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25/07/2010

La passante

 

you are my sunshine gaena.jpg

 

Hier, j'ai vu passer, comme une ombre qu'on plaint,
En un grand parc obscur, une femme voilée :
Funèbre et singulière, elle s'en est allée,
Recélant sa fierté sous son masque opalin.

Et rien que d'un regard, par ce soir cristallin,
J'eus deviné bientôt sa douleur refoulée ;
Puis elle disparut en quelque noire allée
Propice au deuil profond dont son coeur était plein.

Ma jeunesse est pareille à la pauvre passante :
Beaucoup la croiseront ici-bas dans la sente
Où la vie à la tombe âprement nous conduit;

Tous la verront passer, feuille sèche à la brise
Qui tourbillonne, tombe et se fane en la nuit ;
Mais nul ne l'aimera, nul ne l'aura comprise.

 

- Emile Nelligan -

 


Commentaires

Splendide photo. Et j'adore cette poésie, que je cite d'ailleurs dans mon article "Poésie pour tous, toujours et partout" 2e partie: Nous sommes tous des passants (www.zlv.lu/spip/spip.php?article3097) repris d'ailleurs le 9 juillet sur son blog par Jalel qui me l'avait fait découvrir, cette passante là. La passante, voire le passant (il y a des poèmes où le sujet passant se dédouble en deux opposés complémentaires), quelle merveilleuse allégorie de l'amour, de la mort, du temps qui passe, de celui qu'il faudrait saisir - fameux carpe diem - mais qui reste parfaitement insaisissable!
Et qu'est-il ton blog, sinon un lieu de passage où tu passes et passent passantes et passants? Jusqu'au jour où ils se rencontrent, comme dans Nadja d'André Breton, où la passante cesse d'en être une. Exit féeriie!

Écrit par : giulio | 25/07/2010

Ce poème me touche, il est tout à fait d'actualité, ce soir.......

Écrit par : anne des ocreries | 26/07/2010

Nelligan, une découverte de ce blues blog...

Écrit par : laurence | 26/07/2010

@ Laurence:

C'est Christian Mistral qui m'a fait découvrir cet immense poète, je n'ai de cesse de m'en nourrir, il me touche profond...

Écrit par : helenablue | 26/07/2010

@ anne:

moi aussi...

Écrit par : helenablue | 26/07/2010

@ Giulio:

Oui, j'avais lu cet article chez Jalel, bien riche et bigrement interessant, j'aime comme toi cette notion de ça ne fait que passer, cet insaisissable, cet sorte d'errance, un poème de Mokhtar El Amraoui le dit aussi magnifiquement en d'autres mots, je vais le déposer ici quand j'aurais trouver l'image en correspondance. Cette photo est superbe n'est-ce-pas, je l'ai trouvé bien en accord avec les vers d'Emile...
Crois-tu vraiment que la féérie s'arrête quand la rencontre a lieu?
Crois-tu qu'il faille plutôt ménager ces lieux de passage ou chacun s'arrête et s'exprime selon son coeur et son imaginaire et projette ses rêves et ses désirs ses attentes ses délires comme le permet un blog comme celui-ci?

Écrit par : helenablue | 26/07/2010

Chère Hélène, j'attends avec impatience ce poème de Mokhtar.

Quant à la fin de la féérie, c'est Lapalisse qui le veut: "la passante cesse d'être passante du moment qu'elle a passé ou qu'elle est passée". Celle de Breton deviendra folle et celle de Barbey d'Aurevilly une fausse prostituée vengeresse. Ici, les rencontres qui suivent le passage lui sont fatales. Mais ce n'est pas nécessaire. Les passant(e)s peuvent bien sûr conduire à la rencontre, parfois à l'amitié, exceptionnellement à l'amour. Il n'y a pas de mal à ça, bien au contraire, mais elles/ils cessent dès lors, donc par définition, d'être des passant(e)s.

Tiens, voilà encore un passant (masculin cette fois et, en quelque sorte, lato sensu), toujours d'Emile Nelligan :

Le voyageur

Las d'avoir visité mondes, continents, villes,
Et vu de tout pays, ciel, palais, monuments,
Le voyageur enfin revient vers les charmilles
Et les vallons rieurs qu'aimaient ses premiers ans.

Alors sur les vieux bancs au sein des soirs tranquilles,
Sous les chênes vieillis, quelques bons paysans,
Graves, fumant la pipe, auprès de leurs familles
Ecoutaient les récits du docte aux cheveux blancs.

Le printemps refleurit. Le rossignol volage
Dans son palais rustique a de nouveau chanté,
Mais les bancs sont déserts car l'homme est en voyage.

On ne le revoit plus dans ses plaines natales.
Fantôme, il disparut dans la nuit, emporté
Par le souffle mortel des brises hivernales.

Écrit par : giulio | 26/07/2010

@ Blue: voici en PS confirmation - du moins en amour - de ce que je te disais du côté éphémère et passager du passage de la passante, par Villiers de L’Isle-Aadam dans "L'inconnue" (Contes cruels, 1883), où l'auteur fait dire à "son" inconnue:

"– Vivre ensemble !... dites-vous... Vous oubliez qu’après les premières exaltations, la vie prend des caractères d’intimité où le besoin de s’exprimer exactement devient inévitable. C’est un instant sacré ! Et c’est l’instant cruel où ceux qui se sont épousés, inattentifs à leurs paroles, reçoivent le châtiment irréparable du peu de valeur qu’ils ont accordée à la qualité du sens réel, UNIQUE, enfin, que ces paroles recevaient de ceux qui les énonçaient. « Plus d’illusions ! » se disent-ils, croyant, ainsi, masquer, sous un sourire trivial, le douloureux mépris qu’ils éprouvent, en réalité, pour leur sorte d’amour, – et le désespoir qu’ils ressentent de se l’avouer à eux-mêmes.
Car ils ne veulent pas s’apercevoir qu’ils n’ont possédé que ce qu’ils désiraient ! Il leur est impossible de croire que, – hors la Pensée, qui transfigure toutes choses, – toute chose n’est qu’ILLUSION ici-bas. Et que toute passion, acceptée et conçue dans la seule sensualité, devient bientôt plus amère que la mort pour ceux qui s’y sont abandonnés. – Regardez au visage les passants, et vous verrez si je m’abuse. – Mais nous, demain ! Quand cet instant serait venu !... J’aurais votre regard, mais je n’aurais pas votre voix ! J’aurais votre sourire... mais non vos paroles !"

Soit, faut remettre ça dans le contexte romantique de l'époque; mais tu conviendras, chère Hlène, qu'il y a un peu de vrai là dedans (du moins chez la plupart des gens - of course seulement chez les autres).

Écrit par : giulio | 26/07/2010

"la passante cesse d'être passante du moment qu'elle a passé ou qu'elle est passée"

:-) Evidemment c'est implacable!
Magnifique poème de Nelligan, merci Giulio!

Quant à ce que fait dire à son inconnue Villiers de L'isle, je reconnais humblement qu'il y a du vrai même si je m'empresse d'ajouter parce que je ne le vis pas comme cela moi-même que pas toujours! Et j'ai bien le sentiment que tu partageras ce que j'aurais plutôt envie de dire, moi qui fut passante un jour, et qui l'est encore certains autres:

" Vivre ensemble !!... dîtes-vous... savez-vous que c'est alors une aventure des plus délicieuses et profondes qu'il m'ait été donné de vivre qui impliquent l'un l'autre dans l'intime, et qu'il n'est alors plus question de passage mais d'ancrage. C'est un instant sacré! Et c'est l'instant merveilleux pour deux coeurs honnêtes, épris et généreux, deux âmes fiéres et sincéres d'exalter leurs paroles et d'en mesurer de chair l'unicité et la puissance.
Et que malgré cette sensation qui parfois peut nous traverser l'un et l'autre que tout est illusion, la beauté du sentiment qui nous anime et qui donne corps à nos plus ardents désirs nous rappellent que ce passage de la parole à l'acte nous transcendent et nous donne vie.
Et s'il est trop d'individus qui perdent leur souffle dans cette union tant qu'ils le portent sur leur visage c'est qu'ils n'ont pas su accéder à cette grâce merveilleuse du sentiment sincérement et totalement partagé.
Alors que nous demain... J'aurais et votre regard qui ponctue vos paroles et votre voix qui m'enchante de ses mots et votre coeur à jamais près du mien, ne sentez-vous pas déjà comme il bat?

Écrit par : helenablue | 26/07/2010

Bien sûr, Helenablue,
que ce que je l'écrivis
n'est pas pour ceux pour qui
l'amour n'est ni possession
ni accaparement, mais don
de soi autant que fusion.

Et après... fais de beaux rêves!

Et après... avoir bien exorcisé tes souvenirs, ne retourne quand même pas trop le fer dans la plaie.

Écrit par : giulio | 26/07/2010

C'est que, cher Giulio, ce n'est pas tant que je le retourne que lui qui se retourne en moi, je dirais qu'il me faut l'exorciser probable une bonne fois pour toute, mais l'enjeu est lourd et le chemin truffé d'embûches néanmoins j'ai choisi cette voie grâce à cette confiance que vous me donnez toi et puis d'autres.

L'amour n'est pour moi comme pour tant d'autres je l'espère, c'est vrai ni possession ni accaparement ni obsession ou aliénation, l'amour est don ouverture et partage et fusion dans de rares moments rares si précieux où le corps le sexe l'esprit le coeur ramène chacun d'entre nous à cette magie de l'humanité.
L'amour est élixir et énergie et ressource.

Je ne choisis pas de faire face à mes démons pas plus que je n'ai choisi d(avoir à m'y confronter enfant.Je ne décide pas de mettre fin à leurs agissements , juste je veux pouvoir prendre la main, quoique j'en pense quoique qu'il en soit, je ne peux en aucun cas renier refouler abstraire et gommer ce qui a été, ce n'est pas que je remue le couteau dans la plaie, non je l'extraie!

Merci de ton amitié et de ta délicate écoute et de ta grande sensibilité si teintée d'un humour qui m'est cher!

Écrit par : helenablue | 26/07/2010

Chère Helena, merci pour ce beau poème de Nelligean dont on peut retrouver sur le fil d'autres non moins beaux, ici : http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/emile_nelligan/index.html
Bien à vous.

Écrit par : amel | 28/07/2010

@ amel:

merci à vous, d'autre non moins beaux en effet... Une rencontre importante pour moi et émouvante aussi!
Merci de votre passage.

Écrit par : helenablue | 28/07/2010

@ Mik:

Je crois déjà l'avoir croisé chez vous, non, si je ne m'abuse, en tout cas magnifique et inspiré, merci!
Comment allez-vous?

Amitiés
Blue

Écrit par : helenablue | 28/07/2010

Oui, Gagnon joue chez moi :-)
Je vais.
Et je suis heureuse de revenir ici.
See you later

Écrit par : Mik | 29/07/2010

bonjour, Je ne saisie pas trop le poème de la passante de Émile Nelligan , j'aimerais que quelqu'un me résume ce poème afin de m'éclairer , s'il vous plait , cela serait très apprécié !!

Écrit par : Kim | 24/03/2013

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