24/02/2009
Anaïs Nin
" Le seul alchimiste capable de tout changer en or est l'amour. L'unique sortilège contre la mort, la vieillesse, la vie routinière, c'est l'amour."
-Anaïs Nin-
Anaïs Nin est née en 1903 à Neuilly-sur-Seine, d'une mère danoise et d'un père espagnol, parti avant sa naissance. Elle déménage pour New York avec sa mère et ses deux frères, vivant une adolescence déracinée. A onze ans elle commence à écrire, seul moyen pour elle de résoudre le manque et la fascination amoureuse pour la figure paternelle. C'est le début de son futur Journal d'enfance.
Elle met un terme rapide à sa scolarité et travaille comme mannequin, jusqu'à sa rencontre et son mariage en 1923 avec le banquier Hugh Parker Guiler. Ils s'installent à Paris l'année suivante, avant de préférer les Yvelines et Louveciennes en 1929. Cette période est celle d'une riche activité intellectuelle : elle écrit en collaboration avec D.H. Lawrence et étudie la psychothérapie avec Otto Rank, disciple de C.G. Jung qui la nomme quelques temps assistante. Mais surtout, elle écrit à Louveciennes la plus grande partie des 15000 pages dactylographiées de son journal.
Sa maison devient un fameux salon littéraire qui accueille ses amis Antonin Arthaud, Otto Rank, et June ainsi qu’Henry Miller, qu'elle rencontre en 1931. Elle s'éprend du couple, devient très proche de June et nourrit une relation amoureuse et artistique avec Miller. Jusqu'en 1939 et son nouveau départ pour New York, sa liaison avec lui marque profondément son oeuvre et sa vie.
Dans les années 1940, pour faire face à des difficultés financières, elle cède à un mystérieux collectionneur qui lui commande une grande quantité de récits érotiques à un dollar la page. Au fur et à mesure, celui-ci exige de plus en plus de sexe brut et de moins en moins de poésie. Cette orientation déplaît profondément à Nin, qui a pourtant besoin de cet argent. Elle ne se reconnaît dans ce travail que plus tard, et rassemble alors plusieurs de ses textes afin de composer le recueil Le Delta de Vénus (Vénus érotica), un de ses ouvrages les plus célèbres.
Elle publie entre 1947 et 1961 les quatre tomes des Cités intérieures, ainsi qu'un recueil de nouvelles et plusieurs romans, dont La maison de l'inceste en 1958. A Greenwich Village, elle participe à l'effervescence artistique, fréquente assidûment le milieu new-yorkais, et se lie d'amitié plus ou moins amoureuse avec les auteurs Gore Vidal, Edmund Wilson et Lawrence Durrell.
En 1966, le premier tome de son journal, couvrant la période 1931-1932, paraît dans une version censurée. Il rencontre immédiatement un large public passionné par la vie de cette femme qui préfère passer une journée à décrire cinq minutes vécues, plutôt que passer cinq minutes à décrire une journée vécue. 1969, année érotique, voit la publication du très explicite Delta de Vénus. Nin, déjà considérée comme un auteur majeur tant pour la qualité de sa plume que pour la sexualité imprégnant ses écrits, accède à la reconnaissance institutionnelle en 1973, quand le Philadelphia College of Art la nomme docteur honoris causa. L'année suivante, elle est élue au sein du prestigieux National Institute of Art and Letters.
Elle meurt d'un cancer trois ans plus tard à Los Angeles. La publication de son oeuvre ne s'achève qu'en 1996.
Avec sept tomes de son Journal, quatre de son Journal de jeunesse et quatre de son Journal amoureux, version non censurée de son journal intime.
Anaïs Nin est une figure incontournable de la littérature narcissique, amoureuse et érotique. En 1990, Philip Kaufman s'inspire de son aventure avec Henry Miller relatée dans Henry et June pour réaliser le film éponyme, qui accorde à tort à Anaïs une liaison avec June. Ultime clin d'oeil à celle qui a commencé à écrire pour fuir le manque du père et chez qui l'inceste est un thème très présent.
" L'érotisme est l'une des bases de la connaissance de soi, aussi indispensable que la poésie."
- Anaïs Nin -
05:17 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : art de vivre, amour, poésie, érotisme
Commentaires
bonne journée
Écrit par : chien de paille | 24/02/2009
Merci à vous aussi
sans doute une femme étonnante... son amitié avec Lawrence qui est sans doute un des écrivains qui a su le mieux parler de la femme et de plus dans des couleurs ...
Écrit par : laurence | 24/02/2009
Voilà qu'elqu'un(e) que je découvre; j'avais bien dù entendre ou lire le nom quelque part mais s'en était resté là.
Ton texte et tes photos est un résumé qui explique bien
Peut on dire ici comme F Ponge que" la position de classe importe ici d'avantage que l'être de classe"?
Dans des périodes troubles comme celles qu'elle a traversée Roger VAILLANT citait Appolinaire qui plaçait Sade parmi les monuments de la pensée humaine dont les descriptions érotiques contenaient le lyrisme des poetes en même temps qu'il essayait de donner des aperçus théoriques; est- ce pareil pour Nin?
Écrit par : alex | 24/02/2009
@ chien de paille : merci , à toi aussi !
Écrit par : helenablue | 24/02/2009
@ laurence : :-)
j'aime beaucoup DH Lawrence , j'ai lu beaucoup de lui ; c'est vrai pour la femme et ses couleurs , pour sa vision de l'humain ; je cite :
" Personne ne vous demande d'être quoi que soit , si ce n'est un homme . Un homme , c'est un être sur une corde raide, qui marche délicatement en équilibre, ayant à l'un des bouts de son balancier l'esprit , la conscience l'âme et à l'autre bout le corps, l'instinct, et tout ce qui est inconscient, tout ce qui appartient à la terre, tout ce qui est mystérieux. En équilibre, oui . Ce qui est bigrement difficile . "
Écrit par : helenablue | 24/02/2009
@ alex : Je ne suis pas suffisamment érudite pour répondre à une question aussi pointue , mais je vais te donner mon ressenti . je ne crois pas que l'écriture de Nin soit comparable en aboutissement dans les descriptions érotiques à celle de Sade , qui reste tellement étonnante et lyrique , oui , lyrique , pour celle de Nin est plus proche d'une musique des sens .
Et puis elle parle merveilleusement je trouve de la relation à l'amour.
Là , un extrait :
http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2006/11/27_novembre_193.html
Et cette lettre à Antonin Artaud :
http://www.paperblog.fr/813469/18-juin-1933lettre-danais-nin-a-antonin-artaud/
Vraiment son écriture me touche , son parcours aussi .
Je ne sais pas si tu peux comprendre ce que je veux dire ...
Mais de la à dire que c'est un monument de la pensée humaine , je ne suis pas bien placée pour l'affirmer !
Amitiés
Helena
Écrit par : helenablue | 24/02/2009
j' ai découvert Anaïs Nin, au fond d'un lit, avec un tout petit être au creux du ventre, savoir si on choisit la vie ou pas ... de très beaux souvenirs de lectures, passionnées, de vies d'artistes à une époque où la corde était raide...
envie de ré-ouvrir ses lectures. tanx.
Écrit par : kalor | 24/02/2009
Je lisais pratiquement Nin pour en sawoir (sic) plus sur H. Miller.
Quel goujat je suis!
Écrit par : Inuk | 24/02/2009
Oui Miller-June-Anaïs....il y a même un film et une séquence torride des baisers échangés entre les "deux femmes"...
le film c'est : http://www.dailymotion.com/video/x1gly8_henry-june_events
j'ai fait moi-même un extrait filmé sur Youtube et après à peu près 70'000 visiteurs...j'ai été dénoncée...Inutile de dire que j'ai quitté ce tube. Merci pour TdF et Anaïs dear Helena.
Écrit par : Sylvaine | 24/02/2009
MERCI pour les précisions que tu apportes; la lecture de l'extrait de son cahier et plus encore sa lettre à Artaud éclairent judicieusement sur son travail qui, tu as parfaitement raison, est totalement différent dans la façon de traiter l'érotisme Ca ne relève pas de la même démarche. Chez Nin ça semble plus relever d'un ressenti personnel (journal) et SADE de descriptions comme tu dis si bien. j aime bien quand on nous aide,comme tu le fais, à ne pas passer à côté de choses qui valent que l'on s'y arrête un instant (la relation à l'amour à travers certaines oeuvres)
Écrit par : alex | 24/02/2009
@ kalor : Oui , réouvre , des lectures de ce genre accompagne nos avancées , on les lit différemment avec le temps ...
Écrit par : helenablue | 24/02/2009
@ Inuk : Amusant , moi c'est l'inverse !
:-)
Non , pas goujat ! Un peu de chemin à faire sans doute !!
Cheers
Blue
Écrit par : helenablue | 24/02/2009
@ Sylvaine : Nous sommes tous tellement à la découverte de nous -même , insondable et si étonnamment prévisible , parfois ! Je suis fascinée par la créativité de l'humain !
C'est moi qui vous remercie .
Hélèna
Écrit par : helenablue | 24/02/2009
@ Alex : Cher Alex , je n'ai jamais caché le plaisir que j'avais à lire tes commentaires et je réitère , chez Nin , c'est le ressenti qui prédomine , j'allais dire c'est assez féminin , pas de descriptions techniques comme chez Sade , mais il faut aussi remettre les choses dans leur contexte historique , pour être juste . l'un comme l'autre ont pris les risques d'exprimer à leur manière l'importance du sexe dans une vie épanouie , cela reste tellement vrai et créatif de nos jours , mais l'approche de Nin me parait plus sentimentale ; tant il est vrai que le plaisir chez une femme en est dépendant , je ne suis pas un homme pour me permettre de penser qu'il en est autrement , mais pas facile sans doute pour beaucoup de parler d'érotisme , qui est un raffinement des plus étonnant en ce qui concerne l'être humain .
La relation puissante de l'amour et du sexe , définition raccourcie , je le reconnais mais néanmoins qui correspond à l'idée , hum , l'expérience que j'ai de l'érotisme .
Oui , du ressenti , pour une femme en tout cas , c'est essentiel pour accéder un plaisir !Pour une femme comme moi , pardon .
Merci à toi ,
hélèna
Écrit par : helenablue | 24/02/2009
Si l’Amour a lui tout seul métamorphosait le fumier en champ de coquelicots, je serais alors, sans doute, devenu une grande nappe rouge qui couvrirait toutes mes proximités. Je ne sais si un simple sentiment à cette vigueur et cette puissance, bien que je voudrais lui accorder tout de go sans retenues. Peut-être, y-a-t-il alors des amours contrariés ou des amours impuissants ?
Par contre j’abonde sans réserve à la deuxième citation. Le sensuel et l’érotisme sont très vraisemblablement les bras supplémentaires invisibles qui nous offrent d’affouiller nos intérieurs les plus intimes et les plus paradoxaux, nous permettant d’élargir et d’approfondir nos connaissances du monde et d’expérimenter le notre jusqu’à sa vérité de chair. L’amour sexué nous amplifie.
«Nous ne voyons jamais les choses telles qu’elles sont, nous les voyons telles que nous sommes.» Anaïs Nin
Ceci étant, j’apprécie son écriture sensuelle et parfumée de nos odeurs vivantes.
Écrit par : B. | 24/02/2009
je ne connais pas Nin. que faut-il lire d'abord, selon toi. (si je ne dois lire qu'un livre d'elle)?
Écrit par : hoplite | 24/02/2009
une grande poétesse ! ces mots , sa vie et ses amours clandestines avec un grand nom de la littérature , cet érostisme sophistiqué qu'elle écrivait et vivait à merveille en font un personnage radieux autant qu'unique !
Écrit par : jean-philippe | 24/02/2009
Nin a bcp plus appris de Miller que l'inverse.
ps: qui a écrit ce très beau texte?
Écrit par : Inukshuk | 24/02/2009
Vous avez "mis l'air" et je vous en félicite !
Écrit par : Christophe Borhen | 24/02/2009
@ Inukshuk : Sans aucun doute , je plaisantais , sans Miller , Nin ne serait pas ce qu'elle est devenue .
Oh le texte , je l'ai pris sur Google , là :
http://livres.fluctuat.net/anais-nin.html
Écrit par : helenablue | 25/02/2009
@ Hoplite : J'ai beaucoup aimé " Venus Erotica " et j'aimerais lire sa correspondance avec Miller .
Écrit par : helenablue | 25/02/2009
Merci, Helena, pour ce renvoi à mes notes de Terres de femmes. En avez-vous profité pour écouter l'entretien diffusé sur France Culture en 1969 ? Un document d'archives exceptionnel sur un des plus grands écrivains du XXe siècle. Très au-dessus à mon sens de Simone de Beauvoir. Miller n'avait-il pas déclaré : "Le Journal d'Anaïs Nin prendra place entre les Confessions de Saint-Augustin, Pétrone, Abélard, Jean-Jacques Rousseau et Proust." Je me demande par ailleurs si la place d'Otto Rank dans la vie d'Anaïs n'a pas été plus déterminante que celle de Miller.
Écrit par : Angèle Paoli | 25/02/2009
Oui mais, de Nin et de Sade, lequel écrit sur le cul d'une manière qui puisse faire songer à la charge érotique des bulles de Pie VII? Et si oui, combien?
Jeezus Chraïst.
Écrit par : Christian Mistral | 28/02/2009
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