26/06/2011
Du Daguerréotype à l'Art Nu au XIX ème
J'aime apprendre des mots, en voici un nouveau pour moi, j'en ignorais jusqu'à hier son existence, merci Christian: Daguerréotype ! En plus du plaisir pur que cela m'apporte, cette sorte de jouissance littéraire, un nouveau mot ouvre un nouvel horizon et après être passée par l'étape dictionnaire, un peu vieille école, mais qui souvent entraîne en chaîne d'inédites découvertes de même nature, j'ai cherché sur Google et d'une étape l'autre je suis arrivée jusqu' aux prémices de la photographie de nus. J'ai longtemps collectionné des cartes postales de cette nature, j'adorais ça, je l'avais oublié et là je retrouve avec la même tendresse la nature de la sensation que ces images me provoquent: une sorte de connivence, une joyeuseté.
"Alors que depuis l'époque de la Renaissance, les peintres avaient peint des multitudes de nus ou des scènes mythologiques mettant en scène des déesses dénudées sans trop encourir les foudres des censeurs, les premiers photographes qui cherchèrent à les imiter furent rapidement poursuivis et sanctionnés par les autorités.
En fait, ce que les peintres pouvaient montrer à travers leurs tableaux n'était plus possible par le biais de la photographie laquelle représentait le corps humain dans toute sa réalité.
La nuance fut de taille et confina donc la photographie de nus dans le domaine de l'interdit durant des décennies. Le réel, montré par la photographie, était inadmissible aux yeux des représentants de la société pudibonde du Second Empire tandis que le suggéré en peinture passait sans trop de problème la rampe des interdits. La photographie resta donc réservée aux voyeurs tandis que la peinture faisait la joie des esthètes.
Les photographes ne faisaient pas que du nu, ils produisaient aussi des portraits aujourd'hui émouvants car ils montrent la femme des années 1850-1860 dans toute sa réalité.
De nombreux modèles posaient non seulement devant l'objectif mais aussi dans des ateliers de peintres, d'autres étaient probablement des femmes légères issues de bordels mais qu'importe puisque ces filles prirent part à une sorte de révolution qui devait bouleverser la société d'alors. La photographie devint populaire à travers le portrait mais elle servit aussi au travail de grands artistes qui ne rechignérent pas à l'utiliser tels Delacroix et Courbet ou plus tard Rodin. Du Daguerréotype on passa au calotype puis au papier salé et à la photographie sur verre avant de parvenir au tirage albuminé et les nus se multipliérent au singulier comme au pluriel, au féminin comme au masculin, de la simple pose à l'écartement des cuisses, du beau au vulgaire, de l'érotique à la pornographie.
Au fil des ans, les femmes devinrent plus sveltes, puis sportives, plus modernes jusqu'à l'invention du cinéma qui laissa alors la photographie s'enfoncer dans la banalité du moins jusqu'à l'apparition de Man Ray ou d'autres artistes de la pellicule qui heureusement font aujourd'hui de la photo un art.
Les pionniers des années 1850, qui étaient tous des artistes, eurent le mérite de composer avec la réalité et de montrer la femme de leur époque d'une manière émouvante. Il est vrai qu'une telle imagerie pouvait être choquante aux yeux des bourgeois dont les représentants du sexe fort ne s'encanaillaient qu'en catimini dans de discrets lupanars.
Les photographies libertines avaient aussi le tort d'être de dimensions réduites et de circuler facilement avec le risque d'être vues par d'innocents enfants ou des femmes de la bonne société qui pouvaient alors se poser des questions embarrassantes au sujet de leur condition et de ces filles sans pudeur qui semblaient appartenir à un autre monde. Ces clichés extraordinaires, qui montrent qu'il n'y a vraiment pas de différences notables entre les femmes du XIXe siècle et celles d'aujourd'hui, tant au plan des formes et des attitudes, révélaient une vérité insupportable et exposaient leurs auteurs à subir les foudres de la justice. Ils sont à présent de fabuleux documents de l'histoire de l'art et reflètent une image nette de leur époque sans pour autant que l'imagination de ceux qui les contemplent puisse être restreinte.
On peut donc laisser errer avec plaisir nos regards sur ces photos des années 1850 qui nous invitent à rêver à propos de ces femmes qui eurent le courage de se montrer nues devant l'objectif et de révéler enfin leur érotisme en pleine lumière."
- Adrian Darmon -
" Le nu est la sincérité du corps: une honnêteté que tout le monde ne peut avoir."
- Jacinto Benavente - Philosophie de la mode -
- Félix-Jacques Antoine Moulin -
Chaque daguerréotype était une oeuvre originale, tout comme peut l'être une toile. Stupéfiant de croiser d'ailleurs chez certains d'entre eux une filiation évidente avec le travail d'un peintre ou d'un aquarelliste. Comme celle-ci de Félix-Jacques Antoine Moulin qui est d'une sensibilité exemplaire. On comprend aisément que ce procédé et ses résultats inspirèrent par la suite de nombreux artistes et non des moindres. Ma journée commence bien!
11:02 Publié dans art, photographie | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : nudité, art, photographie, découverte, mot, échange, humain
Commentaires
jolies images, j'aime bien ce billet - même si le "Défifoto" de juillet me plonge dans un embarras non feint ! ('vais faire QUOI, nom de nom ?!)
Écrit par : anne des ocreries | 26/06/2011
Me vient une réflexion, Anne, suite à ta remarque sur le défifoto! Au fond c'est un défi n'est-ce-pas, d'où l'intérêt et le moyen de se dépasser! Quid de la nudité? Le thème est le NU, le photographe c'est toi, moi ou tous les participants. Toujours moyen de prendre quelqu'un nu, ce qui implique la personne posant, ou alors faire son auto-nu, là la démarche paraît pharaonique et pourtant pourquoi pas?
Chez moi, je n'ai jamais vu mes parents nus, officiellement j'entends, l'hypocrisie face au corps nu était religion! Comme s'il était péché, sale! J'ai mis je ne sais combien d'années à pouvoir me voir nue devant le miroir! ( Maman ne m'y a pas aidé petite non plus en me disant me mettant dans le plus simple appareil devant la glace:"regarde comme tu n'es rien!")
Plusieurs étapes dans ma vie m'y ont aidé. D'abord adolescente d'avoir posé nue pour un ami peintre, ça n'avait pas été facile mais tout à fait structurant! Il y a eu surtout le naturel par rapport à sa propre nudité de mon homme et puis étonnamment mes trois accouchements ou j'ai pu prendre la dimension du corps dans sa globalité et dans toute sa beauté. La toute dernière fois où j'ai pu mesuré que je n'avais plus trop de problème par rapport à cette image de moi, c'est de m'être mise à nu face à un inconnu, j'ai là encore avancé. Maintenant mon corps et moi on est réconcilié et j'ai du plaisir à être nue, pour moi, toute seule. De là à le photographier et le mettre en ligne dans le cadre d'un défi, je ne suis pas certaine d'y être prête ou d'en avoir envie. Pourtant ça m'a traversé l'esprit!
Ché pas ce que tu vas faire, et je ne sais pas moi non plus, mais je trouve passionnant ce que ça soulève comme interrogations, inhibitions, fantasmes et envies! Reste plus qu'à fabriquer l'image en adéquation avec son état d'esprit...
Écrit par : helenablue | 26/06/2011
Vous savez Héléna Blue, la photographie à été comme la partie cachée de la peinture de la seconde moitié du XXème. siècle.
Votre auteur oublie Degas, un grand maniaque de la photographie, jusqu'à Brancusi qui travaillait d' après le négatif de ses photos...Les fameux monotypes de Degas doivent beaucoup à la technique du positif-négatif de l' exécution de l' image photographique...
Écrit par : versus | 26/06/2011
Merci Versus, j'ignorais pour Degas. Je trouve pour ma part cette découverte fascinante, je n'avais jamais réfléchi à cela auparavant, l'origine de la photographie!
Écrit par : helenablue | 26/06/2011
L'avant dernière photo (2 fois 2 photos) est intéressante, car, grâce à un stéréoscope, elle permet de voir le nu... en relief.
Écrit par : Dr Sangsue | 26/06/2011
Nan Dr! Vraiment?
Écrit par : helenablue | 27/06/2011
J'aime tout et y reviendrai, mais ce qui m'a fait tiquer de la première photo c'est la pose de la fille, qui semble simple à premiere vue, essayez juste pour voir si vous y arriverez facilement mesdames, et surtout, en gardant le sourire!
Écrit par : MakesmewonderHum! | 27/06/2011
Si si, d'ailleurs, il ne faut pas confondre image stéréoscopique et anaglyphe.
Si l'on regarde bien les photos de l'époque, la différence avec les modèles d’antan, c'était que les femmes étaient des femmes d'âge mur, alors que les modèles de maintenant sont "légèrement plus jeunes".
Écrit par : Dr Sangsue | 27/06/2011
Epoustouflant le vrillé voluptueux de la première photo!
Écrit par : Manouche | 27/06/2011
@ Dr Sangsue:
Quelle est donc cette différence dont tu parles entre stéréoscopique et anaglyphe?
Oui, la plupart des femmes étaient d'âge mur ou semblait l'être car FJA Moulin les aimaient plutôt jeunes, entre 14 et 16 ans, mais bien formées! Les modèles de maintenant sont surtout plus filiformes voire androgynes et globalement toujours jeunes! L'image de la femme a changé ou plutôt on essaie de véhiculer une image de la femme loin de ce qu'elle est! A priori, ça n'a pas l'air de déplaire puisque ça continue...
Écrit par : helenablue | 27/06/2011
@ MmwH!:
Hâte que tu y reviennes et que tu me dises tout ce qui te plaît dans cette note!
Écrit par : helenablue | 27/06/2011
@ Manouche:
"Vrillé voluptueux", j'aime...
Écrit par : helenablue | 27/06/2011
D'abord, tous ces procédés, aux résultats presque surréalistes, renvoient le numérique, d'aujourd'hui et son jumeau Photoshop sur leur galaxie, de plus en plus envahissante, de la facilité. On n'arrête pas l'progrès, juste le questionnement dans quelle direction il se dirige!
Aaah! Le nu, mais qui donc a eu la brillante idée de l'habiller en tout premier lieu? Pour se protéger, nous pôvres mortels du froid et autres intempéries, qui vous bandent le mamelon et vous accrochent les couilles bien haut au clocher en un rien de temps? Était-ce vraiment la seule raison, je ne le crois pas, le pouvoir sous toutes ses formes y est arrivé tranquilement à nous "enrober" et culotter à ses fins bien plus que tonnerre de Brest. Et si le pouvoir a mis tant de temps à nous habiller pourquoi nous permettre à nouveau de se dévêtir hors autorité? D'ailleurs celui-ci, vous l'avez remarqué, s'habille beaucoup, beaucoup, de la couronne au pied, de la mitre à l'escarpin papale. Qui donc obéirait, parmi nous, au roi nu?
Il y a dans la nudité, sa nudité, l'abandon de sa fonction sociale qu'on vous octroie, il n'y a plus de reines, présidents, de policiers et soldats que de simples humains. D'ailleurs les nazis, avec ce soucis du pouvoir et de la domination délirante, ordonnaient en tout premier lieu à tous ces arrivants, juifs et autres aux camps d'extermination, de se dévêtir. Humiliation suprême, croyaient-ils, jamais, ils étaient tous là, unis, égaux devant la mort. Ils étaient totalement impuissants, les uns à côté des autres, n'opposant que la beauté de leur pudeur à cette extrême et sordide méchanceté inhumaine. Nus, ils étaient beaux et le demeuront à jamais.
À l'approche du 14 Juillet vous pourriez en profiter pour requinquer votre devise:
"Liberté, égalité, fraternité et, pourquoi pas, nudité "
C'est Sarko et sa nunuche gratte-guitare qui seraient contents!
Écrit par : MakesmewonderHum! | 27/06/2011
Les images stéreoscopiques sont juxtaposées et se lisent avec un stéreoscopre, les images anaglyphes sont quasiment superposées et de lisent avec des lunettes colorées
Résultat garanti pour les deux méthodes avec une préférence très nette cependant pour la stéréoscopie.
Pour ce qui est des images numérisées ce serait à l'étude.
Écrit par : Dr Sangsue | 27/06/2011
@ MmwH!:
Connais-tu le travail de Spencer Tunick, connu pour ses compositions photographiquent où figurent des centaines de volontaires, hommes et femmes, posant nus, la plupart dans des milieux urbains?
http://www.google.fr/search?q=spencer+tunick&rlz=1I7ACAW_fr___FR335&oe=UTF-8&redir_esc=&um=1&ie=UTF-8&tbm=isch&source=og&sa=N&hl=fr&tab=wi&biw=1389&bih=626
Écrit par : helenablue | 27/06/2011
@Helenablue, oui je le connais bien. Il a "sévi", ici aussi à Montréal, sur l'esplanade et escalier de la Place des Arts. Le recrutement pour y participer c'est fait en quelques heures seulement. Qui oserait ne pas se dévêtir pour Spencer?
*Tu n'oublis pas d'essayer la position du premier modèle hi! hi!
@Dr Sangsue. Parmi les objets de promotion de l'Exposition du peintre Waterhouse, au Musée des beaux Arts de Montréal, ma mémoire, je crois l'an dernier il y avait de petits stéréoscopes d' une de ses fameuse toile (femme portant un voile à l'envolée). Nous l'avons immédiatement ressorti, hier, pour confirmer le potentiel des photos affichées; l'effet est magique à lui donner cette profondeur 3D. Hélas rien pour la dévêtir mais on fait avec ce que l'on a...
Écrit par : MakesmewonderHum! | 27/06/2011
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