Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/01/2013

Pola Kinski

resi.jsp.jpg

- Photo de Pola Kinski -

 

C'est toujours difficile pour moi de lire des choses comme ça, d'autant que j'ai toujours trouvé Klaus Kisnki fou certes mais génial, stupéfiant, envoûtant et hors du commun. Jamais évidemment je n'aurais imaginé qu'il puisse avoir à ce point maltraité sa fille. C'est normal. Personne ne peut penser qu'un père ou qu'une mère puisse manquer de discernement, d'humanité, d'empathie. Je ne doute pas que son enfance à lui ait été misérable et torturante, incestueuse et destructrice mais ça me fait mal de voir qu'il n'a pu faire autrement que de reproduire. J'y pense souvent moi aussi, je pense souvent à tout ce qui aurait pu être évité si mon grand-père, ma mère et mon père, leurs parents, leurs grand-parents s'y étaient pris autrement. Et même si j'ai plus ou moins réussi à faire pousser un jardin de fleurs sur ce fumier familial, même si les souffrances que j'ai endurées pour en sortir sont maintenant derrière moi et ont fait de moi la femme que je suis, je ne peux m'empêcher d'avoir mal quand je croise un tel témoignage. Probablement qu'il y a quelques années encore, ça m'aurait mise dans une rage folle. Plus maintenant. Je suis profondément attristée et intimement convaincue que c'est bien que les choses soient dites un jour ou l'autre, pour elle, pour ses enfants et pour nous tous. C'est un sujet tellement difficile à aborder et comment faire autrement pour que ça s'arrête?

- Kindermund, parole d'enfant, de Pola Kinski -


 

25/11/2012

Une semaine de vacances

une-semaine-de-vacances,M92513.jpg

 

J'ai passé mon aprés-midi avec l'écriture précise et insupportable d'Angot. De la dentelle noire, ciselée, implacable, fulgurante. Comment parler de ce livre sans évoquer pour moi les séances de dissection de grenouille en sciences naturelles quand j'avais 13 ans. J'ai ressenti le même écoeurement et la même fascination. L'évocation insoutenable et précise de cette semaine de jeux sexuels parfaitement rendue entre un père et sa fille, la perversité de la relation, l'amour mortifère qui s'en dégage et enfin la délivrance par un rêve de cette intimité opressante et tragique sont remarquablement rendus par les mots de l'auteur qui nous tient en haleine du début jusqu'à la fin de son livre. J'en suis toute retournée encore et toute horrifiée aussi d'y avoir pris un certain plaisir. Sans complaisance Angot nous livre comment avec l'écriture on peut rendre le pire et en venir à bout. Renversant.

 

18/11/2012

Longtemps après

 

On pense en avoir fini avec ça quand on a oeuvré pour s'en défaire. Et puis ça revient au hasard d'une expérience dans notre vie. Je dis "on", je devrais dire "je". Parce que la charge était trop forte et le déni le seul moyen de continuer à vivre, mon cerveau a enfoui au fond de ses labyrinthes ma vérité si difficile. Mon corps s'est organisé avec cette cruauté indicible, mon esprit aussi, toute ma vie en fait. J'ai déblayé petit à petit toute cette construction protectrice et suis allée au devant de ce que je n'aurais jamais du voir et savoir. Je pensais avoir tout compris tant les insights furent longs, profonds, douloureux et délivrance. Je pensais tout savoir de ce qui m'était arrivé si petite, j'avais le sentiment d'avoir rééprouvé le pire. Je sais que je ne vais qu'au-devant de ce que je peux assimiler, accepter. Je sais que ce rythme éloigne la folie meutrière. La haine, la colère, l'injustice, la culpabilité, la honte, tout ce qu'il a fallu ressentir pour m'en sortir. Les longs moments d'accalmie, l'impression de tenir le bon bout, le goût de vivre qui l'emporte, l'élan, l'avenir, les rêves qui s'adoucissent. Et puis, un jour sans crier gare, au détour d'une épreuve du genre tomber du grenier à la cave: PAF! Je retombe sur un os, je renoue avec ce passé fantômatique, l'étau se resserre une fois de plus, et les vieux réflexes corporels reviennent avec leur taux d'insupportabilité. Reprendre son bâton de berger, de nouveau innover, de nouveau faire face, de nouveau contourner l'obstacle et de nouveau voir d'autres horreurs ou les mêmes sous un autre jour. De nouveau comprendre, à quel point et où, tout ça a fait mal, où sont les dégâts collatéraux, où s'est infiltré le poison, décrypter, défaire, déjouer, se faire confiance. Je n'aurais pas assez d'une vie pour sortir de moi ce pus et pour être ce à quoi j'aspire. Fière, humaine et congruente. Je n'ai pas peur de souffrir, pas plus que de devoir voir ce qui m'a été fait. Je n'ai plus peur de comprendre à quel point celà m'a détournée de moi-même et de mes idéaux, de mes vertus. Pas plus que je n'ai peur de m'être fourvoyée, de m'être laissée entraînée, et d'avoir à ce point manquer d'intelligence. Je n'ai pas peur, mais je m'en veux. Je sais que c'est idiot, qu'au fond je devrais renvoyer la faute en amont, mais je suis une adulte maintenant, responsable de ses actes et je ne peux plus réagir comme l'enfant que je n'ai jamais pu être. Longtemps après, j'ai encore à faire et je me demande si cela va s'arrêter un jour, si je vais pouvoir déposer les armes et juste être là au monde sereine et sage, le corps apaisé et libéré, et le coeur ébloui.

 

 

21/10/2012

L'enterrement (Festen... la suite)

 

Je viens de voir la pièce "L'enterrement ( Festen... la suite)". J'en suis sortie en larmes. Je m'y attendais! Je savais parfaitement qu'un tel sujet ne me laisserait pas insensible quoique l'auteur ai choisi de me dire. C'était pire encore que ce que j'imaginais. Au départ, ça commence léger, pour tout ceux qui ont vu Festen, on replonge dans l'atmosphère du film et vite des images viennent à l'esprit même si ça n'est ça n'est que suggéré par un truchement cinématographique. Tout de suite on y est.  Un à un les personnages reviennent: Christian, le fils violé, marié à Pia, la serveuse de l’hôtel paternel. Son frère Michael et sa nouvelle épouse, Sofie, qui ignore totalement l’histoire tragique de la famille. Helene, la sœur, sorte de régulateur agressif des relations joué par une Mathilda May déchaînée et Else, la mère, presque absente à elle-même, évanescente. Kim, le cuisinier, qu'on retrouve avec bonheur et Henning, le fils de Michael, douze ans, fragile. La famille semble apaisée et la pièce s’égrène sur le mode de la comédie, avant de basculer violemment dans la tragédie. J'ai entendu à la fin de la représentation derrière moi des " ça commence à bien faire, trop c'est trop, c'est abuser..." Moi j'étais scotchée par la cruauté de l'après proposé par Thomas Vinterberg et Mogens Rukov. Après la mort du père, qu'allait-il donc se passer? Après la mort du mien que va-t-il se produire? Sans doute pas ce que je viens de voir, Dieu soit loué parce qu'il n'y a pas eu après la révélation des faits tant de distance mise entre les protagonistes mais une réelle volonté d'en découdre et de faire autrement. "L'enterrement" est pourtant réaliste, il tient compte de tout ce que j'ai pu apprendre sur le sujet, de ces fantômes qui errent dans les familles, de ces putains de loyautés et de ce malheureux et infernal piège de la répétition. J'en ai le sang glacé tant c'est justement rendu dans cette pièce. Les acteurs donnent tout, ils vivent de l'intérieur ce drame humain poignant et arrivent parfaitement à rendre ce qui se passe dans ce genre de dramatrugie familiale obscène. Samuel Le Bihan en Michael, le fils à priori épargné est exceptionnel, Pierre Cassignard poignant dans le rôle de Christian l'abusé abuseur à son tour, Mélanie Doutey qui joue Sofie est un feu-follet dans cette sinistre histoire et Caroline Proust est une Pia renversante de sincérité." L'enterrement" a le mérite de parler de sujet plutôt tabou et plutôt délicat à aborder, il le fait avec intelligence,humour et humanité, ça n'est pas "trop", bien au contraire. C'est courageux et brillant. Et ça met en lumière à quel point l'inceste est destructeur, cruel, ravageur pour les individus et à quel point aussi la révélation de l'inceste au sein de la famille ne suffit pas pour en éradiquer les effets au coeur même des individus. Je le sais. Je l'ai vécu. Je le vis encore. Le jour où comme dans cette pièce nous aurons à vivre mon frère, ma soeur, ma mère et moi, l'enterrement de notre propre père comme ce que nous avons eu à vivre à l'enterrement du père de notre mère, nous mesurerons, je crois combien nous avons encore à faire pour protéger nos enfants de cette folie et pour sortir libre enfin de cet affreux piège dans lequel nous sommes tombés petits. Daniel Benoin, merci!

 

07/10/2012

force fragile

Je me lève ce matin glacée jusqu'aux os. Un blizzard intéreur m'empêche d'agir. Je suis comme figée dans la glace de mon passé hurlant. Qu'est-ce qui m'arrive encore? J'ai eu une semaine difficile et compliquée, tourmentée et cruelle par certains côtés. J'ai du faire face à des vieux vieux démons endormis qui ont refait surface aux détours de discussions compliquées. J'ai mis le pied à terre, je me suis effondrée sous le poid d'une douleur intense qui m'a cloué au pilori. D'angoisse je me suis ratatinée Jeudi sur un trottoir à Paris. J'étais là, immobile, face contre terre, à la sortie du métro station Etienne Marcel. J'avais un rendez-vous important, et tétanisée par une souffrance intense, je ne pouvais pas m'y rendre, mon corps ne voulait plus faire un pas. J'ai senti en moi un hurlement de fauve, j'ai senti mon ventre devenir dur et j'ai pensé: " je vais imploser!". Là, en dernier recours, puisqu'aucun passant ne m'a prêté mains fortes, j'ai passé un coup de fil, un appel au secours, une sonnette d'alarme. En vain. Alors j'ai mobilisé mes forces intellectuelles, je n'ai pas laissé l'émotion envahir tout. Je me suis fabriquée une image de moi-même forte et capable de faire face, comment dire, je me suis concentrée, je me suis raccrochée à une ancre positive, j'ai pensé à mon homme, à mes fils, à mon entreprise, à mon meilleur ami, j'ai mobilisé le maximum de neurones pas encore touchés par cette vague de froid, tous les neurones encore tièdes et les quelques rares encore brûlants de ma fièvre de vivre et je me suis relevée. Je me suis redressée à la verticale et j'ai marché jusqu'à la place des Victoires où j'étais attendue. Plus tard dans la journée j'ai pu en parler, encore tremblante, encore sous le choc. Et puis les choses on repris leur cours. Cette nuit j'ai revécu cette scène. Ce matin je ne suis que frissons. Des vieilles terreurs d'enfant imprégnent ma peau d'adulte, je sais que je vais devoir aller au devant d'elles, pour les comprendre, les extirper, les empêcher de venir interférer plus qu'il ne faudrait dans la grande fille que je suis devenue. C'est difficile de se réchauffer quand le givre du passé vous tombe dessus. Forte et fragile. Parfois j'ai ce sentiment d'être dotée d'une force hors du commun et d'autre fois c'est la fragilité si fine si au bout du fil qui m'étreint que je me demande comment je vais pouvoir, pouvoir continuer à vivre comme ça, pouvoir faire ce bout de chemin, pouvoir m'ouvrir plus grande encore au monde et me mesurer aux forces du vent? Je me frotte les pieds, l'un à l'autre, j'ai les orteils gelés, j'ai les bras comme la peau d'une poule qu'on vient de plumer, et mes vertébres semblent claquer des dents. Pourtant j'ai trois tonnes de couches de vêtements sur le dos, un pull, une écharpe, une vieille robe de chambre bordeaux, des grosses chaussettes en laine, un pantalon en pilou. Il fait une température normale en cette saison dans mon bureau. Dieu que j'ai froid! Ce même froid qu'à ma naissance, ce froid de l'abandon, ce froid du non-amour, ce froid de la tahison, de l'abus de confiance, ce froid angoissant et profond. Je sens qu'il faudrait que je crie, que je pousse à nouveau ce cri: " JE VEUX VIVRE", à défaut, je l'écris. Toute la maison est endormie et si je pousse là ce cri intense qui déchire, je vais ébranler l'équilibre qui règne ici. O Solitude! Mon enfant intérieur, mon tout petit à moi n'est pas encore guéri. Et je n'ai pas non plus encore parfaitement construit la cuirasse qui l'empêche de souffrir. Ma résilience a encore à mûrir, à encore à se faire, à se construire. A être là à me dire et à tenter de rétablir mon fluide corporel me réchauffe petit à petit. Réfléchir et constuire ma pensée, l'offrir et l'ouvrir à autrui, au monde, à vous a un effet brasero. Chaleur humaine. Puissance des mots. J'ai la gorge qui se noue tout d'un coup et les larmes me salent le visage. Combien de fois vais-je devoir encore éprouver de ne pas avoir été aimée, désirée, respectée, validée? Comment puis-je me faire comprendre que je suis digne de l'être, que je n'ai pas sans cesse à devoir m'expliquer, que cette culpabilité de vivre et de tout qui me ronge n'est pas la réalité mais un poison qu'on m'a fait prendre d'office, suis tombée dans la marmite de la honte toute petite? Quand bon dieu, vais-je enfin pouvoir pour de bon sortir de cette victimisation qui me pourrit la vie. Accepter d'être ce que je suis comme je suis. Ne pas avoir sans cesse cette impression de devoir rendre des comptes. Agir en femme libre. La température monte. Shit. Fuck Hate. Venceremos! Je veux pouvoir être fragile sans finir en miettes, je veux pouvoir être juste et non plus agie par toutes ces forces obscures qui m'habitent et qui me font parfois faire des choses qui m'échappent, qui ne sont pas moi et qui pourtant le sont aussi. C'est infernal, cette dichotomie, cette sorte de skyzophrénie. Je fais tout pour me réunir, tout pour n'être qu'une, tout pour être le plus en accord possible avec ce que je pense, ce que je sens, ressens, aspire, désire et recherche. Mais je sens bien à quel point tout est un peu plus compliqué quand on a été malmené tout bébé. Je n'ai pas dit mon dernier mot, pas encore. Je ne suis pas découragée, non. Je suis fragilisée. D'un seul coup ramenée à mon état initial, à poil, sans défense. Merde, ce que j'ai froid.

 

 

23/09/2012

De l'avis de Jacob sur le dernier Angot

Je n'ai pas lu le dernier livre de Christine Angot, Une semaine de vacances, pas encore. J'avais trouvé L'inceste un peu plat mais à lire les critiques ce n'est pas le cas cette fois. Ce matin en parcourant l’article : Assez! de Didier Jacob dans le Nouvel Obs, vitriolant l'ouvrage et plus encore la démarche de l'écrivain, j'ai eu un haut le coeur et je me suis dit qu'il y avait encore fort à faire pour que dans l'esprit de tout à chacun l'inceste dans toute sa cruauté fasse son chemin. Jacob se désole qu'une scène de fellation soit décrite sur une centaine de pages, soit, c'est peut-être long, je me ferais mon idée en lisant cet ouvrage, mais qu'il puisse dans quatre courtes phrases écrire: "Les poils du monsieur, la bouche de la petite. Elle est sa fille, voyez-vous. C'est un inceste, c'est du Angot. La routine, en quelque sorte." Une centaine de pages alors, c'est bien peu. Mais ça n'est pas ce qui m'a fait le plus bondir et qui m'a fait prendre conscience du long chemin encore à parcourir. "Une jeune fille, apparemment séduite par un père, qui ne se sépare jamais de son Guide Michelin, se soumet au bon vouloir du monsieur, un imbécile patenté dont on se demande pourquoi elle ne lui met pas une claque dès la page 2 (ce qui aurait arrangé tout le monde). Ils roulent en Peugeot, fellation, on part au restaurant, vaseline dans le trou du cul, on visite une église, et vas-y que je te suce encore mon petit papa chéri. Scandaleux? Si seulement! Christine Angot sent bien que ça ne suffira pas, le coup de l'inceste, pour susciter l'admiration des gazettes en mal de corporel. Qu'est-ce que je vais donc trouver, s'interroge-t-elle probablement, pour passer au JT? Faute d'idées nouvelles sur le terrain de la pornographie, Christine Angot se rabat sur la pipe dans le confessionnal. Mais qui croit-elle choquer - si ce n'est l'intelligence?". Ouch! Là, c'est Jacob qui me choque, m'entrechoque, me bouscule dans mes retranchements et titille mon intelligence. Comment un être humain normalement constitué n'arrive pas à comprendre dans quel état un inceste peut mettre un enfant, comment se peut-il qu'un journaliste de talent puisse penser qu'en écrivant à sa manière ce qu'elle a vécu Angot brigue une quelconque admiration? Peut-on s'attendre d'ailleurs à une admiration quand on a le besoin voire la nécessité de partager une telle souffrance, un tel destin, une telle mainmise sur une vie? Comment peut-on un instant penser qu'une jeune fille est pu être séduite par son père, pire apparemment. Il n'y a guère de séduction dans une relation incestueuse. C'est une relation qui n'en est pas une pour tout dire, c'est le pouvoir d'un être sur un autre, il n'y a pas concertation. Et si un père veut plusieurs fellations par jour, et s'il faut qu'elles soient longues, le temps d'écrire une centaine de pages par exemple, et s'il faut qu'elles se fassent dans un confessionnal parce qu'il y bande mieux, quel choix pour l'enfant soumis à cet amour haïssant ou cette haine amoureuse d'une perversité sans nom? Peut-être celui plus tard, une fois devenu grand, d'écrire une autofiction qui je cite: " est aujourd'hui tombée en désuétude, sauf pour les quelques écrivains qui en appliquent encore bêtement les règles, ainsi qu'en peinture autrefois s'acharnaient, en pleine révolution des styles, les ténors de l'art pompier." Il s'est dit que la critique est facile et l'art si difficile. Oui, l'art de s'en sortir et l'art de sortir de sa plume le jus d'une telle engeance, oui c'est difficile. Angot n'est peut-être pas arrivée au travers de son livre à faire comprendre cela à Jacob ou c'est Jacob qui ne le peut vraiment pas comme tous ces gens qui préfèrent ne pas en entendre parler, ou ne peut penser que ça puisse être aussi pornographique et aussi désolant qu'un mauvais film de cul. Que l'écriture mérite mieux, alors qu'en l'occurrence, pour m'y être essayée, je sais qu'elle investissement de soi elle demande, quelle douleur elle engendre et quel volonté elle consomme, une autofiction de cette nature là.

 

14/05/2012

Eva et Irina

eva_ionesco001.jpg

- Eva par Irina Ionesco -

 

Avant-hier soir j'ai visionné le film autobiographique Little Princess d'Eva Ionesco avec Isabelle Huppert dans le rôle de sa mère. Je craignais d'être perturbée par ce film, certains films me troublent au plus haut point, l'image s'infiltre dans mon inconscient sans que je ne puisse y prendre garde et a parfois des effets boomerang déconcertants. Sans doute avec l'âge et avec mon bagage suis-je un petit peu plus préservée, là, il ne s'est rien passé de spectaculaire. Intriguée, j'ai voulu en savoir plus sur cette femme Irina qui a photographié sa petite fille de quatre ans jusqu'à ses neuf printemps dans des poses suggestives d'un érotisme troublant et d'une beauté quasi toxique. J'ai trouvé un entretien d'elle parlant de son enfance et de sa vie stupéfiante digne d'un roman, la réalité parfois dépasse la fiction: on ne se retrouve pas tous contortionistes avec deux énormes boas pour finir cible vivante nue pour un lanceur de couteaux! Au travers de son art, elle a cherché à être, à combattre ses démons intérieurs, à rester vivante et elle a instrumentalisé sa fille tout comme elle l’avait été elle-même. Dans le travail de cette femme il y a un côté sophistiqué à l’extrême, élaboré, un dialogue entre la féminité et la mort comme si un corps de femme était un poison ou une plante cannibale, c’est d’une beauté dérangeante, interpellante presque perverse doublé d’un impressionnant rejet du masculin palpable et d'un appel désespéré au féminin. "Qui suis-je", semble t'elle nous dire au travers de son regard. Abandonnée par ses parents à quatre ans, c'est elle qu'elle semble chercher à travers la théâtralisation de sa petite fille, dans toute son oeuvre transparaît cette quête de l'identité. D'un seul coup j'ai pensé à ma propre histoire avec ce doute qui subsiste en moi sur l'identité de mon père, cette conviction fantasmagorique que mon père pourrait ne pas être mon père et que, quoi qu'il en soit je n'ai pas le sentiment d'avoir eu un papa, alors qu'en fait dans ma sombre réalité il est bien là. Quand je parlais davantage de mon vécu enfant, on me demandait souvent comment je pouvais autant aimer les hommes avec ce que j'avais eu à vivre? On pourrait me demander aussi comment cela se fait-il que j'aime autant les femmes aujourd'hui? Je ne conçois pas un monde sans l’un ou l’autre. Les deux ont leur importance dans les mêmes proportions pour les mêmes raisons et c'est cette union de ces deux pôles qui ouvre à la création et à la complétude, j'en suis intimement persuadée. Quand on me parle qu’un monde sans hommes serait plus je ne sais quoi, je ne peux m’empêcher de sourire, pas plus que dans un monde sans femmes je ne pourrais tenir. Pour en revenir à ce film d'Eva, j'ai été fascinée par le jeu de la jeune actrice qui tient le propre rôle de la réalisatrice et par la mise en scène de cette relation d'attraction-répulsion propre à toute relation incestueuse. Pour sans doute beaucoup d'individus, ce qu'a fait Irina n'est pas là de l'inceste mais de l'art, pourtant cette mainmise qu'à cette mère sur le corps de sa fille me rappelle cette tentaculaire présence de ma mère qui m'utilisait sans le savoir et m'offrait en pâture à son père. Je comprends maintenant qu'elle n'a pas pu faire autrement, elle-même prisonnière, elle-même utilisée et, le regard que je porte sur elle est beaucoup plus apaisé et je ne me demande plus, ou en tout cas beaucoup moins, qu'elle aurait été ma vie si je n'avais pas eu à vivre ce que j'avais vécu. J'accepte même cette insoutenable idée que j'ai pu y trouver un certain plaisir malgré moi et que je porte en mon sein cette perversité, qu'il me faut l'accepter voire la sublimer. C'est tout le paradoxe de la relation d'Eva et Irina et toute la violence de leur relation et si elles sont en guerre encore aujourd'hui, luttant avec les mêmes armes, c'est qu'elles n'ont pas pu faire ce qu'après de longues années j'ai le sentiment d'avoir accompli: ne plus haïr ma mère et apprendre à m'aimer entière avec mes venins et mes contre-poisons, mes désirs, mes substances et mes mots qui poussent, cognent et ne demandent qu'à sortir, définitivement je l'espère dégagés de toute l’emprise d'une maman comme Irina, maquerelle et voyeuse qui m'a aimée à sa manière, vénéneuse.

 

19/09/2011

la photo de famille

Hier nous fêtions en famille l'anniversaire de mon homme et de notre fils aîné. Depuis quelques années nous faisons un groupé, leurs dates respectives tombant à deux jours d'écart, l'un le 19, l'autre le 21. Nos trois grands sont présents, chacun avec leur douce. C'est la première fois que notre petit dernier nous amène une belle qu'il vient de rencontrer sur les bancs de la fac, un beau petit brin de fille venant droit du Viêt Nam pour apprendre le français dans notre bonne ville du Nord, une occasion pour moi de parfaire mon anglais car pour l'instant elle n'a pas encore beaucoup de mots à son vocabulaire, je me demande d'ailleurs comment elle arrive à suivre ses cours d'économie. Nous sommes tous les huit à table, comme d'habitude la conversation va bon train. Il y a toujours une ambiance joviale et complice quand on se retrouve tous. On reparle de choses d'avant, de vieux souvenirs et puis on se partage ses visions d'avenir, ce à quoi on aspire. Chacun se livre un peu, on se chambre, on part dans des fous rires, on se raconte, on s'entend bien. Voulant montrer de plus près à son béguin asiatique une carte de Ben que j'ai mise sous verre sur la console longeant la table de la salle à manger, Pierre attrape l'objet et le pose devant elle. C'est comme ça que je découvre que derrière et depuis des années se cache une photo que j'avais oubliée. Et quelle photo! Comme le dit mon homme: "C'est une rescapée!". En effet, toutes les autres, je les ai, brûlées.

La photo n'est pas de grande qualité. En jetant vite fait un oeil sur ceux qui posent, on comprend que c'est notre plus grand qui l'a prise lors d'une réunion de famille dans la maison de mes parents. De gauche à droite il y a mon grand-père maternel, royal, sa canne à la main, costume gris chemise blanche cravate sombre et une petite laine gris pâle pour se prémunir des frimas du mois de Décembre, la photo est datée à l'arrière, 16 Janvier 93. Juste à côté de lui se tient ma petite soeur, elle a encore à cette époque ses cheveux longs tout bouclés, un immense sourire éclaire sa frimousse, elle porte un pull blanc et a pour l'occasion mis des énormes boucles d'oreille multicolores, sur ses genoux, mon second tout blond en salopette grise, un regard rieur à l'objectif et dans ses mains une petite voiture, il a longtemps adoré les petites voitures, maintenant grand il les préfèrent grandeur nature. A sa droite ma grand-mère avec son fameux gilet vert, c'est celui qu'elle préfère, une robe rouge et une écharpe blanche, elle a sa mimique habituelle un peu bécassine sur les bords et un air ahuri, à côté d'elle, maman. Une robe rouge elle aussi et une veste grise, une broche en grappe de raisin sur le revers, une paire de lunettes carrées qui lui mangent la moitié du visage. C'est fou ce qu'elle ressemble à son père, stupéfiant. Ces cinq là sont assis sur une méridienne en velours gris vert qui du côté de papy fait une arabesque accentuant sa posture de patriarche régnant en maître sur ses sujets. Debout derrière juste au centre, mon homme. Dieu qu'il paraît jeune sur ce cliché! D'un côté en laissant bien un espace entre eux, mon père, qui se trouve ainsi entre les deux mères. Il porte lui aussi un complet, mais un beige foncé et une cravate brune, sa chemise est bleu ciel, ça n'est pas très heureux. De l'autre mon frère et sa femme bras dessus bras dessous, tout juste amoureux, le regard plein de promesses, l'avenir devant eux. Moi, je suis devant, par terre, au pied de mon grand-père. Je suis toute habillée de noir, déjà. Je regarde mon fils prendre la photo avec insistance et tendresse. J'enserre de mon bras gauche Pierre qui est complètement affalé, à moitié endormi, il suce son pouce. Dans mon bras droit de la même manière, je tiens un gros panda presque aussi gros que moi, un panda en peluche noire et blanche. On a le sentiment que je m'accroche ainsi à deux bouées de sauvetage, c'est frappant. A l'extrême droite de la photo on aperçoit le reste d'emballages empilés sur un canapé en cuir havane. Au premier plan, sur la table basse en verre, le pot de fleur sûrement offert en cadeau au vue de l'immense noeud rose qui le couvre cache un père Noël piqué dedans, voilà qui date encore plus précisément la photo.

Un frisson me parcoure tout le corps en la revoyant. Une foule d'images défilent en un clin d'oeil dans mon cerveau. "You see, my mother, the mother of my mother, my sister, George, my grand-father, my brother, his wife, my love, my father, yours, me and panda!" Le reste de l'histoire je ne lui raconte pas. A ce moment là je ne la savais pas encore moi-même. Elle l'apprendra bien assez tôt. Je deviens blême. Pat craint que je ne fasse un malaise. On ne sait jamais, c'est déjà arrivé. Mais non. Le repas continue, l'ambiance reprend de plus belle. On oublie la photo, je la pose sur la cheminée. Vers dix-huit heures, chacun repart. La copine de George s'en va travailler, elle est ouvreuse à l'UGC pour se faire de l'argent de poche, les deux plus âgés retournent dans leur nid d'amour et Pierre fait faire le tour du propriétaire à sa chérie qui s'extasie. Nous nous retrouvons tous les deux Pat et moi en tête à tête. On reparle de cette photo, à nouveau je pâlis grave. Je ne me sens pas bien. Il faut que je m'étende, j'ai le sentiment que je vais m'évanouir. Je récupère doucement une fois à l'horizontale et pour me changer les idées, mon homme me propose de visionner à la télévision l'intervention de DSK, la fameuse entrevue où sont attendus treize millions de français! Claire Chazal lui pose la première question, il répond, c'est tout juste si je sais de quoi il parle, car d'un seul coup sans comprendre pourquoi je me mets dans une colère noire, et je m'en prends à l'écran: "Gros porc, sale hypocrite, salaud!", tout y passe, heureusement qu'il ne m'entend pas! C'est finalement lui qui trinque pour tous les salopards présents sur la photo retrouvée par hasard un Dimanche de Septembre derrière un cadre sur la console de ma salle à manger.

 

22/05/2011

Près de chez nous

" J'avais 12 mois quand papy m'a fait faire sa première fellation. Elle a bien failli me coûter la vie! Lui est mort et je suis toujours là. En cessant de me taire trente années après, j'ai fait sacrément le vide autour de moi. Maintenant je parle... même la bouche pleine."

 

01/04/2011

Precious

19238383.jpg

 

Je n'ai pas lu le roman "Push" de Sapphire dont le film s'inspire, je vais sans doute y remédier, d'après ce que j'ai pu en lire, ça devrait me parler et m'interpeller. Le film n'a pas bouleversé que l'Amérique, il m'a secouée moi aussi parce qu'il est vrai, ne sombre pas dans un pathos excessif et dans un blabla incessant, il prend aux tripes et il prend au coeur aussi. L'inceste n'est jamais franchement un sujet facile a aborder sans tomber dans le mortifère et le culpabilisant. Je me suis vite projetée dans le personnage de Precious magnifiquement interprété par Gabourney Sidibe, même si j'en suis fortement éloigné physiquement et socialement. Je me suis sentie proche de sa rage d'en découdre, de sa rage de vivre, de sa rage de combattre la haine de sa mère, la violence de son père, de son milieu, de ses propres peurs et proche de l'énergie que lui donne l'amour qu'elle porte à ses enfants et dans sa volonté profonde de faire autrement et d'être elle-même, humaine. C'est un film sur l'espoir, un film sur la vie, un film sur la volonté, un film d'amour. On sort de l'avoir vu grandi et énergisé malgré l'horreur et la cruauté du sujet. Précieux.

 

 

 

 

21/01/2011

du désir

Le désir est une denrée fragile et encore difficile d'accès pour une femme qui, blessée dans son intime, tente petit à petit de le retrouver. Le désir de sexe, le désir charnel, l'appel au large, l'annonciateur déclencheur provocateur du grand voyage, celui qui vous assaille, insoupçonnable, qui vous prend aux tripes, irréversible, celui qui vous percute de plein fouet, qui vous pousse dans vos contrées inexplorées, irrépressible; cette liberté d'être tout à soi, celui-là qui est identité et liberté, vivance.

Le plaisir m'a aussi longtemps été proscrit, trop associé sans doute à la honte; encore un des méfaits pernicieux et sordide d'une utilisation d'un corps de petite fille et de son affectif à des fins non avouables, pourtant il me fut récupérable en me défaisant doucement et par petits bouts de ces vieilles peaux coupables et culpabilisantes que j'avais endossées au fil des années; il reste pourtant fragile, lui aussi, agissant souvent comme le baromètre d'une vérité cruelle et assassine enfouie loin dans un trou de ma tête. Les retrouvailles profondes et intenses de mon plaisir entier qui fait fondre mon âme et emmène tout mon être dans les bras de l'extase a été la première récompense d'un parcours insondable d'une improbable guérison. D'ailleurs, au plus j'avance, au plus j'écris, au plus mon sexe s'ouvre et je m'ouvre à lui; l'écriture agissant comme décapeur chimique d'un poison trop longtemps pris en intraveineuse intra-familiale incontournable.

Le désir lui, est plus ardu à reprendre à réinvestir à ressentir, il ne peut être que spontané, il ne peut se fabriquer mentalement par des chemins de traverse et ne peut se nourrir de culpabilité; dans une construction mentale d'une carte du monde si on t'impose trop petite des choses éloignées ce que tu es en âge de comprendre et de gérer voire de digérer, on t'enlève cette liberté essentielle de laisser venir à toi et en toi tes sensations. C'est, à peine née qu'on te jette en prison. Un esclavage spirituel et corporel grave qui te blesse et t'arrache à toi-même longtemps voire, à vie. Pourtant, depuis peu, parfois, il me capte, m'étreint et me trouble au détour d'un mot, d'un regard, d'une rencontre, là encore l'écriture joue son rôle bienfaiteur d'ouverture, et après avoir été, pendant plus de vingt ans dans l'énorme besoin et l'étourdissante envie d'être désirée, je me retrouve enfin, mais à dose ténue, désirante, actrice de mon désir et dévorée par lui, quelle jouissance!

Comment pourrais-je alors cesser de coucher des mots gris sur le papier vierge, comment pourrais-je me refuser cette voie qui m'est donnée du bout des doigts, comment ne pas s'ouvrir entièrement à elle qui m'offre ainsi une existence réelle et engage tout mon être dans cette rédemption? Encore des vieux débris de culpabilité et des vieux fonds de honte qui traînent dans les limbes de mon cerveau et dont j'ai bien du mal encore à me défaire! "Ce qu'on essaye souvent et qu'on ne cesse de vouloir, on finit par réussir à l'obtenir"... est-ce que Sigmund  cette fois aurait dit vrai? C'est là mon désir le plus grand que celui d'être un être de désir doublé du plaisir de l'être, d'en prendre et d'en donner...

 

 

09/01/2011

arrêt sur image

La libido en berne

Je me traîne

Dans les méandres de la trace

Qu'il a plantée en moi.

Tenace.

Vorace.

Papa!

 

 

29/11/2010

La poupée d'Hélène

 

IMG_2370.jpg

- Photo Laurence G. -

 

La poupée d’Hélène

                           

                                   à tous les enfants victimes de l’inceste

 

 

Hélène dort, les poings fermés,

Rêvant de la poupée ensanglantée

Qu’elle avait,

Quand violée,

Elle explosait,

En cris déchiquetés,

Moquée,

Brûlée,

Frappée,

Souillée !

Hélène dort,

Bercée par la houle d’or

De ses cheveux affolés

Pris d’assauts répétés

Par son putride bourreau

Mais jamais tendrement caressés 

Par  ce maudit grand –père

Qui aurai dû, pour elle, être le meilleur cadeau

Dont elle aurait été si fière !

Elle, ou ce qui, d’ailes, reste  en elle,

Toujours cassée,

Sainte pucelle,

Par ce vil pervers,

A l’appétit vorace de lâche carnassier

Qui la prenait, dans ses serres,

Puis la reprenait, entre apéro et dessert !

Les anges pleuraient de rage et de colère,

De voir le minuscule ange

Se débattre dans tant de sang et de fange !

De honte et de douleur, tous les cieux

Venaient la pleurer,

Dans ses yeux,

Qui suppliaient, déchirant de leurs larmes épuisées,

Le lourd  silence d’airain des vieux clochers pieux !

 

- Mokhtar EL Amraoui -


 

 


 

de facto

On m'a appris à sucer avant de dire "maman", c'était dans l'ordre des choses pour elle, pour eux aussi, c'est toujours plaisant une petite qui suce avant de formuler, et qui n'avait même pas les dents pour mordre des fois que l'envie de révolte aurait pu lui prendre.

La toute petite a grandi, elle est devenue femme et bien malheureusement pour les protagonistes, elle n'a plus de bâillon, ni d'entrave dans la bouche et quand bien même peut parler la bouche pleine... et elle trouve enfin les mots pour le dire, le dire parce qu'il lui reste un fond d'éducation, elle voudrait le crier, le cracher, et le hurler, et puis tout ce qu'elle a dû avaler par la force des choses, pas facile à décrire, pas facile non plus à ingurgiter, à digérer, à rendre.

Alors toutes ces nuits à se tordre, à se perdre, à se poser tant de questions, à s'en arracher les cheveux  et la peau des ongles voire les ongles eux-mêmes maltraités dans l'affaire; tout ça pour ça, pour se rendre compte qu'on effraie, et qu'on crée autour de soi tant de malaise, tant de rejet!

Ne vaut-il pas vraiment mieux se taire?

Non.

Il vaut mieux dire l'indicible, l'indéfinissable, l'inacceptable, les choses telles qu'elles ont été et continuent à être.

Peu en importe le prix, sur ce coup j'ai de l'avance, j'ai juste parfois encore la peur au ventre, et puis c'est pas si simple d'affronter un passé chargé d'ordures et d'aspirations à mieux faire. 

Saleté, comme j'aimerais parfois, je l'avoue avoir été autre, du moins dans le passé! Tout en sachant que celle que je suis, là, au jour j, à l'heure où je vous parle n'est que ce qu'elle est parce que cela est arrivé et fait partie intégrante de sa vie!

Croyez-vous que cela me rende plus humble, plus humaine, plus "aware"! Je ne sais pas, je ne sais plus, je crois que oui et puis très vite je doute, aussi vite je me reprends, presque aussi vite je sombre.

Faut pas se voiler la face, malgré la poésie, et malgré la musique, et la peinture, la sculpture, la littérature, l'aventure, les voyages et toutes les rencontres, on reste vraiment seul avec son équation.... mais on la partage, on l'exprime, on l'envoie par pixels dans le monde et même si cela paraît n'être que des mots envoyés via des fils à toute la planète capable de me lire, moi, là du bout des doigts sur mes touches, cela me fait du bien.

Jamais, je l'ai compris depuis belle lurette on ne me rendra ce que j'ai sans doute perdu, mais j'ai gagné de pouvoir me dire, j'ai gagné de vous avoir rencontrés, et je gagne chaque jour qui passe à continuer de croire qu'écrire, sans être la panacée, est le meilleur moyen de m'affranchir, de me définir et de me révéler, et j'ai pas l'intention d'arrêter...

Merci d'être là.

Merci.

 

 

 

15/11/2010

échange

 

1240552-1617477.jpg

 - Photo Man Ray -

 

 

Aujourd'hui, c'est étrange, j'ai parlé à ma soeur, cela faisait tellement longtemps qu'on n'avait pas échangé nos voix et nos coeurs. Elle vient de mettre au monde son troisième enfant alors que moi je suis presque à deux doigts de devenir grand-mère, elle quarante, moi quarante cinq printemps, notre problématique, disons notre équation n'est plus vraiment la même, pourtant c'est ma soeur, petite par la généalogie mais grande aussi du coeur. On se parle, elle me parle, et surtout elle me parle, elle n'a de cesse de me parler, elle parle et parle encore... c'est qu'elle a cru que ça allait changer, que d'avoir enfanté permettrait l'union et puis l'illusion que tout pouvait encore recommencer. Quoi!  C'est si normal et si naturel que je ne pouvais même pas la contrarier en lui disant que c'était peine perdue. Elle voudrait tant pouvoir avoir une mère qu'il l'aime et la respecte et la comprenne, par Dieu! on en est tous là. Certains l'ont perdu jeune, certains ne l'ont même pas connu, d'autres font avec et aimeraient que ce soit différent et puis il y a nous, ceux qui doivent par la force des choses s'en protéger, c'est pas le plus facile, au contraire, loin de là. Faire son deuil de sa maman de son vivant, c'est la pire chose qu'il soit, en fin je m'aventure, là je ne parle que pour moi, dans le fond pour être tout à fait honnête, j'ai une mère répertoriée comme telle et toujours en vie, sauf que dans la réalité, elle est plus morte que vive, et surtout elle a depuis un bail décroché, pas si facile à vivre, pas pire non plus, juste c'est ainsi.

Mais bon, faut comprendre. Baigner dans la folie depuis sa tendre enfance et une fois rendues à l'âge où on peut se rendre compte vraiment que c'est çà qu'on a vécu et qu'on est les seules à pouvoir le voir, à pouvoir le comprendre, à pouvoir l'accepter, rien de bien simple, de bien limpide, et de bien acceptable!

Pourtant c'est nécessaire, et c'est le seul moyen d'être mère à son tour, du mieux qu'on puisse l'être...

Toujours séparer le bon grain de l'ivraie! Tant de choses nous échappent, et tant de choses aussi sont à notre portée. Ne jamais oublier ce qu'on a fait de nous, et ce qu'on veut en faire...

 

19/10/2010

boomerang

J'ai pas passé une bonne nuit, des vieilles remontées difficiles et des pensées auxquelles j'essaie d'échapper et qui me rattrapent parce que je les mets en mots step by step... Et là au courrier ce matin, une nouvelle bombe de ma mère, quel timming, quel feeling, quel étonnant personnage quand même, je vais finir par croire qu'elle lit dans mes pensés, au fond peut-être que Dieu existe vraiment et qu'elle lui parle en vrai. Je reçois de sa part un livre appuyé de deux phrases simples qui en disent long, voilà regarde cet homme là témoigne de sa sortie de la drogue justement grâce au ciel et à la prière, et à la Vierge, notre sainte mère à tous, tu vois prends en de la graine, toi habitée par le diable, tu n'as qu'une seule issue, mets toi donc à genoux et demande pardon.

Evidemment je rage, ma réaction première et je me dis câlisse, peuvent pas me foutre la paix avec leur religion et avec leur poème sans cesse le même que je suis habitée par je ne sais quel démon! Moi je suis juste vivante et marquée aux fers d'une terreur difficile et de gestes malheureux, moi j'essaie juste de comprendre et d'agir, j'essaie juste d'écrire et de décrire cette vérité que personne ne veut voir ou ne peut accepter. C'est pas grand chose, je sais, je me tue à dire que le sacrifice n'est pas la bonne voie. Bien au contraire. Et que ce n'est pas en remettant à une pensée magique les clés de mon destin que je vais en sortir et mes enfants non plus et plus élargi encore l'humanité entière...

Oh! J'étais déjà black blue, ils sont coriaces quand même, et personne à l'impossible n'est tenu, non? Bon je vais pas me laisser abattre pourtant parfois j'avoue, je baisserais bien les bras et baiser les pieds du pape, qu'on me donne enfin une sorte de rédemption. Là,là, Blue, pas toi, c'est pas possible, Hein, t'as pas fait tout ce chemin pour craquer au dernier châpitre pas celui des corinthiens mais le tien. L'histoire s'écrit au fur et à mesure, ne laisse pas t'atteindre tous ces faiseurs de miracles et ces empécheurs de voir vrai, tu sais qu'ils ne peuvent pas, tu sais qu'ils souffrent aussi, tu en sais trop en fait...

Respire, écris, ressaisis-toi!

Sigh.

 

 

 

20/09/2010

mal de mère

mere-et-enfant_hd.jpg

 


podcast

- Texte et voix: moi-même, sarabande de la suite pour violoncelle n°4 de JSB interprétée par Pierre Fournier, mixage Barner mon prince du son -

 

 

 


13/08/2010

demande d'amis

Maman m’a fait sa demande d'amis sur ma page facebook, non pas que j’y aille vraiment assidûment mais c’est comme ici un espace d’un peu de moi, en première réaction j’ai déconnecté mon compte, une réaction reflexe face à ce que j’ai d’abord vécu comme un effet boomerang, me revenait alors des images que j’ai mis longtemps à comprendre et à digérer d’elle lisant mes courriers et mes journaux intimes, ce qu’elle faisait en toute impunité. Et puis j’ai réfléchi, j’ai refusé sa demande, j’ai écrit ceci qu’elle lira un jour peut-être si cela doit se faire, et j’ai reconnecté mon compte et retrouvé mes amis.

 

Le plus terrible dans l’inceste c’est l’absence de frontières, ton corps d’enfant ne t’appartient pas et n’est pas identifié comme tel, pas validé; ton âme toute neuve et friande d’apprendre et d’éprouver n’est qu’un jouet dont se servent à loisir les personnes de référence sachant bien qu’il te faut l’affect pour être en vie; tu ne sais où tu es tu ne sais qui tu es tu n’as aucune conscience de ta géographie, au fond bien malgré toi tu n’existes pas toi-même et longtemps tu traînes cette marque aux fers ancrée au plus profond du profond de ta chair.

Tu n’as pas d’intime tu n’as pas de chez toi tu es à tous et à toutes et du coup à personne, mais plus tard tu grandis tu cherches tu construis un radeau qui t’emporte plus loin vers d’autres rives vers cette voie enfin qui te donne naissance et tu t’offres à toi-même ce qu’on a toujours refusé, du respect de l’amour de la reconnaissance et plus que tout tu fuis d’un réflexe viscéral toute forme d’ingérence de violence d’injustice quel que soit l’habit dont elles se parent souvent.

Il reste bien sûr toujours latentes les cicatrices que les protagonistes peuvent réveiller facile même si tu te protèges depuis ton édifice il reste que tu le veuilles ou non au fond de tes entrailles cette filiation ce lien cette demande affective.

Quand elle a voulu franchir la ligne de cette frontière construite avec le temps de bouts de mes neurones et de chaque particule de ma peau de mon sang de mes tripes de femme mûre de mère et d’amante, elle a bien failli une fois de plus m’atteindre et j’ai dans un sursaut refermé la coquille pour mieux me retrouver et une fois de plus faire face. Elle a toujours été la pieuvre dominante, la mère maquerelle offrant ses enfants en pâture, elle n’en sait même rien elle–même mais continue, pourquoi  diable ferait-elle autrement ce qu’elle a toujours fait, inlassablement elle ignore la vérité de ceux qu’elle a engendrés de ceux qu’elle a mis au monde et cruellement continue de payer sur l’autel de l’immonde son tribut à la grande névrose familiale dont elle est le pion maître.

Je n’ai plus à me battre  maintenant je suis mienne mais j’ai encore au fond de ces peurs ancestrales qui m’inhibent et me freinent, me tétanisent même bien plus que je ne veux l’admettre et le croire. Alors j’écris, j’écris et j’écrirai encore jusqu’au bout de mes nuits jusqu’au bout de ma vie pour ne pas perdre tout ce que j’ai repris ne pas oublier tout ce que j’ai appris ne pas revenir ne pas retremper ne pas re goûter à l’amer et surtout ne pas attendre un quelconque geste vers celle que je suis. Leur monde sans frontière est un monde sans cadre un monde sans amour un monde sans espoir un monde où l’individu na pas de place car il est à tous et jamais à lui-même.

Non, maman, je ne peux t’accepter dans ma liste d’amis, elle n’est pas très longue mais elle est toute ma vie et tu ne peux avoir une place au milieu de celle-ci tu ne peux avoir une place au milieu de ceux que j’aime de ceux que je respecte de ceux que je découvre de ceux avec qui je peux être moi-même, toi, tu es ailleurs dans ma carte du monde, dans un endroit clos où parfois je passe quand j’en ai la force ou le désir brûlant d’avoir des réponses et de donner un sens et d’espérer encore malgré toutes ces années un peu de ta tendresse même si au fond je sais qu’elle est empoisonnée.

Il est long le chemin pour se désintoxiquer pour se défaire d’une drogue à laquelle on s’est nourri pendant de longues années, long le chemin pour se permettre d’être et de dire ce qui doit être dit et de dire sa propre vérité. Je m’y emploie chaque jour en espérant que ce soit le dernier tout en sachant que je ne peux baisser la garde, chaque jour à séparer le bon grain de l’ivraie, chaque jour pour devenir un petit peu plus humaine, un petit peu plus vraie.

Tu as fait du mieux que tu as pu, je n’en ai aucun doute, mais arrête-toi là et laisse-moi donc vivre tranquille entourée des miens et de ceux avec qui je partage l’essentiel l’affectif le réel. Je te refuse, maman dans ma liste d’amis, je refuse à nouveau de rentrer dans ton monde dans cette vision que tu as de l’Amour, et dans cette vision que tu as du Pardon dans cette vision mortifère et mortificatoire que tu as de la Vie.

Que viens-tu donc chercher dans les pages de la mienne, restons-en là veux-tu chacun à sa frontière avec ces quelques moments d’échange à la longue cuillère, c’est tout ce que je peux t’offrir pour le moment, c’est le mieux dans l’instant que je puisse faire pour celle que je suis devenue, pour cette petite fille qui vibre au fond de moi et qui compte sur mon aide, pour celle qui est loin de celle que tu voudrais que je sois ou que tu penses encore à force de cécité que je semblais être.

Le plus terrible dans l‘inceste c’est l’absence des repères, ceux qui doivent te protéger t’agressent, ceux qui doivent t’apprendre te détruisent ceux qui doivent t’aimer t’utilisent ceux qui doivent te respecter t’abîment ceux qui doivent te donner vie et confiance te tuent.

Le plus terrible du plus terrible c’est qu’ils n’en savent rien, qu’ils ne s’en rendent pas compte n’étant pas eux-mêmes maîtres d’eux-mêmes manipulés par leur propre destin. C’est une histoire sans fin si on n’en coupe pas la chaîne, c’est une histoire sans fin sans frontières sans repères sans cadre sans plan, un roman de misère où les victimes les morts les bourreaux les parents sont finalement tous des enfants en souffrance, mais c’est toujours celui qui arrive le dernier qui prend en charge tout ce que les autres n’ont pas pu voir pas pu entendre pas pu ressentir pas pu exprimer.

Voilà, maman ce que j’avais à te dire et pourquoi je te garde à une certaine distance, nous ne pouvons faire ce chemin ensemble que si enfin tu comprends que cette frontière m’est nécessaire, car comme tu ne le sais pas elle me protège de ta folie que tu as faite mienne, elle me protège de la mort de celle que je suis.

 


16/11/2009

décorporalisation

 

569909904-1.jpg

C'est la première fois que je lis ce mot rencontré dans un article sur la prostitution et amené par Judith Trinquart médecin de santé publique, ça m'a frappé car c'est exactement ce qui est arrivé à l'enfant que j'étais lors des abus perpétrés dans la famille, les symptômes sont les mêmes, pendant l'acte sexuel on se détache de son corps, on est plus là pour ne pas ressentir le vécu. Ca m'a longtemps taraudé et mise en souffrance dans ma vie de femme cette absence sur laquelle je ne pouvais rien, le mécanisme se mettant d'emblée en route, un mécanisme réflexe somme toute qui me venait de si loin. C'est vraiment un processus dissociatif qui dans le cadre d'une relation amoureuse et aimante est très handicapant, et pour celui qui le vit et pour celui qui le partage. On ne sent plus son corps il n'est plus qu'un instrument, pas faute d'essayer d'y tendre de tout son être, cela m'était et m'a été pendant longtemps inaccessible. A qui appartenait mon corps, à qui appartenait mon sexe? Ce genre de questions que je ne me posent plus mais qui ont alourdi considérablement ma sensibilité à l'érotique en live me réfugiant alors dans la littérature de cette nature et dans l'imaginaire, ce qui m'a aidée à avancer au fond en partie, à force d'y penser et d'y croire.

Ce n'est pas par besoin de voyeurisme d'aucune sorte que j'ai eu envie de rebondir sur ce concept qui n'avait jusqu'alors pas de mot pour moi mais juste pour exprimer la non irrémédiabilité de ce processus, pour cela il faut réaccaparer l'image de son corps, le réinvestir cela n'est possible qu'en sortant du processus de victimisation qui anesthésie et qui maintient dans cette torpeur, sortir du cercle infernal du "je ne vaux rien, je ne suis rien" et s'arroger le droit et le devoir de s'occuper de soi. Une aide extérieure est alors la bienvenue, les témoignages aussi et puis réapprendre la sensualité de son corps par le toucher, les massages, et l'écoute. C'est un travail de longue haleine mais qui en vaut la peine, j'ai découvert le plaisir tard, parfois encore il m'échappe mais Dieu que c'est incomparablement bon que d'être toute là dans les joies expressions et fantaisies du sexe.

 

******





Judith Trinquart, médecin, est l’auteure d’une thèse sur la décorporalisation dans la pratique prostitutionnelle. Elle nous explique ce processus et revient sur les conséquences physiques et psychologiques de la prostitution  

Le thème de la décorporalisation est au coeur de vos travaux. Pouvez-vous nous expliquer son processus?

La décorporalisation est engendrée par la violence que représente la situation prostitutionnelle avec sa répétition d’actes sexuels non désirés. Ce processus agit à la fois sur deux plans.
Sur le plan psychologique, il conduit à une dissociation de l’image corporelle. Deux personnalités apparaissent : la personnalité privée, en dehors de la prostitution, et la personnalité prostituée dans le champ de la situation prostitutionnelle.  La personne prostituée essaye de protéger au maximum la personnalité privée de ce qui se passe dans la situation prostitutionnelle.
Sur le plan physique, on peut constater l’apparition d’un seuil de tolérance à la douleur très élevé. La personne essaye de se protéger, physiquement, du ressenti de ce qui se déroule pendant « les passes ». Elle se coupe d’une partie d’elle-même, de ce qu’elle ressent dans la situation prostitutionnelle. On parle alors d’« hypoesthésie », c’est-à-dire d’une diminution du ressenti, des sensations qui, quand la situation se prolonge peuvent conduire à une absence du ressenti de la douleur.

Des personnes prostituées frappée pendant l’activité prostitutionnelle ne ressentent pas la douleur ; puis lorsqu’elles rentrent chez elles et se regardent dans la glace, elles voient les écchymoses, les contusions... Ces mécanismes d’hypoesthésie et d’anesthésie conduisent à une auto-négligence de soi : le corps devient instrument, objet.
La décorporalisation est très nette chez les personnes prostituées mais on l’observe également dans d’autres contextes, notamment chez les femmes victimes de violences conjugales à répétition ou chez les personnes en situation de clochardisation.


Quelles sont les conséquences physiques et psychiques de l’activité prostitutionnelle ?

On a de nombreuses conséquences physiques notamment sur le plan gynécologique (peu ou pas de suivi ou de dépistage pour les cancers), les problèmes péri-ménopausiques, la contraception, des problèmes d’ordre traumatique. on a également une mauvaise prise en charge du problème infectieux en général (on ne les voit venir que lorsque les maladies sont déjà évoluées)...
Sur le plan psychologique, que ce soit des dépressions, des angoisses, des phobies, ou des tentatives de suicide, les taux sont beaucoup plus élevés que dans la population en générale. On observe une aggravation des maladies ou troubles à composantes psychosomatiques comme les maladies cutanées, les maladies d’origine gastrique, les problèmes rhumatismaux, les pathologies d’ordre addictif (toxicomanies). D’un point de vue général, la situation prostitutionnelle aggrave les désordres sanitaires...

Par ailleurs, bon nombre de personnes sont atteintes de PTSD ou Post Traumatic Stress Disorder qui peuvent prendre de multiples formes : des souvenirs répétitifs et envahissants, des cauchemars, la peur que l’agression se renouvelle, des conduites d’évitement, l’hypervigilance, la réduction des contacts et des affects pour éviter tout  ce qui semble risquer de répéter l’agression, des troubles du sommeil engendrés par cette hypervigilance, des troubles de la mémoire et de la concentration. Certaines études avancent le chiffre de 67% de PTSD sur une population observée de personnes prostituées.


Pouvez-vous nous parler de l’impact des antécédents (violences sexuelles ou autres) observés chez bon nombre de personnes prostituées ?

On s’est aperçu récemment que les cas d’antécédents de violences sexuelles (inceste, pédophilie, viols) dans la population des personnes prostituées représenteraient de 80 à 95% des personnes. Les proxénètes qui utilisent les viols individuels ou collectifs pour formater les filles de la traite l’ont d’ailleurs très bien compris.
Quand il n’y a pas d’antécédents de violences sexuelles, on retrouve très souvent des contextes de vulnérabilité sociale avec des familles fragiles, précaires, maltraitantes ou désociabilisées.
Il y a systématiquement un facteur déclenchant d’entrée dans la prostitution. Mais si le contexte économique précaire peut jouer, il faut garder à l’esprit que ce n’est pas n’importe quelle personne qui se lancera dans la prostitution.


Dans l’idéal, quelles seraient les solutions thérapeutiques les mieux à même de répondre à cette décorporalisation ?

La première chose à faire est évidemment de stopper la situation prostitutionnelle. Il faut ensuite casser cette loi du silence. C’est un milieu où les personnes n’existent pas, elles n’ont plus de nom, plus d’identité. Il est important qu’elles puissent se retrouver et parler de ce qui s’est passé. Puis, il faut une dévictimation, une phase où on reconnaît la personne comme victime. 

Il y a une différence entre victimisation et se reconnaître victime. Il est indéniable qu’étant en situation de violence, la personne prostituée en est victime comme toutes les autres situations de violences sexuelles (viols, etc...).  Le travail de reconstruction ne peut avoir lieu sans que la personne ait pu reconnaître son statut de victime. C’est le même raisonnement que pour les victimes de génocides...
Ensuite seulement on peut dépasser ce statut. La réparation passe aussi par les soins et l’accompagnement avec un réseau d’intervenants variés (la justice, les psychiatres, les médecins, les travailleurs sociaux). Des groupes de paroles de survivantes de la prostitution peuvent être un bon support de dévictimation.

Il faut ensuite un travail de recorporalisation pour permettre à la personne de se réapproprier son propre corps par des thérapies très spécifiques . Le corps doit redevenir un lieu à sensations positives...

Il faut proposer des thérapies à médiation corporelle : kinésithérapie, activités sportives en groupe et des activités artistiques corporelles comme le théâtre, la comédie, l’art-thérapie, qui sollicitent l’interaction de la personne avec les autres participants et la réintègrent dans un vrai jeu social qui permet la communication corporelle. 

Ce qui est vraiment victimisant, ce sont deux choses : soit maintenir la personne dans un statut d’éternelle victime en ne lui offrant pas les solutions concrètes pour en sortir, soit la non reconnaissance de la violence dans la prostitution, voilà bien ce qui est victimisant...

******