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07/10/2012

force fragile

Je me lève ce matin glacée jusqu'aux os. Un blizzard intéreur m'empêche d'agir. Je suis comme figée dans la glace de mon passé hurlant. Qu'est-ce qui m'arrive encore? J'ai eu une semaine difficile et compliquée, tourmentée et cruelle par certains côtés. J'ai du faire face à des vieux vieux démons endormis qui ont refait surface aux détours de discussions compliquées. J'ai mis le pied à terre, je me suis effondrée sous le poid d'une douleur intense qui m'a cloué au pilori. D'angoisse je me suis ratatinée Jeudi sur un trottoir à Paris. J'étais là, immobile, face contre terre, à la sortie du métro station Etienne Marcel. J'avais un rendez-vous important, et tétanisée par une souffrance intense, je ne pouvais pas m'y rendre, mon corps ne voulait plus faire un pas. J'ai senti en moi un hurlement de fauve, j'ai senti mon ventre devenir dur et j'ai pensé: " je vais imploser!". Là, en dernier recours, puisqu'aucun passant ne m'a prêté mains fortes, j'ai passé un coup de fil, un appel au secours, une sonnette d'alarme. En vain. Alors j'ai mobilisé mes forces intellectuelles, je n'ai pas laissé l'émotion envahir tout. Je me suis fabriquée une image de moi-même forte et capable de faire face, comment dire, je me suis concentrée, je me suis raccrochée à une ancre positive, j'ai pensé à mon homme, à mes fils, à mon entreprise, à mon meilleur ami, j'ai mobilisé le maximum de neurones pas encore touchés par cette vague de froid, tous les neurones encore tièdes et les quelques rares encore brûlants de ma fièvre de vivre et je me suis relevée. Je me suis redressée à la verticale et j'ai marché jusqu'à la place des Victoires où j'étais attendue. Plus tard dans la journée j'ai pu en parler, encore tremblante, encore sous le choc. Et puis les choses on repris leur cours. Cette nuit j'ai revécu cette scène. Ce matin je ne suis que frissons. Des vieilles terreurs d'enfant imprégnent ma peau d'adulte, je sais que je vais devoir aller au devant d'elles, pour les comprendre, les extirper, les empêcher de venir interférer plus qu'il ne faudrait dans la grande fille que je suis devenue. C'est difficile de se réchauffer quand le givre du passé vous tombe dessus. Forte et fragile. Parfois j'ai ce sentiment d'être dotée d'une force hors du commun et d'autre fois c'est la fragilité si fine si au bout du fil qui m'étreint que je me demande comment je vais pouvoir, pouvoir continuer à vivre comme ça, pouvoir faire ce bout de chemin, pouvoir m'ouvrir plus grande encore au monde et me mesurer aux forces du vent? Je me frotte les pieds, l'un à l'autre, j'ai les orteils gelés, j'ai les bras comme la peau d'une poule qu'on vient de plumer, et mes vertébres semblent claquer des dents. Pourtant j'ai trois tonnes de couches de vêtements sur le dos, un pull, une écharpe, une vieille robe de chambre bordeaux, des grosses chaussettes en laine, un pantalon en pilou. Il fait une température normale en cette saison dans mon bureau. Dieu que j'ai froid! Ce même froid qu'à ma naissance, ce froid de l'abandon, ce froid du non-amour, ce froid de la tahison, de l'abus de confiance, ce froid angoissant et profond. Je sens qu'il faudrait que je crie, que je pousse à nouveau ce cri: " JE VEUX VIVRE", à défaut, je l'écris. Toute la maison est endormie et si je pousse là ce cri intense qui déchire, je vais ébranler l'équilibre qui règne ici. O Solitude! Mon enfant intérieur, mon tout petit à moi n'est pas encore guéri. Et je n'ai pas non plus encore parfaitement construit la cuirasse qui l'empêche de souffrir. Ma résilience a encore à mûrir, à encore à se faire, à se construire. A être là à me dire et à tenter de rétablir mon fluide corporel me réchauffe petit à petit. Réfléchir et constuire ma pensée, l'offrir et l'ouvrir à autrui, au monde, à vous a un effet brasero. Chaleur humaine. Puissance des mots. J'ai la gorge qui se noue tout d'un coup et les larmes me salent le visage. Combien de fois vais-je devoir encore éprouver de ne pas avoir été aimée, désirée, respectée, validée? Comment puis-je me faire comprendre que je suis digne de l'être, que je n'ai pas sans cesse à devoir m'expliquer, que cette culpabilité de vivre et de tout qui me ronge n'est pas la réalité mais un poison qu'on m'a fait prendre d'office, suis tombée dans la marmite de la honte toute petite? Quand bon dieu, vais-je enfin pouvoir pour de bon sortir de cette victimisation qui me pourrit la vie. Accepter d'être ce que je suis comme je suis. Ne pas avoir sans cesse cette impression de devoir rendre des comptes. Agir en femme libre. La température monte. Shit. Fuck Hate. Venceremos! Je veux pouvoir être fragile sans finir en miettes, je veux pouvoir être juste et non plus agie par toutes ces forces obscures qui m'habitent et qui me font parfois faire des choses qui m'échappent, qui ne sont pas moi et qui pourtant le sont aussi. C'est infernal, cette dichotomie, cette sorte de skyzophrénie. Je fais tout pour me réunir, tout pour n'être qu'une, tout pour être le plus en accord possible avec ce que je pense, ce que je sens, ressens, aspire, désire et recherche. Mais je sens bien à quel point tout est un peu plus compliqué quand on a été malmené tout bébé. Je n'ai pas dit mon dernier mot, pas encore. Je ne suis pas découragée, non. Je suis fragilisée. D'un seul coup ramenée à mon état initial, à poil, sans défense. Merde, ce que j'ai froid.

 

 

Commentaires

Voila cette nuit le mot fin s'est inscrit... il est à la fois interrupeur... et connecteur à ce qui vous entoure... je reste un peu vertigineuse de toutes ces années qui s'envolent dans le dernier soupir... un regard donc vers toi pour reprendre de quoi épauler à nouveau comme on remonte sur un cheval après la chute...

Écrit par : laurence | 07/10/2012

Mes pensées du matin vers vous deux, chères amies.

Écrit par : Laure K. | 07/10/2012

Drôe d'expérience, mais quel beau texte, intense , on tremble avec toi, je ne sais pas si c'est l'angoisse de la victimisation ou quoi? je ne sais pas non plus si pour te rassurer il faut te conseiller le dernier film que je commente " dans la maison"?

Écrit par : alex | 07/10/2012

Je ne sais pas quoi formuler qui soit intelligent, alors j'emploierai seulement ce mot:

Amour.

Écrit par : Guillaume Lajeunesse | 07/10/2012

@ Laurence:

je pense fort à toi et serais toujours là pour toi, tu fais bien de venir chercher de la force, je t'offre une partie de celle que j'ai récupérée au cours de la journée ainsi que cette chaleur qui semble revenir m'animer... Avec toute mon amitié.

Écrit par : helenablue | 07/10/2012

@ Laure:

merci belle amie.

Écrit par : helenablue | 07/10/2012

@ Alex:

Drôle d'expérience en effet Alex, lourde de sens pour moi. Mon cheminement n'est pas fini, mais peut-il l'être? C'est une angoisse du vide, une abyssale angoisse du vide et de son pendant l'abandon qui n'a plus lieu d'être mais qui m'a assaillie d'un coup d'un seul avec une telle force qu'elle m'a mise à terre. Un événement dans ma vie au cours de cette semaine qui m'a ramené des dizaines d'années en arrière... Cette confiance que je gagne âprement chaque jour de ma vie, en travaillant, en créant, en aimant, en mettant au monde et qui s'est retrouvée comme tranchée dans le vif. Je cautérise, je me réchauffe petit à petit. Par chance c'est bon d'avoir une tête aussi et puis des amis, des amours, des enfants et des livres aimants...

Écrit par : helenablue | 07/10/2012

@ Guillaume:

c'est le seul mot qui peut avoir un effet dans ce genre de tourmente, merci de l'avoir écrit ici.

Écrit par : helenablue | 07/10/2012

N'empêche que t'as trouvé de la ressource en TOI, ma belle, héhé.....c'est pas rien, d'être capable de devenir sa propre ressource !

Tu es plus forte que tu ne le penses, Blue, y a des passages à genoux sans doute, mais tu ne seras plus jamais à terre comme autrefois !!!!

Je t'embrasse, vas-y, tu vas y arriver!

Écrit par : anne des ocreries | 08/10/2012

Sans doute Anne, je suis plus forte que je ne le crois, mais là j'ai pris une belle claque... Je m'en remets doucement. Etre sa propre ressource, oui, d'avoir trouvé en moi la force de continuer ma route malgré la puissance de l'angoisse qui m'a étreint me donne confiance aussi. L'un dans l'autre, j'ai encore appris. Mais l'addition me parait parfois bien lourde!

Bises aussi.
Blue

Écrit par : helenablue | 08/10/2012

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