13/11/2012
Lélius ou l'amitié
Il me semble, en ce sens, discerner que nous sommes faits pour qu'il existe entre tous les humains quelque chose de social, et d'autant plus fort que les individus ont accès à une proximité plus étroite. Ainsi nos concitoyens comptent davantage pour nous que les étrangers; nos parents proches, plus que les autres personnes. Entre parents, la nature a ménagé en effet une sorte d'amitié ; mais elle n'est pas d'une résistance à toute épreuve. Ainsi l'amitié vaut mieux que la parenté, du fait que la parenté peut se vider de toute affection, l'amitié, non : qu'on ôte l'affection, il n'y a plus d'amitié digne de ce nom, mais la parenté demeure.
La force que recèle l'amitié devient tout à fait claire pour l'esprit si l'on considère ceci : parmi l'infinie société du genre humain, que la nature elle-même a ménagée, un lien est contracté et resserré si étroitement que l'affection se trouve uniquement condensée entre deux personnes, ou à peine davantage.
Ainsi l'amitié n'est rien d'autre qu'une unanimité en toutes choses, divines et humaines, assortie d'affection et de bienveillance : je me demande si elle ne serait pas, la sagesse exceptée, ce que l'homme a reçu de meilleur des dieux immortels. Certains aiment mieux les richesses, d'autres la santé, d'autres le pouvoir, d'autres les honneurs, beaucoup de gens aussi lui préfèrent les plaisirs. Ce dernier choix est celui des brutes, mais les choix précédents sont précaires et incertains, reposent moins sur nos résolutions que sur les fantaisies de la fortune. Quant à ceux qui placent dans la vertu le souverain bien, leur choix est certes lumineux, puisque c'est cette même vertu qui fait naître l'amitié et la retient, et que sans vertu, il n'est pas d'amitié possible !
- Cicéron - Lélius ou l'amitié (extraits)
08:19 Publié dans amitié, art de vivre, écriture | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : lélius, cicéron, écriture, amitié, pensée, réflexion, art de vivre, importance, partage, humain
Commentaires
ça, je diffuse ! faut que ça tourne ! merci d'avoir déniché cet extrait !
Écrit par : anne des ocreries | 13/11/2012
Mais... ça devient vachement bien ce blog, dis-donc !!! ;-)
Écrit par : Claudio | 13/11/2012
:-)
Écrit par : helenablue | 13/11/2012
Pour moi on n'a pas à comparer les liens de parenté et d'amitié, même si les deux peuvent être constitués d'affection et de bienveillance, dans le meilleur des cas, où être carrément caustique à d'autres moments. C'est bien plus notre discernement à reconnaître la deuxième situation et les blessures qu'elles engendrent lorsque l'on si méprend, qui nous aide à grandir. Il y a dans les degrés de filiation soutenus une certaine ébauche même des amitiés en devenir.
Écrit par : MakesmewonderHum! | 14/11/2012
Il a drôlement bien digére l'affaire ce Cicéron...
Écrit par : Laure K. | 14/11/2012
... Et Cicéron ajoute à quelque autre place de ce traité, une vérité qui m'est chère et qu'il formule ainsi : "L'amitié c'est le partage des vertus". (Citation de mémoire, les guillemets ne sont peut-être pas pleinement justifiés.)
Écrit par : Lelius | 17/11/2012
Je pense tout comme lui et je tiens l'amitié en haute estime.
Écrit par : helenablue | 18/11/2012
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