusion de haillons tout en préservant les points d'appui qui maintiendront la chose au corps sans bretelles ni ceinture ni rien qui ruine l'illusion. Le costume de prophète Élie, c'est fort simple: haillons révoltants et pieds sales. Idéalement, une face décharnée, mais ça Chalifoux Bernard a dû y renoncer, même Robert de Niro n'y arriverait pas, passer de Père Noël à Prophète Élie en quatre mois, puis reprendre le poids, chaque année, suicidaire. La barbe maigre et caprine, il s'en collait des touffes si sa mère le laissait lui couper les cheveux sans crise de nerfs, il les laissait pousser exprès, ils étaient parfaits, sans couleur, même pas gris, sans vigueur, sans vie, comme ces vieilles toiles d'araignées sèches et blanches et poussiéreuses à l'entrée des cavernes. Cette fête-là était sa préférée: l'an dernier, il s'était pointé chez BHL, l'année d'avant chez DSK: la porte ouverte! Leur tête en voyant le Prophète Élie entrer, aussi crade que la Torah le dit mais moins décharné qu'on l'aurait imaginé, quand même, et leur élan réflexe pour l'empêcher d'avancer sur le tapis sans s'essuyer les pieds, tout de suite réprimé, bordel on aura beau être Juifs non-croyants et sophistiqués, socialistes et sans superstition, reste que depuis cinq mille ans on laisse la porte ouverte au Prophète Élie, c'est pas évident de lui demander de s'essuyer les pieds quand il revient enfin. Chalifoux Bernard se marre; il traverse la pièce jusqu'à la coupe, la prend, la boit en déglutissant bien spectaculairement, la repose, rote, les regarde intensément en levant la main comme pour faire un truc de prophète, mais il se gratte la tête et puis s'en va nice and slow. Au début, il lâchait «À la r'voyure, les p'tits gars!», mais plus maintenant, c'était irrespectueux, et puis c'est plus drôle de les laisser béats.

Le mensonge à Mémé, c'est en le sachant pas que tu perdrais. Tu peux doublement l'apprécier, astheure.

Ce qu'elle t'a dit de moi: oui, ça sonne juste, mais un truc est super: elle m'avait glissé comme ça me souviens pas vraiment quand ni comment, elle avait dit Tu sais que t'es pas fait pour les affaires? Le sais-tu? J'avais répondu oui. Eh ben alors, elle a dit, c'est déjà mieux que Pépé; lui, il le sait pas.

Écrit par : Christian Mistral | 13/11/2011

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