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12/06/2011

L'éloquence des regards, Moché Kohen

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- Moché Kohen -

 

Hier soir, tard, très tard, je préparais ma note sur Kendell Geers, artiste percutant qui m'a scotchée direct tout en pensant à celle qui me travaille depuis un moment, j'ai une maturation lente même si je parais toujours dans l'immédiateté, sur Moché Kohen qui m'a saisie à la foire de l'art de Lille dont je vous ai déjà parlé. J'aime laisser pousser en moi, approfondir, cuver. Je n'ai pas pu l'oublier tant les quelques toiles que j'ai pu voir m'ont bouleversée. Je suis très sensible à l'Existensialisme, il y a de ça chez Moché Kohen et c'est sans doute ce qui me touche profondément et me remue autant le coeur que les neurones, en écho à ma démarche d'être.

L'art à la hussarde d'un côté qui interpelle, qui dérange, qui décoiffe, qui engendre aussi et de l'autre l'art à fleur, pénétrant, sensible, tactile. Finalement ne pouvant pas choisir, je vous livre l'un et l'autre, souhaitant que ça vous émeuve autant que moi et vous procure toutes sortes de sensations diverses et variées, humaines.

 

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"Une rencontre picturale qui scelle un destin.

Moché Kohen reconnaît avoir été foudroyé par les portraits expressionnistes de Egon Schiele, autant par la mise à nu de la psyché tourmentée des modèles, leurs poses insolites voire théâtrales, que par la facture nerveuse de l’artiste viennois.

Premier roulement de tambour intérieur, Bam Bam Bam le cœur qui bat, les tempes qui bourdonnent, un chant intérieur qui s’accompagne de voix, elles avancent pieds nus dans la poussière, bien décidées à s’en extirper pour devenir matière.

Bam Bam Bam

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Pour Moché Kohen la nuit est propice. Elle s’ouvre sur tous les possibles, dissipe la conscience. Avec sa complicité surgit l’envie de se dépouiller des oripeaux, l’envie de s’abandonner au gouffre de l’espace circonscrit de la toile, une toile devenue réceptacle des cris muets, des chuchotements complices, des petites voix intérieures, mélodieuses d’effroi ou dissonantes de volupté.

Emane de lui une force impérieuse, que rien ne détourne de son vouloir. Plus qu’une vocation, c’est l’exaltation du peintre contraint de libérer sa famille de fantômes, de frères, de sœurs, de clones-clowns claniques.

Moché Kohen revendique le A - non privatif - de autodidacte. Autodidacte sans l’automatisme incontrôlé dicté par la pensée, parce que faire naître une Chose, exige de la rigueur, parce qu’une Chose, c’est rassurant, ça ne meurt pas.

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Le A de autodérision signe un autre trait de son caractère. Toutefois c’est avec sérieux qu’il se compare à un buvard, une perméabilité aux tourments du monde, une hypersensibilité à fleur de peau, exorcisées dans l’acte de peindre. Moché Kohen déclare avoir découvert le courage de la fuite par la peinture.

« Suis le conservateur des équilibres que je me suis inventé »

 

 

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Une invention d’auteur de théâtre, une pantomime humaine où les acteurs se sentiraient en exil, en exil d’eux-mêmes peut être…

Des corps qui font corps avec le mur, les « fusillés du regard » cherchent à se dissoudre dans la pierre, leurs épidermes se confondent, moins pour échapper à leur destin, que pour devenir massifs, permanents, autrement dit demeurer vivants. Des corps presque subtilisés au présent, privés de leur réalité pour devenir une image double, muette, soumise à la disparition, à l’absorption du néant ou qui redeviendrait une ombre, un mur, un fond.

Ce sentiment d’étrangeté n’est-il pas de même nature que celui qu’éprouve l’homme devant sa propre apparence dans le miroir ? Une image détachée de lui, insaisissable, qui se dérobe pour réapparaître sous d’autres artifices, tout aussi impermanents. Tenter d’appréhender l’éphémère…

Sur une scène, un corps dénudé se dévoile, s’exhibe, en tant qu’être sexuel. Dans une contorsion physique, il s’offre au regard du spectateur. Derrière lui, des petits personnages saisis dans leur stupéfaction, détournent leur regard.

L’éloquence des regards chez Moché Kohen, ce n’est pas une vue de l’esprit…

 

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Les yeux écarquillés pour marquer un étonnement prévisible, une interrogation sans attente de réponse. Les yeux plissés autant par la malice que la connivence. Parfois les yeux chavirés vers l’intérieur, ou dévorés par la matière, comme pour témoigner de l’affleurement du passé sur les rives du présent.

Un chant très ample, mais à peine murmuré, à la fois serein et inquiet, s’élève de cette famille de personnages. Identifiables grâce au turban assujetti sur leurs têtes rasées, ils se présentent dans la simplicité de leur frontalité, de leur hiératisme. Frémissement des corps, de la chair, abandon de soi, la main du peintre sismographe calligraphie certains contours, ici des mains, là d’un visage.

 

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Tel un Gilgamesh, détenteur babylonien des indicibles secrets de l’âme, Moché Kohen « syncrétise » toutes les cultures, toutes les religions, toutes les époques. Il impose à ses personnages une architecture de cariatide, des yeux de mystique d’où se déversent des questions incantatoires, qui peuvent être aussi incandescentes que les rouges de certains attributs vestimentaires.

Chez ces gens là, Monsieur, on ne vit pas, on Existe !"

 



- Béatrice Duhamel Houplain -                                                                                       

 

 

Commentaires

Dear Blue,
Là, ce sont de vrais coups de poings, tous ces regards creux inoubliables qui disent tant de souffrances qu'on en a mal à ce qui reste d'humanité sur terre.
Ce sont des coups de poing sans tambours ni fanfares qui interpellent tous ceux qui ont été, ubuesques, sources de malheurs et d'injustices. Des regards qu'on n'oublie pas de sitôt. Merci.

Écrit par : Mokhtar EL Amraoui | 12/06/2011

Toutes tes reproduction me font me demander si elles n'ont pas inspirées le jeune PICASSO , je me trompe? en tout cs tu as l'Art de nous fare découvrir des artistes ignorés jusqu'alors

Écrit par : alex | 12/06/2011

Magistrale démonstration, en forme de coup au coeur ...
Impossible de choisir!

Écrit par : solveig | 12/06/2011

Avoir "le courage de la fuite par la peinture" ... avoir le courage de la fuite signifie pour moi avoir le courage de l'abandon de ses repères, pour entrer en eaux vives.
Rejoindre la panoplie de personnages habitant la forêt d'une seule âme est toujours très troublant.
Je suis frappée par la multiplicité des personnages en double en fait, et cette première peinture dont je sens presque sortir les corps en un bas relief, un trompe l'oeil saisissant quand les visages eux s'aplatissent sur la toile.
Le travail sur les regards m'interpellent beaucoup. Y a t-il meilleur art que la peinture pour saisir l'essence ? l'image animée me parait vaine subitement.

Écrit par : laure K. | 12/06/2011

@Laure K
Même en peinture, il y a de l'animation par les angles, le côté chromatique, les formes des traits; il y a toute une cinétique et c'est notre intériorité projective qui la fait surtout bouger, selon nos affects et ressentis divers.

Écrit par : Mokhtar EL Amraoui | 13/06/2011

Sonder l'âme de l'artiste, voir comprendre sa démarche, par le truchement de ce qu'il nous présente comme oeuvre et nous de le recevoir selon nos codes me semble très périlleux, un peu comme le funambule partant sans sa perche. L'imaginaire de chacun est insondable, même pour soi; hors les lieux communs dont on tapisse les courants de pensée, pourquoi toujours subir l'effet de gravité d'une oeuvre alors qu'elle fût créée souvent avec le détachement que procure l'apesenteur de la création.

Écrit par : MakesmewonderHum! | 13/06/2011

@Helena : Ces toiles fantomatiques sont prodigieuses de terreur calme. Des brouillards d'êtres. Les spectres à l'intérieur de nous ! Une essence tribale, étonnamment muette. Cette personne que tu cites le dit avec une maîtrise du verbe déconcertante. J'aime autant ce que l'on dit des poignantes oeuvres que les oeuvres elles-mêmes. Merci de nous faire découvrir tant d'artistes, Helena.

@Makesmewonder : C'est vrai qu'il est hasardeux de disséquer une oeuvre à grand renfort d'impressions qu'on estime parfaitement fondées. Néanmoins, je pense que toute oeuvre déploie un certain spectre. Par exemple, jamais on ne dirait de ces toiles qu'elles sont intensément joyeuses.

Bien qu'on ne puisse pas parfaitement cerner le peintre derrière ces toiles, ni toutes les idées que ses oeuvres font germer en nous, les individus qui les observeront, ces poèmes de matière, verront naître en eux des processions de sentiments sensiblement voisins.

Je crois que cet homme saura trancher : « C’est le propre des oeuvres vraiment artistiques d’être une source inépuisable de suggestions. » - Baudelaire

Écrit par : Guillaume L. | 13/06/2011

Fortichon !

Écrit par : TopFloorMan | 13/06/2011

Pourquoi devrons nous penser, comme les autres, ce que represente une oeuvre et nous figer dans une boite où tout doit être au même niveau. Faut il avoir une sensibilité d'artiste, pour lire une oeuvre. Pour un roman il n'est pas necessaire d'être artiste pour le lire et le comprendre, au moins en partie; mais un tableau de peinture, une caricature, je n'y pense pas, chacun de nous considère sa vision comme objective! Nous ne voyons pas les choses telles qu'elles sont, mais en fonction de ce que nous sommes ou telles que nous sommes conditionnés à les voir. Si quelqu'un nous contredie , nous voyons immédiatement qu'il n'est pas sincère ou manque de discernement, s'il n'est pas pris pour un ignorant.
Je ne sais pas si c'est Aristote qui a dit:qui sème une pensée recolte une action; Qui sème une action récolte une habitude, un caractère etc...
Moi, je suis d'une grande crédulité, je crois en toutes les lectures faites sur une sculpture, un tableau et je me retrouve toujours dans une de ces lectures!
Sur ces tableaux présentés par Héléna, je n'en sais rien, hormis celui où on voit une fillette en robe blanche: Elle attend l'époux qu'on lui a choisi, sa nuit nuptiale pour se faire dépuceler ou renvoyer chez elle. J'ai su pour ma grand mère, qu'elle s'était faite dépucelée (déchirée) par son époux sans même avoir vu son visage, tellement, les larmes lui aveuglaient ses yeux ( vous voyez, je fais ma lecture de conditionné!)

Écrit par : bizak | 13/06/2011

@bizak : Je ne parlais pas de catégories très minces de sentiments et d'émotions, mais au contraire très larges. C'est pourquoi je parlais de spectre (comme le spectre des couleurs). On pourrait facilement, sans se forcer, trouver une centaine d'adjectifs pour décrire ces toiles ; or ça ne veut pas dire que chaque individu habillera ces toiles de toutes ces épithètes. Peut-être usera-t-il d'une dizaine de qualificatifs et d'idées pour exprimer ce qu'il ressent. Mais, tout de même, parions que la combinaison des émotions qui lui viendra s'abreuvera à un certain «bassin»...

En substance, ce sont des pôles. Devant des toiles comme celles-là, tu ne verras pas quelqu'un éclater de rire (du moins, si ça se produisait, ce serait extrêmement rare), tout comme on ne pleurerait pas d'un sentiment divin devant un humoriste vulgaire.

Bref, je ne crois pas que l'on ressente tous la même chose devant une oeuvre, mais pour peu qu'on cherche, on pourra trouver une personne ayant développé des sentiments voisins aux nôtres...

Écrit par : Guillaume L. | 13/06/2011

Et c'est là, Guillaume, que ça devient fascinant. Comment l'art a ce tronc commun, que tu appelles si joliment" bassin" qui fait qu'un certain nombre d'individus d'un coup se retrouvent dans une émotion qu'ils partagent. On ne ressent pas forcément tous exactement la même chose face à une oeuvre, pas tout à fait la même chose mais suffisamment pour se relier les uns aux autres et parfois si on le veut bien pour communiquer les uns avec les autres, pour faire le lien. La peinture, la sculpture, la musique, les images ont cet avantage de ne pas avoir le clivage des mots mais on pourrait en dire autant de la littérature et de la poésie pour peu qu'on parle et comprenne la même langue! Quoiqu'ignorante de l'italien dont j'aime particulièrement la musicalité, j'arrive à être émue, mais pour le japonais j'avoue que c'est plus dur! Pourtant je ne visionne les films qu'en VO, alors finalement je finis aussi par m'imprégner!

Tu as on ne peut plus raison que devant des toiles comme celles-ci on n'a pas franchement envie d'éclater de rire mais plutôt de se recueillir, du moins est-ce la première réaction qui m'est venue face à elles et j'étais loin d'être seule à avoir ce geste.

J'aime ce vers de Baudelaire que tu cites dans ton précédent commentaire, il est très pertinent dans notre discussion!

Néanmoins, en matière de sensibilité artistique on peut avoir des surprises, surtout face aux contemporains comme Moché;

Je me permets un petit aparté pour Alex et lui préciser qu'en l'occurrence si un des deux artistes avait inspiré l'autre ça serait dans l'ordre des choses plutôt dans l'autre sens! Ce qui n'enlève rien ni à l'un ni à l'autre...

Ce que je veux dire c'est que rarement les gens font confiance à ce qu'ils ressentent face à une oeuvre d'art si elle n'est pas déjà répertoriée et reconnue par le plus grand nombre. J'ai tenu pendant suffisamment de temps une galerie d'art où je présentais mes coups de coeur et mes rencontres pour savoir à quel point c'est difficile et compliqué pour les individus de faire confiance à leur ressenti. Ceux qui le peuvent par ce qu'ils s'en sont donné les moyens, émotionnels j'entends, ceux là ont gagné une liberté qui n'est pas commune. Je suis heureuse et rassurée de voir qu'il existe ce genre de personne comme toi qui réagisse avec une sensibilité fine et ouverte, préserve-là, affine-là car plus tu la travaille et plus elle devient exigeante et accueillante à la fois.

Écrit par : helenablue | 13/06/2011

@ Laure:

Non l'image animée n'est pas vaine, elle est de nature bien différente. la peinture invite en quelque sorte à l'introspection, au recueillement, à l'échange d'une oeuvre à soi. Le cinéma lui est plus dans le mouvement et fait surgir d'autres émotions, moins recueillies sans doute mais tout aussi intenses.

Je viens de visionner ce film de Raoul Ruiz," Les Mystères de Lisbonne", en version longue, soit plus de cinq heures et j'ai été emportée par ce film romanesque à souhait, esthétique, brillant et j'ai l'esprit tout enflammé et en alerte. Une énergie m'envahit, j'ai pleuré, j'ai ri, j'ai été subjuguée par tant de beauté et j'ai appris. Alors non, l'image animée n'est pas vaine, bien au contraire, elle est vivante!

Écrit par : helenablue | 13/06/2011

On parle peu de cette rage, cette urgence viscérale qui pousse l'homme, somme toute,ordinaire, à s'exprimer facette par facette dans ce qu'il est profondément, comment il se représente la vie comment elle se matérialise devant lui par son art et avant tout par le contrôle des techniques pour y arriver, c'est loin, loin d'être simple tout cela. Je ne vous apprendrez rien en vous disant que l'artiste, du moins en art visuel, crée avant tout, pour lui même, c'est un processus obligatoire le passage obligé de sa vie occupé qu'il est à se déganguer l'intérieur. Vous y voyez des visages tristres, j'y vois, autre façon, et ce avec beaucoup de technique de les représenter. Les postures des membres, surtout les bras me parlent beaucoup. Il utilise beaucoup de textures pour traduire ce que m'semble émotions perceptibles. Nous sommes en présence de toiles figuratives, avec lesquelles nous établissons certains liens avec nos propres réalités, Guillaume, tu parles de spectre sur lequel bon nombre peuvent s'entendre à l'effet que ce n'est pas trop jojo, je te revois, à ceci, comment décoder l'abstraction dans toute sa gamme ou spectre d'émotions? Qu'est-ce qui est encore tangible? J'ai en tête beaucoup d'artistes, de musiciens qui n'ont à peu près pas de contacts ou de visibilité avec le monde extérieur dont nous sommes et pourtant prolifique et intense. Tiens je vous en nomme une, France Trudel, peintre, elle est magistrale, survie péniblement , avec le plus grand désinterressement par rapport à l'aspect mercantile de l'art. Elle vous le dirait la vie ne lui a pas laisser le choix autre que de peindre pour y survivre.

Écrit par : MakesmewonderHum! | 13/06/2011

D'après moi, il y a des oeuvres qui en imposent face auxquelles, on s'exclame: "C'est cela!"On sent que cet ainsi-peint, par exemple, fera date car c'est dense, c'est nouveau et vraiment original. Peut-être qu'un certain conservatisme de la critique endiguera son essor mais l'oeuvre finira par avoir son territoire de reconsidération et restructuration du champ pictural, en l'occurrence.

Écrit par : Mokhtar EL Amraoui | 13/06/2011

@Guillaume
je te rejoins absolument avec le developpement que tu fais sur la lecture multiple d'un oeuvre d'art, j'ai tout simement dit que chacun a sa propre lecture et souvent influencé par son vécu et je n'en rejette aucune tout en me retrouvant certainement dans une des lectures faites car ne me considerant pas atypique ou foncièrement extreme sur un bord ou un autre. Mais je n'admets pas qu'on puisse forcement epouser telle ou telle vision des choses et là je n'ai pas vu dans votre commentaire précedent une quelconque confirmation de cette même vision extême!

Écrit par : bizak | 13/06/2011

Là tu as lu dans mes pensées, Blue. J’avais justement l’intention de t’interroger sur ce peintre. Il y a quelques semaines tu avais mis une de ses toiles (la première de cette note), avec juste un titre peut-être, je ne me souviens pas mais j’avais tout de suite été frappé de plein fouet par la forte émotion qui s’en dégageait mais aussi beaucoup par la texture et le relief vraiment remarquables du tableau. Réalisant à quel point j’en étais resté imprégné et voulant en savoir plus, je suis revenu ici pour me rendre compte que l’image était disparue… Je me suis dit bon, ok, fugacité du web, je retomberai peut-être dessus un moment donné… Mais, ça ne me lâchait pas; je voulais en savoir et surtout en voir plus! Je décide donc de te poser la question mais là, je me demandais comment diable j’allais te décrire le tableau en question : je me rappelais que c’était un couple, que le traitement était monochrome, avec peut-être un petit quelque chose de Schiele dans la posture des personnages (lien pas fortuit finalement d’après le texte) mais surtout ce jeu de relief tellement expressif et particulier… Et au moment où j’allais finalement me décider à te questionner, je tombe sur cette note et bingo! (D’ailleurs, je sais pas ce qui se passe en ce moment, alignement des planètes ou kekchose, mais presque en même temps Laure écrit une note sur «Un ange à ma table» qui est un de mes films fétiches et que je n’ai pas revu depuis des années et j’y repensais encore récemment en cherchant vainement à me rappeler le nom de l’écrivaine – Mistral va m’assassiner! – dont il est question dans le film et qui m’a bouleversé à jamais sans que j’aie encore eu l’occasion de la lire – je n’avais rien trouvé d’elle à l’époque – ; et là encore donc, je passe chez Laure et rebingo! : Janet Frame, son nom – comment avais-je pu l’oublier? – et en prime un nouveau titre d’elle récemment paru!)

(Bon, désolé pour l’apparente digression, mais c’est ça, hein, l’interconnectivité…)

En tout cas, j’ai bien apprécié vos discussions sur comment chacun interprète une œuvre, ou la reçoit, et j’aime bien aussi cette idée d’un genre de « spectre de sens » qui relie diverses façons d’appréhender une œuvre. Pour ma part, j’ai un rapport assez ambigu avec le discours théorique ou même toute tentative de verbaliser ses impressions ou le sens qu’on attribue à une œuvre picturale. Le texte qui accompagne cette note en est un bon exemple dans la mesure où il me paraît pertinent et susceptible d’élargir une certaine lecture de l’œuvre mais en même temps, c’est à des années-lumières de ma perception qui est toute sensorielle, émotive, et pas du tout cérébrale (dans ce cas tout particulièrement, alors que la dimension conceptuelle m’atteint inévitablement davantage chez Geers – mais là encore, c’est d’abord l’esthétique et donc encore le sensoriel et l’émotif qui créent l’ouverture, qui m’amènent au concept).

Donc, à la base (et c’est pareil pour la musique), la nécessité de recourir à la perception verbalisée (ou pire : rationalisée) d’un autre pour appréhender une œuvre me paraît un non-sens complet; au mieux c’est l’équivalent du braille ou du langage des signes : un moyen pour les aveugles et les sourds d’accéder à ce qu’ils ne perçoivent pas. Je sais ce qui me remue; je n’ai pas besoin qu’on me l’explique.

Malgré tout, ce que je dis là est très réducteur, je le sais. C’est aussi à travers ce que d’autres en disent qu’on découvre parfois des dimensions qui nous échappaient et qui nous amènent à ressentir une œuvre autrement, au point où cette perception «induite» devient rapidement indissociable de l’œuvre et d’un ressenti aussi devenu intimement nôtre (je ne lirai pas, par exemple, Janet Frame comme je l’aurais lue sans l’avoir d’abord découverte grâce à Jane Campion). Il y a sans doute actuellement, en art, une déplorable hypertrophie du discours au détriment de l’affinement des sens – qui est l’essence même de l’activité artistique; mais là comme ailleurs, si on reste ouvert et vigilant, on peut à l’occasion être providentiellement guidé sans pour autant être inconsciemment régenté…

Écrit par : Le Plumitif | 14/06/2011

:-) Plumitif!

L'interactivité, tu sais comme elle m'est chère et sans doute perçois-tu que c'est en grande partie pourquoi j'aime ce média des blogs! Je suis bien tentée moi aussi par lire cette écrivaine- si Mistral te tue, faudra qu'il me tue de même!- la note de Laure à son sujet m'a férocement donné envie de la découvrir.

Lire dans tes pensées, que Dieu m'en garde, j'en ai déjà bien assez à faire avec les miennes, mais je suis sensible au fait que même si tu n'es pas toujours particulièrement présent en apparence, tu l'es vraiment en réalité. C'est vrai j'avais avec un titre posté cette première toile il y a de-ça un moment. Tu sais je suis restée au moins deux heures à L'Art Fair à la contempler tant elle m'a touchée, spécifiquement celle-là même...

Je te rejoins quant à donner des explications aux impressions ou au sens que peut prendre pour nous une oeuvre picturale. C'est sans doute pour cela, et c'est pour cela que j'ai mis ce texte qui n'est pas de moi. J'en aurais été en l'occurrence incapable! Trop dans l'émotion encore de ce que j'ai pu découvrir en rencontrant ce magnifique artiste! Néanmoins on peut, comme tu le dis si bien déceler des dimensions qui nous ont échappées, dans les écrits des autres, je l'ai fortement découvert pour ma part avec ce livre extraordinaire de Paul Eluard, " Anthologie des écrits sur l'art".

A chacun , je pense en son for intérieur de faire ce voyage entre ce qu'il ressent et ce que le ressenti des autres peut lui apporter, chacun étant par essence unique et fondamentalement libre d'éprouver ce qu'il a à éprouver, certains même ne percoivent rien face à ce genre de toiles, comme rien face au travail de Geers. Je ne crois pas un instant qu'une explication quelle qu'elle soit produise un ressenti, je crois même l'inverse. Par contre un avis, une perception, un engagement peut permettre d'ouvrir le regard qu'on en a et par là même ouvrir à de nouvelles perspectives.

A mon sens, les sens se travaillent et plus on affine ses sens, plus on regarde, plus on entend et plus on ne craint pas de les mettre à l'épreuve d'autrui et plus alors on est capable de voir, d'écouter, de sentir et de ressentir... Rien n'est plus jouissif pour moi que de découvrir de nouveaux artistes si ce n'est redécouvrir ceux que je connais déjà, avec tout ce qu'implique le fait de re-découvrir...

Écrit par : helenablue | 14/06/2011

:-)

Écrit par : laure K. | 15/06/2011

ça, ça me plaît beaucoup !

Écrit par : anne des ocreries | 21/06/2011

la peinture me permet,aussi, de rencontrer des humains adorables
merci helena
portez vous bien
encore merci

Écrit par : moché kohen | 27/07/2011

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