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10/02/2012

septième jour

Déjà sept jours que je vis et me meus sans bras droit. Le quotidien est beaucoup plus compliqué mais je commence à m'organiser et surtout à accepter qu'on fasse pour moi des gestes simples: me mettre mes chaussettes, m'enlever certains vêtements récalcitrants, me hacher menu les aliments solides dans l'assiette (vive le pâté chinois!), m'ouvrir les bouteilles de jaja, me fermer mon sac, écrire à ma place, laver à ma place, cuisiner à ma place, ranger à ma place, fermer la portière et l'ouvrir à ma place, c'est fou le temps que ça me donne pour réfléchir de ne plus agir!

Hier, j'ai pris le train pour Paris, quelle sinécure, les vibrations de l'engin faisait écho dans ma chair endolorie, c'était infernal. J'ai subi. Arrivée à la gare, un homme plutôt jeune et plutôt pas mal s'est jeté sur moi:

- Madame, madame!

- Pardon?

- Vous êtes une actrice, n'est-ce-pas?

- Non, non, pas vraiment, je suis commerçante dans le Vieux-Lille.

- Je ne vous crois pas, je suis sûr et certain de vous avoir vu à la télé,vous voulez bien me mettre un petit mot sur ce bout de papier, je ne manque jamais une de vos apparitions vous savez...

- Ben, c'est que là, lui montrant mon bras en écharpe, ça va pas être possible!

- Oh! Je suis infiniment désolé, je n'avais pas remarqué! Je vous prie de m'excuser.

Décidement, la vie est pleine de surprises. La douleur lancinante s'est estompée, elle ne s'exprime que la nuit. J'ai pas encore trouvé la bonne position pour ne pas me réveiller! Avant mon départ pour la gare, un infimier est venu me faire mon soin quotidien, la veille s'était une infimière aguérrie qui n'a pas moufté à la vue de mes cicatrices, lui semblait tout chose, il osait çà peine passer les compresses de peur de me faire mal, je l'ai encouragé. Il a pris de l'assurance et en me remettant ma bande avec ses gants seconde peau sur les mains il a coincé le bout d'un doigt dans le sparadrap qui ferme l'enrobage. Il tirait comme un malade pour l'en extirper et là j'ai poussé un cri de sioux tant ma douleur au poignet était fracassante! Il est devenu blanc comme un linge, il était tout retourné, il a fallu qu'il s'assoit pour reprendre ces esprits et enfin quitter son gant qu'ensuite il a coupé! Quelle histoire!

Ce qui m'amuse le plus avec ce nouvel handicap et cette posture napoléonienne, ce sont les différentes réactions de mes congénères. Il y a ceux qui se moquent gentiment et qui rient. Il y a ceux qui prennent une mine déconfite : " Ma pauvre!". Il y a ceux, très nombreux, qui ont eu une belle-mère qui a eu la même chose au même endroit et qui a souffert le martyre, " Et je vous dis pas après! Un supplice!", celles qui ont eu un Jules qui n'a amais recalcifié et à qui il a fallu prélevé des cellules souches dans la crête illiaque pour les réinjecter dans le bras afin de fabriquer de l'os nouveau qui n'a jamais été bien fiable, et ceux qui ont bien connu quelqu'un qui n'a jamais récupéré l'agilité de son poignet et qui a souffert d'atroce arthrose tout le reste de sa vie. Ceux qui vous remontent le moral, en fait! Et puis il a ceux à qui ça dénouent la langue et qui vous parlent de tous leurs petits malheurs et déboires de la semaine sans penser un instant que vous avez eu votre lot!

De toutes les rencontres que j'ai pu faire depuis cette chute fatidique, c'est celle de Monique qui m'a le plus marquée. Dans un cadre professionnel, cette belle femme d'âge mûr m'a été envoyée pour nous faire à mes collaboratrices et moi, une formation informatique. J'ai vite remarqué qu'elle avait un faux bras gauche et je me suis vraiment demandée comment elle arrivait à être aussi agile et précise dans tous ses mouvements. Au cours de nos moults conversations, j'ai appris qu'elle était née pas terminée avec un avant-bras manquant, elle n'a jamais su ce que c'était d'avoir deux bras! L'ayant méjugée un peu vite, lui trouvant un narcissisme exarcerbé, j'ai révisé ma copie avec mon bras immobilisé, j'ai pu prendre conscience de son parcours et de sa ténacité et je m'en suis voulue de mes réactions à l'emporte pièce de gamine gâtée!

Ma main gauche continue sa formation accélérée, mon lacher-prise commence à faire de l'effet, et je tente de plus en plus de remplacer par les mots les gestes, bien obligé. Ce qui finalement m'est considérablement profitable! Reste que quand on me demande ce que je désire, je réponds: "un bras" et que toutes les nuits je me rêve en shiva. Sinon, on va dire que ça va!

 

 

05/02/2012

la tuile!

Une neige blanche et drue a recouvert en moins d'un heure la cité. La froidure intense et soudaine pour la saison a figé et glacé le tout. Les routes son devenues en moins de deux un immense karting et les trottoirs pavés, une brillante patinoire. Vendredi soir en sortant de la boutique dans cette ambiance ouatée et gelée pour prendre le métro qui me ramène chez moi, j'ai chuté et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je me suis brisée l'os du poignet droit, me suis pas loupée! Ai passé une soirée affreuse à hurler et subir une douleur nouvelle, je ne m'étais jamais cassé d'os jusqu'ici. Devant l'expression de ma souffarnce, mon cadet a fait un malaise, je crois que ça l'a ramené à une vieille expérience pour lui quand il s'était broyé l'os du bras gauche le jour de la rentrée, la veille de l'enterrement de Lady Di, je me souviens l'avoir visionné avec lui en larmes... Je sors de l'hôpital, sont tous gentils et empathiques à SOS Mains, ils avaient du travail en perspective, nous étions déja cinq à attendre grimaçants et la main pendante enroulée dans des bandages de fortune. J'avais encore un petit espoir que ça soit moins grave que je ne l'imaginais, même si la nature et la perfidie de ma douleur ne m'en avait guère laissé. Après une radio, le verdict est tombé. Ils m'ont gardée, m'ont mise au chaud dans une chambre, m'ayant au préalable annoncé que je serais opérée vers quatre heures, une petite heure pour m'embrocher quatre fois le poignet, vais être métalisée! Plus le moment de prendre l'avion sans sonner aux barrières de sécurité! En attendant le bloc, j'ai pu cogiter à loisir et là en plus d'une peur incontrolable, j'ai eu l'espace de faire la liste de ce que cette nouvelle expérience allait changer à ma vie pendant plus de deux mois. Je ne suis pas ambidextre, vais peut-être le devenir! En attendant, plus question de signer un chèque, d'habiller une de mes clientes, de couper ma viande toute seule, de danser le sirtaki, de presser ma purée, de me laver les pieds dans mon coin, de pétrir la matière, de caresser la vie, et pire d'écrire! Les doigts de ma main gauche ne sont pas aussi agiles et ne suivent pas mon esprit comme le font ceux de la droite, je sens bien que je bute davantage, c'est frustrant et puis l'inspiration coule à la main droite, quand elle coule, et beaucoup moins de la gauche. Merde alors, quelle tuile! Comme école de lâcher prise, c'est bonbon! Moi qui n'ai pas l'ombre de l'habitude de demander de l'aide ou de me faire servir, là, je n'ai pas le choix, ça ne va pas être facile cette perte d'autonomie. J'ai beau tenté de positiver et de me dire que c'est une occasion unique pour moi de formuler mes besoins, de déléguer, de faire faire ce qu'habituellement je fais sans limite, j'appréhende et je m'inquiète. Dans ma vie personnelle d'abord même si tous les gars qui m'entourent tentent du mieux qu'ils peuvent de me rassurer, je me connais, vais avoir du mal à quémander. Et dans ma vie professionnelle ensuite je suis une véritable tuerie, j'abats à moi toute seule un boulot infernal et puis j'y suis très personelle malgré tout, je le mesure chaque jour depuis que je me suis associée avec de nouveaux partenaires: comment vais-je arriver à subtilement faire de mes collaboratrices mes bras droits? Comment vais-je réussir à verbaliser toute ma vision du monde et avoir la patience et l'humilité d'accepter qu'elle soit autrement interprétée? Je vais avoir à puiser dans d'autres ressources qui me sont inconnues et que j'espère posséder. En attendant, j'ai le bras attelé en écharpe qui me fait souffrir et me fait réfléchir, le cerveau est un organe stupéfiant, il n'attend pas pour s'adapter et trouver des extra-solutions! Je risque d'êre moins prolixe les jours à venir à moins que du côté de ma gauchitude ça s'épanouisse au clavier, j'ai l'impression de regresser. Pour quelqu'un qui se targue d'aimer apprendre et expérimenter, j'ai du pain sur la planche, mais quand même quelle engeance!