18/12/2009
Il y a des jours où les mots sont de trop
J'ai beaucoup aimé cette note de Gaétan Bouchard, notre ami Butch, je ne la pensais pas prémonitoire pour lui et son art... Et parce que je ne suis pas du tout insensible à ce langage, que je trouve particulièrement truculent et riche, tonique aussi, savoureux, bon cela m'est très personnel j'avoue je ne cherche pas à vous convaincre mais quand même il y a une petite musique... Je me fais ici le relais de la publication pirate que produit Christian Mistral sur son blog, les fameux "mots de trop" de Gaétan, ceux qu'il ne faut pas écrire à ce qu'il paraît...
TEXTE INÉDIT QUI COMPORTE UN TITRE
Un gars qui écrit des livres m'a laissé entendre que j’pourrais publier un texte inédit qui comporte un titre dans la revue Mollusque, une revue de littérature toé chose.
C'est un numéro thématique sur les Sauvages. Hostie, j'en suis un. Ça tombe bien.
Ça fait qu'après m'être gratté la tête une couple de fois, j'me su's dit que j'pourrais ben torcher un p'tit que'que chose pour Mollusque.
D'abord, mon père disait qu'i' était pas un Sauvage pis qu'les Bouchard v'naient d'la Normandie.
Fuck, i' v'naient même pas d'la Normandie les Bouchard! I' v'naient comme i' pouvaient quand l'occasion s'présentait. Pis i’ d’vaient v’nir souvent parce qu’i’ étaient dix-neuf enfants du côté d’mon père.
La mère de mon père était une Sauvage, une Algonquine ou, comme on dit à c't'heure, une Anishnabé. A v’nait d’la réserve d’Oka. Le père de mon père a grandi à deux miles de Métis-sur-Mer. Pis du côté d’ma mère, c'est pareil. Des descendants d'Acadiens métissés de Micmacs qui vivaient à Sainte-Clothilde-de-Horton su' l'bord d'la track, comme des Gitans.
Nous autres, des Bouchard d'la Normandie? Christ de joke de curé, oué... D'la christ de marde. On nous a pâlis maudit calvaire de pompier sale! Comme si on était des Juifs sous l'occupation allemande, en France, en 1944. Pâlis pour notre bien, bien sûr. Pour ne pas passer pour des hosties d'Sauvages. J'm'appelle pas Simon Ben Gourion mais François Dupont! J'm'appelle pas Makwa Grizzli mais Gaétan Bouchard!
Ces hosties de curés-là ont toutte faitte pour crisser ça dans 'a tête de mon père, qu'on n'était pas des Sauvages, mais des chevaliers de la table ronde, avec une fleur-de-lys dans l'cul.
Tabarnak! On a gardé de nos racines que le paillard français qui a trempé sa bite dans 'a p'lote de nos grands-mères. Maudit christ de saint-cibouérisation d'calice!
Ça fa' qu'un m'ment d'nné e'j'me su's dit qu'c'était assez. Toutte disait que j'étais un Sauvage. C'était écrit dans ma face saint-chrême, dans 'a face de mon père, de mes frères, de ma mère, de mes ancêtres. On était des Métis calice! Pis on l'est d'venu, avec des cartes toé chose pis toutte le kit.
Mon pays, c'était encore l'hiver. Mais c'était aussi l'île Mékinak, l'Île de la Tortue. Pis j'me su's mis à comprendre plein d'affaires sur moé et mon pays. D'abord que je ne savais rien de Saint-Laurent et Saint-Maurice. Comme tout le monde autour de moé. C'qui fait que j'ai rebaptisé mes noms de lieux : le fleuve Magtogoek, la rivière Métabéroutin, pis toutes sortes d’affaires de même. Pis ça fait juste commencer. C'est pas fini. Christ que non c'est pas fini.
J'me suis mis aussi à écouter les arbres. Fuck, c'est pas d'ma faute, mais nous autres les Sauvages on sait qu'i’ nous parlent, les arbres, les roches pis toutte le reste, juste parce que c'est comme ça. Nous sommes animistes, ouais. On pense qu'i' a d'la vie dans toutte. C'est ben dur à comprendre ça, hein?
Moé, les arbres me parlent. Pis i' m'disent crissez-nous don' patience tabarnak!
-Arrachez pas mon écorce torrieu! Fendez-moé pas en quatre pour rien! Wo! Menute! J'su's pas tout seul là-dedans... J'fais vivre des oiseaux, des moénaux, des pas beaux... Toutes sortes d'affaires de même... Christ! Wake up!
Ouin, ouin. Les arbres me parlent. Pis si j'peux prendre une feuille de moins, j'va's l'faire. Pour être en parfaite symbiose avec le Grand cercle de la vie.
Ça se pourrait donc que mon texte ne soit pas publié dans Mollusque pa'ce qu'i' faudrait que j'leu' z'envoie une version imprimée par courrier postal, aux éditions Diptyque, à l'adresse de j'sais p'us trop qui, à Monrial. C'est sûr que j'f'rai pas ça.
Moé j'aime trop les arbres pis ça m'tente pas d'imprimer ça sur papier quand toutte se fait si simplement de nos jours par les voies électroniques. Hostie on n'est plus au temps des mandarins. C'est pas des rapports à doubles interlignes que j'fais, mais d'la littérature.
-Hostie d'Sauvages! qu'i' vont s'dire en r'cevant mon texte. Faut toujours qu'i' fassent chier en plus qu'i' savent pas boire!
Ben oui, ben oui.
Vous vous attendez à quoi, que j'vous liche le cul?
No way.
J'su's un Sauvage hostie.
Wou-wou-wou-wou-wou-wou!
Makwa Grizzli
Alias Gaétan Butch Bouchard
09:43 Publié dans pensée du moment | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : pensée du moment, blog, mots, joual, littérature, musique, firmament