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28/12/2012

Karl Waldmann

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Bien qu’énigmatique, l’histoire de ce collagiste est connue grâce au galeriste bruxellois Pascal Polar. En 2001, il prend connaissance de l’œuvre d’un certain Karl Waldmann, trouvée à Dresde après la chute du mur de Berlin. On ne connaît rien avec certitude de l’artiste et les œuvres ne sont pas datées. Enigme donc ! Cette “découverte” a par ailleurs suscité pas mal de polémiques, surtout en France où le cartésianisme n’a pas dit son dernier mot ! Le galeriste nous en entretient et c’est piquant ! Les auteurs du présent ouvrage (critique d’art, philosophes, essayistes, de renom) s’accordent tous sur l’essentiel : la qualité de cette œuvre. “La qualité et la cohérence du travail de Waldmann sont évidentes”, écrit Jean-­Philippe Cazier. Tous estiment en outre que l’œuvre, un bon millier de collages, a été réalisée entre 1920 et 1950 à la fois par les thèmes récurrents traités (analysés en profondeur dans plusieurs textes : nazisme, stalinisme, place de la femme...) et par l’étude des composantes papier des collage ainsi que les prise en compte stylistiques. Le principal en cette affaire est résumé par Ange­Henri Pieraggi qui écrit : “Quelle identité se cache derrière le nom Waldmann ? La question n’a pas grand intérêt. [...] Cette œuvre est considérable parce qu’elle met l’accent sur une virtualité : elle exprime la puissance de l’événement.”

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"Les œuvres de Waldmann sont critiques vis-à-vis de l’Urss autant que du nazisme, Waldmann – peut-être plus fidèle à l’esprit destructeur du Dadaïsme, peut-être plus proche de certains artistes ayant refusé de limiter leur art aux exigences de la propagande, ou peut-être encore ayant reconnu dans le communisme russe ce qu’il avait déjà identifié dans la montée du nazisme – ne semblant pas avoir adhéré à l’optimisme politique de beaucoup d’artistes. D’autre part, ses œuvres, jamais diffusées, n’ont donc pas été réalisées pour la diffusion mais, étrangement, pour rester secrètes. Waldmann n’adhère pas passivement au Constructivisme : s’il en adopte certains principes ou codes, c’est pour les retourner et les subvertir. On peut remarquer qu’il reprend volontiers l’imagerie et les thèmes nazis – enfants blonds, athlètes, performances techniques, portrait d’Hitler, femmes aryennes, hygiène, typologie raciale, puissance guerrière, etc. –, mais c’est pour en inverser et détourner la fonction et le sens : prélevés à l’intérieur d’un discours servant l’apologie du nazisme ils acquièrent pourtant une signification critique. C’est la même démarche que l’on peut voir à l’œuvre avec les éléments repris des thématiques et images de la propagande communiste : foules, ouvriers, défilés, modernisme technologique, portraits de Trotski ou de Staline, etc., servent à développer un « discours » ironique et critique du communisme triomphant. Autrement dit, dans les deux cas, Waldmann s’intéresse aux signes qu’il soumet à un travail de détournement, de transformation, d’inversion, les mêmes signes acquérant des significations différentes, en l’occurrence opposées. Il s’agirait certainement d’une des spécificités du travail de Waldmann, sa démarche se présentant autant comme celle d’un plasticien que d’un sémiologue avisé, opérant une pluralisation du signe là où la propagande nazie ou soviétique (et leurs artistes) considèrent le signe comme toujours identique à lui-même – opération qui, dans le cas de Waldmann, est sans doute autant esthétique que politique (la dictature, le totalitarisme étant identifiés à l’unicité ou à l’identité du signe). Il n’en reste pas moins que l’œuvre de Waldmann, par son style, par son lien au politique, par ses matériaux, reste profondément enracinée dans le Constructivisme – un Constructivisme subverti, paradoxal, puisque toute la dimension fortement politique de l’œuvre ne sert aucune propagande, aucune édification morale du peuple : une œuvre politique paradoxalement privée, une œuvre dont la dimension politique est concentrée essentiellement dans un travail sur les signes …

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Les œuvres de Waldmann mettent en question les rapports du signe, du sens et de l’identité, développant ainsi une création par définition anti-nazie et anti-stalinienne. Mais la démarche de Waldmann ne se réduit pas à prélever des signes pour leur faire signifier autre chose, leur donner une signification opposée. S’il y a bien une charge critique menée contre le nazisme et le stalinisme, celle-ci n’épuise pas les œuvres. La question de l’identité, son traitement à partir de l’affirmation d’une pluralité, se prolongent dans ses collages selon deux autres modalités conjointes. Chaque élément est juxtaposé à un autre élément a priori hétérogène : un corps mêlé à une machine, un visage où s’enchâsse du métallique, une cage est le ventre d’une femme où est logé un singe, l’animal se combine à l’humain, les règnes s’entrecroisent, des dimensions divergentes se rejoignent, des perspectives sans point de vue unique fonctionnent ensemble (leçon du Cubisme ?), etc. Chaque élément fait signe vers un champ déterminé, une réalité que l’on croirait close ou clairement circonscrite (l’humain, l’animal, l’histoire, le texte, etc.) ; pourtant, Waldmann construit ses collages en juxtaposant ces éléments hétérogènes qui se combinent pour à la fois brouiller les frontières de chaque signe pris en lui-même (et donc de chaque champ auquel il se rattache), mais surtout pour construire un signe multiple fait de la juxtaposition et convergence de tous ces signes hétérogènes – un signe qui ne cesse de bifurquer en quelque sorte –, juxtaposition et convergence constitutives de chaque œuvre comme signe multiple et asignifiant. Bien sûr, la lecture historique qui voit dans les œuvres de Waldmann un « discours » anti-nazi et anti-stalinien s’impose avec raison. Mais cette perception à partir de l’histoire est-elle suffisante ? Pourquoi tous ces croisements, ces étranges images d’un inter-règne en même temps humain, animal, guerrier, machinique, corporel, etc. ? S’agit-il simplement d’un moyen métaphorique, d’un langage codé ? Bien que ce niveau soit effectivement présent dans l’œuvre, il ne peut en constituer à lui seul la totalité car sinon Waldmann en resterait à ce qu’il refuse : l’unicité et l’identité de la signification, d’un discours qui se réduirait à une condamnation du fascisme hitlérien et du communisme stalinien, une sorte de symbolisme lui aussi unilatéral. Son œuvre serait alors un discours condamnant un autre discours mais selon le même régime signifiant. Or, si l’on sort du point de vue historique et que l’on ne rabat pas l’histoire sur la réalité de ces collages, on assiste à l’émergence d’œuvres qui sont autant de signes mais multiples, ambigus, non fixés et par conséquent asignifiants – signes en eux-mêmes hétérogènes et multiples, affirmant leur multiplicité par-delà toute signification déterminée. C’est par là que Waldmann sort du régime « totalitaire » du signe et que son œuvre se révèle fondamentalement anti-fasciste[1] : par une construction de signes qui ne se limite pas à un bouleversement du sens mais accède à une neutralisation de la signification...".

- Jean-Philippe Cazier -

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" Les images cherchent les mots."

- Karl Waldmann -

 

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Commentaires

Un Grand, ça ne fait aucun doute !

Écrit par : anne des ocreries | 29/12/2012

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