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13/01/2013

Simone, mon deuxième prénom...

 

En vérité, l'influence de l'éducation et de l'entourage est ici immense.Tous les enfants essaient de compenser la séparation du sevrage par des conduites de séduction et de parade; on oblige le garçon à dépasser ce stade, on le délivre de son narcissisme en le fixant sur son pénis; tandis que la fillette est confirmée dans cette tendance à se faire objet qui est commune à tous les enfants. La poupée l'y aide, mais elle n'a pas non plus un rôle déterminant; le garçon aussi peut chérir un ours, un polichinelle en qui il se projette; c'est dans la forme globalede leur vie que chaque facteur : pénis, poupée, prend son poids. Ainsi, la passivité qui caractérisera essentiellement la femme«féminine» est un trait qui se développe en elle dès ses premières années. Mais il est faux de prétendre que c'est là une donnée biologique; en vérité, c'est un destin qui lui est imposé par ses éducateurs et par la société. L'immense chance du garçon, c'est que sa manière d'exister pour autrui l'encourage à se poser pour soi. Il fait l'apprentissage de son existence comme libre mouvement vers le monde; il rivalise de dureté et d'indépendance avec les autres garçons, il méprise les filles. Grimpant aux arbres, se battant avec des camarades, les affrontant dans des jeux violents, il saisit son corps comme un moyen de dominer la nature et un instrument de combat; il s'enorgueillit de ses muscles comme de son sexe; à travers jeux, sports, luttes, défis, épreuves, il trouve un emploi équilibré de ses forces; en même temps, il connaît les leçons sévères de la violence; il apprend à encaisser les coups, à mépriser la douleur, à refuser les larmes du premier âge. Il entreprend, il invente, il ose. C'est en faisant qu'il se fait être, d'un seul mouvement. Au contraire, chez la femme il y a, au départ, un conflit entre son existence autonome et son «être-autre»; on lui apprend que pour plaire il faut chercher à plaire, il faut se faire objet; elle doit donc renoncer à son autonomie. On la traite comme une poupée vivante et on lui refuse la liberté; ainsi se noue un cercle vicieux; car moins elle exercera sa liberté pour comprendre, saisir et découvrir le monde qui l'entoure, moins elle trouvera en lui de ressources, moins elle osera s'affirmer comme sujet; ... les femmes élevées par un homme échappe en grande partie aux tares de la féminité.
 
- Simone de Beauvoir -
 
 
Ce matin, je me lève aux aurores, sachant que ma journée va être une fois de plus consacrée à recevoir les doléances d'un tas de femmes cherchant à résoudre leur mal-être, Eh oui, même le Dimanche!. Comme évidemment je n'habille que les femmes, c'est plus souvent d'elles que je reçois les confidences. Parfois un homme s'égare à me confier ses pensées existentielles, mais c'est plus rare. Hier, samedi, la journée fut chargée. Premier Samedi des soldes, faut le vivre pour le croire. Electriques, hystériques, femmes au bord de la crise de nerfs, maris à bout, enfants balladés de boutique en boutique n'en pouvant plus de suivre mécaniquement des parents en quête de bonnes affaires, individus hagards suivant la masse, et au milieu de tout ça, néanmoins une ou deux bonnes surprises: une vieille connaissance qui réapparaît dans ma vie après des années de perte de vue et une de mes bonnes clientes qui, mariant sa fille dans l'urgence a senti le besoin de venir m'en parler avec l'argument de lui trouver une tenue. Comment en est-on arrivé à parler de Simone? Je ne sais plus. Mais elle a sourit quand je lui ai dit que c'était le prénom de ma grand-mère paternelle et donc mon deuxième prénom de baptême (tradition familiale oblige). " Quand j'étais adolescente, j'ai eu une passion pour elle, j'ai lu tous ses livres je crois. J'aimais aussi beaucoup Duras et Colette. Mais c'est avec Simone que j'ai le plus avancé. Grâce à elle, j'ai élevé ma fille autrement, autrement que ce que ma mère a fait de moi..." Pendant que je cherchais à trouver dans les rayons blindés cette fameuse tenue qui pourrait faire l'affaire pour le "jour J" ( comme elles disent pour la plupart) de sa fille, elle me parlait et me parlait encore, elle avait un incommensurable besoin de parler, je n'entendais qu'elle. J'essayais de me concentrer, une oreille pourtant attentive à ses propos. J'ai appris à faire ça avec le temps. Faire deux choses à la fois et tendre plusieurs cellules de mon cerveau. " C'était un vrai garçon manqué, remarquez, je n'ai pas eu trop de difficultés à l'élever autrement. Elle n'arrêtait pas de faire les quatre cent coups, etait toujours fourré avec son frère, jouait au foot, construisait des cabanes et au lieu de créeer des vêtments pour ses poupées ou comme moi passer des heures à jouer à la dînette ou à la marchande, elle les dépeçait et les torturait dans tous les sens. Plus tard elle s'est toujours habillée comme un garçon. C'est bête cette expression. Et maintenant, vous la verriez, une vraie femme, chatte, ensoceleuse, une diva!". Je lui tends une magnifique robe noire destructurée de Martin Margiela et lui propose au milieu de sa réflexion de la passer avec un longue veste plissée argent vielli d'Issey Miyaké, cet ensemble ne pouvait que lui aller, des matières qui mettrait en valeur ses rondeurs en les suggérant plutôt qu'en les moulant. pendant qu'elle continuait son monologue tout en se déshabillant, je pensais: " Comment aurais-été avec ma fille si j'en avais mise une au monde?"...
 
- Ah, Blue! C'est bon de te revoir. Comment tu vas?
- Wouah, Alexandra, ça fait un bail dis-moi, cinq, six, sept ans, je ne sais plus, mais ça fait longtemps, non?
- Une éternité! mais regarde nous n'avons pas changé. Les épreuves nous ont conservées...
- Qu'est-ce que tu deviens?
- Tu ne vas pas le croire... Je me marie!
- Non !?!
- Je ne pensais pas me remarier un jour, tu sais avec tout ce que j'ai endurer de mon premier mariage... Toi, ton homme, ça va?
- Oui, ça va... Tes filles?
- Difficile. C'est toujours difficile. Leur père est devenu fou. Il a fait rechute sur rechute, tu sais, il a été hospitalisé un nombre de fois incalculable, maintenant il est retourné vivre chez sa mère. C'est très triste, il n'a jamais réussi à dépasser son irrépressible besoin dépressif, il est devenu agressif et méchant avec elles, plus qu'avec moi. Elle ne peuvent plus le voir, il les détruit. Mais elles sont soulagées qu'un homme entre dans ma vie, elles n'aurant pas à s'occuper de moi, c'était un souci pour elles...
 
Je me souviens bien des deux gamines d'Alexandra, l'aînée était d'une intelligence fulgurante, elle s'intéressait à tout, art, philosophie, littérature, musique, peinture et la seconde un vrai petit diable ne se passionnait que pour la course à pied! Quand j'ai connu Alexandra, j'avais dix-sept ans. A l'époque j'étudais ma médecine en première année, elle était déjà à la fin du cursus, interne en cardiologie. Je faisais des babby-sittings mais n'ai jamais eu l'occasion de garder ses filles, les petits gars de sa meilleure amie, oui. Elle est devenue une amie aussi des années après. Le monde est si petit...
 
Aurais-je été différente avec ma fille qu'avec mes fils? Quelle espèce de femme serait-elle devenue? A-t-on des enfants à son image? Ai-je été une bonne maman pour mes garçons? Est-ce que Simone a raison?
 
 
 

Commentaires

nous nous souvenons du passé. Jamais du futur.
(je te rassure ce n'est pas de moi).
Bzzz...

Écrit par : le bourdon masqué | 13/01/2013

Il n'y a que toi qui puisse répondre à ces questions,....mais j'aurais tendance à penser que tu as été la mère "suffisamment bonne" dont un humain a besoin, aucun n'est gravement névrosé ou délinquant, que je sache, non ? :)

Je pense aussi que nous avons les enfants dont nous avons besoin (plus que " à notre image", et que nous devenons aussi les parents dont ils ont besoin. Pour autant que j'en puisse juger, puisque je suis nullipare, ce qui ne disqualifie pas pour autant ma parole sur ces questions.

Écrit par : anne des ocreries | 13/01/2013

Cela me ramène à cette sublime et révolutionnaire phrase du "Deuxième sexe":
"on ne naît pas femme, on le devient!" En effet, tout est dans ce processus d'éducation et de "préparation, à partir du plus jeune âge avec sa série de culpabilisations si cyniquement intériorisées!
Voici une autre grande Simone qui s'ajoute à la liste : Simone Blue! C'est beau!
Décidément , vous êtes toutes écrivaines et artistes dans le sang "blue"; je pense à votre noblesse d'âme, cela s'entend.
On ne peut trouver une meilleure maman que toi, avec tout l'amour que tu as en toi et que tu offres tout le temps. Ta fille aurait été une merveille d'équilibre et d'épanouissement.

Écrit par : Mokhtar El Amraoui | 13/01/2013

@Mokhtar
ahhh Mokhtar, tu as réponses à tout et en plus en merveilleux. Qu'est-ce que tu en sais toi, s'il elle avait eut une fille Blue, qu'elle serait une merveille d'équilibre ? Il n'y a juste pas de réponse à cela. Il y a ce qui est. Et ce qui est n'est pas né avec un sexe féminin, pour un tas de bonnes ou mauvaise raisons qui s'appellent le destin.
J'approuve mieux ta citation de Beauvoir quant à la nécéssité de conquérir sa féminité. Cela dit, tout posture du genre masculin ou féminin est déterminée par l'éducation, ça c'est vrai. Et sur ce point, il faut parfois désapprendre tout de A à Z.

"Les femmes élevées par un homme échappe en grande partie aux tares de la féminité."
He ben ! avec ça je suis en train d'élever une tarée, c'est quasiment sûre !

"-merci Simone. Candidat suivant ! Bonjour Monsieur !
-le candidat suivant est une candidate...
-Non non...
-Ah, bah on les reconnait plus de nos jours.
-gnrrf"

http://www.dailymotion.com/video/x22sow_coluche-le-schmilblick-2-6_fun#.UPMsGoXO87A

Écrit par : Laure K. | 13/01/2013

En tout cas, Laure, c'est ce que j'aurais désiré que fût la fille de Blue. Ta mise au point était nécessaire.

Écrit par : Mokhtar El Amraoui | 14/01/2013

Moi aussi évidemment j'eusse espéré qu'il en soit ainsi et que ma fille soit juste aussi merveilleuse que sont fabuleux mes fils. Mais je sais bien en mon for intérieur que non et dame nature a bien fait les choses et ça n'est certainement pas par hasard qu'elle m'a fait enfanter de trois petits gars, il fallait être de taille pour se défendre à l'époque de toute ma névrose accumulée et je n'aurais pas pu sans aucun doute bien élever mon éventuelle fille parce que j'avais d'abord celle que je n'avais pas été à m'occuper, et il y avait du pain sur la planche! God, pas qu'un petit peu! Pas eu trop de quatre hommes à la maison...
C'est maintenant que je me sens prête à transmettre à une petite que je me pose la question, jamais elle ne m'effleurait auparavant, c'était comme qui dirait une évidence! On verra bien ce que l'avenir me réservera, si cela doit être, je tâcherais d'être une grand-mère au poil qui offrira à ses petits enfants une grande plage de liberté et de confiance...

Écrit par : helenablue | 14/01/2013

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