26/03/2015
Karel Teige
04:13 Publié dans art | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art, collage, découverte, émotion, partage, humain
28/12/2012
Karl Waldmann
Bien qu’énigmatique, l’histoire de ce collagiste est connue grâce au galeriste bruxellois Pascal Polar. En 2001, il prend connaissance de l’œuvre d’un certain Karl Waldmann, trouvée à Dresde après la chute du mur de Berlin. On ne connaît rien avec certitude de l’artiste et les œuvres ne sont pas datées. Enigme donc ! Cette “découverte” a par ailleurs suscité pas mal de polémiques, surtout en France où le cartésianisme n’a pas dit son dernier mot ! Le galeriste nous en entretient et c’est piquant ! Les auteurs du présent ouvrage (critique d’art, philosophes, essayistes, de renom) s’accordent tous sur l’essentiel : la qualité de cette œuvre. “La qualité et la cohérence du travail de Waldmann sont évidentes”, écrit Jean-Philippe Cazier. Tous estiment en outre que l’œuvre, un bon millier de collages, a été réalisée entre 1920 et 1950 à la fois par les thèmes récurrents traités (analysés en profondeur dans plusieurs textes : nazisme, stalinisme, place de la femme...) et par l’étude des composantes papier des collage ainsi que les prise en compte stylistiques. Le principal en cette affaire est résumé par AngeHenri Pieraggi qui écrit : “Quelle identité se cache derrière le nom Waldmann ? La question n’a pas grand intérêt. [...] Cette œuvre est considérable parce qu’elle met l’accent sur une virtualité : elle exprime la puissance de l’événement.”
"Les œuvres de Waldmann sont critiques vis-à-vis de l’Urss autant que du nazisme, Waldmann – peut-être plus fidèle à l’esprit destructeur du Dadaïsme, peut-être plus proche de certains artistes ayant refusé de limiter leur art aux exigences de la propagande, ou peut-être encore ayant reconnu dans le communisme russe ce qu’il avait déjà identifié dans la montée du nazisme – ne semblant pas avoir adhéré à l’optimisme politique de beaucoup d’artistes. D’autre part, ses œuvres, jamais diffusées, n’ont donc pas été réalisées pour la diffusion mais, étrangement, pour rester secrètes. Waldmann n’adhère pas passivement au Constructivisme : s’il en adopte certains principes ou codes, c’est pour les retourner et les subvertir. On peut remarquer qu’il reprend volontiers l’imagerie et les thèmes nazis – enfants blonds, athlètes, performances techniques, portrait d’Hitler, femmes aryennes, hygiène, typologie raciale, puissance guerrière, etc. –, mais c’est pour en inverser et détourner la fonction et le sens : prélevés à l’intérieur d’un discours servant l’apologie du nazisme ils acquièrent pourtant une signification critique. C’est la même démarche que l’on peut voir à l’œuvre avec les éléments repris des thématiques et images de la propagande communiste : foules, ouvriers, défilés, modernisme technologique, portraits de Trotski ou de Staline, etc., servent à développer un « discours » ironique et critique du communisme triomphant. Autrement dit, dans les deux cas, Waldmann s’intéresse aux signes qu’il soumet à un travail de détournement, de transformation, d’inversion, les mêmes signes acquérant des significations différentes, en l’occurrence opposées. Il s’agirait certainement d’une des spécificités du travail de Waldmann, sa démarche se présentant autant comme celle d’un plasticien que d’un sémiologue avisé, opérant une pluralisation du signe là où la propagande nazie ou soviétique (et leurs artistes) considèrent le signe comme toujours identique à lui-même – opération qui, dans le cas de Waldmann, est sans doute autant esthétique que politique (la dictature, le totalitarisme étant identifiés à l’unicité ou à l’identité du signe). Il n’en reste pas moins que l’œuvre de Waldmann, par son style, par son lien au politique, par ses matériaux, reste profondément enracinée dans le Constructivisme – un Constructivisme subverti, paradoxal, puisque toute la dimension fortement politique de l’œuvre ne sert aucune propagande, aucune édification morale du peuple : une œuvre politique paradoxalement privée, une œuvre dont la dimension politique est concentrée essentiellement dans un travail sur les signes …
Les œuvres de Waldmann mettent en question les rapports du signe, du sens et de l’identité, développant ainsi une création par définition anti-nazie et anti-stalinienne. Mais la démarche de Waldmann ne se réduit pas à prélever des signes pour leur faire signifier autre chose, leur donner une signification opposée. S’il y a bien une charge critique menée contre le nazisme et le stalinisme, celle-ci n’épuise pas les œuvres. La question de l’identité, son traitement à partir de l’affirmation d’une pluralité, se prolongent dans ses collages selon deux autres modalités conjointes. Chaque élément est juxtaposé à un autre élément a priori hétérogène : un corps mêlé à une machine, un visage où s’enchâsse du métallique, une cage est le ventre d’une femme où est logé un singe, l’animal se combine à l’humain, les règnes s’entrecroisent, des dimensions divergentes se rejoignent, des perspectives sans point de vue unique fonctionnent ensemble (leçon du Cubisme ?), etc. Chaque élément fait signe vers un champ déterminé, une réalité que l’on croirait close ou clairement circonscrite (l’humain, l’animal, l’histoire, le texte, etc.) ; pourtant, Waldmann construit ses collages en juxtaposant ces éléments hétérogènes qui se combinent pour à la fois brouiller les frontières de chaque signe pris en lui-même (et donc de chaque champ auquel il se rattache), mais surtout pour construire un signe multiple fait de la juxtaposition et convergence de tous ces signes hétérogènes – un signe qui ne cesse de bifurquer en quelque sorte –, juxtaposition et convergence constitutives de chaque œuvre comme signe multiple et asignifiant. Bien sûr, la lecture historique qui voit dans les œuvres de Waldmann un « discours » anti-nazi et anti-stalinien s’impose avec raison. Mais cette perception à partir de l’histoire est-elle suffisante ? Pourquoi tous ces croisements, ces étranges images d’un inter-règne en même temps humain, animal, guerrier, machinique, corporel, etc. ? S’agit-il simplement d’un moyen métaphorique, d’un langage codé ? Bien que ce niveau soit effectivement présent dans l’œuvre, il ne peut en constituer à lui seul la totalité car sinon Waldmann en resterait à ce qu’il refuse : l’unicité et l’identité de la signification, d’un discours qui se réduirait à une condamnation du fascisme hitlérien et du communisme stalinien, une sorte de symbolisme lui aussi unilatéral. Son œuvre serait alors un discours condamnant un autre discours mais selon le même régime signifiant. Or, si l’on sort du point de vue historique et que l’on ne rabat pas l’histoire sur la réalité de ces collages, on assiste à l’émergence d’œuvres qui sont autant de signes mais multiples, ambigus, non fixés et par conséquent asignifiants – signes en eux-mêmes hétérogènes et multiples, affirmant leur multiplicité par-delà toute signification déterminée. C’est par là que Waldmann sort du régime « totalitaire » du signe et que son œuvre se révèle fondamentalement anti-fasciste[1] : par une construction de signes qui ne se limite pas à un bouleversement du sens mais accède à une neutralisation de la signification...".
" Les images cherchent les mots."
- Karl Waldmann -
11:17 Publié dans art, Livre, philosophie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art, écriture, philosophie, collage, karl waldmann, découverte, partage, livre, humain
04/06/2012
Max Ernst
- Max Ernst -
Expérimentant constamment, il invente en 1925 le frottage où il laisse courir une mine de crayon à papier sur une feuille posée sur une surface quelconque (parquet ou autre texture). Cette technique fait apparaître des figures plus ou moins imaginaires. Elle s'apparente à l'écriture automatique des écrivains surréalistes qu'il côtoyait comme Paul Eluard et André Breton bien sûr. L'année suivante, il collabore avec Joan Miro sur les designs pour Sergei Diaghilev. Avec l'aide de Miro, Max Ernst se lance dans l'élaboration d'une nouvelle technique, le grattage où il gratte le pigment de la toile. En plus de son aide à la diffusion du dadaïsme, il contribuait à la naissance du mouvement surréaliste à Montparnasse. Après une période passée avec les surréalistes, il quitte leur groupe en partie à cause de Breton qui voulait écarter l'ami de Ernst, le poète Eluard. En 1934, il commence à sculpter, fréquentant Alberto Giacometti. En 1938, l'héritière américaine Peggy Guggenheim achète un bon nombre d'œuvres de Max Ernst qu'elle expose dans son nouveau musée à Londres.
Avec le début de la Seconde Guerre mondiale, Max Ernst est arrêté comme étranger ennemi, mais, avec l'aide du journaliste américain Varian Fry à Marseille, il réussit à quitter le pays en compagnie de Peggy Guggenheim. Ils arrivent aux USA en 1941 et se marient l'année suivante. Max Ernst vit à New York où, à côté des peintres d'avant-garde Marcel Duchamp et Marc Chagall qui ont fui la guerre en Europe, il aide au développement de l'expressionnisme abstrait parmi les peintres américains.
Son mariage avec Peggy Guggenheim se termine par un échec et il épouse Dorothea Tanning à Beverly Hills, en Californie, en octobre 1946, lors d'une double cérémonie avec Man Ray et Juliet Bowser. Max Ernst s'installe alors aux USA à Sedona, en Arizona. En 1948, il écrit le traité « Beyond Painting » puis part voyager en Europe en 1950. En 1952, il devient satrape du Collège de Pataphysique. À partir de 1953, il s'installe définitivement à Paris et l'année suivante gagne les biennales de Venise. Grâce à la publicité occasionnée par cet évènement, il commence à connaître un certain succès financier.
- Dorothéa Tanning et Max Ernst -
En 1963, il déménage avec sa femme dans une petite ville du sud de la France, à Seillans où il continue à travailler. Il crée les décors d'un théâtre et une fontaine dans la ville d'Ambois. En 1975, une rétrospective a lieu au Musée Solomon R. Guggenheim à New York et les Galeries Nationales du Grand Palais de Paris publient un catalogue complet de ses œuvres. Max Ernst meurt le 1er avril 1976 à Paris. Il y est enterré au Cimetière du Père Lachaise.
Dans sa petite oeuvre autobiographique Une vie familière de Max Ernst (racontée par lui-même à un jeune ami), l'artiste relate que, à l'âge de quinze ans, il a eu son premier contact avec le surnaturel, la magie, et la sorcellerie: la nuit du cinq janvier. Un de ses plus proches amis, un cacatoès rose qui était très intelligent et affectueux, est mort. Cela a produit un choc terrible pour Max quand, le lendemain, il a découvert le cadavre mort et quand, au même moment, le père a annoncé la naissance d'une soeur...Une confusion dangereuse entre les oiseaux et les humains s'est fixée dans sa tête et s'est affirmée dans ses dessins et peintures. (Museum of Modern Art 1961, pg. 3.)
" Telle est la vocation de l'homme: se délivrer de sa cécité."
- Max Ernst -
" On n'est pas certain de vivre dans le sens de celui qui nous est coutumier. Peut-être, dans ce cas, nos rêves ne sont-ils que des souvenirs? "
- Max Ernst -
" J'étais alors dans une auberge du bord de mer un soir pluvieux. J'eus une vision qui cloua mon regard sur les lattes du plancher sur lesquelles mille éraflures avaient laissé leurs traces. Je décidai de continuer le contenu symbolique de cette vision et je fis une série de dessins de ces lattes de plancher pour favoriser mes facultés méditatives et hallucinatoires. Je posai au hasard des feuilles de papier sur les lattes que je frottai au crayon noir. Lorsque je contemplai intensément les résultats de ces dessins, les endroits foncés et les autres, dans une pénombre douce et légère, je fus surpris par le renforcement soudain de mes facultés visionnaires…. Ma curiosité s'éveilla et je commençai, émerveillé, à expérimenter plein d'insouciance et d'espoir .Pour ce, j'utilisai les mêmes moyens, tous les matériaux qui se trouvaient dans mon champ de vision: les feuilles et leurs nervures, les bords revêches d'un lambeau de lin, le fil déroulé d'une bobine. Devant mes yeux, surgissaient des têtes d'hommes, des animaux, une bataille, des rochers, la mer..."
- Max Ernst -
" L'art est un jeu d'enfant."
- Max Ernst -
L'oeuvre de Max Ernst me touche loin, elle me parle de ma propre quête et vient en interaction directe avec ma réalité onirique. Il y a de l'humour, de la poésie, de l'enfantillage et une force communicative dans toutes ses toiles et collages. J'imagine un esprit curieux, jouissif, gourmand, ludique et éclectique, je ne ressens pas de ténébres ni d'angoisse dans sa vision du monde, plutôt beaucoup de douceur et de curiosité. Ce devait être un homme inspiré, inspirant, en paix avec lui-même et en contact fort avec son monde des rêves, cette seconde façon qu'on a tout à chacun d'être à la vie.
" Si ce sont les plumes qui font le plumage, ce n'est pas la colle qui fait le collage."
- Max Ernst -
- C'est le chapeau qui fait l'homme -
" Max Ernst n'est pas un voyeur, c'est un voyant."
11:50 Publié dans art | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art, peinture, collage, surréalisme, poésie, max ernst, rêve, partage, humain
26/12/2011
Du rêve
" Le rêve procède à une véritable déconstruction de l'univers du dormeur et à une fabrication de "mondes possibles". Autrement dit, le rêve est un inlassable fabricant d'hypothèses. C'est là sa principale dynamique. Il puise évidemment ses matériaux dans l'expérience du rêveur, ses perceptions, ses pensées, ses souvenirs, ses problèmes surtout! Il fragmente ces matériaux en éléments discrets et les recombine en assemblages nouveaux qu'il présente au dormeur comme des scènes vécues, ainsi que l'on projetterait un film. De là, cette sensation d'étrangeté. Il est à la fois expérience intime, mais aussi externe puisque le rêve est perception."
- Tobie Nathan - La nouvelle interprétation des rêves -
18:57 Publié dans psychologie, réflexion | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : tobie nathan, livre, réflexion, le rêve, interprétation, état d'âme, partage, collage, art, humain