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02/04/2009

LÉON, COCO ET MULLIGAN

Couverture-LCM-web.png« Entre la rue Sherbrooke et l’avenue des Pins, entre le boulevard Saint-Laurent et la rue Saint-Denis s’étend un quartier, un quartier de fruit trop mûr, à l’écorce appétissante, au jus rance, à la chair puante, un bout de ville insomniaque dont les frontières, comme celles qui circonscrivent le territoire des chiens sauvages, sont délimitées par de subtiles odeurs que l’étranger ne renifle jamais sans inquiétude. C’est le carré Saint-Louis et son appendice, la rue Prince-Arthur. Si le centre-ville est l’organe génital de Montréal, par où la ville copule tristement et sans illusions avec le reste des civilisations, le carré Saint-Louis se situe quelque part entre le sein et le nombril, comme un mamelon supplémentaire, et bien que la fontaine qui gicle tout l’été en son centre évoque une bitte de béton qui n’en finit plus de dégorger son amour. Ce n’est pas un carré comme les autres, parce que son aire s’étend bien au-delà de ses angles, un problème à faire bander les poètes géomètres.»

Léon est un écrivain qui n’a jamais publié. Coco est un vieux schizo qui récite de la poésie, surtout des vers de Mulligan, ce poète mythique. Ils vivent ensemble depuis des années, itinérants. Léon protège son vieux pote en attendant de se trouver un endroit où il sera enfin capable d’écrire. Ils s’installent pour un été au carré Saint-Louis et font la connaissance de la faune qui y gravite. Jusqu’à la tragédie...

Léon, Coco et Mulligan s’inscrit dans la lignée des grands romans de
Mistral, avec cette écriture lyrique dont l’auteur a fait sa marque. On y
retrouve, rendu avec une acuité fabuleuse, le Montréal jubilatoire des années
80, bariolé, traversé d’originaux et de détraqués, de rêveurs et de banlieusards
en quête d’émotions faciles. On y retrouve surtout ce plaisir d’écrire, cette
fête du style comme seul peut en donner un écrivain d’exception.

 

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Ce roman de Christian Mistral m'a interpellé de différentes manières, en première lecture, toujours ce plaisir renouvelé de cette écriture qui lui est propre, cette poésie si personnelle et cette richesse du vocabulaire qui m'émeut tant, un tel amour des mots . Je sais que je me répète , j'ai déjà donné mon sentiment de cette façon en vous parlant de Sylvia au bout du rouleau ivre, d'abord puis de Vamp, mais je réitère. Je n'ai jamais rien lu de semblable, et la musique Mistralienne s'infiltre en moi et j'en frissonne encore.

Et puis, cette rencontre avec Emile Nelligan, et alors  tout ce livre a pris un nouvel éclairage, plus dense encore. J'ai eu envie d'en savoir plus sur le Carré St Louis et puis sur cette statue d'Emile réalisée par Roseline Granet . Une façon pour moi de mieux approcher tout cet univers qui m'attire et me parle, et de découvrir d'autres manières d'appréhender l'existence qui me semble si proche de moi et en même temps si nouvelle.

Quelque chose de différent néanmoins dans l'écriture, du moins à ma lecture par rapport à Vamp qui était débordant, ici, c'est ciselé, pointu et économe , tout en étant riche et coloré, truculent et vivant  comme pour mieux nous atteindre. Cela rejoint en partie pour moi ce poéme de Mistral sur cette brièveté qui donne de la puissance aux mots, et qui dans ce livre n'enlève rien au lyrisme d'ailleurs mais lui donne un ton proche de la musique de chambre, on rentre ainsi complètement dans l'univers des deux protagonistes et dans leur rêves. Et je ne vous parle pas du rebondissement final!

 

" Il en sentait la grandeur et la majesté, le sens et le non-sens, l'ordre naturel et la pulsion chaotique. Un hélicoptère passa, et ce n'était plus le léger bruissement d'une abeille mais un assourdissant tonnerre qui eût pu provenir de la pièce d'à côté. Léon longeait les fenêtres, embrassant Montréal du regard. Son plasma crépitait comme une traînée de flammes tandis que la burlesque puissance de la civilisation inconsciente qui avait produit ça lui entrait dans les os à massives doses. Il s'exaltait,respirait mieux. Une féerie sarabandait devant ses yeux farcis de brume. "

- Christian Mistral - ( Léon, Coco et Mulligan)

 

Et une sorte d'auto-dérision, une légèreté du désespoir, une lucidité aussi.

 

" Aussi que peut-on attendre d'un huitième étage, quand toute sa vie d'homme on s'est nourri d'images qui donnent le vertige?"

" C'que tu comprends pas, c'est que le vrai monde, ça lit pas. Pourquoi, joualvert, que t'écris des livres si y a pas de vrai monde pour les lire?"

- Christian Mistral - ( Léon, Coco et Mulligan)

 

Alors oui, j'ai été une fois de plus traversée par Mistral.

Prégnant.

 

 

 

 

 

Commentaires

Alors il est clair que tu viendras bientôt découvrir le Carré St-Louis ... les photos, c'est beaux, un peu comme le rêve, mais la réalité a des contours alléchants et peut nourrir le rêve. Donnons-leur une relation à ces deux-là ; rêve et réalité ... non, mais je suis encore dans ton billet précédant ! Le passé fait le présent ;-)

Et le présent est ce roman que j'ai l'intention de relire. Et tu m'en donnes plus que jamais le goût.

J'adore ton expression "une légèreté du désespoir" ... mmmm, succulent, parce que juste, à mon sens, et même à mes sens !

Écrit par : Venise | 02/04/2009

Blue rules!

Écrit par : Christian Mistral | 03/04/2009

@ Venise : Ca me parait assez clair, en effet !
Rien ne peut remplacer une visite sur place...
Tu as bien raison de le relire, je me suis régalée. Ai commencé le dernier en ma possession ...

Amitiés
Blue

Écrit par : helenablue | 03/04/2009

@ Christian Mistral: Right!

Écrit par : helenablue | 03/04/2009

Les commentaires sont fermés.