Francis Bacon naît en Irlande de parents anglais. Enfant maladif, il est durement traité par son père et connaît une grave crise lorsqu’il révèle à sa famille son homosexualité. Il part pour Berlin et Paris, où il vit la bohème artistique des années folles, puis s’installe à Londres et peint ses premières toiles sous l’influence de Picasso et des surréalistes. Il peint pendant la guerre un triptyque, Trois Etudes pour des figures au bas de la croix (1944), où se trouve déjà l’animalité terrifiante de ses toiles ultérieures. Plus tard, il détruira une grande partie des œuvres exécutées avant 1944. Le travail de Bacon n’est réellement reconnu qu’après la Seconde Guerre mondiale : ses œuvres provoquent des réactions extrêmes, souvent d’intense répulsion, tant elles sont violentes et expressives. La figure humaine y est isolée dans un environnement neutre, disloquée, amputée, contorsionnée, comme torturée, parfois enfermée dans une cage, elle peut être associée à un bœuf écorché (référence à Rembrandt), ou figurée hurlant comme dans la série d’études d’après le Portrait du pape Innocent X de Vélasquez. Dans lesannées 1960, Bacon peint plusieurs triptyques emblématiques, dont Trois Figures dans une pièce (1964). Après le suicide de son compagnon George Dyer en 1971, l’artiste réalise trois triptyques où il décrit de manière obsessionnelle la scène du drame ; il peint également de nombreux autoportraits. Largement influencé par l’art classique, Bacon bâtit une œuvre violente et déchirante, triturant la figure humaine qu’il peignit pourtant exclusivement, sans jamais chercher l’abstraction chère à son époque.
"La Tate Britain consacre une rétrospective saisissante au peintre irlandais.
Un jeune artiste, fougueux et frondeur, et un maître ancien, coloriste virtuose, architecte de la composition et du mouvement captif. Un homme d’une sensibilité de fleur et un sauvage des îles qui dévore son prochain ."
Bacon disait volontiers qu'il ne comprenait pas pourquoi les gens trouvaient ses toiles violentes, que pour lui la vie était tellement plus violente. Il se définissait comme un " optimiste désespéré ".
Sa joie d'être en vie, la formidable acuité de sa perception du monde et des autres s'imposaient, en dépit de l'âge, de la maladie, de la douleur d'être. Il avait côtoyé la mort psychique, avait ressenti l'insoutenable viol de l'enfance, la honteuse chiennerie humaine. D'autres ne s'en seraient pas remis. Lui il travailla, s'arrêta, douta, recommenca, s'obstina," serra sa chance ".
Alors voilà , je me suis retrouvée là , pour moi c'était trés important de voir cette exposition de Françis Bacon . Il ya quelques années j'avais découvert Bacon à Beaubourg , une belle rétrospective d'ailleurs ; et cela m'avait fait un effet des plus impressionnant , je me suis évanouie , je crois devant le cinquiéme tableau tant l'émotion était forte , comme si il me parlait à l'intérieur de moi , ce coup de foudre m'a térassée !!
Evidemment , une femme qui perd ainsi conscience devant des tableaux , cela étonne ! mais c'est ainsi ! je me suis remise de mes émotions et j'ai fini l'exposition achevée , mais l'âme en allégresse , oui , je pouvais donc avoir accés à cette partie de moi , qui m'était jusque là inaccessible ! Lui , il avait réussi avec sa peinture ! Quel diable ce Bacon !
Mon amour pour sa peinture ne m'a plus jamais quitté ! Ce n'est pas sans une certaine appréhension d'ailleurs , que j'entrais dans la Tate Britain !! je n'allais quand même pas perdre mes esprits chez les anglais ! Mon émotion fut tout aussi intense mais d'une qutre nature , plus apaisée, plus en contact , plus jouissive aussi!
" Study from the Human Body "(1953)
un des tout premier tableau , à l'entrée de l'exposition , superbe Bacon a une maniére de peindre le corps , le mouvement du corps étonnament émotionelle , on le ressent . Il appelait son atelier " le chaos " ! Beaucoup de photos au cours de cette exposition de son atelier , de lui , ses amis , ses inspirations . Il collectionnait beaucoup de photos qui lui seravit de bases à son travail ...notamment sur le mouvement , il s'intéréssait beaucoup aux photos de décomposition de Eadweard Muybridge.
" Aucun artiste du vingtième siècle n'aura su exprimer mieux que Bacon, dans sa peinture, la tragédie de l'existence de manière si patente. Ce terme n'englobe ni l'aspect dramatique d'une forme abstraite de la vie humaine, ni la représentation d'un événement accidentel pouvant survenir au cours d'une vie mais plutôt le sentiment profond et difficilement représentable de l'être, individuel et intime . La représentation de ce sentiment du vécu se fait toujours pour Bacon de manière violemment tragique, il l'interprète de manière si concrète, si pénétrante , si véridique, qu'il parvient à le transformer en une réalité immanente , bouleversante.
Cette interprétation des sentiments liés à la vie de tout être humain, mélange d'énergie explosive et de désespoir, extréme jusqu'à l'hystérie, est beaucoup plus vraie qu'une quelconque représentation réaliste. Par sa totale subjectivité, elle va au plus profond de l'intime sensibilité de l'observateur .
Avec la force et la résonnance profonde de l'expression, la peinture de Bacon va extrémement loin dans sa démarche visant à comprendre la nature humaine, le fonctionnement de son enveloppe physique, la manifestation de ses sens. Bacon peint en se servant de sa propre vie.
Vivre, pour lui, consiste en l'usage de ses cinq sens et de l'ensemble de ses forces; la vue occupe la place prépondérante qui, comme l'intellect rationnel, se perd alors dans le flou qui résulte de l'action simultanée des sens." Michel Archimbaud
" Birth and copulation, and death .
That's all the facts when you come to brass tacks
Birth and copulation and death . " Eliot
"Il me semble cependant que l'on ne peut réduire la puissance de son oeuvre à la seule violence fascinante de ses images. A-t-on suffisamment souligné la bequté de sa palette, ses oranges qu'il aimait tant, ses mauves acidulés, ses verts translucides aussi angoissants que somptueux, ses bleus roi violents, ses jaunes à hurler, ses roses que seul Matisse peut-être avant lui, mais dans un tout autre registre, avait su manier avec une pareille maîtrise ?
Dernièrement, en regardant des toiles de Bacon, je me suis dit qu'on trouvait chez lui tout à la fois la violence de l'image et la solidité du cadre, la cruauté de la vie et sa beauté, que si son propos était terrible, la forme dans laquelle il l'exprimait était d'un goût incomparable. Ne pas se voiler la face, mais dans le chaos ne pas ignorer la beauté, montrer l'horreur sans renoncer à l'harmonie, tenter de donner forme à ce qui n'en a jamais eu, figurer l'angoisse, n'est-ce pas là la plus haute tâche, la plus ardue , la plus nécessaire aussi ? "
Michel Archimbaud
" Vivant, toujours prêt, toujours partant, jamais sommaire, fulgurant dans l'échange, drôle, simple, heureux de la rencontre, du dialogue, d'une curiosité à l'égard d'autrui toujours en éveil, d'une disponibilir-téqui ne fut jamais comptée. D'autres qui l'ont mieux connus que moi pourront trouver l'adjectif "gentil" mal approprié pour évoquer son souvenir. Quatre ans plus tard, c'est ce même termepourtant, aussi miévre et déplacé semble-t-il, qui s'impose à moi quand je repense à lui. Oui, Francis Bacon fut un homme d'une souveraine gentillesse au sens où la gentillesse est tout à la fois amabilité et générosité "
Michel Archimbaud
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[…] quand on fait de la peinture à l’huile, il peut se produire des événements que l’on ne maîtrise pas, on peut faire une tache, tourner le pinceau d’une façon ou d’une autre, et cela va produire des effets chaque fois différents, cela va changer toute l’implication de l’image. Tandis que l’on travaille dans une certaine direction, on essaye d’aller plus loin dans cette direction, et c’est alors qu’on détruit l’image que l’on avait faite et que l’on ne retrouvera plus jamais. C’est alors aussi que surgit quelque chose qu’on n’attendait pas et qui arrive inopinément. On sait, on voit quelque chose que l’on va faire, mais la peinture est tellement fluide que l’on ne peut rien noter. Le plus étonnant, c’est que ce quelque chose qui est apparu comme malgré soi est parfois meilleur que ce que l’on était en train de faire. Mais ce n’est pas toujours le cas, malheureusement ! J'ai souvent détruit en les reprenant, en les poursuivant, des tableaux qui étaient au départ bien meilleurs que ce à quoi j’aboutissais. MA — Vous voulez dire que vous ne savez pas, lorsque vous commencez, où vous vous dirigez et encore moins où vous aboutirez ? FB — Non, ce n’est pas tout à fait ça, parce que lorsque je commence une nouvelle toile, j’ai une certaine idée de ce que je veux faire, mais pendant que je peins, tout d’un coup, en provenance en quelque sorte de la matière picturale elle-même, surgissent des formes et des directions que je ne prévoyais pas. C’est cela que j’appelle des accidents. […] […] La distinction aujourd’hui classique entre conscient et inconscient est très féconde, me semble-t-il. Elle ne recouvre pas tout à fait ce à quoi je pense par rapport à la peinture, mais elle a l’avantage de ne pas recourir à une explication métaphysique pour parler de ce qui échappe à la compréhension logique des choses. L’inconnu n’est pas renvoyé du côté de la mystique ou de quelque chose comme ça. Et c’est très important pour moi, parce que j’ai horreur de toute explication de cet ordre. C’est ce que je vous disais, ce que je nomme accident, cela n’a rien à voir avec l’intervention d’une inspiration, celle dont on a doté pendant si longtemps les artistes. Non, c’est quelque chose qui provient du travail lui-même et qui surgit à l’improviste. Peindre résulte en définitive de l’interaction de ces accidents et de la volonté de l’artiste, ou, si l’on veut, de l’interaction de quelque chose d’inconscient et de quelque chose de conscient. Mais vous savez, les choses ont l’air assez claires quand on en parle, mais ce n’est pas du tout comme cela que ça se passe lorsqu’on est sur la toile. Là, on ne sait pas où l’on en est, vers où l’on va et surtout ce qui va se passer. On est dans le brouillard. Source : Bacon (Francis), Entretiens avec Michel Archimbaud, Paris, Jean-Claude Lattès, 1992. |
" Le doute est l'école de vérité " Francis Bacon
Ma rencontre avec Francis Bacon a marqué un tournant important dans ma vie .
Une rencontre comme on en fait rarement , vitale , bouleversante, révélatrice ; une rencontre qui m'a rendue à une partie de moi-même enfouie , amnésiée , ce fut un peu comme un electro-choc , une vérité qui s'offrait à moi .
D'où la grande passion sans doute que je voue à l'art sous toute ses formes , peinture , sculpture , littérature, musique , poésie ... révélateur d'âme .
Bacon a dit ceci que je trouves trés juste :
"Il y a des livres que dont il faut seulement goûter , d'autre qu'il faut dévorer, d'autres enfin mais en petit nombre qu'il faut , pour ainsi dire mâcher et digérer ."
Il en est de même pour la peinture , et pour moi , Bacon fait partie de la catégorie : " vous êtes pour moi une nourriture ".