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08/07/2012

la haine

J'ai repensé fortement à elle aujourd'hui en revoyant un film porté sur ce sujet qui m'anime toujours autant: la vengeance. J'ai repensé à elle sans délectation et sans ressentiment, pourtant, elle a fortement encombré ma vie et de l'appréhender sans prévenir fulgurante m'a chamboulée, à jamais. J'étais si jeune et si peu préparée. La haine! J'aurais préféré ne jamais avoir à la ressentir vivace dans ma chair et si fulgurante dans mon coeur. J'ai haï mon père, j'ai haï ma mère. Peut-être même davantage encore ma mère l'espace de quelques mois. La violence de ce sentiment m'a terrassée et surprise. Je ne pouvais pas en amoindrir la portée, j'étais comme possédée par elle, une sorte de tsunami qui emporte tout sur son passage et n'est en rien raisonnable. Impressionnant à quel point même elle se nourrit de tout et de rien et étreint celui ou celle qui la vit. J'ai souffert d'haïr. J'ai eu peur d'haïr, j'en ai tremblé de tous mes menbres. J'eus préféré n'avoir jamais à la vivre. Mais de l'avoir vécu de force m'a permise de concevoir l'horreur, le ressentiment, la guerre, le crime, la torture, le désir de mort d'autrui. J'ai eu cette rage de voir souffrir et mourir les protagonistes de mon enfance déchirée, j'ai rêvé maintes et maintes fois qu'ils périssent écartelés par leurs mensonges et leurs non vouloir-voir, leurs non vouloir-entendre, leur déni. Je me la suis prise de plein fouet et j'en reste marquée. Elle m'effraie, cette haine. Je n'en voulais pas. Mais elle est pourtant là, scarifiant à jamais ma relation au monde, tatouée au creux de ma cervelle chercheuse, tentante encore parfois, diablerie, m'obligeant à me méfier de cette part d'obscurcit que je traîne dans mon voyage. Je n'aime pas quand elle m'envoie encore ses signes, intermittente habile, mais je fais avec et comme un chevalier qui combat ses démons pour honorer sa cause, je me bagarre avec elle et je tente d'élaborer l'antidote à son poison. Quel remède à ce fléau? Je me le demande encore, pourtant le temps et l'eau ont couler sous mes ponts. Seul le fait de l'accueillir et de l'accepter ont permis d'éteindre son feu, mais il ne me fut pas facile de ne plus avoir honte d'haïr, honte parce que j'en ai pris un certain plaisir, malgré tout, une certaine sorte de plaisir étrange, disgracieux, cruel et peu avare de limites. Oublier, pardonner, effacer? Il n'y a que comprendre qui m'a aidée à la disqualifier dans ma carte du tendre et à pouvoir maintenant en parler avec ce recul propre aux sages que je suis bien loin encore d'égaler!

 

Commentaires

C'est puissant, cette tirade sur la haine. Et je dois dire que je te comprends...

J'ai beaucoup réfléchi au couple haine & pardon. Au final, comme tu le dis, comprendre est sans doute mieux... Boris Cyrulnik parle de quelque chose comme de «l'archéologie intime»... C'est bien ça... Assembler de petits fragments de souvenirs, jusqu'à comprendre pourquoi les choses ont été ainsi plutôt que comme cela.

Ton texte me rappelle un poème que j'avais entamé, mais que je n'ai jamais terminé. Cette envolée à genoux prenait une mauvaise tangente là où je tentais de parler de pardon. Pardonner, je veux bien, mais ça ne s'applique pas tout le temps, et les démons ne consument pas pour autant.

Pardonner à l'absolution

Je boucle mon regard je la boucle
Et en boucle sous mes yeux
Qui roulent et qui peinent
Je vois un feu généreux

C'est un brasier, un brouillard orangé
Rien d'autre que la perte
Des repères des dimensions
C'est une vapeur de haine
Des gouttes de feu
Petit à petit versées
Sur la prunelle
Qui voudrait cracher un désert.

Un no man's land
Puant cradingue horrifique
Où tous mes bourreaux
Sont invités
Ils ont des masques carbonisés
Le visage noir encore rôtissant

Je repense à toutes ces scènes
À ces souvenirs mutilés dans mon crâne
Gravés dans l'enceinte cardiaque

Je me débats je me démène
J'entends encore les cris
C'est l'amer brasier
L'onde qui choque
Sitôt que flirtent et se frottent mes paupières
Mon coeur a des cloques
Mon espérance a la rage

Tous ces gens qui frappent
De l'intérieur
Sur mes paupières
Comment faire
Ils voudraient sortir
S'immiscer glisser couler
Hors de moi
Mais seulement pour propager
Plus de haine maudire l'avenir
Faire crisser de leurs ongles
Tous mes murs sans fenêtres

Écrit par : Guillaume Lajeunesse | 08/07/2012

La Haine, un sentiment que j'éspère n'avoir jamais à connaître avec autant d'intensité, avec sa "honte" que j'ignorais.
Décrire ce sentiment me semble plus qu'honorable, salvateur sans doute, je commence à entendre tout juste d'où te vient l'écriture sur la toile, sur les toiles, l'imprimerie constamment en action dans la tête pour ne rien lâcher, ne rien oublier, dire et dire et dire et scarifier de plume et d'enfer s'il le faut, trancher l'apparence verbale. Oui, je commence à sentir cette facette là, chez toi. Je la savais, mais ne l'avais pas appréhender de cette manière encore. Pas donné à tout le monde d'être capable d'écrire ça, Hélène.

Écrit par : Laure K. | 08/07/2012

Un message de grand talent liittéraire qui traduit, hélas, le vécu...

Écrit par : manouche | 09/07/2012

y a des moments où il faut que sa sorte, mais pas tout le monde est capable de le faire comme tu le fais, sans rancoeur envers ce passé jamais enfoui, c'est une façon sans doute de faire son deuil de quelque chose qui est là quelque part en nous et qu'on ne parvient pas à effacer , une sorte de tache indélébile. Il n'y a que celles et ceux qui lisent tes commentaires sur ta personne depuis quelques années qui peuvent avoir une idée de par où il faut parfois passé dans ce qu'on appelle la vie. t'es un peu notre ARTAUD féminin qui expliquait que:
"le fond des chôses c'est la douleur, mais être dans la douleur n'est pas souffrir mais sur-vivre, et je veux dire perpetuellement se survivre à un taux par-dessus, à l'étiage de l'extrême dessus."
Amitié, ne lache rien.....ton blog aide sans doute (certainement) aussi d'autres à sur-vivre.

Écrit par : alex | 09/07/2012

scarification ce mot ne m'est pas anodin, d'expérience plutôt celle de ma fille,c'est une plaie entretenue,arrosée de jus de citron ou de sel, alors une punition auto infligée vis à vis de qui? De moi, d'elle,d'un dieu qui n'a jamais eu la place sous un toit et dont le message de pardon nous est étranger. Ces siècles d'anesthésie religieuse.

@Guillaume
"Tous ces gens qui frappent
De l'intérieur
Sur mes paupières
Comment faire
Ils voudraient sortir
S'immiscer glisser couler
Hors de moi..."
C'est une tranche de ma vie mais à l'envers.

Écrit par : le bourdon masqué | 09/07/2012

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