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26/02/2010

La marche à l'amour

 En écho à la note de GeeBee et parce que j'aime beaucoup...

Tu as les yeux pers des champs de rosées
tu as des yeux d'aventure et d'années-lumière
la douceur du fond des brises au mois de mai
dans les accompagnements de ma vie en friche
avec cette chaleur d'oiseau à ton corps craintif
moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches
moi je fonce à vive allure et entêté d'avenir
la tête en bas comme un bison dans son destin
la blancheur des nénuphars s'élève jusqu'à ton cou
pour la conjuration de mes manitous maléfiques
moi qui ai des yeux où ciel et mer s'influencent
pour la réverbération de ta mort lointaine
avec cette tache errante de chevreuil que tu as 
tu viendras tout ensoleillée d'existence
la bouche envahie par la fraîcheur des herbes
le corps mûri par les jardins oubliés
où tes seins sont devenus des envoûtements
tu te lèves, tu es l'aube dans mes bras
où tu changes comme les saisons
je te prendrai marcheur d'un pays d'haleine
à bout de misères et à bout de démesures
je veux te faire aimer la vie notre vie
t'aimer fou de racines à feuilles et grave
de jour en jour à travers nuits et gués
de moellons nos vertus silencieuses
je finirai bien par te rencontrer quelque part
bon dieu!
et contre tout ce qui me rend absent et douloureux
par le mince regard qui me reste au fond du froid
j'affirme ô mon amour que tu existes
je corrige notre vie 
nous n'irons plus mourir de langueur
à des milles de distance dans nos rêves bourrasques
des filets de sang dans la soif craquelée de nos lèvres
les épaules baignées de vols de mouettes
non
j'irai te chercher nous vivrons sur la terre
la détresse n'est pas incurable qui fait de moi
une épave de dérision, un ballon d'indécence
un pitre aux larmes d'étincelles et de lésions profondes
frappe l'air et le feu de mes soifs
coule-moi dans tes mains de ciel de soie
la tête la première pour ne plus revenir
si ce n'est pour remonter debout à ton flanc
nouveau venu de l'amour du monde
constelle-moi de ton corps de voie lactée
même si j'ai fait de ma vie dans un plongeon
une sorte de marais, une espèce de rage noire
si je fus cabotin, concasseur de désespoir
j'ai quand même idée farouche
de t'aimer pour ta pureté
de t'aimer pour une tendresse que je n'ai pas connue
dans les giboulées d'étoiles de mon ciel
l'éclair s'épanouit dans ma chair
je passe les poings durs au vent
j'ai un coeur de mille chevaux-vapeur
j'ai un coeur comme la flamme d'une chandelle
toi tu as la tête d'abîme douce n'est-ce pas
la nuit de saule dans tes cheveux
un visage enneigé de hasards et de fruits
un regard entretenu de sources cachées
et mille chants d'insectes dans tes veines
et mille pluies de pétales dans tes caresses 
tu es mon amour
ma clameur mon bramement
tu es mon amour ma ceinture fléchée d'univers
ma danse carrée des quatre coins d'horizon
le rouet des écheveaux de mon espoir
tu es ma réconciliation batailleuse
mon murmure de jours à mes cils d'abeille
mon eau bleue de fenêtre
dans les hauts vols de buildings
mon amour
de fontaines de haies de ronds-points de fleurs
tu es ma chance ouverte et mon encerclement
à cause de toi
mon courage est un sapin toujours vert
et j'ai du chiendent d'achigan plein l'âme
tu es belle de tout l'avenir épargné
d'une frêle beauté soleilleuse contre l'ombre
ouvre-moi tes bras que j'entre au port
et mon corps d'amoureux viendra rouler
sur les talus du mont Royal
orignal, quand tu brames orignal
coule-moi dans ta plainte osseuse
fais-moi passer tout cabré tout empanaché
dans ton appel et ta détermination 
Montréal est grand comme un désordre universel
tu es assise quelque part avec l'ombre et ton coeur
ton regard vient luire sur le sommeil des colombes
fille dont le visage est ma route aux réverbères
quand je plonge dans les nuits de sources
si jamais je te rencontre fille
après les femmes de la soif glacée
je pleurerai te consolerai
de tes jours sans pluies et sans quenouilles
des circonstances de l'amour dénoué
j'allumerai chez toi les phares de la douceur
nous nous reposerons dans la lumière
de toutes les mers en fleurs de manne
puis je jetterai dans ton corps le vent de mon sang
tu seras heureuse fille heureuse
d'être la femme que tu es dans mes bras
le monde entier sera changé en toi et moi 
la marche à l'amour s'ébruite en un voilier
de pas voletant par les lacs de portage
mes absolus poings
ah violence de délices et d'aval
j'aime
que j'aime
que tu t'avances
ma ravie
frileuse aux pieds nus sur les frimas de l'aube
par ce temps profus d'épilobes en beauté
sur ces grèves où l'été
pleuvent en longues flammèches les cris des pluviers
harmonica du monde lorsque tu passes et cèdes
ton corps tiède de pruche à mes bras pagayeurs
lorsque nous gisons fleurant la lumière incendiée
et qu'en tangage de moisson ourlée de brises
je me déploie sur ta fraîche chaleur de cigale
je roule en toi
tous les saguenays d'eau noire de ma vie
je fais naître en toi
les frénésies de frayères au fond du coeur d'outaouais
puis le cri de l'engoulevent vient s'abattre dans ta gorge
terre meuble de l'amour ton corps
se soulève en tiges pêle-mêle
je suis au centre du monde tel qu'il gronde en moi
avec la rumeur de mon âme dans tous les coins
je vais jusqu'au bout des comètes de mon sang
haletant
harcelé de néant
et dynamité
de petites apocalypses
les deux mains dans les furies dans les féeries
ô mains
ô poings
comme des cogneurs de folles tendresses

mais que tu m'aimes et si tu m'aimes
s'exhalera le froid natal de mes poumons
le sang tournera ô grand cirque
je sais que tout mon amour
sera retourné comme un jardin détruit
qu'importe je serai toujours si je suis seul
cet homme de lisière à bramer ton nom
éperdument malheureux parmi les pluies de trèfles
mon amour ô ma plainte
de merle-chat dans la nuit buissonneuse
ô fou feu froid de la neige
beau sexe léger ô ma neige
mon amour d'éclairs lapidée
morte
dans le froid des plus lointaines flammes 
puis les années m'emportent sens dessus dessous
je m'en vais en délabre au bout de mon rouleau
des voix murmurent les récits de ton domaine
à part moi je me parle
que vais-je devenir dans ma force fracassée
ma force noire du bout de mes montagnes
pour te voir à jamais je déporte mon regard
je me tiens aux écoutes des sirènes
dans la longue nuit effilée du clocher de Saint-Jacques
et parmi ces bouts de temps qui halètent
me voici de nouveau campé dans ta légende
tes grands yeux qui voient beaucoup de cortèges
les chevaux de bois de tes rires
tes yeux de paille et d'or
seront toujours au fond de mon coeur
et ils traverseront les siècles 
je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi
lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme
je marche à toi, je titube à toi, je bois
à la gourde vide du sens de la vie
à ces pas semés dans les rues sans nord ni sud
à ces taloches de vent sans queue et sans tête
je n'ai plus de visage pour l'amour
je n'ai plus de visage pour rien de rien
parfois je m'assois par pitié de moi
j'ouvre mes bras à la croix des sommeils
mon corps est un dernier réseau de tics amoureux
avec à mes doigts les ficelles des souvenirs perdus
je n'attends pas à demain je t'attends
je n'attends pas la fin du monde je t'attends
dégagé de la fausse auréole de ma vie

- Gaston Miron (L'Homme Rapaillé, Montréal, l'Hexagone, 1994) -



25/02/2010

mon bel amour, navigateur...

Merci Raynette!

Mon bel amour

 

Mon bel amour navigateur
mains ouvertes sur les songes
tu sais la carte de mon coeur
les jeux qui te prolongent
et la lumière chantée de ton âme


qui ne devine ensemble
tout le silence les yeux poreux
ce qu'il nous faut traverser le pied secret
ce qu'il nous faut écouter
l'oreille comme un coquillage
dans quel pays du son bleu
amour émoi dans l'octave du don


sur la jetée de la nuit
je saurai ma présence
d'un voeu à l'azur ton mystère
déchiré d'un espace rouge-gorge

 

- Gaston Miron -

 

 

24/02/2010

le premier bonheur du jour

Pour Fanfan, et puis pour vous tous qui passez par ici...

 

23/02/2010

Sonnet 14

 

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If thou must love me, let it be for nought

Except for love's sake only. Do not say

'I love her for her smile.. her look.. her way

Of speaking gently,.. for a trick of thought

That falls in well with mine, and certes brought

A sense of pleasant ease on such a day'-

For these things in themselves, Beloved, May

Be changed, or change for thee,-and love, so wrought,

May be unwrought so. Neither love me for

Thine own dear pity's wiping my cheeks dry-

A créature might forget to weep, who bore

Thy comfort long, and lose thy love thereby !

But love me for love's saké, that evermore

Thou may'st love on, though love's eternity.



Si tu dois m'aimer, que ce soit pour rien

Sinon pour l'amour en soi. Ne dis pas

" Je l'aime pour son sourire... son allure... sa façon

De parler si douce... sa finesse de pensée

Qui convient à la mienne, et suscita

Tel jour un bien-être fugitif et charmant " -

Car ces choses en elles-mêmes, Aimé, peuvent

Changer, ou changer pour toi - et l'amour

Ainsi construit peut-être ainsi détruit.

Ne m'aime pas par pitié pour mes larmes -

Qui jouit longtemps de ton soutien pourrait

Sécher ses pleurs, et perdre ton amour !

Mais aime-moi pour l'amour en soi, pour

Qu'à jamais tu m'aimes, d'un amour sans fin.

 

- Elisabeth Browning -

 

 

 

17/02/2010

peinture et poésie

 

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- oeuvre de Christophe Miralles -

 

 

" La peinture est une poésie qui se voit au lieu de se sentir et la poésie est une peinture qui se sent au lieu de se voir."

- Léonard de Vinci -

 

 

 

14/02/2010

Valentine's day

 

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Ainsi St Valentin serait un martyr romain du IIIème siècle qui pendant une période d'interdiction de mariage des légionnaires arrangeait secrètement leurs noces, le 14 Février étant la date liée à sa mise à mort. Pourtant en 1969, année érotique, l'église dans le souci d'épurer son calendrier de tous les saints légendaires "cachez moi ce saint que je ne saurais voir!" ôte le jour de la St Valentin officiellement, ce qui n'empêche pas une grande majorité des amoureux de la planète de s'échanger des mots doux, petits cadeaux ou roses en ce jour béni des dieux de l'amour.

Valentine's day n'aurait d'ailleurs pas été associé à l'amour romantique avant le haut moyen-âge, prés d'un milliard de cartes de voeux sont échangées à cette occasion, chiffre uniquement battu par les fêtes de Noël, peut-on en conclure de ce fait qu'encore l'amour fait tourner le monde ou du moins les têtes, chavirer les coeurs, couler de l'encre des larmes des sucs et toutes sorte de saveurs...

La pratique de se le dire au moins intensément une fois dans l'année et de se l'écrire, se le chanter, se le murmurer remonte à une connotation amoureuse du XIVème siècle où l'on croyait que le quatorze février était le jour d'accouplement des oiseaux, heureusement plus fréquents pour nous les humains, nombreux poèmes et complaintes virent le jour sur le sujet, le prolixe Othon de Grandson, le célèbre Charles d'Orléans:

"Que me conseillez-vous, mon coeur ?
Irai-je par devers la belle
Lui dire la peine mortelle
Que souffrez pour elle en douleur ?

Pour votre bien et son honneur,
C'est droit que votre conseil céle.
Que me conseillez-vous, mon coeur,
Irai-je par devers la belle ?

Si pleine la sais de douceur
Que trouverai merci en elle,
Tôt en aurez bonne nouvelle.
J'y vais, n'est-ce pour le meilleur ?
Que me conseillez-vous, mon coeur ?"

Cette influence occidentale pourtant fort jolie n'est pas du goût de tous et ici et là certains manifestent contre ces expressions amoureuses, c'est bien dommage, d'autres trouvent cette fête trop sucrée d'autres encore la trouvent aujourd'hui trop amère, pour ma part si j'avais pu être déesse j'aurais volontiers été celle de l'amour et de ses délices alors je vous souhaite à toutes et tous une somptueuse et délicieuse journée.

 

 

05/02/2010

les mots

Merci Jalel.

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الــكــلــمــات
غير الخبز اليومي
وقلب امرأتي
وحليب الأطفال
ــ أنا لا أملك شيا

 

وسوى الشعر
وإيقاد النار
وتشخيص الآتي
أنا لا أتقن شياّ
وسوى أرض بلادي
وسماء بلادي
وزهور بلادي
أنا لا أعبد شياّ
وسوى الشعب الكادح
والناس البسطاء العاديين
وأيديهم ــ لست أقدس شياّ

 

لو عشت شقيا
سأموت سعيداً لو قدرت كلماتي
أن تفرح بعض الناس
لو أمكن أن يقرأها
في المستقبل
طفلٌ
في كراس .

 


A part le pain quotidien
Le cœur de ma femme
Et le lait des enfants
Moi, je n’ai rien

 

A part faire des poèmes,
Allumer un feu
Et diagnostiquer l’avenir
Moi, je ne maîtrise rien

 

A part la terre,

Le ciel,

Et les roses de mon pays
Moi je n’adore rien

 

A part le peuple laborieux
Les gens simples, ordinaires
Et leurs mains
Moi je ne vénère rien

J’ai vécu malheureux
Mais je mourrais heureux
Si mes mots pouvaient rendre
Heureuses quelques personnes
Si dans l’avenir
Un enfant
Pouvait les lire
Sur son cahier
.
.
.

 

04/02/2010

grande petite Isa...


"... Tout me crible alors que je ne suis que ce maigre rien

Et plus je ravine, plus mon coeur s’innove et s’élève,

Dans les fentes de ma chair,

Dans les ourlets de mon être

Dans les lacis de mon ignorance…"

- IsaBercée -

 

01/02/2010

soir de scotch

J'ai oublié ce que tu sais
J'ai emmêlé mes confidences
Je sais plus trop ce qui est vrai
J'ai des accidents de conscience

Qu'est-ce donc que la vérité
Seras-tu sûr de ta passion
Quand tu auras pu me calculer
Quand je serai ton équation

Les soirs de scotch m'enchantent
Je sais pas si je te l'ai dit
Moi et la nuit mourante
Enlacées, grises et engourdies

Passons la nuit à nous mentir
Honnêtement comme les anges
Meublons le rêve qui s'étire
Buvons le rêve qui nous mange

Tu fais le fou, je fais la foire
On plonge au fond de la bouteille
Tout est vrai tant qu'il reste à boire
Et qu'on éclipse le sommeil

Les soirs de scotch m'enchantent
Je sais pas si je te l'ai dit
L'ivresse est caressante
Suave et chaude comme un nid

Les soirs de scotch m'enchantent
Je sais pas si je te l'ai dit
Sur mes douceurs prudentes
Ils coulent et mouillent mon ennui

Les soirs de scotch m'enchantent ...

 

- Christian Mistral - Fontes -

 

 

30/01/2010

Vortex Violet

Après dans l'ordre de mes découvertes Vamp, un opercut, et Valium, mon préféré lu deux fois, Vacuum que je picore encore, je viens de dévorer Vautour le dernier des Vortex Violet de Christian Mistral. Un roman attachant et tendre au sens où je l'entends, avec cette écriture mistralienne bien personnelle et unique qui me parle tant. Tout en ayant beaucoup d'amitié pour l'homme, je dois dire que Mistral est l'écrivain qui m'a le plus marqué dans les derniers mois qui viennent de passer, un verbe riche et dense, une sensibilité à fleur, une capacité à exprimer les tréfonds de l'âme humaine avec une sorte de grâce rebelle et un déchirement poétique tout à fait particulier, je ne m'en lasse pas, j'en redemande.

Plum en avait parlé en ces termes dans un de ses commentaires au Vacuum II: "...parce que je me souviens quand j’ai lu Vautour, il y a un bail maintenant, à quel point ça m’avait jeté sur le cul de lire quelque chose qui collait d’aussi près à ma propre vie, je veux dire dans plein de petits détails que je pourrais pas vraiment nommer, un mélange de sensibilité, vision du monde et plus prosaïquement de "conditions de vie" pas juste semblables mais vécues, intégrées d’une façon tellement proche… (C’est certain que le fait que nous ayons vécus "en parallèle" plus ou moins dans les mêmes lieux et à la même époque y est pour quelque chose, mais pas seulement. Puisque, évidemment, Mistral n’est pas le seul écrivain québécois de sa génération que j’ai lu et jamais, même si j’en ai bien sûr apprécié d’autres, jamais je n’ai ressenti ça aussi fort…)

N'ayant pour ma part pas vécu à Montréal en parallèle et pas de la même manière je ne peux en dire autant, mais par contre je retrouve chez Mistral dans sa langue et dans ses excès cette singulière importance de l'amitié et de l'amour pas si différents au demeurant, et quand il parle de ses états d'âme et de tout ce qui le remue et qui l'anime les gens qu'il aime ou qu'ils l'aiment ou le détestent, ça m'atteint au coeur et j'en vibre de l'intérieur, c'est une écriture émotionnelle comme une musique comme un poème. Et puis derrière cette teinte bien à lui, ce ton t'auto-dérision, cette sorte de nombrilisme bien caractéristique mais qui densifie encore davantage son écriture, il y a beaucoup d'humanité au fond et de volonté d'être au plus prés, une lucidité acérée sans compromis. La richesse du vocabulaire et cet humour un peu à la Buster Keaton ou plus encore peut-être à la Chaplin d'évoquer les scènes de vie truculentes et parfois si rocambolesques, tragiques et déchirantes aussi, cette manière de manier les mots tout à fait propre à son oeuvre me touchent vraiment profond et m'interpellent. Vautour est un cheminement comme chacun des Vortex d'ailleurs, une tranche de vie, une rencontre, toujours cette fatale présence de la mort et de la séparation de l'alcool des femmes aussi de tout ce qui donne un sens, à ceux qui comptent dans notre vie, aux méandres de l'inspiration et comment cela se tricote s'emboîte et nous transforme nous nourrit nous fait avancer, un bel hommage et une belle preuve d'amour à l'amitié et à l'écriture aussi, à la sueur, à la vie, pas un instant je n'ai douté de l'existence d'une telle expérimentation, c'est là aussi toute la puissance de cet écrivain indéniablement génial. Il parle de ce qu'il vit et comment ça vit en lui, et cela avec tant de talent. Vivant vivace percutant transpirant émouvant et décapant, moi ça me transporte...

 

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" Murmures de rêves étirés aux limites comateuses crues. Sursauts tout le long de la musculature et spasmes dans toutes les épaisseurs. Chorégraphies valsantes de rasoir Bic bleus et les deux lames leur sont des lèvres d'acier qui modulent des aigus. Et il m'arrive de m'éveiller, de me dresser fiévreux dans la nuit de mon lit, des pages plein la tête, et j'allume et j'écris tout excité à l'idée du bon matériau que ça fera pour le livre qui me travaille si les mots passent l'aube. Alors lambeau par lambeau par lambeau de lambeau, j'extrais de mon âme toute les épiphanies qui la brouillent comme un oeuf sanglant."

" Qu'ajouter? J'ai triché de toutes les inavouables façons que j'avoue maintenant. J'ai déterré de vieux trucs enfouis dans la boîte que je réserve aux vieux trucs, des trucs ue j'écris gratis et qui sont déjà vieux pendant que je les écris, et qui me faisaient penser à Vautour mais qui n'étaient pas Vautour. J'ai voulu les fourrer dans ce livre que je torchais pour le faire vivre et pour l'achever. J'ai pris le job de Dieu avec des moyens d'avorton. Pour une histoire aussi simple, il y a de quoi désepérer de la littérature si on n'accepte qu'elle demeure impuissante à mouler les tragédies ordinaires. Si simple, je le répète, que chacun devrait y ressentir le parfum d'une perte proche. En rencontrant Vautour, j'étais un raté jusqu'à preuve du contraire lui aussi, j'étais sur le point de connaître le succès, il était sur le point de mourir. Un an plus tard je file un coton pleurnichard et peureux. Rien n'est notable dans cette affaire. Aucun détail ne rachète le destin de ce jeune homme, pas plus que le mien qui s'élabore en toute injustice blafarde. Je songe aux horreurs que la nature suggère d'éprouver au contact de la peur, la grosse chienne, la vraie grosse peur de mourir, et je découvre stupéfait que cela me tranche le poignet qui scribouile. Je trace les signes avec l'énergie d'un restant de main, assis me soûlant devant un téléphone qui ne sonne pas, je suis vivant mais c'est bien peu quand le téléphone se dégonfle."

- Christian Mistral - Vautour -

 


 

29/01/2010

le poète parle...

 

 

26/01/2010

Nous sommes tous poètes... enfin... presque

Merci Guilio.

Contrairement à bien des idées reçues, la poésie est plus naturelle, donc plus proche de la nature humaine, que la prose. La prose, plus organisée, structurée, ordonnée, soumise à mille prescriptions, conseils, règles, lois et conventions grammaticales, logiques, stylistiques et j’en passe, nous mettons, dans le meilleur des cas, deux lustres à l’apprendre et vingt ans à la maîtriser.

La poésie par contre, fuse d’emblée avec ses premiers mots de la gorge de bébé, avec la tendresse d’une mère ou d’un père, la joie d’un amant, le vertige de l’errant du désert face au firmament infini, la lutte du marin contre la tempête, la peur rétrospective de l’ouvrier réchappé du feu de la fonderie... Et personne n’a besoin de grammaire ou de syntaxe pour s’écrier comme Lorca devant la mort dans l’arène ensanglantée :

 »À cinq heures du soir./ Il était juste cinq heures du soir./ Un enfant apporta le blanc linceul / à cinq heures du soir./ Le panier de chaux déjà prêt / à cinq heures du soir./ Et le reste n’était que mort, rien que mort / à cinq heures du soir…« 

Personne ? Sans doute, sauf que par retenue, modestie, crainte, habitude de former des phrases complètes selon les »règles« , vous n’eussiez pas songé à vous exprimer face au drame de la corrida, comme le fit Federico de Garcia Lorca dans ces vers.(1) Sous l’impulsion d’une émotion, la plupart d’entre nous ressentent (sentent s’exprimer en eux) en poésie ce qu’il vont ensuite tâcher d’exprimer en prose. Bien sûr, ils ne se »lâcheront« que devant bébé, maman, l’épouse ou l’ami. C’est qu’il est inhibiteur, voire castrateur de création, ce frein, ce portillon de contrôle, pourtant parfois utile, que nous imposons au désir de notre subconscient de s’exprimer librement.

Car – et c’est là sa différence essentielle avec la prose – la poésie est le produit de notre subconscient, où se télescopent et se mêlent en permanence des millions d’impressions, souvenirs et fulgurances à l’abri de la raison. En poésie, la raison peut, après une première expression (de l’impression), nous la faire écrire noir sur blanc, la revoir, fignoler, élaguer, affiner, mais elle ne doit rien changer de fondamental au premier jet. C’est ce que Laurent Fels explique dans son livre »Quête ésotérique et création poétique dans Anabase de Saint-John Perse« que je vous ai présenté dans ces colonnes le 13 janvier (www.zlv.lu/ spip/spip.php ?article1995). N’oublions pas en effet que toutes les impressions, tout ce que nos sens perçoivent consciemment ou inconsciemment 24 heures sur 24 au cours de notre existence est enregistré dans notre mémoire et stocké. Plus une impression est forte et/ou fréquemment répétée et/ou rappelée, plus elle reste accessible à la raison. Elles sont des millions, des milliards même, ces impressions qui cohabitent au fin fond de nous et interagissent, se combinent, explosent parfois en jets de magma porteur de questionnements, de joie, ou de souffrance.

Même fortes, mais rares ou uniques, mais jamais rappelées par les hasards, les stimuli, ou les exigences de la vie, ces impressions s’enfoncent dans les abîmes de notre mémoire morte. Morte ? Pas si sûr. Plutôt dormante, car tout ce que nous voyons, entendons, sentons, ressentons et pensons est précieusement conservé par notre subconscient. Cela signifie que nous n’en avons plus conscience, mais que c’est bien présent et peut rejaillir à tout moment de manière incontrôlée dès que le gardiennage de la raison se relâche : souffrance, désarroi, joie intense, faiblesse, forte émotion et, surtout, sommeil. Que sont donc nos rêves sinon des régurgitations de notre subconscient, dont les figures profitent de notre inattention pour remonter et se rappeler à notre bon souvenir ?

Toute poésie est-elle onirique, fruit du rêve ? Non, bien sûr. Mais elle est toujours passible d’être rappelée, extirpée du subconscient n’importe quand par n’importe qui : vous, lui, elle, les poètes, moi-même. Certes, la raison peut enfanter des textes d’apparence poétique, et tout écrivant peut aligner des vers et des rimes. Mais cela n’a rien à voir avec la poésie. Et n’allez pas m’objecter : »C’est bon, l’ami, arrête tes embrouilles ! Si j’étais poète, ça se saurait, ou, en tout cas, moi, je le saurais« . Croyez-vous ? Eh bien, je vous dis, moi, que vous n’en sauriez rien. La preuve : Croyez-vous qu’un fils d’ouvrier immigré ce qu’il y a de plus réaliste tourné vers la gestion et l’organisation pratique comme Serge Basso sût il y a vingt ans qu’il était poète ?

Pensez-vous qu’il sût, avant d’enfin se lâcher un peu, donc d’ouvrir il y a moins d’un lustre les vannes de sa sensibilité et de ses rêves pour les livrer à un recueil, donc à nous tous(2), qu’il était poète ? Certainement pas, et puis soudain ne va-t-il pas  »S’asseoir au bord des songes / à regarder passer nos illusions perdues // Et tracer sur le sol / la poussière des cris« ? Poète d’un jour ? Pensez-vous ? Moins de trois ans après il remet ça avec »L’envers du sable« (3), où le sablier du temps fait remonter le passé en paroles plutôt qu’en larmes :  »On le voyait de loin, son vélo dessinait la courbe de la route. Mon père arrivait, blanc de chaux, cachant, sous son silence assumé, tous les bruits de l’usine. Il portait à sa traîne ses huit heures de fatigue...« . Rien de sophistiqué, de littéraire, d’élaboré, d’hermétique dans ces mots que vous eussiez pu dire ou écrire vous-même, si, enfant, vous aviez, comme Serge, guetté l’arrivée de papa, pour avertir la mamma qu’elle pouvait jeter les spaghetti dans l’eau.

Bien sûr, il y autant de personnalités qu’il y a de poètes, et tous ne savent ou ne veulent pas s’exprimer avec cette simplicité limpide et d’autant plus émouvante qu’elle parle à tous. D’autres attrapent les rejets de leur subconscient au passage, puis, craignant peut-être leur propre mise à nu, changent les mots – à bon entendeur salut ! – et usent de symboles, codes et autres procédés. Notez, ce n’est pas toujours intentionnel. Ces figures codées ou symboliques leur arrivent parfois telles quelles du fond de leur esprit. Les comprennent-ils seulement toujours eux-mêmes ? Ceux-là, les maîtres du genre, les José Ensch, Laurent Fels, Alain Guérin ou autres Joris, il faut les percer à jour, les déchiffrer, les dévoiler, ce que, en fait, ils veulent, tout en laissant le lecteur à chaque pas dans le doute. Oui, je dis bien : le lecteur, qui se doit souvent d’être plus poète que le poète, et dont la tâche devient une véritable découverte du même genre que celle du poète, pour qui ses jaillissements subconscients ne sont que rarement limpides.

Mon propos, amis lecteurs, n’est pas cette fois de vous conseiller quelque bonne lecture – roman, manuel ou poésie – mais de vous démontrer combien la poésie qui coule de source, est en fait votre forme spontanée d’expression. Bien plus facile à écrire qu’à comprendre, elle n’est au départ que le langage simple, élémentaire, cri du coeur, impression brute surgissant du plus profond de vous-même sans artifice ni mise en forme savante. Libre à vous, bien sûr, après coup, si vous en avez le goût ou en ressentez le besoin, de l’organiser, de la »mettre en musique« . À moins que vous ne préfériez la laisser courir librement, à la manière d’Alain Jégou qui réunit en son langage simple, quotidien de marin breton et ses résurgences oniriques et l’appel du grand large : »À la dérobée / embuée de foutre et de nacre confuse / murmure dans le ventre des femmes / l’aurore aux doits fouisseurs », ou bien  »À chaque partance sa part d’insouciance (...) se libérer de la routine et du confort (...) inspiré par l’impérieux besoin / d’errances, de quêtes et découvertes / la passion dévorante qui fait pousser des ailes / sourire l’univers et reculer la mort« .(4)

Une dernière remarque : un rejaillissement subconscient ou onirique chargé de poésie peut surgir n’importe où, n’importe quand. Notez-le tout de suite sur un bout de papier, un bloc-notes, agenda, ou téléphone portable. Pas trop raisonnables, ces pensées, parfois dérangeantes, plus d’une fois incompréhensibles, votre raison leur refuse volontiers toute existence »officielle« et fait de tout pour les refouler. Deux ou trois heures après, parfois même après quelques minutes, pfft, elles ont disparu… ce qui est bien dommage.

***

1) 1ère strophe du poème »Le coup de corne et la mort« : »La cogida y la muerte« , dont l’original espagnol (bien plus dramatique) se lit : »A las cinco de la tarde. / Eran las cinco en punto de la tarde. / Un niño trajo la blanca sábana / a las cinco de la tarde. / Una espuerta de cal ya prevenida / a las cinco de la tarde. / Lo demás era muerte y sólo muerte / a las cinco de la tarde...« 

2) Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek 7.7.06 Serge Basso de March : »Contremarges« .

3) Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek 7.7.09 Serge Basso de March : »L’envers du sable« (www.zlv.lu/spip/spip.php ?article418).

4) Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek 23.07.09 »Nostalgie et effluves marines« - Nic Klecker & Alain Jégou (www.zlv.lu/spip/spip.php ?article986).

Giulio-Enrico Pisani

 


25/01/2010

éclairage

 

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" Aime la vérité en toi. N'en use pas.

D'aucuns par foi ou par habitude, dressent des croix

Sur le bord des chemins, d'autres passent, sans plus.

Je dors, sous les étoiles, ces clartés étrangères. "

 

- Fernando Pessoa -

 

 

 

 

 

19/01/2010

un hémisphère dans une chevelure

 

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- Toile de Théodore Chassériau -

 

 

" Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l'odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dans l'eau d'une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l'air.

Si tu pouvais savoir tout ce que je vois! tout ce que je sens! tout ce que j'entends dans tes cheveux! Mon âme voyage sur le parfum comme l'âme des autres hommes sur la musique... "

- Charles Baudelaire -

 

 

 

14/01/2010

Le Poète

Puisque l'oiseau des bois voltige et chante encore
Sur la branche où ses oeufs sont brisés dans le nid ;
Puisque la fleur des champs entr'ouverte à l'aurore,
Voyant sur la pelouse une autre fleur éclore,
S'incline sans murmure et tombe avec la nuit ;

Puisqu'au fond des forêts, sous les toits de verdure,
On entend le bois mort craquer dans le sentier,
Et puisqu'en traversant l'immortelle nature,
L'homme n'a su trouver de science qui dure,
Que de marcher toujours et toujours oublier ;

Puisque, jusqu'aux rochers, tout se change en poussière
Puisque tout meurt ce soir pour revivre demain ;
Puisque c'est un engrais que le meurtre et la guerre ;
Puisque sur une tombe on voit sortir de terre
Le brin d'herbe sacré qui nous donne le pain ;

Ô Muse ! que m'importe ou la mort ou la vie ?
J'aime, et je veux pâlir ; j'aime et je veux souffrir ;
J'aime, et pour un baiser je donne mon génie ;
J'aime, et je veux sentir sur ma joue amaigrie
Ruisseler une source impossible à tarir.

J'aime, et je veux chanter la joie et la paresse,
Ma folle expérience et mes soucis d'un jour,
Et je veux raconter et répéter sans cesse
Qu'après avoir juré de vivre sans maîtresse,
J'ai fait serment de vivre et de mourir d'amour.

Dépouille devant tous l'orgueil qui te dévore,
Coeur gonflé d'amertume et qui t'es cru fermé.
Aime, et tu renaîtras ; fais-toi fleur pour éclore.
Après avoir souffert, il faut souffrir encore ;
Il faut aimer sans cesse, après avoir aimé.

- Alfred de Musset -

 

 

13/01/2010

Haïti

Ce soir mon coeur est haïtien.

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Bouche de clartés


Ma bouche folle de systèmes
Folle d'aventures
place de balises
aux virages les plus dangereux

Ma bouche noire de misère
de salive noire
noire de nuit noire
boit son bol de clartés

Ma bouche enceinte de chansons
enceinte de couleuvres
de mon premier cri d'enfant
tient des propos
qui scient la lune en deux

Et c'est ma bouche
pleine de rumeurs
qui dit aux hommes
la peine d'un monde
qui s'ouvre les veines

- René Dépestre -

 

 

06/01/2010

ma préférence

 

 

02/01/2010

lumineux

 

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Boue

qui s'écoule

s'éclaircit

 

- Taneda Santôka -

 

 

 

 

30/12/2009

évocations...

 

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- Man Ray -

 

 

 

" Plus que la poésie, la chanson est une formidable machine à errer dans le temps. Associé à un événement marquant, premier baiser ou accident de voiture, telle ou telle chanson prendra une signification privée pour chaque personne qui l'entend, et cela, pour toujours. Seules certaines odeurs possèdent un semblable pouvoir d'évocation, aussi puissant et immédiat. Mais écrire les parfums, cela relève du poème..."

- Christian Mistral - Fontes -