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22/01/2012

Gisèle Freund

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- Gisèle Freund- Autoportrait -

Dans une exposition rétrospective comme dans une biographie, le plus difficile est de trouver les bons moments de rupture. Même lorsqu’ils s’imposent, il faut se méfier des évidences.  La galeriste Catherine Thieck et le directeur de l’Imec Olivier Corpet, les deux commissaires de l’exposition Gisèle Freund. L’œil frontière. Paris 1933-1940 à la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent (jusqu’au 29 janvier) ont bien eu raison de céder à leur instinct en l’organisant autour de ses deux moments de fuite : 1933 lorsqu’elle est chassée d’Allemagne, et 1940 lorsqu’elle est chassée de France. Dès lors, tout dans la vie de Gisèle Freund (1908-2000) se cristallisa autour de cette hantise du départ précipité, de la perspective angoissante d’être rejetée avant d’être jetée. Imaginez qu’elle projeta leurs portraits à « ses » écrivains, tous ou presque réunis un soir  de 1939 dans la librairie de son amie Adrienne Monnier rue de l’Odéon ; dans son souvenir, si aucun n’apprécia son image, tous goûtèrent celle des autres. André Breton disait que vus par elles, les écrivains avaient tous des gueules à revenir tout juste de la guerre. La technique ? Un Leica, des pellicules Agfa et Kodak, un certain regard, pas de studio ni de retouche, pas davantage de grand angle ni de flash, une approche sensible, Nadar pour référence, une manière d'empoigner l'Histoire et quelque chose comme une morale de l'image. Son ambition était clairement affichée : constituer une galerie de portraits d’écrivains en couleurs, qui nous apparaissent aujourd'hui comme des lueurs pastellisées et datées d'autrefois – ce qui ne dispense par les organisateurs de montrer ses noir et blanc, ne fût-ce que pour rappeler que l’écrivain comme sujet primait sur l’aspect technique du projet. Chacun de ces visages raconte une histoire. On ne se lassera pas de répéter que l'histoire littéraire de ce siècle doit payer sa dette à ses portraits car ce qu'elle a capté et restitué là, nul autre n'a su le faire, et surtout pas des essayistes, des interviewers ou des critiques. "L'oeil n'est rien s'il n'y a personne derrière"disait-elle souvent.

Elle lisait les écrivains et ils le savaient, le sentaient à sa manière de leur parler intelligemment de leurs livres plutôt que de leurs chaussures. Stephen Spender, Victoria Ocampo, Vita Sackeville-West, Jean Cocteau, Henri Michaux, Walter Benjamin, Henri Matisse, Elisabeth Bowen, Frida Kahlo, Colette, Marguerite Yourcenar, T.S. Eliot, André Malraux,  Henri de Montherlant, Jean-Paul Sartre, Virginia Woolf, Simone de Beauvoir, Esla Triolet… Elles les aimaient vraiment et n’essuya guère de refus à l’exception notable de Roger Martin du Gard. Un rejet catégorique aux antipodes de la générosité d’un James Joyce qui lui accorda trois séances lorsqu’il apprit qu’à la suite d’un accident de taxi, elle craignait que les négatifs de ses portraits fussent endommagés. Le fonds qu’elle a légué à l’Imec est si riche, pas seulement en tirages (1200), négatifs (1600), diapositives (8200), contretypes (1000), mais également en manuscrits et documents (34 boîtes d’archives personnelles et professionnelles) ainsi que sa bibliothèque, qu’il nous permet de prendre la mesure de la théoricienne de l’image qu’elle fut, qualité assez rare chez les photographes (sa thèse sur La photographie en France au XIXème siècle. Essai de sociologie et d’esthétique, qui tendait à démontrer comment la photographie avait démocratisé le portrait, a été soutenue en 1936 –encore que l’on pourra toujours se demander s’ils sont les mieux placés pour se faire l’exégète de leur art). Il est vrai que peu d'entre eux ont été jusqu'à prolonger leur regard par des réflexions sur sa nature. Gisèle Freund avait fini par incarner "la" portraitiste d'écrivain par excellence, même si son champ d'observation a été plus large ; ses successeurs savent tous ce que leur art, et, au-delà d'eux, l'histoire littéraire, doivent à son regard ; François Mitterrand ne s'y était pas trompé qui lui avait commandé son image officielle aussitôt installé à l'Elysée. "Son ressort secret a toujours résidé dans l’entrelac de la théorie avec la pratique" remarque André Gunthert dans sa préface à la réédition de la thèse chez Christian Bourgois. Au fond, la prouesse de ce genre d’hommage, qui ne peut faire l’économie de présenter les icônes d’une œuvre, toutes ces photos que l’on a tant vues et revues, est de nous forcer à passer outre leur banalisation par une société dévoreuse d’images en nous révélant des pépites, des inédits, et parfois même en nous faisant découvrir autrement ce que nous avions l’illusion de connaître pour l’avoir trop hâtivement reconnu.

- Pierre Assouline -

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"Je n'ai jamais photographié que des auteurs ou des artistes que j'aimais et que j'avais envie de raconter."

- Gisèle Freund -

 

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Grâce à Laure, j'ai découvert la forte personnalité de Gisèle Freund. Au travers de l'exposition de photos " L'oeil frontière" mais plus encore par la conférence que Christian Caujolle a tenu dans la soirée de jeudi. Ce qu'il nous a dit pendant plus d'une heure sur Gisèle, son caractère, sa créativité, ses idées, sa manière d'être au monde ainsi que sa manière d'appréhender la photographie ont donné une dimension supplémentaire, un relief, une densité à son travail tout à fait stupéfiants. Parfois il est bon aussi de mettre des mots sur une démarche artistique qui semble pourtant parler d'elle-même. J'ai trouvé pour ma part l'expérience fort intéressante et fort enrichissante alors que je suis plutôt réfractaire à de prime abord donner trop vite un sens à mes émotions. Là, toutes les anecdotes et toutes les impressions et les connivences que Christian Caujolle relataient à propos de Gisèle nous la rendaient soudain plus proche, comme si elle était là dans la pièce avec nous à sourire et à acquiescer les propos de son ami. C'était d'ailleurs sans doute cette aprroche amicale et sensible de l'artiste qui a permis cette intimité. Nous n'étions pas à un cours magistral sour l'oeuvre de Freund mais à une sorte de réunion entre amis. Je m'y suis bien sentie et j'ai eu envie d'en voir davantage, d'en apprendre encore sur cette femme au travers de ses photos, ses rencontres, ses amours, ses affinités avec le monde des arts, je me sentais tellement en congruence avec elle. Alors j'ai exploré et déniché d'autres images. J'y ai retrouvé cette écriture propre à Gisèle freund, car cette femme écrit ses images, elle fait de chacun de ses portraits un récit. C'est tout à fait fascinant et particulièrement en symbiose avec son amour sans fin pour la littérature et ceux qui la produisent, ainsi que son amour de l'art et cette présence de l'humain derrière chaque oeuvre qu'elle quelle soit. Gisèle avait l'oeil perçant et le coeur à la bonne place, ses images nous le disent et nous transmettent une perception du monde unique, la sienne. J'aurais aimé croisé la route et l'objectif de cette femme là!

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"Personne ne se voit tel qu'il paraît aux autres. Nous habitons notre visage sans le voir, mais nous exposons cette partie du coprs au premier venu qui nous croise dans la rue."

- Gisèle Freund -

 

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" Je ne sortais jamais plus sans mon appareil. Il était devenu mon troisième oeil."

- Gisèle Freund -

 

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"J'ai toujours considéré le portrait comme un reportage."

- Gisèle Freund -