16/09/2012
L'insatiable Homme-Araignée
Elle est entrée dans la boutique, royale ! Tout chez elle est artistique. Elle est gourmande, étonnante, atypique. Sa crinière noire. Ses yeux jais outrageusement maquillés. Son corps ondoyant. Ses mains d’artisan. Sa voix rauque. Une femme enivrante, exaltante, sorcière. Elle captive et masque ainsi sa grande fragilité et sa sensibilité d’écorchée. C’est mon amie depuis toujours même si on ne se le dit que depuis peu. J’ai du plaisir à la regarder, à l’écouter, à la deviner. J’aime croiser son regard fier, j’aime l'habiller.
- Blue ! faut que tu lises ça !
- Quoi, ça ?
- Cet écrivain cubain.
- Tu sais que je reviens de Cuba ?
- Non je l’ignorais, tu as aimé ?
- Oui. La Havane, torride ; Trinidad, envoûtant ; les cubains, charmants…
- Lis ça, tu m’en diras des nouvelles. C’est l’écriture comme on aime, tu sais: celle qui décape, qui arrache, qui nous remue profond et loin…
- Ok, ok, c’est quoi son nom ?
- Pedro Juan Gutiérrez.
En face de chez moi, il y a un petit libraire, un des rares qui survit tant bien que mal. J’y passe toutes les semaines, parfois même deux à trois fois, c’est irrésistible pour moi. J’entre dans son petit espace tout en longueur bourré de bouquins jusqu’au plafond et sur l’étroite table à l’entrée je vois une pile de livres qui attire mon attention : L’insatiable Homme-Araignée, 13E Note Editions, Pedro Juan Gutiérrez, la photo d’un métis tatoué envoyant un baiser d’une portière de vieille américaine en noir et blanc. Je prends l’ouvrage, et je souris, je pense à elle. C’est un recueil de nouvelles. Je feuillette, j’en aime le ton, la manière incisive, la rage qui se dégage du livre. En exergue une phrase d’Hemingway, et puis une autre de Frank Lloyd Wright qui me plaît : « Il est beaucoup plus difficile de vivre sans règles, mais c’est ce que doit faire, en toute honnêteté, un homme capable de penser. » Je suis conquise et je repars avec le livre.
Ce matin je l’ouvre à nouveau pendant que le poulet dore dans le four et que Swan prend sa douche. La première nouvelle Silvia à New-York me scotche, j’en ai des frissons jusqu’au fond de mon sexe, je tressaille. Puissant, dérangeant, irrésistible. L’écriture de ce cubain va être ma drogue des jours prochains. C’est peut-être ce qui m’a sauvé : les cuites, les femmes, faire sortir la rage, tout envoyer bouler, ne rien attendre de personne. Et écrire. Ivre, aux aurores, j’écrivais des nouvelles sur tout ce qui m’arrivait. C’était très amusant. Et j’ai continué. Et j’en suis là. « Il y a le Cuba des cartes postales et des clichés. Et il y en a un autre, un Cuba du sexe, d’alcool, de fureur et de mots. Du premier, Pedro Juan Gutiérrez semble tout ignorer, le second il le croque en couleur, à grands traits, à grands bruits. « écrit Vanessa Postec de Transfuge. « La rage de Gutiérrez contre la répression du Cuba de Castro est grisante. Crue. Choquante. Et sensuelle. » dit a son tour Anderson Tepper du New York Times. Je ne peux pas encore en dire autant avec le peu que j’en ai lu, ce que je sais c’est que cette façon cruelle et douce d’écrire, les tripes à l’air, me touche au plus haut point et me bouscule, me donne envie de prendre la plume et d’à mon tour crier la vie.
Commentaires
Truculent billet.
Belle conception de l'écriture, le bonhomme !
Merci de me faire découvrir Swan par le truchement de tes mots, moi qui ne la connais, justement, que par écrit. Ça donne envie de la rencontrer :-)
Écrit par : Guillaume Lajeunesse | 16/09/2012
:-)
Hum, ce n'est pas de Swan dont je parle mais de mon amie Angelica, une femme étonnante, cultivée, ravageuse, artiste jusqu'au bout des ongles, peintre, pianiste d'origine allemande, je suis bien sûre que si tu la rencontrais elle t'inspirerait plus d'un poème... Swan est aussi une personne remarquable que j'ai appris à mieux connaître ces deux derniers jours. Une femme sensible, entière, sincère, québécoise en diable, conviviale, émotive, réfléchie. j'adore sa façon de s'extasier sur les choses, ses grands yeux qui s'écarquillent quand elle rencontre la beauté et sa gourmandise, hé;hé... j'aurais l'occasion d'en reparler!
Quant à Pedro, misère, quelle rencontre! Il y avait longtemps que je n'avais pas ressenti cela, faut dire qu'après Mistral tout me semblait fade ou presque, mais là, ah, ça vaut le détour, crois-moi!
Écrit par : helenablue | 16/09/2012
Oups ! ^^ :-)
Écrit par : Guillaume Lajeunesse | 17/09/2012
:-)
Écrit par : helenablue | 17/09/2012
VU ; je vais me dégoter ça.
Écrit par : anne des ocreries | 17/09/2012
Ça fait des années que j'en parle, mais qui a quoi que ce soit à foutre !? Grr. Puis Anderson Tepper du New York Times est un cancrelat pestiféré.
La terrible répression qui permet et célèbre la critique acerbe de sa terrible répression est une terrible répression pas mal moins terrible et répressive que celle qui a cours dans nos pays de très généreuse et ouverte douceur gentille. Va à la télé remettre en question les dogmes du 11 septembre, voir.
Enfin, chus de très mauvais poil depuis plusieurs semaines. En tout cas, ça aura pris quelqu'un d'autre pour te recommander PJG. Tant mieux si tu l'as entre les mains. Je te conseille tout de même gentiment de le lire en espagnol cubain. Les traducteurs français sont incapables de respecter un auteur. Hemingway, Bukowski, Dostoïevski, Gogol, pas un qui n'ait pas été massacré.
Écrit par : Topfloorman | 17/09/2012
Ben, je ne parle pas l'espagnol, comment veux-tu que je le lise en espagnol cubain? Va bien falloir que je me contente de la traduction en français en espérant qu'elle n'est pas trop mauvaise et pas trop loin du texte original. Pour l'instant en attendant d'apprendre une autre langue, même traduit, je me régale. Bon, je suis désolée si cela fait des années que tu en parles, ça a dû m'échapper, ou ça n'était pas d'actualité pour moi, tu sais. Quant au propos de Tepper qui sont sur la jaquette du livre, ils ne regardent que lui. Je ne me le suis pas offert par rapport à ses dires mais plus parce que j'ai une grande confiance dans mon amie, d'ailleurs elle est n'en est que renforcée parce que tu m'en dis. Vraiment confuse d'ajouter encore à ta mauvaise humeur. Swan arrive, ça va te changer les idées, peut-être...
Écrit par : helenablue | 17/09/2012
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