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09/05/2014

Escapade marocaine -1-

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J’ai toujours aimé le Maroc mais je n’avais jamais mesuré à quel point. Quand je pose mon premier pied sur le tarmac, je sens immédiatement l’effet « bled », comme me dit souvent ma collaboratrice qui a du sang tunisien, par sa mère, dans les veines.

Je me sens autrement, je me sens plus ouverte, moins stressée, plus détendue d’emblée.

Je ne sais si c’est l’air, la lumière, ou peut-être l’Atlas qui trône majestueusement, les palmiers, le bleu intense du ciel, je ne sais dire le pourquoi du comment mais la magie opère. Je suis loin, je suis bien, je me sens être.

Trois heures de vol et c’est l’ailleurs, l’autrement. Le fait de pouvoir parler sa langue maternelle doit ne pas être étranger au fait de se sentir comme chez soi même si à des années lumière de mon Nord natal. Kif-kif, chouïa, choukrane…

A peine arrivée à destination dans un lieu magique au milieu des palmes, j’ai tout de suite pensé à Montaigne, en quête d’une sagesse à sa mesure, conforme à sa nature, convaincu que chaque individu doit pouvoir trouver lui-même la voie du bonheur qui lui convient, en fonction de ce qu’il est, de son caractère, de sa sensibilité, de sa constitution physique, de ses forces, de ses faiblesses, de ses aspirations et de ses rêves. Que sais-je ?

Je me suis laissée aller, laissée aller à penser et à rêvasser, deux des activités que je préfère, avec celles d’aimer, d’écrire et d’entreprendre… J’ai construit en une semaine au moins dix maisons, toujours toutes un peu les mêmes avec quelques variantes, selon mon inspiration, des plantes différentes dans le patio, les préférant plutôt odorantes un jour : daturas, jasmins, roses, ou plus sculpturales à d’autres moments : palmiers, oliviers, bougainvilliers blancs. Et je ne vous parle pas de la décoration des chambres… Une africaine, une asiatique, une andalouse, une magnifique… J’aimerais pouvoir les décrire comme Raymond Chandler. Ses descriptions dans les enquêtes de son Philip Marlowe sont d’une telle précision et d’une telle poésie, riches, intenses, chargées, truculentes, j’ai adoré les lire : «  L’entrée principale de la demeure des Sternwood (traduit de l’anglais par Boris Vian) avait deux étages de haut. Au-dessus des portes, de taille à laisser passer un troupeau d’éléphants hindous, un grand panneau de verre gravé représentait un chevalier en armure sombre, délivrant une dame attachée à un arbre et qui n’était revêtue que de ses longs cheveux ingénieusement disposés. Le chevalier avait rejeté la visière de son casque en arrière pour se donner un air plus sociable, et il tripotait les nœuds des ficelles qui retenaient la dame à l’arbre, sans arriver à rien. Je le considérai et je me dis que si j’habitais la maison, tôt ou tard, il faudrait que je grimpe pour l’aider… il n’avait pas l’air de s’y mettre sérieusement. »

J’ai avalé littéralement Chandler entre deux Essais de Pierre Eyquem… Quel ravissement !

Une  première chambre aux murs couleurs d’orage, comme les robes de Peau d’Ane, ce conte qui a bercé mon enfance avec Cendrillon et le Chat botté… Des murs enduits à la chaux, dans des tons indéfinissables, tadelakt partant du gris au brun. Un grand lit drapé de lin blanc brodé d’une arabesque taupe tout le long et un plaid dans une matière rude, un tissu berbère tissé à la main, aux motifs discrets mais à la présence brute, contrastant avec le raffinement d’un mobilier en fer forgé délicat et fin à la Giacometti, plutôt haut sur pied et supportant de chaque côté du lit, une lampe en peau de chameau et un petit vase boule en verre soufflé garni de roses fraîchement cueillies dans le jardin qui s’étale à perte de vue au travers de la grande baie vitrée protégée par deux grands volets en bois de cèdre sculpté…

 

  ( à suivre ... ) 

 

28/04/2014

Dialogue

 

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18/04/2014

Oye-Plage

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- Photo Dominique Hasselmann -

 

 

Quand mon ami Dominique m’a envoyé cette photo de la plage d’Oye, une flopée de souvenirs pas trop tendres m’est revenue. Nous y allions souvent avec papa, maman. Papa avait un couple de vieils oncles qui y avait une petite bicoque. Comment s’appelaient-ils déjà ?

Francis et Georges, je crois. Oui, c’est ça. Francis et Georges. Deux vieux garçons qui avaient été ostracisés par la famille toute entière parce qu’ils étaient homosexuels. Deux hommes charmants que maman tentait de remettre dans le droit chemin. A l’époque, elle s’occupait de mettre en relation des hommes et des femmes pour qu’ils construisent un couple, elle était une sorte de conseillère matrimoniale. Elle n’était pas à une aberration près, ma mère !

Cet été-là, elle s’était mis en tête de présenter Françoise et Jacqueline, deux vieilles filles de son village d’enfance, à Georges et Francis qui avaient déjà l’un et l’autre au moins plus de cinquante ans. L’ambiance était tendue. Je devais avoir onze ans. Je ne comprenais pas à l’époque ce qui se passait, pour moi c’était étrange. J’avais toujours connu mes deux grands oncles ensemble, blaguant, cuisinant, et nous racontant toutes sortes d’histoires drôles. C’était des bons vivants.

Ces quinze jours furent pesants. On aurait dit que personne n’était à sa place, et maman était d’un miel effarant, minaudant, poussant ses deux ouailles dans les bras de ces messieurs en leur faisant bien comprendre l’intérêt qu’ils auraient aux yeux de la famille à rentrer dans le rang.

Je n’aimais pas ce qui se passait, je sentais la fausseté et surtout la grande tristesse de cette idée et de son devenir. Parce qu’à ma grande surprise, elle est arrivée à ses fins et Georges finit sa vie avec Françoise et Francis avec Jacqueline. Je n’ai plus jamais vu mes grands oncles sourire depuis. L’un et l’autre ont dépéri à petit feu. Paix à leurs âmes.

 

Oye-plage reste pour moi, l’endroit du contre-nature, de l’anti-bonheur. Et si pendant des années cette plage fut pour moi un endroit de liberté sauvage où je pouvait courir jusqu’à m’effondrer la tête dans le sable, où je pouvais chanter à tue-tête : « l’amour est enfant de bohème » et où nous faisions avec mon petit frère des châteaux de sable étourdissants, elle perdit d’un seul coup toute sa superbe après cette quinzaine estivale qui m’a tourmentée longtemps sur la nature des sentiments.

 

 

27/03/2014

Amor fati

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- Photo John Adamski -

 

"Je veux apprendre toujours plus, à avoir dans la nécessité des choses le beau : je serai ainsi de ceux qui embellissent les choses. Amor fati : que ce soit dorénavant mon amour ! Je ne veux pas faire la guerre au laid. Je ne veux pas accuser, je ne veux même pas accuser les accusateurs. Que regarder ailleurs soit mon unique négation ! Et somme toute, en grand : je veux même, en toute circonstance, n'être plus qu'un homme qui dit oui."

- Friedrich Nietzsche -

 

 

10/03/2014

Pourtant, je suis.

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- Photo Laurence Guez -

 

On m’a dit et on me dit encore souvent que je n’ai pas d’égo. « On » me fait savoir que c’est un handicap, possible, peut-être. Non, je n’ai pas d’égo, pas d’égo au sens où il est habituellement suggéré, la conscience d’être un être, et d’être un être qui a lieu d’être. C’est vrai, me concernant, je n’en suis pas. Je ne suis absolument pas un être qui pense mériter d’être. C’est franchement et fortement lié à mon histoire, à mon enfance, à mon vécu, ça n’est pas pour autant que je n’ai pas réussi tant bien que mal à exprimer mes ressentis et ma vision du monde mais sans jamais l’imposer, sans jamais penser qu’elle était meilleure qu’une autre, ce qui m’a permis de sublimes rencontres. Je ne regrette pas d’être cet être que je suis sans sublimation de l’être. Mais j’ai conscience d’être vulnérable dans ce monde plutôt égocentré, plutôt tourné vers lui-même que vers l’autre. Je ne sais pas me défendre, en tout cas je m’y prends plutôt mal, mais j’ai acquis avec le temps une force différente. Même quand je me sens agressée, je ne pense pas avoir du pouvoir, j’ai une certaine humilité face à ce qui m’arrive et j’ai acquis avec le temps une conscience de celle que je suis. Je ne me vis plus comme une chose mais comme une personne et je ressens le besoin de l’affirmer sans pour autant devoir tuer père et mère, ce qui en l’occurrence vu mon parcours aurait pu être une priorité ! Mais je souffre toujours un peu de voir que ce monde dans lequel je vis reste une sorte de jungle un peu primaire où c’est celui qui sort les crocs qui se fait respecter alors que ça devrait être, à mon sens, celui qui reste maître de lui-même, ce qui est beaucoup plus facile quand on a comme moi un égo mal dimensionné. Tout est dans l’équilibre. Il faut, je crois, prendre conscience de sa valeur et de ses talents, faire marcher l’intelligence qu’on peut avoir pour bien faire fructifier cette manne personnelle et ouvrir son cœur, être " aware ". Je suis faillible. Et je pense que tout le monde peut l’être et qu’au fond c’est une chance, on n’a pas à être ce qu’on n'est pas mais par contre il faut se donner à soi-même l’environnement, l’entourage et la confiance pour développer ses talents. Pas d’égo ne veut pas dire pas d’existence mais plutôt une existence autrement, une conscience de soi indissociable des autres, une façon d’être au monde généreuse et empathique sans pour autant idéaliste et conte de fée. Pas d’égo ne veut pas dire non plus pas de réalité. Mais une réalité en apprentissage permanent, une personnalité capable d’endiguer le changement, une capacité à entendre, une suggestion de l’instant, un être au monde en alerte et en mouvement, plus une écriture qu’un sceau, un être vivant.

 

 

05/03/2014

A la croisée des chemins...

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01/03/2014

Robert et Shana Parkeharrison

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26/01/2014

Oeil pour oeil

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23/12/2013

Tisser le texte, habiter l'habit

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- Photo Herb Ritts -

 

" Tout vêtement parle des normes, valeurs et représentations qui fondent l’existence des sociétés comme des individus. Il met en scène le jeu du désir, entre dit et interdit, entre montré et caché, autour duquel se structurent les formes culturelles individuelles et collectives. 
Il est une médiation privilégiée non seulement d’une parole sur le corps mais d’une parole du corps à travers laquelle les sociétés comme les individus signifient ce qu’ils ont de plus socialisé et de ce qui leur est le plus intime. 
Des premières enveloppes vestimentaires du petit d’homme au linceul, le vêtement parle du rapport premier et élémentaire entretenu et tissé avec les forces de vie et de mort.

En fait notre époque redécouvre que les enjeux du vêtement sont multiples et complexes. Il appelle des regards diversifiés qui en respectent les zones d’ombres et de lumière. Et il est nécessaire de penser la complexité qui se dévoile quand ses enjeux ne sont pas trop aseptisés par les seules logiques fonctionnelles ou économiques. Renvoyé au jeu de la mode et de son marché, à l’amusement des déguisements enfantins et aux diverses figures de l’insignifiance et de la superficialité, le vêtement résiste à ces réductions. 
En fait l’extension de ces enjeux appelle à une véritable Anthropologie du vêtement.
.."

 

 

C'est avec Laure, un sujet qui nous passionne l'une et l'autre. Cette importance du vêtement. Pour moi, il est un outil thérapeutique aussi, pour elle une démarche artistique. Nous  échangeons régulièrement sur cette "culture vestimentaire". Hier, elle me parle d'Aline Ribière dont je trouve les créations tout à fait passionnante. Au fond, j'ai le sentiment de faire de l'art appliqué avec mon métier au-delà de celui de commerçante. La mode est un outil de développement et un miroir socio-culturel de son époque. Le vêtement en est la matière première, c'est lui qui touche le corps, le cache, le met en valeur, lui donne un autre langage. On pourrait presque établir une philosophie du vêtement tant il donne parfois du sens, de la consistance ou à l'inverse tant il s'en éloigne... On dit que l'habit ne fait pas le moine, ça n'est pas toujours vrai, certains s'en servent pour exister. Mais dans tous les cas, la manière de s'habiller exprime une part de notre personnalité, qu'on le décide ou non...

 

22/12/2013

Offrande

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- Photo Heather Hansen -

 

13/12/2013

Je pars

 

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- Photo Laurence Guez -

 

 

11/12/2013

Erwin Blumenfeld

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Principalement connu pour ses photos de mannequins en une des magazines américains Vogue et Harper Bazar dans les années 40 et 50, le juif allemand Erwin Blumenfeld (1897-1969) a avant tout commencé sa carrière en Europe et loin du monde de la mode. Ce sont ces heures noires d'une Europe en guerre que le Jeu de Paume a voulu mettre en lumière. Le spectateur suit ses premiers pas dans le monde de l'art qui prennent la forme de dessins et collages en tout genre et dans lesquels la guerre et Charlie Chaplin ("Charlie", 1920) sont des thèmes récurrents. Puis, après cette période dada, arrive la photo. Des portraits en studios, majoritairement de femmes, des nus, du noir et blanc... C'est la naissance d'Erwin Blumenfeld le surréaliste. On y comprend qu'il aime transformer la réalité et jouer tantôt avec le sujet, en insérant des objets déformants dans le cadre (comme un miroir dans ce nu déroutant "M's torso in mirror"), tantôt avec les négatifs en chambre noire. La solarisation, la distorsion des visages, la superposition, surexposition et multiplication des négatifs deviennent sa marque de fabrique. On les retrouve tout au long de sa vie non seulement dans ses travaux de mode mais aussi dans ses œuvres plus personnelles et engagées ("Hitler, Graunfresses, Hollande", 1933, superposition de négatifs d'un portrait d'Hitler avec des radiologies d'un crâne). De salle en salle, on ne perd jamais ce fil conducteur qu'est l'art de la vraisemblance et on ne fait qu'apprécier de plus en plus cette parfaite technique photographique qui semble lui être innée. 

- Caroline Pomes -


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La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu
C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d’une couvée d’aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l’innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

- Paul Eluard -


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" Tant de mains pour transformer le monde, et si peu de regards pour le contempler."

- Julien Gracq -


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08/12/2013

La photo retrouvée

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Je n’ai plus de photos de moi enfant. Je sais qu’il en existe mais le peu que j’avais en ma possession ont fait les frais de ma thérapie. Un jour, j’ai pris une grande caisse de vin vide, je l’ai peinte en noir et j’y ai mis tout ce qui pouvait se rapprocher de près ou de loin de mon enfance : photos, souvenirs, lettres, médaille de baptême, croix en bois de ma première communion, pétales de fleurs séchés, cahiers d’écolier, j’ai tout mis dans un grand feu de cheminée et j’ai passé des heures à regarder la boîte se consumer.

Cette semaine, mon homme a décidé d’ajouter des étagères dans mon bureau plutôt en bordel pour que je puisse organiser un semblant d’ordre. En déplaçant des vieux dossiers, il a retrouvé derrière l’un deux cette photo et me l’a posée au milieu des différents papiers qui y traînaient. Hier soir, en rentrant pas mal fatiguée de la boutique, j’ai trouvé la photo. Mon petit cœur a retenu un sanglot, lointain, profond. Me revoir, là, dans l’allée où je faisais avec ferveur des heures durant de la trottinette, avec à mes côtés mon si gentil petit frère, m’a fait tout drôle.

Une flopée de souvenirs m’est revenue. Ne sommes-nous pas mignons tous les deux avec nos fleurs à la main, sans doute prévues en offrande à notre maman qui doit être avec l’appareil photo à la main au bout du chemin ? Les chaussures vernis noires et les bottines blanches, ainsi que la médaille autour de mon cou me font présumer que cette photo a été prise un Dimanche. La végétation et le bout de paysage entre les arbres, les dentelles de béton blanches et la nature des fleurs qu’on tient à la main me disent que nous sommes à la campagne chez papy et que c’est sans doute une fête de famille. Maman nous faisait beaux pour l'occasion !

Je suis frappée par nos bouilles sérieuses et surtout par nos regards inquiets, mais je ne suis pas surprise, nous avions tout lieu de l’être, inquiets…

Je décide de garder cette photo là. Je la scanne au cas où et la pose dans un petit coin devant moi. Je peux à présent rejoindre l’enfant que j’étais, je peux accepter cette petite fille qui en a soupé, je peux la voir, la regarder, je peux l'aimer…

 

 

 

06/12/2013

Maux d'esprits

Le tiers livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de « vases communicants » : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement…  Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

La liste complète des participants est établie grâce à Brigitte Célérier.

Aujourd’hui, j’ai le grand plaisir d’accueillir ici Dominique Hasselmann, tandis qu’il me reçoit sur son blog Métronomiques .

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- Photo helenablue -


 

« Le désir est une conduite d’envoûtement. »

Jean-Paul Sartre, L’Être et le Néant (Gallimard 1943, édition 1964, page 463).

 

Je n’ai pas fait tourner les tables à Jersey, en 1853, sous la houlette de Victor Hugo : je préférais les guéridons de Saint-Germain-des-Prés.

C’est aux Deux Magots que je l’avais rencontrée. L’ombre de Sartre et de Simone de Beauvoir (qui jouissaient d’un écriteau à leurs noms sur la place) s’étendait encore ici ou là, surtout quand il y avait du soleil, c’est-à-dire assez rarement.

Cette jolie femme m’avait semblé énigmatique, proche et lointaine à la fois, comme si elle venait d’ailleurs, mais je ne connaissais pas son pays d’origine. Elle était de nationalité française (sinon elle aurait été expulsée depuis quelque temps déjà), mais parlait avec un léger accent allemand que venait renforcer celui, circonflexe, qui ornait sa lèvre supérieure de couleur purpurine.

Je crois qu’elle écrivait mais elle restait très discrète sur cette activité. C’était normal, d’ailleurs, car les « intellectuels » étaient désormais surveillés de très près par l’État : non pas qu’ils aient pu menacer l’ordre public – le temps de leur influence et des manifestes s’était perdu dans les méandres de l’Histoire du XXème siècle – mais ils pouvaient toujours publier une « tribune » dans un journal, même confidentiel, qui risquait de titiller l’esprit de quelques lecteurs et miner à force les principes de l’autorité en place.

Nous parlions donc de tout autre chose que de littérature : de l’augmentation du coût de la vie, de la difficulté de la population à « joindre les deux bouts », des éléments naturels qu’aucun pouvoir n’avait encore réussi à museler malgré les progrès des prévisions météo, de la musique, de moins en moins moderne et de plus en plus assourdissante, de la circulation parisienne qui était devenue un enfer quotidien (sauf pour quelque élue de l’ancienne UMP qui avait découvert il y a longtemps « les charmes » du métro parisien), de la mode, des derniers restaurants en vogue.

Quand nous nous retrouvions dans le quartier des quelques galeries de peinture encore existantes et des librairies disparues, nous évoquions aussi des vacances passées à l’étranger, des projets de voyages (l’idée de prendre l’avion nous faisait déjà décoller), ou le fantasme d’un simple week-end dans une ville comme Rome ou Amsterdam.

Finalement, nous parlions de (presque) tout et de rien : nos paroles s’enroulaient les unes aux autres, la petite musique de nos voix se mêlait au fond sonore des autres conversations, souvent émises bruyamment en anglais, en américain ou en japonais.

Je crois qu’elle m’avait envoûtée et j’étais donc hors-la-loi. Nos esprits faisaient l’amour avant même nos corps.

Le guéridon ne bougeait pas, le serveur en noir et blanc jouait le rôle qui avait été décrit une fois pour toutes dans L’Être et le Néant (et c’était comme si l’amoureux du Castor avait été metteur en scène de cinéma). Nous commandions des Mojitos, l’époque n’était plus guère au Cuba libre, et les heures coulaient impétueusement sous les ponts du temps.

Un jour, elle n’est pas venue au rendez-vous. Je suis resté assis bêtement à la terrasse du café, aucun taxi ne l’a déposée près des tables et des chaises cannées sagement alignées, j’ai attendu à peu près deux plombes et je n’ai reçu aucun message ou appel sur mon téléphone. Un seul être me manquait et tout était déraciné.

Le soir, rentré chez moi, en regardant les infos sur BFMTV, j’ai appris qu’une certaine Magdalena Auschenbach avait été arrêtée par la police. Sa photo anthropométrique en couleurs, de face et de profil, était affichée plein écran. Elle était dans le collimateur de la DPS (Direction de la Police secrète) depuis quelque temps déjà : sur elle, on avait retrouvé un long article, destiné à Mediapart, le brûlot toujours en ligne d’Edwy Plenel (900 000 abonnés maintenant), et intitulé : « La Nouvelle Résistance Populaire renaît de ses cendres ». Un certain nombre d’actions d’opposition à mettre en œuvre étaient listées dans ce texte qui sentait la poudre.

L’État avait failli en trembler sur ses bases : il était temps qu’un terme soit mis à ce genre d’appel à la rébellion ou à l’insurrection contre la droite qui avait repris les rênes du pouvoir en mai 2017. Je ne m’étais jamais douté de rien… J’aurais donné à Magdalena le bon Dieu sans confession, ou même après.

Soudain, l’interphone retentit :

– Monsieur Grimonpré ?

– Oui, c’est moi… Qui est-ce ?

– Ouvrez immédiatement, brigade anti-terroriste !

J’habitais au sixième étage d’un immeuble en cours de  ravalement : j’ouvris la fenêtre du séjour, enjambai le rebord et marchai sur les planches de l’échafaudage. J’aperçus en bas dans l’avenue trois voitures banalisées avec des gyrophares bleus dont les lueurs intermittentes dessinaient un étrange ballet sur les murs en face. Je grimpai à l’échelle et m’enfuis par les toits. 

Le panorama de Paris est toujours si beau, vu depuis une perspective plongeante, quand l’aube se lève précautionneusement sur la ville encore endormie.

 

- Dominique Hasselmann -

 

 


06/10/2013

Francesca Woodman

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 - Photographies Francesca Woodman - 


 

29/09/2013

Plus haut

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Toujours envie d'ailleurs, d'autrement, de plus, de mieux, de différent. L'herbe plus verte. Pourtant. Ce qui est beau, c'est ce qu'on vit. Tout le reste n'est qu'illusion. Pur produit inconscient. Il est préférable de se consumer que de consommer. C'est source de lumière que de se s'épanouir. Musical. Vibratoire.


24/09/2013

De passage

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- Photo Guy Bourdin -



21/09/2013

Souhait du moment

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- Photo Chema Madoz -



14/09/2013

Sylvia Makris

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- Photographies Sylvia Makris -


 

08/09/2013

La part des anges

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- Photo Tania Thune-Larsen -


 

Une part de nous nous échappe. Elle produit parfois d'ailleurs, d'innombrables dégâts. Parce qu'on ne se rend pas compte, parce qu'on ne mesure pas l'ampleur de certains de nos gestes et la portée de certains de nos mots. Cette part qui nous échappe a aussi du bon et produit le charme qu'on dégage sans le savoir, et provoque cette aura qui ensorcelle et ravit l'autre dans la relation. Impossible de toujours tout maîtriser de nous. Le seul moyen d'approcher de cette part volatile et indicible est d'être attentif à l'effet produit sur autrui et alors faire ce qu'il faut, encore faut-il savoir quoi faire et comment puisqu'en face l'autre aussi a sa part qui lui échappe. Là se niche la magie de l'amour qui prend en compte nos échappements et en fait ce miel si délicat...