20/09/2012
Le Voyage
Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :
Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.
Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom.
- Charles Baudelaire -
10:17 Publié dans état d'âme, poésie, Voyage | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pésie, charles baudelaire, voyage, état d'âme, espace, changement, partage, humain
Commentaires
un chant de marin...
Écrit par : Laure K. | 20/09/2012
Vraiment, c'est pas loin d'être mon poète préféré.....
Écrit par : anne des ocreries | 21/09/2012
je doute que les conscrits rêvent au canon ...si ce n'est celui de rouge.
Écrit par : manouche | 21/09/2012
Les commentaires sont fermés.