21/01/2011
du désir
Le désir est une denrée fragile et encore difficile d'accès pour une femme qui, blessée dans son intime, tente petit à petit de le retrouver. Le désir de sexe, le désir charnel, l'appel au large, l'annonciateur déclencheur provocateur du grand voyage, celui qui vous assaille, insoupçonnable, qui vous prend aux tripes, irréversible, celui qui vous percute de plein fouet, qui vous pousse dans vos contrées inexplorées, irrépressible; cette liberté d'être tout à soi, celui-là qui est identité et liberté, vivance.
Le plaisir m'a aussi longtemps été proscrit, trop associé sans doute à la honte; encore un des méfaits pernicieux et sordide d'une utilisation d'un corps de petite fille et de son affectif à des fins non avouables, pourtant il me fut récupérable en me défaisant doucement et par petits bouts de ces vieilles peaux coupables et culpabilisantes que j'avais endossées au fil des années; il reste pourtant fragile, lui aussi, agissant souvent comme le baromètre d'une vérité cruelle et assassine enfouie loin dans un trou de ma tête. Les retrouvailles profondes et intenses de mon plaisir entier qui fait fondre mon âme et emmène tout mon être dans les bras de l'extase a été la première récompense d'un parcours insondable d'une improbable guérison. D'ailleurs, au plus j'avance, au plus j'écris, au plus mon sexe s'ouvre et je m'ouvre à lui; l'écriture agissant comme décapeur chimique d'un poison trop longtemps pris en intraveineuse intra-familiale incontournable.
Le désir lui, est plus ardu à reprendre à réinvestir à ressentir, il ne peut être que spontané, il ne peut se fabriquer mentalement par des chemins de traverse et ne peut se nourrir de culpabilité; dans une construction mentale d'une carte du monde si on t'impose trop petite des choses éloignées ce que tu es en âge de comprendre et de gérer voire de digérer, on t'enlève cette liberté essentielle de laisser venir à toi et en toi tes sensations. C'est, à peine née qu'on te jette en prison. Un esclavage spirituel et corporel grave qui te blesse et t'arrache à toi-même longtemps voire, à vie. Pourtant, depuis peu, parfois, il me capte, m'étreint et me trouble au détour d'un mot, d'un regard, d'une rencontre, là encore l'écriture joue son rôle bienfaiteur d'ouverture, et après avoir été, pendant plus de vingt ans dans l'énorme besoin et l'étourdissante envie d'être désirée, je me retrouve enfin, mais à dose ténue, désirante, actrice de mon désir et dévorée par lui, quelle jouissance!
Comment pourrais-je alors cesser de coucher des mots gris sur le papier vierge, comment pourrais-je me refuser cette voie qui m'est donnée du bout des doigts, comment ne pas s'ouvrir entièrement à elle qui m'offre ainsi une existence réelle et engage tout mon être dans cette rédemption? Encore des vieux débris de culpabilité et des vieux fonds de honte qui traînent dans les limbes de mon cerveau et dont j'ai bien du mal encore à me défaire! "Ce qu'on essaye souvent et qu'on ne cesse de vouloir, on finit par réussir à l'obtenir"... est-ce que Sigmund cette fois aurait dit vrai? C'est là mon désir le plus grand que celui d'être un être de désir doublé du plaisir de l'être, d'en prendre et d'en donner...
11:14 Publié dans écriture, psycho | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : désir, plaisir, réflexion, inceste, être, écriture, sexe, psychologie, humain
Commentaires
Via Alainx j'arrive ici pour la première fois... et j'y lis ce magnifique message sur le désir malgré tout ton parcours.
Bravo pour ton écriture qui me percute, ne me laisse pas insensible et me laisse pleine de... désir d'en lire davantage.
Je reviendrai.
Écrit par : sol-eille | 21/01/2011
C'est véritablement une donnée à identité variable, ce truc-là, je crois.....
Écrit par : anne des ocreries | 21/01/2011
En y réfléchissant et en me souvenant de mes années passées en maternité me reviennent le souvenir des mères "mortifères" prises par la mélancolie le bébé se débattait pour amorcer quelque chose de l'attachement puis se laissait aller lui aussi vaincu et sans désir...
Écrit par : laurence | 21/01/2011
Bien dense et ciselé ce texte, je trouve, Dame Blue, telle une flèche affutée sur le fil ténu de l'arbre à lettres, une visée assurée s'alignant sur la trajectoire invisible et juste, posture du centaure féminin décochant en plein centre des phrasédemots.
Joli !
Après larme à l'oeil, l'arme à lettres...
oui, ca va mieux, ou juste accalmie ?
:-)
Écrit par : laure K. | 21/01/2011
violence là où ne devrait-être que murmures affleurements odeurs.
Non courbé la tête contre un mur sans crier à trois dessus.
Écrit par : le bourdon masqué | 21/01/2011
Comment se nomme cette auteure? Tôt ou tard, faudra bien retenir.
Écrit par : MakesmewonderHum! | 21/01/2011
Sublime victoire d'Eros que ton texte! Il signe ta libération définitive des scories mortifères des culpabilisations dans lesquelles on a voulu te pétrifier; c'est pour cela que jusqu'à ton écriture, il y a , je trouve et sens, un sublime épanouissement et une surrection sémantique et stylistique libre et splendidement sûre d'elle. Protège bien ces beaux écrits que tu nous offres et fais-en, tels quels, une sorte d'Essais fort utiles pour toutes les générations pour les convaincre qu'une vie valable est celle qui est désirante!
Écrit par : Mokhtar EL Amraoui | 21/01/2011
@ sol-eille:
Bienvenue ici!
Écrit par : helenablue | 23/01/2011
@ anne des ocreries:
probable, pour moi longtemps ça n'a pas eu de consistance alors je ne peux t'en dire plus, mais dans une dizaine d'années on pourra en reparler!
Écrit par : helenablue | 23/01/2011
@ laurence:
c'est triste... une bien triste réalité!
Écrit par : helenablue | 23/01/2011
@ laure:
va savoir!
merci pour tes beaux mots mon amie!
Et à tout bientôt.
Bises
Blue
Écrit par : helenablue | 23/01/2011
@ Mokhtar:
Merci, merci cher poète de tes encouragements et de ta fidélité précieuse!
Sublime victoire d'Eros! Oui!
Il me reste encore du chemin à faire...
Mais je m'y attelle, dur comme fer!
Écrit par : helenablue | 23/01/2011
@ MmwH!:
:-)
Écrit par : helenablue | 23/01/2011
Ton texte est très beau.
Très :-)
Écrit par : Venise | 24/01/2011
Un rythme, une cadence, comme un tourbillon plein d'énergie, une eau tumultueuse dans laquelle s'entrechoquent mille cailloux, mille diamants, comme des aimants aux pôles différents qui semblent se refuser les uns aux autres, mais qui, en fait, s'attirent dans un mariage si particulier...
gr kissous ma belle et merci pour ce que tu sais....
Amélie
Écrit par : amelie | 26/01/2011
@ amelie:
merci à toi pour ce que tu sais aussi...
à bientôt sans doute!
Kiss
Blue
Écrit par : helenablue | 26/01/2011
@ Venise:
Merci!
:-)
Écrit par : helenablue | 26/01/2011
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