20/01/2010
Complainte
"Laissez-moi" de Marcelle Sauvageot.
"Un petit volume si amer, si pur, si noble, si lucide, si élégant, si sévère et d'une tenue si haute dans son allure désolée et déchirée. On serait presque tenté de dire que c'est là un des chefs-d'oeuvre de la plume féminine, s'il n'était inconvenant d'introduire une idée de littérature dans cette confession clairvoyante et meurtrie."
- Paul Claudel -
Un cri, oui, un long cri des tréfonds de son être, juste et tripant, terrible de lucidité et de noblesse aussi. "Une attention à ce qui est en elle" a dit Charles du Bos, "un ouvrage d'harmonie et de contrepoint" dira Paul Valery, un travail d'orfèvre, un tempérament de femme tout à fait admirable, et un regard sur l'amour et l'amitié, la relation à soi et à l'autre si moderne, si dense. J'ai lu cet unique livre de Marcelle Sauvageot il y a dix ans déjà, relu ces jours -ci j'ai retrouvé ce que j'avais pu y ressentir et j'ai compris aussi les changements opérés en moi, mais ai retrouvé intact le plaisir intense de lire les états d'âme de cette belle personne, cette grande dame.
"Où est le mal si je restais, si j'acceptais ces insuffisances, si je les aimais? Oh! homme, tu veux toujours qu'on t'admire. Toi, tu ne juges pas, tu ne mesures pas la femme que tu aimes. Tu es là, tu la prends; tu saisis ton bonheur, elle semble ne plus s'appartenir, avoir perdu toute notion: tu es heureux. Elle t'a crié: je t'aime et tu es satisfait. Tu n'es pas brutal; tu es doux, tu lui parles, tu t'inquiètes d'elle; tu la consoles par des mots tendres, tu la berces. Mais tu ne la juges pas, puisque tu lui demandes d'être heureuse par toi et de te dire qu'elle est heureuse par toi. Mais si tu t'aperçois que deux yeux te regardent, puis sourient, tu te révoltes. Tu as l'impression qu'on t'a "vu" et tu ne veux pas être vu: tu veux "être" seulement (...) tes faiblesses sont à moi. Je les ai découvertes peu à peu en t'examinant sans trêve. je souffre que tu aies ces travers, mais je ne voudrais pas que tu en changes.(...) Rien n'est plus attachant que les faiblesses et les défauts: c'est par eux qu'on pénètre l'âme de l'être aimé, âme constamment cachée par le désir de paraître semblable à tout le monde. (..) Ne te plains pas de ce que je te juge et te mesure: je te connais mieux et ce n'est pas pour t'aimer moins."
"Et ce qui me fait souffrir, ce n'est pas tant la mort d'un amour que celle d'un être vraiment vivant que nous avions créé l'un et l'autre... Cet être était une union de vous et de moi, tels que nous le voulions l'un et l'autre."
- Marcelle Sauvageot -
08:48 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : marcelle sauvageot, récit, livre, amour, femme, mort, maladie, sentiment, humain
Commentaires
Un brûlot !
Écrit par : anne des ocreries | 20/01/2010
Oui! Tu l'as lu itou?
Écrit par : helenablue | 20/01/2010
ah ! il faut que je le lise aussi :-)))
Écrit par : carole | 20/01/2010
Ca devrait te plaire, je crois...
Écrit par : helenablue | 20/01/2010
non, pas lu, je découvre, mais ça donne drôlement envie cet extrait !
Écrit par : anne des ocreries | 20/01/2010
bONJOUR?
Est ce que cette Sauvageot est parente avec le 68 tard qui était avec le rouquin et qui est devenu parait il un bon bourgeois capitaliste ?
je ne sais pas pourquoi mais j'imagine bien cet extrait que tu cites adressé à un mec comme Gainsbourg ?
amitié
Écrit par : alex | 20/01/2010
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