10/05/2010
devenue femme
- Blue par Laure K -
Quelle sorte de vie aurais-je eu si tout cela n'était pas arrivé, si j'étais née ailleurs autrement? Quel sorte d'individu la vie aurait-elle fait de moi si, préservée choyée respectée et protégée j'avais pu avoir une enfance plus harmonieuse et humaine?
Je pensais à ça à priori tranquille et sereine hier soir après avoir visionné ce reportage d'Arte sur l'inceste, reportage pudique et poignant à la fois d'enfants témoignant d'abus répétés au sein de la famille frère oncle grand-père et celui d'une mère sobre lucide ayant après n'avoir rien su faire pendant dix ans pour ses deux filles accompagné leur parcours de reconnaissance de la vérité devant la justice. Quelle aurait ma vie si nous avions pu tous les trois, mon frère ma petite soeur et moi traduire notre grand-père devant les tribunaux, qu'en serait-il de ma mère qui n'a jamais pu elle voir en face ni exorciser ce qu'elle même a vécu avec une rare violence, qu'en serait-il de mon père confronté à ses propres démons, et de l'ogre aujourd'hui mort de sa belle mort et en moisissure lente au fond de son caveau, de sa femme fraichement décédée rendue folle par la vie qu'il lui a fait mener? Frappant dans ses témoignages, la disparition de toute haine, de tout ressentiment, juste cette volonté de comprendre et de construire enfin, tout comme ce que je ressens depuis quelques années, tout ce chemin parcouru pour sortir de la fange dans laquelle on s'est servi de mon corps de petite fille, de mon sexe de mon esprit mais où j'ai pu sauvegarder mon âme, cette part d'inaliénable.
Je n'aimerais pas être une autre que celle que je suis, mon chemin du combattant m'a ouverte à l'humanité, ma souffrance à l'humilité, ma terreur au sens de l'humour, toute cette violence à l'art et, le secret à l'écriture et au besoin de faire autrement. Toutefois certaines fragilités demeurent et parfois les fêlures se réveillent, on ne peut avoir approché la folie d'aussi près et l'amnésie profonde sans séquelles sans dégâts collatéraux sans bavures et sans mécanismes de défense psychique appropriés, sans une sorte d'attirance dangeureuse aussi à l'auto-destruction ou à l'oubli de soi, le tout étant d'en avoir conscience et de l'accepter, d'accepter ces dommages... Ce fut et c'est encore un long parcours, parfois truffé d'embûches et de piéges, je n'ai pu retenir mon émotion impossible à endiguer en visionnant au cours du reportage ces images de petits films de famille de vacances au bord de la mer, ces paradis de l'enfance pour les uns et enfers pour les autres!
Aprés bien des déchirements des cris d'horreur des sautes d'humeur des doutes lourds comme le plomb des erreurs d'appréciation de situations d'individus de limites, dîfférentes somatisations un peu partout des handicaps de toute sorte autant sexuels qu'affectifs, corporels que spirituels, aprés d'énormes déceptions d'énormes souffrances d'énormes deuils et d'énormes efforts pour recoller tout ces bouts de soi, et même s'il m'arrive d'être en proie à d'horribles incertitudes et de sombres pensées je n'aimerais pour rien au monde ne pas être celle que je suis aujourd'hui dans son entiereté avec son vécu et son "à vivre" et sa vivance du moment, et je remercie la vie pour la femme que je suis devenue.
14:41 | Lien permanent | Commentaires (30) | Tags : état d'âme, enfance, histoire, pensée du moment, être, amour, partage, humain
Commentaires
Nous nous associons à toi pour remercier la vie pour la femme que tu es.
(j'ai aussi vu ce reportage)
Écrit par : Claudio | 10/05/2010
Paix est faite avec ton toi profond, ton âme rebondissante. Bravo d'être passé à travers ! Les séquelles font partie intégrante de soi, comme le sillon des cicatrices est la trace claire de toute blessure informe.
Écrit par : Venise | 10/05/2010
Que j'aime le sourire accompagné de ses teintes de bleu.
Écrit par : Venise | 10/05/2010
@ Claudio:
Merci beaucoup Claudio.
Dis-moi qu'en as-tu pensé? Je n'ai pas vu la deuxième partie sur les abuseurs, je compte la voir ce soir. J'ai préféré scinder!
Écrit par : helenablue | 10/05/2010
@ Venise:
je suis très touchée par ce regard de Laure K. sur moi, et comme toi j'aime cette photo!
Merci de ton amitié.
Écrit par : helenablue | 10/05/2010
J'ai beaucoup aimé la sobriété du traitement (Mais c'est Arte). Du coup, on reçoit avec sérieux et ça nous fait plus réfléchir que réagir. Et je suis toujours impressionné par la responsabilité des interviewés dans leur parole.
Je m'aperçois que France 3 rebondit sur le sujet ce soir.
Écrit par : Claudio | 10/05/2010
Permettez moi de faire ce commentaire non compatissant et sans doute un peu décalé sur la tragédie des actes. Un acte n'est rien sur le moment. C'est un objet que vous jetez à la rivière. Mais il suit le cours de la rivière, il est encore là, au loin, toujours là ; il traverse des pays et des pays ; on le retrouve quand on n'y pensait plus, et où on l'attendait le moins. Est-ce juste, cette existence interminable des actes ? Je pense que non. Mais cela est.
La vie devient une chose délicieuse, aussitôt qu'on décide de ne plus la prendre au sérieux. Ce n'est pas la réalité qui est vulgaire, c'est l'idéal.
et enfin, Il ne faut jamais tout dire, même à une pierre.
Écrit par : TG | 10/05/2010
TG --- Me permettez-vous de vous dire que j'aime le décalage (sain) entre la réalité et vous ? (Si vous ne m'aviez pas permis ... trop tard !)
Écrit par : Venise | 10/05/2010
C'est très beau Blue !
Écrit par : sophie | 10/05/2010
Cette question là, "que serais-je devenue si...", je me la suis déjà bien souvent posée : pour en arriver à la même conclusion que toi : je ne voudrais pas être autre que ce que je suis. Cela veut au moins dire que je veux bien de moi, enfin, et c'est déjà énorme. Même si je n'arrive pas à grand-chose dans la vie, j'ai au moins tenu debout, vaille que vaille. Ouf.
Écrit par : anne des ocreries | 11/05/2010
Blessures et difficulté à vivre avec soi même et son corps quelqu' en ait été les fondations, peut être est-ce par ici qu 'on se rencontre ?
Quand Hélèna écrit ses blessures, il me semble que la résonnance est profonde... pour moi et pour d'autres, il me semble que j'ai réussi à mûrir certaines choses grâce à nos échanges, en tout cas à m'ouvrir de nouveau au monde. Et tout ça a pris un temps fou.
Quelle richesse tu es aujourd'hui Héléna !
Écrit par : laure K. | 11/05/2010
Tu es aimée dear Helena Blue.
Ici maintenant j't'envoie un gros bisou.
X.
Y.
Écrit par : Yvan L. | 11/05/2010
@ Claudio:
c'est vrai Claudio, j'ai aimé moi aussi cette sobriété et cette manière de recueillir les témoignages en gros plan sur les visages, les interviewés en accord avec leur parole, en congruence, redonne une dimension humaine à tout ça et évite le côté spectacle sordide du coup ça permet de réfléchir et de ressentir et c'est important que chacun y pense car l'inceste comme toutes agressions physiques ou psychiques sur un enfant est véritablement un crime.
Écrit par : helenablue | 11/05/2010
@ TG:
j'avoue ne pas comprendre votre commentaire que vous qualifiez de décalé, un acte n'est pas rien, jamais, un acte quel qu'il soit entraîne et implique, il peut tuer aussi...
Je ne doute pas un instant que la vie ne puisse être délicieuse, j'en fait l'expérience chaque jour, pourtant je la prend au sérieux, parfois même suffisamment pour en parler avec légèreté...
Que tentez-vous de me dire avec le "jamais tout dire même à une pierre"?
Écrit par : helenablue | 11/05/2010
@ anne:
je ne crois pas que tu n'arrives pas à grand chose comme tu le dis ici, au contraire, arriver à être bien avec soi, son corps , son esprit, son coeur, et se permettre ainsi d'être avec et au milieu des autres est un belle réussite quand on part dans la vie avec un handicap comme le notre, qu'on puisse en être aujourd'hui là où on en est, qu'on puisse en parler, qu'on puisse même en faire profiter d'autres qui sont dans leur nuit de souffrances je trouve que c'est arriver à grandir et faire grandir, non?
Écrit par : helenablue | 11/05/2010
@ Sophie:
merci!
Écrit par : helenablue | 11/05/2010
un sourire délicieux flottant sur des bleus c'est bon pour ceux de l'âme...
Écrit par : Manouche | 11/05/2010
Helena
Je ne dis pas dans mon commentaire précédent qu'un acte n'est rien, il me semble même que je dis précisément le contraire.
Il ne faut jamais tout dire, même à une pierre : On peut méditer là dessus pendant des années…
Nous traversons tous des épreuves, et nous en traverserons d'autres… et nos enfants en traverserons aussi comme nos ancêtres en ont traversé aussi. Chacun son lot, chacun sa croix. Il faudrait "accepter" les choses, c'est le principe de la sagesse (du moins ce qu'il en reste), c'est aussi le principe du deuil. Il faut surtout voir dans ces épreuves ce que cela nous apprends et ce en quoi elles nous "augmente".
et par pitié, ne voyez pas dans ce que je dis le moindre signe de résignation, vous feriez erreur.
Pardonnez moi si je suis un peu énigmatique, mais il ne fait pas tout dire même si…
Cordialement
Écrit par : TG | 11/05/2010
@ TG:
à dire vrai je me suis méprise sur votre propos et je vous remercie d'avoir pris la peine d'éclairer ma lanterne.. Je comprends mieux ce que vous vouliez formuler en disant qu'un acte n'est rien sur le moment, quoi qu'il le soit, mais il l'est plus encore dans le temps, un petit geste ici maintenant peut avoir des répercussions loin et longtemps d'où l'importance de se responsabiliser...
Oui, nous traversons tous des épreuves tant bien que mal et personne n'est épargné, oui l'acceptation est la voie de la sagesse, ne vous inquiétez pas je n'y vois aucun signe de résignation mais plutôt de bon sens, nos épreuves nous augmentent pour peu qu'on arrive à en tirer les enseignements et comment dirais-je qu'on puisse les sublimer, créer avec!
Vous parlez à demi-mots sans doute préférez vous exprimer par votre peinture ce qu'il ne vous parait pas bon de dire même à une pierre!
On devrait pouvoir tout dire, car quand on exprime c'est que l'on prend conscience et alors on peut prendre une distance car on accepte rien en forçant les choses mais quand on a pu les voir, alors on est plus agit par elles...
Bien à vous.
Helena
Écrit par : helenablue | 11/05/2010
Et le fin du fin, serait que vous arriviez à en RIRE,
Ce jour là
Alors
vous verrez…
Écrit par : TG | 11/05/2010
Pensez-vous que l'on puisse rire de tout?
Écrit par : helenablue | 11/05/2010
Et et et et… mais là, êtes vous prête? car la véritable difficulté est là et pas ailleurs: Pardonner à ceux qui…
Écrit par : TG | 11/05/2010
hum... Le pardon implique une notion de culpabilité, alors qu'il s'agit là de responsabilité. Mes deux parents l'un comme l'autre ont du faire face aux mêmes tourments de plus ma mère avec le même homme qui a abusé de ses trois enfants, ils sont donc l'un come l'autre des victimes aux aussi, et sans doute si je m'étais donné la peine ce que j'ai fait en partie de remonter plus haut aurais-je découvert semblables traumatismes chez chacun des protagonistes, on sait maintenant que ce triste phénomène est trans générationnel, au pardon je préfére l'éxonération.
Mes parents auraient du nous protéger mais n'en avait manifestement pas les moyens, je ne leur en veux plus depuis un moment déjà mais je ne peux nier ce qui m'est arrivée sans me renier moi-même et c'est là que l'équation se corse, car nous ne vivons eux et moi plus dans la même réalité. Néanmoins aprés une absence totale de relation pendant plus de 15 ans, j'ai fait un pas vers eux et je retricote tant bien que mal une relation dévastée, j'essaie de construire quelque chose d'acceptable pour moi comme pour eux... Ma manière à moi de le dire que je les comprend.
Le plus grand danger, psychique j'entend, dans ces histoires là c'est le déni, il est pour eux insurmontable. Ils perdent le contact avec la réalité malgré tout mais perdraient sans doute la tête à aller voir ce qui leur est arrivé... Alors je n'aurais jamais c'est certain une relation avec eux comme celle que je peux avoir avec mes enfants, mais j'ai pu séparer le bon grain de l'ivraie et je prend ce qu'il y a de bon possible...
Et pour tout vous dire, puisque vous n'êtes pas de pierre, il m'arive d'en rire, parfois, mais jaune et à petites doses, pas n'importe comment, ce qui est certain c'est que d'avoir pu libérer ma parole et sortir de ce fameux déni puissant, ça m'a libérée et par cela même libéré mes enfants, la chaîne a été rompue...
Écrit par : helenablue | 11/05/2010
Oh elle est vraiment belle cette photo..et tellement vous !....tendres baiser & grand gros câlin (câlin tout coincé à la Hondée) de moi.. bisous bisous..et encore bisous...
Écrit par : Hondée | 11/05/2010
@ Hondée:
Aïe! le calin tout coincé!! :-) Gros bisous itou ma belle...
Moui, elle est chouette cette photo,ce sourire que Laure a capté au vol... A tout bientôt.
xx
Écrit par : helenablue | 11/05/2010
@ Yvan:
merci bel ami.
Love.
Blue
Écrit par : helnablue | 11/05/2010
@ laure K.:
cette résonance dont tu parles, c'est sans doute elle qui nous fait nous sentir si proche et en relation sans pourtant bien se connaître. Je vis avec beaucoup de bonher cete amitié naissante entre nous, Laure, et je nous souhaite mille et unes aventures. Il est de ces rencontres provoquées par les protagonistes qui comptent qui nous bougent nous inspirent, la notre est de celle-là!
Écrit par : helenablue | 11/05/2010
Sans simplifier mais bien en résumant tout ce qui précède, à mon avis, on doit éviter à tous prix d'opposer banalement la résilience des uns à la souffrance infligée. Je crois qu' il faut dénoncer et essayer de réhabilliter dans la mesure du possible ces manquements au devoir premier d'amour et de protection.
Il faut bien se rendre contre que cette résilience existe à diiférents degrés et d'autrefois se retrouve presqu'absente, là la tragédie se vitrifie et prend, tout au long de ces vies gaspillées, la forme de la détresse humaine.
Écrit par : MakeswonderHum! | 11/05/2010
Je le crois aussi tout comme toi, MmwH! Et puis il faut dire que la résilience n'est pas un acquis mais un travail permanent, les blessures restent vives et ne sont jamais complètement cicatrisées, c'est pourquoi une réhabilitation du lien et du respect en amont est une priorité comme tu le dis , dans la mesure du possible, et je ne cesserai jamais de condamner ces comportements de désamour et de destruction de l'individu, certains ne s'en remettent jamais ou paient de leur vie trop jeune...
C'est pourquoi je pense la parole importante voire vitale, rien de pire que le mutisme et l'envie de ne pas voir autour d'un tel sujet. Tout abus sur un enfant est une cruauté lourde de conséquences.
Écrit par : helenablue | 11/05/2010
Cette Note et celles que je lis par ailleurs, c'est le pouvoir des Mots sur les Maux et c'est aussi ce qui va permettre des identifications et susciter des envies de résilience. Je connais une personne qui est encore loin d'avoir parcourue ce chemin mais qui a osé pour la première fois en parler. Elle se cache encore dans son repli de souffrance mais elle a fait le premier pas de sortir de son isolement. Je ne sais s'il elle a (ou va) sur Internet mais des Notes comme la tienne sont (au-delà de la nécessaire écriture pour soi, je dirais même pour son Soi) de très beaux messages d'espoir.
Écrit par : Louis-Paul | 21/05/2010
Les commentaires sont fermés.