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18/11/2014

Trop sensible

 

 

On pense toujours qu’on a réussi à cautériser ses anciennes blessures, on se dit que c’est bon, que la résilience est faite et que tout cela n’est plus qu’un vieux mauvais souvenir. C’est vrai, en partie. Parce que même si la mémoire fait le tri, même si je ne pense pas tous les jours à ce qui s’est passé, Dieu soit loué, même si je sais en conscience que j’ai pu m’extirper de toute cette histoire qui est mienne et que j’ai pu tout de même conduire ma vie pour en être où je suis, je dois bien reconnaître que je suis rattrapée, parfois, par mon petit cœur altéré, ce petit cœur de la petite fille que j’ai été ou que je n’ai pas pu être. Ce matin, en visionnant cette courte vidéo qu’a entrepris ce papa de sa fille pendant ses quatorze premières années, j’ai pleuré. Pleurer ne m’est pas étranger, bien au contraire, je me demande d’ailleurs toujours comme le corps fait pour toujours fabriquer encore et encore des larmes alors que j’ai tellement eu souvent l’impression d’avoir épuisé mon quota, là, ça n’était pas des larmes ordinaires, elles étaient plus salées, plus difficiles à tomber, plus intérieures je dirais, plus profondes, des larmes qui venaient de loin, des sortes de larmes de rage mêlée de tendresse, des larmes anciennes. Quoiqu’il en soit, et quoi que je veuille, je ne pourrais pas changer ce passé compresseur et assassin mais je peux continuer, continuer à me battre pour plus d’humanité et continuer à croire en la capacité qu’à l’être humain a devenir meilleur. Désolée, il fallait que ça sorte par les mots, il fallait que j’en parle, je serais toujours, à vie, trop sensible, c’est certain !

 

 

18/04/2014

Oye-Plage

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- Photo Dominique Hasselmann -

 

 

Quand mon ami Dominique m’a envoyé cette photo de la plage d’Oye, une flopée de souvenirs pas trop tendres m’est revenue. Nous y allions souvent avec papa, maman. Papa avait un couple de vieils oncles qui y avait une petite bicoque. Comment s’appelaient-ils déjà ?

Francis et Georges, je crois. Oui, c’est ça. Francis et Georges. Deux vieux garçons qui avaient été ostracisés par la famille toute entière parce qu’ils étaient homosexuels. Deux hommes charmants que maman tentait de remettre dans le droit chemin. A l’époque, elle s’occupait de mettre en relation des hommes et des femmes pour qu’ils construisent un couple, elle était une sorte de conseillère matrimoniale. Elle n’était pas à une aberration près, ma mère !

Cet été-là, elle s’était mis en tête de présenter Françoise et Jacqueline, deux vieilles filles de son village d’enfance, à Georges et Francis qui avaient déjà l’un et l’autre au moins plus de cinquante ans. L’ambiance était tendue. Je devais avoir onze ans. Je ne comprenais pas à l’époque ce qui se passait, pour moi c’était étrange. J’avais toujours connu mes deux grands oncles ensemble, blaguant, cuisinant, et nous racontant toutes sortes d’histoires drôles. C’était des bons vivants.

Ces quinze jours furent pesants. On aurait dit que personne n’était à sa place, et maman était d’un miel effarant, minaudant, poussant ses deux ouailles dans les bras de ces messieurs en leur faisant bien comprendre l’intérêt qu’ils auraient aux yeux de la famille à rentrer dans le rang.

Je n’aimais pas ce qui se passait, je sentais la fausseté et surtout la grande tristesse de cette idée et de son devenir. Parce qu’à ma grande surprise, elle est arrivée à ses fins et Georges finit sa vie avec Françoise et Francis avec Jacqueline. Je n’ai plus jamais vu mes grands oncles sourire depuis. L’un et l’autre ont dépéri à petit feu. Paix à leurs âmes.

 

Oye-plage reste pour moi, l’endroit du contre-nature, de l’anti-bonheur. Et si pendant des années cette plage fut pour moi un endroit de liberté sauvage où je pouvait courir jusqu’à m’effondrer la tête dans le sable, où je pouvais chanter à tue-tête : « l’amour est enfant de bohème » et où nous faisions avec mon petit frère des châteaux de sable étourdissants, elle perdit d’un seul coup toute sa superbe après cette quinzaine estivale qui m’a tourmentée longtemps sur la nature des sentiments.

 

 

15/06/2011

Une extraordinaire journée ordinaire (soir)

"Tu m'as dit que j'étais faite pour une drôle de vie
J'ai des idées dans la tête et je fais ce que j'ai envie
Je t'emmène faire le tour de ma drôle de vie
Je te verrais tous les jours...

Si je te pose des questions,
Qu'est-ce que tu diras?
Et si je te réponds,
Qu'est-ce que tu diras?
Si on parle d'amour,
Qu'est-ce que tu diras ?

Si je sais que tu mènes la vie que tu aimes au fond de moi,
Me donne tous tes emblèmes, me touche quand même du bout de ses doigts,
Même si tu as des problèmes, tu sais que je t'aime, ça t'aidera,
Laisse les autres totems, tes drôles de poèmes, et viens avec moi

On est partis tous les deux pour une drôle de vie
On est toujours amoureux et on fait ce qu'on a envie
Tu as sûrement fait le tour de ma drôle de vie
Je te demanderai toujours...

Si je te pose des questions,
Qu'est-ce que tu diras?
Et si je te réponds,
Qu'est-ce que tu diras?
Si on parle d'amour,
Qu'est-ce que tu diras ?

Si je sais que tu mènes la vie que tu aimes au fond de moi,
Me donne tous tes emblèmes, me touche quand même du bout de ses doigts,
Même si tu as des problèmes, tu sais que je t'aime, ça t'aidera,
Laisse les autres totems, tes drôles de poèmes, et viens avec moi..."
 
 
 
 
A tue-tête, en boucle, c'est à dire trois ou quatre fois de chez moi à la boutique, j'ai entonné la chanson de Sanson, ça me détend le zygomatique! D'ailleurs à un moment, tellement absorbée par ma star-ac personelle en BM, je n'ai pas remarqué que je suivais un car blanc et bleu de flics. Le policier à l'arrière riait à gorge déployée de me voir ainsi, comme une midinette, chanter sans me soucier du monde extérieur. Il m'a fait un petit signe. J'ai juste répondu par un mouvement de tête, encore plus à mon affaire!
 
14h 14, encore en retard! Si ton père te voyait, ma pauvre vieille, il en ferait direct une apoplexie!
On dit que les chats font pas des chiens, c'est vrai, mais les chiens eux, peuvent sans rien y comprendre mettre au monde une chatte de mon acabit!
 
J'y suis, j'y reste. J'en ai pour toute l'après-midi.
Les coups de fil pleuvent, as usual, fournisseurs, banquiers, vendeurs d'idées, résolveurs de problèmes même ceux que tu n'as pas, empêcheurs de tourner en rond, pauvres personnes n'ayant trouver que le phoning en dernière option, personnages étranges qui tentent de te vendre du papier hygiénique fabriqué par des handicapés, clubs de golf qui te propose de les sponsoriser, jeunes filles n'alignant pas un mot de français cherchant un stage dans la vente, et ouf, au milieu de tout ça une voix amie!
On arrive à 16 heures comme pour rire! Et toujours rien de concret. Rien à se mettre sous la dent.
 
Parfois les silences sont denses.
 
Heureusement, alors Blue vient à ma rescousse et me tient du bout des doigts. C'est tellement suffoquant d'être là à attendre, à ne pas savoir par quel bout prendre les choses, à ne pas pouvoir agir. Faut un certain cran, une patience infinie et une bonne dose de goût du risque et de l'improbable pour faire ce genre de métier, parole!
 
Comme quand Elle entre ici.
 
Elle, c'est Angélica, elle déploie tellement ses ailes qu'on dirait qu'il n'y a qu'elle! Une belle plante, superbe même. Argentine, cheveux de jais, regard noir cuisant, des bagues deux fois plus grosses que les miennes, ongles noirs, pieds d'albâtre, elle est peintre. Pendant longtemps j'en ai eu une peur bleue, vraiment, viscéralement, tant elle décoiffe, femelle et animale. Et puis avec le temps, sans doute par ma manière d'être attentive et dans le non-jugement mais plus encore parce que tout comme moi elle dévore les livres et qu'elle a une sorte de vénération pour Sarah et Frida, nous sommes devenues plus complices et plus civilisées l'une envers l'autre, surtout elle vis à vis de moi.
 
Je lui ai fait découvrir Mistral.
 
- Ton québécois, quel souffle! Pourquoi me l'as-tu caché si longtemps!
- C'est mon affaire.
- J'ai lu Vamp, j'ai lu Valium, non  mais Valium, tu te rends compte quand même!
- Quoi?
- C'est énorme!
- Me semble te l'avoir dit... Rien sur Vautour?
- Ah! Là! J'ai été transportée, et tu dis connaître cet homme là?
- Oui. Je le dis.
 
Je garde, que Christian me pardonne, suffisamment floue notre relation si particulière, parce que telle que je perçois la personne, affamée, insatiable, je n'ai pas envie vraiment qu'elle vienne sonner demain à la porte du Bunker et qu'elle le mette en pièce! Le Bunker, j'entends!
Aujourd'hui, j'avais pour elle la robe qui lui fallait, THE dress! Fourreau, en soie moulante d'un vert de gris couleur de son fard à paupière, longue jusque plus que par terre, échancrée, décolletée, sans manche, le genre qui me fait moi aussi succomber tant elle est féminissime. Elle l'a essayée et adoptée.
Quand elle est sortie de la boutique avec son "Ciao" guttural, je me suis sentie seule au monde, il y avait comme un grand vide. 
 
Alors j'ai repris ma navigation sur mes blogs amis, et j'ai entrepris de répondre sur le mien! Pour moi ce blog fût plus que salvateur, une manière unique de m'évader, une manière unique de communiquer de ma prison dorée... J'avais tellement soif d'ailleurs et tellement besoin d'entreprendre.
Entreprendre, c'est toute ma vie.
 
Tiens, un groupe de copines qui se baladent entre elles, et qui font les boutiques comme d'autres les musées. " Pour le plaisir des yeux", qu'elles disent. Soit. Parfois j'ai envie de dire:" N'oubliez pas le guide!", mais bon, j'ai bien conscience que ça serait déplacé! Et puis c'est de bonne guerre, partager c'est aussi dans ma carte du monde, je ne peux pas m'en empêcher!
L'heure tourne, inexorablement. Je pense au dîner de ce soir, à ce que je vais faire pour nourrir tous ces hommes qui vivent avec moi. J'opte pour des pâtes aux fruits de mer et j'évalue vite fait dans ma tête si j'ai bien tous les ingrédients nécessaires. Me manque juste l'ail, Au Soleil d'Agadir, ouvert jusqu'à pas d'heure, comme les dépanneurs, je devrais bien pouvoir trouver ça. J'y ferai une halte avant de rentrer chez moi.
 
Oups! Voilà  une dame comme je les aime. Elle se plante devant moi et le dit, droit dans les yeux:
 
- Relookez-moi! Je veux tout changer! Tout! Il n'y a rien qui va.
- Ah?
- Plus rien de rien!
- N'exagérons pas.
- Ah?
- Tout changer est une vue de l'esprit, si je vous emmène à l'autre bout du spectre, vous n'allez pas vous retrouver et ça n'est pas ce qu'il faut faire. Que vous ayez envie de changement, d'autre chose, d'un nouveau regard sur vous, je le comprends parfaitement mais de là à tout balayer d'un revers dans un caprice insensé, c'est une erreur, je vous assure. Les vrais changements se font progressivement, petit à petit, en douceur. Pas de panique, pas de violence et pas de coup de barre d'un coup. Step by step.
- C'est vrai, vous avez raison, que me conseillez-vous alors?
- D'essayer, d'essayer tout ce qui vous passe par la tête, tout ce qui vous plaît dans le magasin, tout ce que vous n'avez jamais osé mettre, et tout ce que vous pensez pas normalement fait pour vous. Ensuite, si vous voulez, je vous ferais quelques suggestions, infimes, de vêtements qui me semblent pouvoir vous aller, fonction de votre stature et de votre personnalité.
- Ok.
 
Deux heures d'essayage, tout y est passé. On en a rit aux larmes parce que parfois c'était pas franchement joli, joli à regarder et finalement elle a trouvé par elle-même une jupe et un top lui allant à merveille. J'ai juste rajouté un collier, pièce unique, en pâte de verre et bronze qui finissait à la perfection, enfin presque, la tenue qu'elle s'était choisie. Encore une heureuse. Deux, en fait.
 
Tout le monde ferme autour, c'est qu'il doit être l'heure. Toujours en retard le matin mais toujours la dernière à fermer. Je ne sais pas plus ouvrir à l'heure que clore dans les temps! J'aime bien d'ailleurs ce moment étonnant où on est entre la vie du jour et la vie de nuit parce qu'alors la rue change. Les bars prennent le relais, l'ambiance n'est plus la même, et le public d'un coup rajeunit! L'heure où je m'encanaille... Dans la tête! Après je retrouve ma marmaille et mon rôle inépuisable de mère et d'amante. Je ferme le rideau, réamorçe l'alarme, enfouis mon habit de lumière sous un grand manteau noir, reprends encore une fois le volant et retourne chez moi avec encore en tête que vraiment j'étais faîte pour une drôle de vie. Celle-ci.
 
 
 

14/06/2011

Une extraordinaire journée ordinaire (matin)

Je me lève sous les coups de six heures du matin si bien sûr la veille je ne me suis pas couchée trop tard accaparée par un enième film policier qui fait ma joie, avalée toute crue par un roman ou complètement absorbée dans une discussion outre-atlantique qui avive mes neurones, exacerbe mon excitation littéraire et touche mon coeur avide de mots tendres. Souvent complètement défaîte, les cheveux en bataille, un peu collés par l'application la veille d'une crème à l'amande douce pour nourrir des pointes trop sèches et malmenées par des brushings répétés que j'ai depuis quelques temps d'ailleurs stoppés nets suivant les bons conseils de ma coiffeuse préférée, Carole, qui en plus d'être particulièrement douée dans son domaine est une femme délicieuse, généreuse et prolixe. Je l'apprécie beaucoup. Chez le coiffeur je n'aime pas parler, avec elle, c'est simple, suffit de l'écouter. Moulée dans son cuir slim délavé, hissée sur des compensés vertigineux stylés, toujours une ou deux bagues têtes de mort au doigts finis d'un vernis craquelé aux couleurs indéfinissables, le regard pétillant et la bouche framboise écrasée assortie à quelques mèches éparses de même tonalité dans une chevelure brune coupée à la garçonne, elle me raconte sa vie, les problèmes récurents qu'elle a avec son fils adolescent et les déboires créatifs de sa fille. Elle me parle aussi fréquemment de ses peines de coeur qui la tourmentent n'ayant comme elle le dit plus vingt ans et ne supportant pas l'idée de vivre seule, craignant par dessus-tout de vieillir esseulée, oubliée et perdue. C'est vraiment quelque chose qui la perturbe au plus haut point. Au début je tentais vainement de la persuader que cela ne pouvait pas arriver, par gentillesse, par courtoisie; finalement j'ai compris que c'était peine perdue et qu'il valait mieux que je la laisse se plaindre sans tenter de la dissuader, j'ai comme le sentiment qu'elle se nourrit vraiment de cette crainte et que c'est ce qui lui donne le ressort d'encore être sur le pont comme elle le fait, inlassable et intarissable.
 
Dans mon vieux peignoir taupe ou dans le déshabillé de soie bronze acheté sur la cinquième avenue, je tente de trouver doucement mes marques et tout en me vidant la vessie, encore dans les limbes, je me remémore les rêves que je viens de faire. C'est devenu un réflexe avec le temps, ça se fait automatiquement. Je passe voir vite fait si je n'ai pas un mail ou deux et qu'elle a été l'agitation nocturne sur mon Helenablue. Si rien ne s'est passé d'un côté comme de l'autre, je suis un peu déçue mais s'il y a matière, je réponds illico ou alors je laisse mûrir le sourire aux lèvres. J'enfile un demi-litre d'eau minérale que j'ai toujours à portée de main près de mon bureau et retourne me coucher. C'est alors le moment que je préfère dans mon début de matinée, celui où à moitié entre éveil et sommeil, je laisse mon esprit divaguer, un moment privilégié et d'extrême importance pour moi, si par malheur je ne peux m'offrir cette parenthèse je suis toute la journée d'humeur de cochon noir et c'est pas beau à voir!
 
Au deuxième réveil, les choses se compliquent parce que je suis à la bourre étant donné que je tire au maximum du possible les minutes, me disant en regardant le réveil une fois vers 9 heures," bon j'ai encore le temps", puis vingt cinq minutes après," allez encore cinq minutes", évidemment dix heures arrivent comme pour rire et là branle bas de combat, c'est la course. Comment être dans son lit en nuisette à dix heures et en habit de lumière à 10h30 à l'autre bout de la ville pour ouvrir dans les temps la boutique qui m'attend! Évidemment c'est impossible, mais toujours je le tente. Me lève d'un bon, cours à la cuisine, bois un grand bol de thé vert ou d'Earl Grey suivant la saison, grignote un tartine de pain complet, remonte à la salle de bains, me débarbouille la face avec une mousse nettoyante à tout faire, yeux y compris, plus que nécessaire car parfois la veille dans une sorte de flegme incommensurable j'oublie de me démaquiller et le lendemain c'est un véritable désastre même si je n'abuse pas de fond de teint ni de cache-misère en quantité excessive.
 
Je me pose, il n'y a pas le feu au lac, je reprends mon souffle. Et je fais quelques extensions musculaires comme une chatte quand elle s'offre au soleil, je m'étire de tout mon long et énergiquement je m'attaque à ma tignasse, je brosse dur la tête en bas, et de nouveau massivement la tête haute. Je passe à l'étape suivante, depuis que Stella est passée par là avec ses conseils de maquillage ayant obtenu de moi une promesse de tous les jours le faire quand je vais travailler, je m'applique et suit ses directives en bonne élève que j'ai toujours été. Je peigne délicatement mes sourcils avant de les assombrir et les redessiner légèrement d'un trait de crayon ton sur ton, c'est pas grand chose mais d'un coup le regard s'agrandit. Avec un pinceau plat à poils courts et doux, je dépose un fard à paupières terracota et je lisse du doigt pour faire la banane, juste en dessous de l'arcade sourcilière, ça ouvre encore un peu plus le fameux regard et pour couronner le tout je passe la mascara ébène qui donne définitivement à l'ensemble une présence étonnante.
 
Avant de m'être occupée des yeux, je me suis faite comme dirait mon amie stellaire une belle peau! Je m'enduis la face d'une crème hydratante aux parfums subtils et délassants et puis je fais fondre au creux de la paume une base de teint en correspondance totale avec la teinte beige de ma peau de blonde et je m'applique à étaler de façon uniforme sur toute la surface du visage ce qui me donne d'un coup une mine renouvelée et un éclat encourageant un début de journée. Un coup de poudre légère comme l'air pour les dernières petites imperfections qui traînent et deux coups de pinceaux rose judicieux sur le haut des pommettes, j'ai spontanément l'air d'une jeune fille en fleur. J'estompe vite du bout des doigts, le mot d'ordre étant " faut pas que ça se voit!". Je termine par la bouche, là je me délecte, c'est vraiment le geste que je préfère, sensuel. J'ourle avec le bâton crémeux la lèvre supérieure et puis je termine celle du bas finissant de poser le brun rosé tendre. Un dernier coup d'oeil dans le miroir, hop, hop, le déodorant anti-transpir absolu sous les aisselles, je cours à la chambre car là je suis limite dans l'horaire et je m'habille à la hâte avec ce qui me tombe sous la main.
 
Dans les bons jours, c'est réussi, je mets naturellement ce à quoi je désire ressembler, d'autre matins c'est la vraie galère, d'un coup je me trouve bien dans rien, nulle, moche, pas présentable et je peste et je rage, aujourdhui, joker! C'est une bonne matinée! Ouf! Des dessous assortis, noirs, un pantalon sarouel, noir, un joli top déstructuré au décolleté suggérant, noir et mes sandales fétiches du moment, drapées à boucle d'un doré passé, noires. Mes bracelets habituels et ma grosse bagouze sans laquelle je me sens nue, il ne me reste plus qu'a courir. J'attrape mon blouson de cuir, noir lui aussi et je stoppe net. J'ai oublié quelque chose quelque part dans ce rituel! Diable qu'est-ce que cela peut-il être? Je perds de précieuses secondes à y réfléchir et puis " euréka! " ça me revient! je ne me suis pas parfumée, ça, c'est rédibitoire! Hop, je m'asperge d'un geste ample toute entière de la tête au pied de cette fragrance fétiche et là je suis fin prête à aborder la journée.
 
Je saute dans ma voiture aussi noire que tout le reste, je sais, je sais, ça fait beaucoup de noir, black is black, pas sombre, pas obscur, pas triste comme peuvent l'être les idées, ni hostile comme certains regards, rien de mélancolique, ni occulte, ni d'un autre continent, juste noir de chez noir, une sorte d'élégance abstractive à la Soulages et je me mets en route la musique à fond, la fenêtre ouverte, les cheveux au vent. Comme à mon habitude j'arrive à la boutique complétement décoiffée, parraît que ça fait mon charme... et une fois garée, j'ouvre en retard d'un bon quart d'heure ma grille, je désamorçe l'alarme, j'allume les feux de la rampe, j'installe la liste de lecture musicale qui sied à mon humeur du moment. J'en ai plusieurs. Musique brésilienne, musique et vocals jazz, musique classique, musiques du monde et celle que je préfère, la liste Blue que m'a concoctée mon homme avec un mélange choisi des chansons, morceaux, solos que je préfère. Un régal. J'allume l'ordinateur, je passe l'aspirateur, arrange un peu les choses et ma chevelure et je prends possession de ce lieu que je connais plus que par coeur ainsi que du rôle que je vais jouer maintenant pour les huit heures à venir...
 
 

13/08/2010

demande d'amis

Maman m’a fait sa demande d'amis sur ma page facebook, non pas que j’y aille vraiment assidûment mais c’est comme ici un espace d’un peu de moi, en première réaction j’ai déconnecté mon compte, une réaction reflexe face à ce que j’ai d’abord vécu comme un effet boomerang, me revenait alors des images que j’ai mis longtemps à comprendre et à digérer d’elle lisant mes courriers et mes journaux intimes, ce qu’elle faisait en toute impunité. Et puis j’ai réfléchi, j’ai refusé sa demande, j’ai écrit ceci qu’elle lira un jour peut-être si cela doit se faire, et j’ai reconnecté mon compte et retrouvé mes amis.

 

Le plus terrible dans l’inceste c’est l’absence de frontières, ton corps d’enfant ne t’appartient pas et n’est pas identifié comme tel, pas validé; ton âme toute neuve et friande d’apprendre et d’éprouver n’est qu’un jouet dont se servent à loisir les personnes de référence sachant bien qu’il te faut l’affect pour être en vie; tu ne sais où tu es tu ne sais qui tu es tu n’as aucune conscience de ta géographie, au fond bien malgré toi tu n’existes pas toi-même et longtemps tu traînes cette marque aux fers ancrée au plus profond du profond de ta chair.

Tu n’as pas d’intime tu n’as pas de chez toi tu es à tous et à toutes et du coup à personne, mais plus tard tu grandis tu cherches tu construis un radeau qui t’emporte plus loin vers d’autres rives vers cette voie enfin qui te donne naissance et tu t’offres à toi-même ce qu’on a toujours refusé, du respect de l’amour de la reconnaissance et plus que tout tu fuis d’un réflexe viscéral toute forme d’ingérence de violence d’injustice quel que soit l’habit dont elles se parent souvent.

Il reste bien sûr toujours latentes les cicatrices que les protagonistes peuvent réveiller facile même si tu te protèges depuis ton édifice il reste que tu le veuilles ou non au fond de tes entrailles cette filiation ce lien cette demande affective.

Quand elle a voulu franchir la ligne de cette frontière construite avec le temps de bouts de mes neurones et de chaque particule de ma peau de mon sang de mes tripes de femme mûre de mère et d’amante, elle a bien failli une fois de plus m’atteindre et j’ai dans un sursaut refermé la coquille pour mieux me retrouver et une fois de plus faire face. Elle a toujours été la pieuvre dominante, la mère maquerelle offrant ses enfants en pâture, elle n’en sait même rien elle–même mais continue, pourquoi  diable ferait-elle autrement ce qu’elle a toujours fait, inlassablement elle ignore la vérité de ceux qu’elle a engendrés de ceux qu’elle a mis au monde et cruellement continue de payer sur l’autel de l’immonde son tribut à la grande névrose familiale dont elle est le pion maître.

Je n’ai plus à me battre  maintenant je suis mienne mais j’ai encore au fond de ces peurs ancestrales qui m’inhibent et me freinent, me tétanisent même bien plus que je ne veux l’admettre et le croire. Alors j’écris, j’écris et j’écrirai encore jusqu’au bout de mes nuits jusqu’au bout de ma vie pour ne pas perdre tout ce que j’ai repris ne pas oublier tout ce que j’ai appris ne pas revenir ne pas retremper ne pas re goûter à l’amer et surtout ne pas attendre un quelconque geste vers celle que je suis. Leur monde sans frontière est un monde sans cadre un monde sans amour un monde sans espoir un monde où l’individu na pas de place car il est à tous et jamais à lui-même.

Non, maman, je ne peux t’accepter dans ma liste d’amis, elle n’est pas très longue mais elle est toute ma vie et tu ne peux avoir une place au milieu de celle-ci tu ne peux avoir une place au milieu de ceux que j’aime de ceux que je respecte de ceux que je découvre de ceux avec qui je peux être moi-même, toi, tu es ailleurs dans ma carte du monde, dans un endroit clos où parfois je passe quand j’en ai la force ou le désir brûlant d’avoir des réponses et de donner un sens et d’espérer encore malgré toutes ces années un peu de ta tendresse même si au fond je sais qu’elle est empoisonnée.

Il est long le chemin pour se désintoxiquer pour se défaire d’une drogue à laquelle on s’est nourri pendant de longues années, long le chemin pour se permettre d’être et de dire ce qui doit être dit et de dire sa propre vérité. Je m’y emploie chaque jour en espérant que ce soit le dernier tout en sachant que je ne peux baisser la garde, chaque jour à séparer le bon grain de l’ivraie, chaque jour pour devenir un petit peu plus humaine, un petit peu plus vraie.

Tu as fait du mieux que tu as pu, je n’en ai aucun doute, mais arrête-toi là et laisse-moi donc vivre tranquille entourée des miens et de ceux avec qui je partage l’essentiel l’affectif le réel. Je te refuse, maman dans ma liste d’amis, je refuse à nouveau de rentrer dans ton monde dans cette vision que tu as de l’Amour, et dans cette vision que tu as du Pardon dans cette vision mortifère et mortificatoire que tu as de la Vie.

Que viens-tu donc chercher dans les pages de la mienne, restons-en là veux-tu chacun à sa frontière avec ces quelques moments d’échange à la longue cuillère, c’est tout ce que je peux t’offrir pour le moment, c’est le mieux dans l’instant que je puisse faire pour celle que je suis devenue, pour cette petite fille qui vibre au fond de moi et qui compte sur mon aide, pour celle qui est loin de celle que tu voudrais que je sois ou que tu penses encore à force de cécité que je semblais être.

Le plus terrible dans l‘inceste c’est l’absence des repères, ceux qui doivent te protéger t’agressent, ceux qui doivent t’apprendre te détruisent ceux qui doivent t’aimer t’utilisent ceux qui doivent te respecter t’abîment ceux qui doivent te donner vie et confiance te tuent.

Le plus terrible du plus terrible c’est qu’ils n’en savent rien, qu’ils ne s’en rendent pas compte n’étant pas eux-mêmes maîtres d’eux-mêmes manipulés par leur propre destin. C’est une histoire sans fin si on n’en coupe pas la chaîne, c’est une histoire sans fin sans frontières sans repères sans cadre sans plan, un roman de misère où les victimes les morts les bourreaux les parents sont finalement tous des enfants en souffrance, mais c’est toujours celui qui arrive le dernier qui prend en charge tout ce que les autres n’ont pas pu voir pas pu entendre pas pu ressentir pas pu exprimer.

Voilà, maman ce que j’avais à te dire et pourquoi je te garde à une certaine distance, nous ne pouvons faire ce chemin ensemble que si enfin tu comprends que cette frontière m’est nécessaire, car comme tu ne le sais pas elle me protège de ta folie que tu as faite mienne, elle me protège de la mort de celle que je suis.

 


15/07/2010

lettre à ma mère

Maman,

 

Les années passent et je ne peux toujours pas t'appeler chère maman, je crains d'ailleurs que cela me reste impossible à mon grand regret.

Je t'ai haï, maman, j'ai haï te haïr, j'ai même eu très peur d'éprouver cette émotion avec autant d'intensité, de violence, d'évidence aussi. J'ai eu très peur de devenir monstrueuse et meurtrière tant la puissance de feu de ce sentiment nouveau pour moi à l'époque, il y a de ça plus de dix ans maintenant, m'a terrassée et m'a crucifiée de douleur.

Nous avions pas mal de différents et ça depuis un moment, ça faisait pas mal de temps qu'on ne pouvait plus se parler ni s'entendre ni même s'approcher tant la blessure était grande. Tu n'as jamais supporté cette vérité qui est la mienne, tu ne le peux davantage aujourd'hui mais cela n'a plus la même importance dorénavant, j'ai fait ce que j'avais à faire pour sauver ma peau et celle de mes fils, devenir ma propre mère; néanmoins je ne peux m'empêcher de penser souvent à ce moment précis de ma vie, ce moment où j'ai finalement tué ma mère, tué ma maman idéalisée, tué celle que j'aurais voulu et eu besoin que tu sois, ce jour où j'ai fait sauter pour de bon ce verrou "amnésiant" et aliénant qui aurait pu me rendre vraiment folle pour de bon, ce moment précis de ma vie où j'ai hurlé et craché du fond de mes entrailles: " maman je te hais". J'ai vraiment eu peur des mots, moi qui ne les craignais guère, peur de leur intensité peur de leur influence peur de la vérité de l'horreur dans laquelle tu m'avais plongé depuis ma naissance.

Maintenant je l'ai bu jusqu'à la lie cette haine, j'ai même compris qu'elle pouvait revêtir les mêmes atours que l'amour, s'infiltrer dans les mêmes voies les mêmes canaux, "l'ahour" devrais-je dire, car après l'avoir ressenti si profondément dans toutes les fibres et méandres de mon être, elle s'en est allée pour faire place au véritable amour, pas pour toi maman, cela me sera toujours probablement difficile j'éprouve à ton égard plutôt une sorte de compassion, non, je te parle de l'amour tout court, l'amour de la vie, l'amour de l'amour, l'amour de l'art, l'amour de l'autre, de mon corps, de mon sexe, de la femme que je suis devenue, l'amour de l'homme, du masculin, de l'alter ego et l'amour de mes enfants, l'amour de mes enfants de la maternité de la famille. Car vois-tu, ce qu'il y a de plus douloureux pour moi et qui le reste encore, ce n'est pas tant que tu n'aies jamais pu m'aimer que celui que tu ne m'aies pas permis de le faire.

J'ai bien essayé d'y tendre, oh oui, de toute la force dont j'étais capable, je me suis écartelée jusqu'au presque point de rupture pour éprouver exprimer partager cet amour auquel je n'avais pas accès, et ça n'est qu'en le découvrant, qu'en débloquant la source en déverrouillant le passage que j'ai mesuré à quel point j'étais loin de la réalité.

Vivre l'amour est bien plus intense bien plus stupéfiant de beauté et de simplicité, bien plus nourissant que ce que je n'imaginais.

Tard, mais pas trop tard je l'espère, quoique certains jours j'en doute et que cela me désespère, tard mais pas trop tard j'ai pu l'offrir en cascade à mes fils déjà grands et qui me l'ont rendu au centuple eux-mêmes soulagés de cette libération tant attendue.

Si tu savais, maman, à quel point tout cela endommage, à quel point tout cela t'a toi-même endommagée et à quel point on renoue avec soi-même en explorant ce chemin de la vérité et de l'épreuve, ce chemin que tu as toujours redouté et comme je peux le comprendre, tu t'autoriserais à ton tour cette haine en amont, qui, une fois sortie de soi ouvre la porte à la vie même dans toute sa quintessence.

Take care, maman.

Ta fille