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21/01/2012

Françoise

Atypique, autrement, bourgeoise, femme, aventurière du coeur.

Elle était devenue au fil des mois et des années, une amie. Elle était, elle incarnait la mère que j'aurais tant aimé avoir. Un fort caractère, trempé. Une puissance et une énergie infernales, tonitruantes et contagieuses. Une ouverture d'esprit hors pair. Un charisme. Nous nous comprenions sans avoir à nous dire, cette sorte d'alchimie entre deux êtres au-delà des mots. Pourtant notre première rencontre fut bancale, insastifaisante, limite, pénible, latente. Par principe donc par inhibition, j'ai tellement du mal avec ces personnnalités déversantes, ébourrifantes et si perclues d'elles-mêmes. Je me sens si vite alors agressée, sans défense, offerte. Juste, je me referme comme une huître et on me dit hautaine, on m'appelle Comtesse ou Reine... Moi, je me protège.

Françoise! Quand elle est entrée la toute première fois dans la boutique avec un avis sur tout et surtout un appétit féroce, elle m'a tétanisée, elle ne m'a pas permise de donner le meilleur de moi-même, elle m'a effrayée. Et ce n'est qu'au bout de deux ou trois déshabillage-essayage-babillage que j'ai mesuré l'ampleur de sa personnalité et de sa générosité. On a parlé plus en amont. On s'est entendu. Chaque saison est alors devenue une fête. Lors de mes achats, je lui constituais plus particulièrement une garde-robe et quand la saison arrivait, elle ne manquait jamais le rendez-vous, entre-nous. J'ai appris à connaître son mari, plutot pince sans rire, et puis sa fille et ses petits-enfants. Je faisais d'une certaine façon partie du paysage..

Ni elle, ni moi, n'avont eu le besoin de verbaliser notre affection et notre complicité, elle tombait sous le sens. Alors, quand elle est arrivée il y a plus d'un an avec sa mauvaise nouvelle dans son escarcelle d'un début de cancer au pancréas, nous avons en commun et en silence, décidé de nous battre. Une chimio intense, une chimio tuante. Chaque semaine, je pensais à elle, je pensais à quel point elle allait être terrassée. Mais j'y croyais, j'oeuvrais dans ce sens, je lui avais promis. Elle me lâchait entre deux essayages tellement sa souffrance et sa peur de la mort que je l'emmenais tant bien que mal vers l'espoir et la vie. L'habit, parfois un baume, un pansement, quand tout autour fout le camp, poils, cheveux, chair et dents.

Françoise est morte. Son homme a tenté de me joindre. J'étais à Paris en pleine effervescence. Je venais de lui envoyer mes voeux, en lui souhaitant la moins pire 2012 possible. Elle repose en paix. Je ne sais si je vais avoir le coeur à vendre ce que je lui ai choisi à une autre femme. Cette femme là m'a donné ce que ma maman m'a toujours refusé: la permission de créer et de lui rendre service. La permission de l'aimer.

Elle va drôlement me manquer!