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22/01/2013

Kiki

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On connaît tous Kiki, on connaït tous la sublissime photo de Man Ray la représentant de dos, le corps violoncelle si déferlant de beauté. Personne n'ignore qu'elle a été élue la "reine de Montparnasse" et elle a, me concenant, longtemps coloré mes fantasmes d'adolescente ( la grande Sarah aussi mais pour d'autres raisons) : muse, amante d'artistes célèbres, chanteuse, danseuse, actrice, peintre, gérante de cabaret, tout ce dont je rêvais plus jeune au milieu des champs de betteraves de feu mon grand-père tant choyé. Et voilà, qu'au détour d'une conversation sur la mode et ses effets secondaires, mon Black Angel, une nouvelle fois, éclaire ma lanterne et m'ouvre les yeux, me les nettoie et du même coup me donne à penser, à réfléchir et à m'aventurer. Lui et moi sommes aguerris à ce petit jeu là, celui de nous exciter l'un et l'autre les neurones et nous donner du grain à moudre. Je dois dire aussi que la balance, n'empêche, penche toujours un peu plus de son côté. Kiki. Quel parcours, quelle destinée! Quand j'ai lu Wiki, les bras m'en sont tombés. Sa vie est un vrai mélodramme et son parcours un combat de chaque instant. Jamais je n'aurais pensé que cette femme au visage d'albâtre que j'imaginais volontiers passant de bras en bras, de salons en salons, gracieuse et inspirante par les courbes de son coprs, par son audace, par la vivacité de son esprit et par son intarissable appétit de vie en ait bavé, ait autant bouffé de la vache enragée, en ait essuyée des plâtres et des déboires de sa naissance jusqu'à la fin. Les images déforment la réalité, les oeuvres d'art l'embelissent et les rêves transforment en délices toutes les aspérités de la vie. Sacrée Kiki. Après avoir nourrie mon adolescence d'élucubrants désirs, voilà qu'elle me ramène par le parcours de sa vie à une pensée qui m'est chère. On peut voir une rose pousser dans le fumier. Même que la rose peut l'emporter et devenir un parfum. Un parfum, d'éternité...

 

17/01/2013

De la beauté

 

Hymne à la beauté

Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,
Ô Beauté ! ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l'on peut pour cela te comparer au vin.

Tu contiens dans ton oeil le couchant et l'aurore ;
Tu répands des parfums comme un soir orageux ;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l'enfant courageux.

Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.

Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ;
De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.

L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L'amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l'air d'un moribond caressant son tombeau.

Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,
Ô Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte
D'un Infini que j'aime et n'ai jamais connu ?

De Satan ou de Dieu, qu'importe ? Ange ou Sirène,
Qu'importe, si tu rends, - fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! -
L'univers moins hideux et les instants moins lourds ?

 

- Charles Baudelaire -

 

14/01/2013

Blog & Co (suite 2)

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Toujours dans ma réflexion sur les blogs et grâce aux recherches de Christian dans sa mémoire vive, je vous encourage à aller lire tous les textes que la revue Zinc avait publiés sur le sujet en Automne 2007 dans son numéro spécial Blogue. Black Angel m'a fait remarquer à quel point l'article d'OldCola est celui qui rejoint le plus mes idées sur le blog: j'en profite pour le remercier, le colosse de Bordeaux, d'archiver sans relâche, car grâce à lui on peut y avoir accès, .

 

 

Premiers gestes

Tous les matins, depuis début janvier je reprends mon rituel du début de l'année dernière auquel s'est ajouté les trois pages d'écriture "sans penser" conseillées par "Comment développer sa créativité". Je m'enveloppe dans une veille robe de chambre tantôt bleue tantôt fraise écrasée et j'allume mon ordinateur. D'abord aveuglée par la lumière de l'écran, les yeux encore collés par une nuit chargée de rêves et peuplée d'imageries et d'élucubrantes idées, je consulte mes mails. Quand je vois que j'en ai reçus, je ne les ouvre pas tout de suite, un peu comme je faisais plus jeune avec mon courrier, j'attends, je me délecte d'abord de l'expéditeur en espérant lire encore et encore de quoi me nourrir et je vais faire un tour chez moi et chez mes amis pour sentir ce qui s'est passé pendant la nuit dans leurs vies et dans leurs têtes. Je sens alors que mon esprit amalgame le tout. Le futur passé chez Christian, le chier un schtroumpf chez Mac, le coeur à palme chez Laure, la Tarasque chez VieuxG., Plumi chez Plumi, l'invitation à la valse chez Lelius, Orfeenix et Michael chez Mokhtar et toute la matière à se griser les neurones en commentaire chez moi parce que Laure, parce que Bizak, parce que chaque réaction provoque en chaîne une pensée à l'autre bout. Je me pose. Je réfléchis. Il est déjà sept heures et demie. J'essaie de ne pas me laisser surprendre par des interférences d'ordre pratique, tout ce que je vais devoir accomplir dans la journée. J'essaie de mettre à l'écart les pensées noires, tordues, désernégisantes, empêcheuses d'avancer et je tente de me concentrer sur ce qui me vient à écrire. Les fameuses trois pages d'écriture du matin sont normalement des pages personnelles que personne à par celui qui les écrit ne doit lire. Cela s'avère exact qu'au bout de trois semaines de cet exercice ressortent en filigrane les désirs les plus profonds, les besoins, le mode d'expression. Boileau d'un seul coup me revient en mémoire, le fameux Boileau cité par Venise à son insu, repris par Laure sur son blog, ce qui ce conçoit bien s'énonce clairement, à croire que notre esprit est construit avec cette fulgurance puisqu'il est capable de fabriquer lui-même une réponse à nos problèmes pourvu qu'on veuille bien lire ce qu'il a à dire. A ce moment précis de ma réflexion, je sens le besoin d'aller relire la note de Mistral, parce qu'elle m'a perturbée. Autant le CUS de Mac m'a fait lyeser, autant le questionnement de Christian m'a interpellée, vraiment: Un autodidacte célébré pour sa maîtrise du langage peut-il, avec le moindre espoir de convaincre, exprimer le drame de l'ignorance structurelle de sa génération? Et dénoncer la sienne propre, s'il songe à tout ce qu'on a criminellement négligé de lui enseigner? Peut-il avec succès alerter ses contemporains à l'urgence d'agir alors même qu'il semble incarner à lui tout seul l'inexistence du problème qu'il soulève? Toute son éloquence ne servira qu'à dissimuler l'agonie de l'éloquence. Ultimement, la logique exigera qu'on ne sache plus parler pour persuader autrui des périls que court la parole, qu'il ne sache plus nous comprendre, il faudra perdre le lire et l'écrire pour qu'un illettré adresse à un autre une missive bien sentie s'inquiétant du cours des choses. Absurde à un bout, absurde à l'autre et sans substance au milieu: ce fil de réflexion me contraint depuis longtemps, aussi sûrement qu'une chaîne soudée à un piquet planté dans un champ, quand elle mène à un collier coulant qui ceint le cou d'un grand chien jaune. Aïe. Ne pouvons-nous donc pas nous permettre l'imperfection? Ne sommes-nous pas condamnés à toujours peaufiner et à toujours aiguiser nos couteaux, comme en cuisine, plus on s'en sert, plus il faut affûter la lame pour qu'elle reste coupante? Je reste avec ma réflexion un bon moment avant de mesurer la souffrance qu'implique une telle prise de conscience, une telle absurdité. En même temps je sens qu'elle me pousse dans mes retranchements, et toi que fais-tu pour que ça change, quelle pierre vas-tu mettre à l'édifice de l'humanité, comment vas-tu t'y prendre? 


13/01/2013

Pola Kinski

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- Photo de Pola Kinski -

 

C'est toujours difficile pour moi de lire des choses comme ça, d'autant que j'ai toujours trouvé Klaus Kisnki fou certes mais génial, stupéfiant, envoûtant et hors du commun. Jamais évidemment je n'aurais imaginé qu'il puisse avoir à ce point maltraité sa fille. C'est normal. Personne ne peut penser qu'un père ou qu'une mère puisse manquer de discernement, d'humanité, d'empathie. Je ne doute pas que son enfance à lui ait été misérable et torturante, incestueuse et destructrice mais ça me fait mal de voir qu'il n'a pu faire autrement que de reproduire. J'y pense souvent moi aussi, je pense souvent à tout ce qui aurait pu être évité si mon grand-père, ma mère et mon père, leurs parents, leurs grand-parents s'y étaient pris autrement. Et même si j'ai plus ou moins réussi à faire pousser un jardin de fleurs sur ce fumier familial, même si les souffrances que j'ai endurées pour en sortir sont maintenant derrière moi et ont fait de moi la femme que je suis, je ne peux m'empêcher d'avoir mal quand je croise un tel témoignage. Probablement qu'il y a quelques années encore, ça m'aurait mise dans une rage folle. Plus maintenant. Je suis profondément attristée et intimement convaincue que c'est bien que les choses soient dites un jour ou l'autre, pour elle, pour ses enfants et pour nous tous. C'est un sujet tellement difficile à aborder et comment faire autrement pour que ça s'arrête?

- Kindermund, parole d'enfant, de Pola Kinski -


 

Simone, mon deuxième prénom...

 

En vérité, l'influence de l'éducation et de l'entourage est ici immense.Tous les enfants essaient de compenser la séparation du sevrage par des conduites de séduction et de parade; on oblige le garçon à dépasser ce stade, on le délivre de son narcissisme en le fixant sur son pénis; tandis que la fillette est confirmée dans cette tendance à se faire objet qui est commune à tous les enfants. La poupée l'y aide, mais elle n'a pas non plus un rôle déterminant; le garçon aussi peut chérir un ours, un polichinelle en qui il se projette; c'est dans la forme globalede leur vie que chaque facteur : pénis, poupée, prend son poids. Ainsi, la passivité qui caractérisera essentiellement la femme«féminine» est un trait qui se développe en elle dès ses premières années. Mais il est faux de prétendre que c'est là une donnée biologique; en vérité, c'est un destin qui lui est imposé par ses éducateurs et par la société. L'immense chance du garçon, c'est que sa manière d'exister pour autrui l'encourage à se poser pour soi. Il fait l'apprentissage de son existence comme libre mouvement vers le monde; il rivalise de dureté et d'indépendance avec les autres garçons, il méprise les filles. Grimpant aux arbres, se battant avec des camarades, les affrontant dans des jeux violents, il saisit son corps comme un moyen de dominer la nature et un instrument de combat; il s'enorgueillit de ses muscles comme de son sexe; à travers jeux, sports, luttes, défis, épreuves, il trouve un emploi équilibré de ses forces; en même temps, il connaît les leçons sévères de la violence; il apprend à encaisser les coups, à mépriser la douleur, à refuser les larmes du premier âge. Il entreprend, il invente, il ose. C'est en faisant qu'il se fait être, d'un seul mouvement. Au contraire, chez la femme il y a, au départ, un conflit entre son existence autonome et son «être-autre»; on lui apprend que pour plaire il faut chercher à plaire, il faut se faire objet; elle doit donc renoncer à son autonomie. On la traite comme une poupée vivante et on lui refuse la liberté; ainsi se noue un cercle vicieux; car moins elle exercera sa liberté pour comprendre, saisir et découvrir le monde qui l'entoure, moins elle trouvera en lui de ressources, moins elle osera s'affirmer comme sujet; ... les femmes élevées par un homme échappe en grande partie aux tares de la féminité.
 
- Simone de Beauvoir -
 
 
Ce matin, je me lève aux aurores, sachant que ma journée va être une fois de plus consacrée à recevoir les doléances d'un tas de femmes cherchant à résoudre leur mal-être, Eh oui, même le Dimanche!. Comme évidemment je n'habille que les femmes, c'est plus souvent d'elles que je reçois les confidences. Parfois un homme s'égare à me confier ses pensées existentielles, mais c'est plus rare. Hier, samedi, la journée fut chargée. Premier Samedi des soldes, faut le vivre pour le croire. Electriques, hystériques, femmes au bord de la crise de nerfs, maris à bout, enfants balladés de boutique en boutique n'en pouvant plus de suivre mécaniquement des parents en quête de bonnes affaires, individus hagards suivant la masse, et au milieu de tout ça, néanmoins une ou deux bonnes surprises: une vieille connaissance qui réapparaît dans ma vie après des années de perte de vue et une de mes bonnes clientes qui, mariant sa fille dans l'urgence a senti le besoin de venir m'en parler avec l'argument de lui trouver une tenue. Comment en est-on arrivé à parler de Simone? Je ne sais plus. Mais elle a sourit quand je lui ai dit que c'était le prénom de ma grand-mère paternelle et donc mon deuxième prénom de baptême (tradition familiale oblige). " Quand j'étais adolescente, j'ai eu une passion pour elle, j'ai lu tous ses livres je crois. J'aimais aussi beaucoup Duras et Colette. Mais c'est avec Simone que j'ai le plus avancé. Grâce à elle, j'ai élevé ma fille autrement, autrement que ce que ma mère a fait de moi..." Pendant que je cherchais à trouver dans les rayons blindés cette fameuse tenue qui pourrait faire l'affaire pour le "jour J" ( comme elles disent pour la plupart) de sa fille, elle me parlait et me parlait encore, elle avait un incommensurable besoin de parler, je n'entendais qu'elle. J'essayais de me concentrer, une oreille pourtant attentive à ses propos. J'ai appris à faire ça avec le temps. Faire deux choses à la fois et tendre plusieurs cellules de mon cerveau. " C'était un vrai garçon manqué, remarquez, je n'ai pas eu trop de difficultés à l'élever autrement. Elle n'arrêtait pas de faire les quatre cent coups, etait toujours fourré avec son frère, jouait au foot, construisait des cabanes et au lieu de créeer des vêtments pour ses poupées ou comme moi passer des heures à jouer à la dînette ou à la marchande, elle les dépeçait et les torturait dans tous les sens. Plus tard elle s'est toujours habillée comme un garçon. C'est bête cette expression. Et maintenant, vous la verriez, une vraie femme, chatte, ensoceleuse, une diva!". Je lui tends une magnifique robe noire destructurée de Martin Margiela et lui propose au milieu de sa réflexion de la passer avec un longue veste plissée argent vielli d'Issey Miyaké, cet ensemble ne pouvait que lui aller, des matières qui mettrait en valeur ses rondeurs en les suggérant plutôt qu'en les moulant. pendant qu'elle continuait son monologue tout en se déshabillant, je pensais: " Comment aurais-été avec ma fille si j'en avais mise une au monde?"...
 
- Ah, Blue! C'est bon de te revoir. Comment tu vas?
- Wouah, Alexandra, ça fait un bail dis-moi, cinq, six, sept ans, je ne sais plus, mais ça fait longtemps, non?
- Une éternité! mais regarde nous n'avons pas changé. Les épreuves nous ont conservées...
- Qu'est-ce que tu deviens?
- Tu ne vas pas le croire... Je me marie!
- Non !?!
- Je ne pensais pas me remarier un jour, tu sais avec tout ce que j'ai endurer de mon premier mariage... Toi, ton homme, ça va?
- Oui, ça va... Tes filles?
- Difficile. C'est toujours difficile. Leur père est devenu fou. Il a fait rechute sur rechute, tu sais, il a été hospitalisé un nombre de fois incalculable, maintenant il est retourné vivre chez sa mère. C'est très triste, il n'a jamais réussi à dépasser son irrépressible besoin dépressif, il est devenu agressif et méchant avec elles, plus qu'avec moi. Elle ne peuvent plus le voir, il les détruit. Mais elles sont soulagées qu'un homme entre dans ma vie, elles n'aurant pas à s'occuper de moi, c'était un souci pour elles...
 
Je me souviens bien des deux gamines d'Alexandra, l'aînée était d'une intelligence fulgurante, elle s'intéressait à tout, art, philosophie, littérature, musique, peinture et la seconde un vrai petit diable ne se passionnait que pour la course à pied! Quand j'ai connu Alexandra, j'avais dix-sept ans. A l'époque j'étudais ma médecine en première année, elle était déjà à la fin du cursus, interne en cardiologie. Je faisais des babby-sittings mais n'ai jamais eu l'occasion de garder ses filles, les petits gars de sa meilleure amie, oui. Elle est devenue une amie aussi des années après. Le monde est si petit...
 
Aurais-je été différente avec ma fille qu'avec mes fils? Quelle espèce de femme serait-elle devenue? A-t-on des enfants à son image? Ai-je été une bonne maman pour mes garçons? Est-ce que Simone a raison?
 
 
 

11/01/2013

Blog & Co (suite 1)

Suite à cet audit fort instructif et généreux, Mistral m'a envoyé un lien vers une série d'interviews qu'OldCola avait programmées il y a maintenant une dizaine d'années sur ce même sujet. Certains auteurs de ces réponses n'ont plus de blogs depuis longtemps d'autres ont changé d'adresse, néanmoins leurs expériences et ce qu'ils en disent sont riches d'enseignements.

Par exemple, comme me l'a judicieusement fait remarquer Christian, cette réflexion de Lady Guy:

La nature publique du blogue me fascine et j'aimerais en parler. Je fais très attention à ce que j'écris. Je me sens toujours plus à l'aise avec mes lecteurs « virtuels » qu'avec les lecteurs qui me connaissent dans la «vraie » vie. The Man écrit rarement des commentaires, car sinon, il aurait un ascendant sur moi et sur ceux qui participent à mon blogue, puisqu'il vit avec moi. D'ailleurs, je lui fais toujours lire les billets qui le concernent avant de les poster, pour ne pas que ses parents (qui me lisent) aillent s'imaginer que le je ridiculise dans son dos.

C'est toujours très étrange, quand je rencontre des amis qui lisent Le Journal de Lady Guy et qui me lancent : "Comme ça, Sissi a mangé votre capote ? The Man est athée ?". Les gens prennent très au sérieux ce qui est écrit, il ne leur vient pas à l'idée que je transforme la vérité par l'écriture ou que, parfois, au contraire, il y a plus de vérité dans mon blogue que ce que je leur dis en paroles. Enfin, ces petits détails me font réfléchir sur l'écriture en général. Je commence à comprendre, vaguement, ce que les écrivains qui font dans l'autofiction doivent supporter lorsqu'ils publient un roman, et que toute la parenté, les ex et les amis se manifestent pour protester contre certains faits. Ce doit être délicat, en effet!

J'ai en effet moi-même eu à pâtir de cette interactivité entre ce qu'on écrit, qu'on exprime, qu'on partage au travers de son blog et la "vraie" vie. A pâtir mais aussi à m'enrichir. Pas encore plus tard qu'hier un de mes clients qui me lit régulièrement, je viens de l'apprendre, a tenu à me dire à quel point ça lui faisait du bien... C'est tout l'art de l'écriture dans le cadre du blog. Il y a matière à réfléchir encore là-dessus et à s'aventurer...

 

09/01/2013

Blog & Co

C'est la question d'un vieil ami lecteur assidu de mon blog: "qu'est-ce que le blog change dans ta vie, qu'est-ce qu'il t'apporte?" et la naissance des blogs de Mokhtar, Lélius et Plumi qui m'ont engagée dans cette énième réflexion sur l'utilité et les conséquences que peuvent avoir la tenue d'un blog. Pendant que Christian Mistral, à qui j'ai évidemment posé la question en tout premier quand j'ai décidé de mettre à contribution certains blogueurs eux-mêmes assidus lecteurs d'Helenablue et fervents créateurs de leurs espaces, cherche à trouver une réponse en relisant tout du sien et du mien, commentaires compris, ainsi que deux ans de celui de Sandy depuis plusieurs jours et plusieurs nuits, d'autres m'ont fait part de leur ressenti, de leur impression et de leur vision par rapport à ce magnifique outil possible de communication. Je les en remercie.

Venise, qui comme chacun le sait ici, tient un blog spécialisé en littérature québécoise, "le Passe-mot" depuis plus de cinq ans a généreusement répondu à ma question. Je vous livre sa réflexion grisante, couleur de l'encre qu'elle utilise:

Le blogue est devenu à la longue un prolongement de ma parole. Un écho qui me renvoie des pistes de réflexion. C'est un livre interactif que j'écris avec des personnes avec qui j'ai des affinités ou, à tout le moins, un intérêt commun. C'est un outil merveilleux de promotion pour la littérature québécoise. Je me sens investie d'une mission, tellement on me fait sentir que mon rôle est apprécié. Le milieu littéraire est petit au Québec et je me sens faire partie d'un milieu, en me déplaçant pourtant rarement
 
En utilisant la tribune du Passe-Mot, je reste chez moi dans mon corps et je sors par l'esprit, jusqu'à devenir, dans une petite part, une personnalité publique. Il arrive que l'on me reconnaisse, à l'épicerie par exemple. J'aime l'idée que mon esprit me précède.
 
Mon blogue a été une carte d'entrée pour me joindre à une communauté de blogues dans une entreprise importante dans le milieu culturel ; le magazine Voir. Je ne parle pas plus haut, pas plus fort, mais je suis entendue. Ça donne une autre dimension à mon existence. En plus, cela me pousse au dépassement. Je pense souvent à cet adage : "Ce qui se conçoit aisément, s'énonce facilement". C'est ma gymnastique de l'esprit.
 
Le Passe-Mot est un port d'attache, ce qui est une image belle pour une Venise. C'est un espace où je suis valorisée. Cela fait maintenant 5 ans et demi, et je ne le regrette pas un instant, malgré les efforts soutenus exigés, dont un nommé discipline.

 
Mokhtar, toujours aussi magnifiquement inspiré a réagi ainsi:
 
Avoir un blog c'est découvrir un organe qu'on a toujours eu et dont on ne s'est jamais servi; ça frise une dimension existentielle, voire métaphysique de canalisation des possibilités de son être-là au monde. Le blog n'est ni superficiel ni virtuel! c'est un jeu-enjeu-entre-jeu du je, des je ! Il est un pied-de-nez à toutes les formes de dictature, à commencer par la familiale jusqu'à l'infecte politique qui fonctionne à la répression-censure! Tous ceux qui disent que le blog est une illusion ou une virtualité sont soit des maladroits qui ne savent pas utiliser cet atout , soit les maquignons de l'édition qui veulent aliéner toute expressivité libre et la transformer en fric pour eux, en exerçant leurs diktats du "si tu changeais ça, si tu enlevais ceci: l'expropriation de notre en-soi intrinsèque. Ce qui fait rager les dictateurs de tout acabit c'est ce contre-pouvoir que parviennent à créer, à la longue les blogueurs. Il y  une tentative de créer un cimetière de blogs, comme celui des éléphants mais nous sommes et serons là! 
Je crois que les gens recommencent à prendre conscience de cet enjeu du blog. Et plusieurs blogs, même fermés, rouvrent leurs portes! 
Voici ce que je réponds à ta question.

 
Tandis que Bizak, très courtois et affable me donnait sa réponse en ces termes:
 

Merci, Blue, de ton invitation à participer, à la confection de ta note sur le blog !

D’entrée, Blue, je dirais que je t’ai connu toi ! Femme d’une extrême sensibilité et dont je dois le reconnaître, tu m’as apporté beaucoup par l’engouement et l'envie que tu instilles dans les échanges tellement riches sur tout ce qui concerne la vie et ses vicissitudes ainsi que ses bonheurs. Pour résumer, le blog m’apporté une autre façon de jouir du plaisir de la vie en société, sans qu’on soit présent physiquement ensemble mais c’est tout, comme ! En vérité l’impression ressentie, hormis la présence physique, tout le reste était présent : on rit, on discute (on écrit !), on se boude, on s’énerve, on se fâche, on se présente des amis(es), on reste longtemps sans se parler et on reprend …etc.

 1) Le blog donc, est une société dans une société, c’est une cellule familiale où les échanges sont publics. On ne sort pas de chez soi et on se voit quand même ; il y’a en fait une présence permanente !

Je me rappelle mes débuts avec le blog, où quand je ne pouvais pas rendre publique mes sentiments sur un sujet, je m’épanchais en t’envoyant un émail où je m’ouvrais à toi sans jamais l’avoir fait dans le passé, du temps où le blog et internet n’existaient pas.

 2) Le blog m’a permis de me rapprocher de beaucoup de gens quelques soient leurs opinions, leur positions politiques ou autres. Quand un sujet ne me plait pas, point d’explication à donner, il suffit de ne pas commenter (jamais on ne saura la raison, même si les temps d’arrêt parlent eux aussi…-Mokhtar n’aime pas les points de suspension-)

 3) J’ai découvert des Gens charmants ! Je suis à peu près sûr que si un jour, je rencontre (physiquement parlant) un parmi vous, surtout de ceux ou celles avec qui j’ai un certain ressenti, amical bien sûr, (Il se pourrait qu’il y’ait aussi des surprises, bonnes ou mauvaises !), je me ferais un plaisir de les approcher un peu plus, si bien sûr les deux parties conviennent de cette possibilité.

 4) J’ai remarqué aussi que des blogueurs pour une raison ou une autre, se chamaillent, se quittent en direct, s’insultent, ferment leur blog, en ouvrent un autre, etc.…C’est comme dans la vie en général avant l’existence du blog.

 Conclusion : Quel étrange outil que le blog (cette toile d’araignée mondiale..) ! Comme tout outil, il y’a ses bons et ses mauvais côtés! Pour moi, s’il y’a du respect, de la convivialité, de l’amour, du partage, de la solidarité ! Le blog est  un objet « non obscur »du désir, de l’amitié, des hommes et des femmes civilisés.

 

Voilà déjà matière à réfléchir et à penser. Le blog, un formidable outil pour s'exprimer, promouvoir, partager, se réaliser, rencontrer, créer du lien... Mais encore?

Claudio, qui réfléchit à ça depuis longtemps et que j'ai déjà sollicité pour entendre ce qu'il a à en dire, pensant se répéter m'a donné une réponse qui lui ressemble bien:

 

Blogueur depuis 6 ans avec des interruptions, j’en suis à mon troisième blog. A chaque fois que j’en fermais un je croyais que c’était définitif, puis, le virus me reprenait ; ça me manquait, tout simplement.

Cependant, il y a eu une évolution. Si au début, j’aimais échanger sur des sujets brûlants (actualité, politique…) et débattre, peu à peu c’est devenu un lieu où je dépose des choses, pour les partager bien sûr, mais sans besoin de retour comme c’était le cas auparavant.

Ce que globalement cela m’a apporté, c’est de rencontrer des gens, parfois « en vrai » et de me dire que ce sont des amis, plus vrais que d’autres d’ailleurs, puisque nos échanges virtuels se sont toujours faits, et c’est leur qualité première selon moi, sur l’essentiel, sur l’humain. La « vraie vie » (j’écris cela pour me faire comprendre car pour moi, les blogs c’est aussi la vraie vie) demande trop d’obligations sociales et conventionnelles, des entrées en matière, des politesses inutiles, des salamalecs, que les échanges bloguesques nous économisent.

Depuis le début de mon expérience, les réseaux sociaux ont rogné l’impact du blog et me servent pour des partages de liens ou des pensées furtives. Plutôt inadaptés à la réflexion de fond ou à la création, ils laissent aux blogs le soin de les accueillir en dessinant également une véritable identité de leurs auteurs.  Aussi, cette expérience m’a permis de mieux me regarder de l’extérieur et de cerner l’image qu’on pouvait avoir de moi.

Cet outil ne change pas la vie, mais peut changer son rapport aux autres. Chacun portant sa croix, on se bagarre en permanence contre des choses. L’une de mes croix étant une timidité maladive, cette activité m’a fait progresser, même si je suis conscient de ne jamais guérir. Mais c’est déjà pas mal.

Je crois, en ce qui me concerne, qu’étant plus à l’aise avec l’écrit qu’avec le rapport direct, j’ai pu me familiariser assez rapidement avec  ce moyen de communiquer et d’échanger.

Assez exigeant avec moi-même je m’oblige à un billet quotidien. Cela me permet de rester en éveil. Je ne saurai tenir un blog en dilettante. Et aussi de grouper, au même endroit, l’essentiel de mes réflexions.

En conclusion, les échanges, l’apprentissage, les amitiés, l’ouverture, l’éveil, la progression... que du bon. Car, contrairement à d’autres lieux sociaux, on peut s’abstenir, passer, rester, éviter… la liberté de chacun se trouve devant son clavier et les contraintes sociales n’existent quasiment pas.

J’ajoute que souvent vient l’angoisse de se répéter et de n’avoir plus rien à dire. On a beau changer d’angle, on sent bien qu’on radote. Combien de fois ai-je découvert, après-coup que j’avais déjà traité le sujet quelques années auparavant !? Tant pis. C’est que ce qui nous passionne et ce qui nous hante ne change pas tant que ça en réalité.


 Changer son rapport aux autres, se dicipliner, partager. Pour ce qui est d'offrir, Lélius semble y être particulièrement sensible, dans sa réponse, en plus de découvrir qu'il pratique ses talents pour quelques rares depuis longtemps on ressent le plaisir qu'il trouve à donner et que ça ne soit pas trop compliqué à mettre en place. Le blog est un outil à la portée de tous, techniquement, j'entends. C'est plus le contenu et ce qu'on veut en faire qui demande une certaine exigence et une constance.

 

Pourquoi un blog? Parce que je continue par un moyen plus large, plus nouveau et pluridimensionnel à "passer" vers d'autres mes émotions culturelles et artistiques. Jusqu'à ce blog, et depuis de nombreuses années, je réalisais des enregistrements sonores (voix et musiques) de textes, à destination de mes amis, sous forme de CD.  
Ici, je peux y ajouter l'image fixe ou animée, et surtout le talent des autres dans la forme qu'ils ou elles ont choisi.
La vraie question est : pourquoi la démarche, avant ou avec le blog? Je crois que c'est la même que celle qui pousse à l'écriture, sauf qu'ici les autres, connus ou anonymes, ont fait une grande partie du travail de création

Ce que cela change dans ma vie? Ce que cela m'apporte? Rien de plus que lorsque je préparais mes CD, le même plaisir, mais plus complet et plus fréquent.

Le blog me convient car, à la fois, il sert  mon désir de donner, me laisse espérer, peut-être, une reconnaissance là où je n'avais pas coutume de la trouver jadis, tout en flattant la plus belle de mes rares qualités qui est aussi mon plus lourd défaut, ma paresse.

 

Laure, qui je l'espère va trouver essence pour nourrir son projet dans ce que chacun a à dire sur le sujet, m'a envoyé ce qui est sorti d'elle à minuit avant-hier faisant ainsi entorse à sa régulation intérieure:

 

Presque cinq ans à bloguer, ça fait 365 jours par an. Diantre !
Pourquoi voir le verre à moitié vide alors qu'il est plein et qu'il regorge d'abondantes idées ?
et bien parce qu'il faut maintenant sortir, inscrire, imprimer le réel, non plus en fantasmes et allégories, bien que jamais je ne 
m'en lasserais.
Pourquoi bloguer ?
Pour rompre sa solitude souterraine d'une part, ensuite pour voyager, découvrir, s'ouvrir, appréhender l'autre et sa façon particulière
de communiquer. En prendre de la graine ou le réfuter, se frotter aux injonctions, aux autres sensations et apprendre à entendre.
Se laisser choir dans un fauteuil familier, s'entendre lire des mots amis, dans la solitude de mon cockpit amarré.
S'octroyer ce temps comme un espace d'échanges, ou besoin de s'épancher sans trop en dire, mais en laissant agir les mots.
Pourtant, la chronophagie de cette activité a pris le dessus sur mes considérations pratiques. Pour moi, la façon dont je l'ai 
utilisé, ou usé, je ne sais, commence à devenir problématique dans l'usage de la vie. Celle du dehors. Pas celle du dedans.
Il faut un équilibre. Nourrir l'une sans appauvrir l'autre. Hors l'une pousse hors sol depuis trop longtemps. Je dois donc y faire pousser des branches
d'autant qu'elles se nourrissent du même terreau. Voilà, en somme, là où j'en suis dans ma blog attitude. 
Trouver le bon équilibre, dans lequel il y a "libre". Je m'octroie donc un sevrage et une timing limité en ce début d'année. 
Un truc suffisamment cadrant pour percer la toile et la transposer. 
Mais le plaisir de vous lire tous, ici et là, est toujours aussi communicatif et passionnant et réchauffant.


Se confronter, s'ouvrir, se faire choyer, être entendu, écrire aussi bien entendu, dévoiler, découvrir, s'extraire, s'étonner. Le blog permet tout ça aussi. Il permet une vie dans la vie qui est la vie même. C'est un mode d'expression riche et étonnant de libertés. Inspirant. Laure me parle souvent de ce côté envahissant, du temps que ça prend... Sans doute est-ce parce qu'elle a encore un enfant en bas âge. Lorsqu'on a comme moi élevé trois petits gars, le temps et l'énergie que demande cet enfant là est moindre. Donner, construire, transmettre, entourer, créer, aimer, cuisiner, inspirer... Des gestes de père ou de mère. Des gestes d'êtres humains.

 

J'ai demandé à Plumitif aussi. Comme il est tout frais moulu dans cette grande famille, je voulais qu'il me dise ou redise ce qui l'avait motivé rejoindre cette communauté bloguesque. Voilà ce qu'il m'a répondu:

Pour ce qui est de ma première motivation,  c’est vraiment ce que j’en ai dit sur mon blog : le souci de rendre la pareille, de ne pas rester là à juste profiter de la générosité des autres en simple observateur… Mais après il faut bien aussi trouver la matière à y transmettre, et donc la motivation à la produire, cette matière. Et là, c’est moins évident. Je n’en suis encore qu’au tout début, ça va sans doute se préciser peu à peu mais, en gros, il y a l’occasion de partager des créations qui, par leur nature, n’avaient pas encore trouvé un espace de diffusion approprié. En particulier, étant un créateur viscéralement multidisciplinaire (et pas du tout un « touche-à-tout » - ce sont des axes de création distincts aucunement interchangeables ou arbitraires qui correspondent à des dimensions intérieures forcément liées), il m’a semblé que le blog offrait un lieu potentiellement idéal pour explorer les liens entre ces axes et réfléchir, avec d’autres, sur la création elle-même. Et puis, plus simplement, c’est quand même beaucoup pour le plaisir d’échanger avec plein de gens passionnants disséminés un peu partout sur la planète qui me resteraient inaccessibles autrement!

 

La réponse d'Anne prouve qu'il peut aussi y avoir une dimension socialisante dans le fait d'avoir un blog. 

Alors, blog.....ce qu'il a changé ? il m'a ré-inscrite dans le monde, il a rompu l'isolement ; en me permettant de rencontrer des gens, de confronter des points de vue, d'exprimer des choses et de ressentir des émotions, il m'a redonné sève, en quelque  sorte ; je vivotais chez moi, heureuse d'y être seule, car je n'aime que les petits comités, mais je me sentais, d'une certaine façon, morte ; hors du monde ; vivre seule ( ou quasi...), c'est pas ça qui est le pire ! ça, ça me va tout à fait ! mais vivre isolée....n'avoir quasi personne avec qui échanger, avec qui partager des trucs, même banals et quotidiens (et notre quotidien est souvent l'aventure des autres), c'était sclérosant, stérilisant. Un blog permet des échanges comme je les aime : non étouffants, affables, bienveillants même lorsqu'ils sont critiques. Une vraie bouffée d'oxygène ! Il m'est difficile de côtoyer les gens au quotidien, à force ça me bouffe et je pars ; mais avec un blog, ils sont là sans être là, les autres, ils ne sont pas pesants ! j'ai trouvé chaussure à mon pied, de bons amis, et une forme de sociabilité qui convient à ma "sauvagerie". Que du bonheur !

 

C'est celle de Vieux-G, poétique à souhait, qui fera la conclusion de ce petit audit qui j'espère ouvrira d'autres pistes et permettra à ceux qui n'ont pas de blogs mais qui les visitent de donner leurs impressions et la nature du plaisir qu'ils ont à visiter telle ou telle maison et à tous ceux que je n'ai pas interrogé et qui ont eux aussi un blog d'entrer dans cette réflexion en partageant leurs expériences et élaborations sur ce sujet.

Le blogue me met en relation avec toute une nation de poètes, dont les sourires laissent tomber des coulisses de couleurs, le blogue, c'est une rêverie 2.0, c'est rêver collectivement. Bloguer, c'est encore découvrir des multitudes de trésors éternués par de beaux cerveaux. Ça me procure un engouement supplémentaire pour l'écriture. Avant, j'étais seul, l'écume d'un verbe refoulé autour des lèvres, éclairé par une sinistre lampe à l'huile, maintenant je m'exprime, primesautier, en sachant être entendu, sous l'astre de cette belle communauté.

 

Et comme me l'a mis la dame des Ocreries à la fin de son mail: Blog is beautiful! N'est-il pas?

 

28/12/2012

L'homme qui plantait des arbres

Merci Gaétan...

 

 

 

27/12/2012

C'est l'heure des bilans...

Chaque année, on se repasse en trois coups de cuillère à pot ce qui vient de se vivre à la vitesse grand V en espérant tirer de ses erreurs un enseignement. Parfois on y arrive, parfois on replonge, on s'en veut, on s'égare mais y réfléchir ne peut pas faire de mal. Il y a des choses qu'il faut qu'on revivre jusqu'à l'écoeurement.

Je cherche ici une stimulation intelectuelle, bloguer m'empêche de m'assécher, de me rabougrir, de m'appauvrir. Bloguer me donne l'énergie nécessaire pour remuer mes méninges, sortir de sa torpeur mon bulbe paresseux. Les neurones, ça s'endort vite si on ne les secoue pas un peu.

J'ai toujours ce vieux besoin qui me colle à la panse d'être désirée, aimée, adulée. C'est un handicap sincère chez moi, ça m'empêche parfois de m'exprimer de peur de déplaire et d'être abandonnée. Pas encore réussi à éradiquer l'effet alors que j'en connais la source. Comme quoi bien se connaître ne suffit pas, faut aussi s'oublier.

Je rêve souvent d'être une autre, et pourtant pas si autre que ça. C'est étrange cet insatiable réflexe de rêver une autre vie que la sienne, alors que dans les moments de grâce, et Dieu soit loué, il y en a, je ne voudrais pour rien au monde n'être autre que moi.

J'ai écrit de la main gauche, j'ai appris à formuler mes demandes de façon plus explicite, j'ai souffert d'avoir à tirer le diable par la queue, j'ai découvert un vers dans mon fruit, j'ai mangé de la vache enragée, j'ai compris qu'étaient plus que rares les gens sur qui tu peux compter (chaque année je les pense plus nombreux), j'ai goûté au chagrin de la perte d'un être cher, je n'ai pas écrit autant que je l'aurais voulu parce que je ne m'en suis pas donné les moyens et j'ai cultivé mon jardin, c'est ce dont je suis le plus fière: mes fils vont bien.

Apprendre reste mon fer de lance, éprouver aussi. J'aime au travers de mes découvertes, de mes voyages, de mes émotions, de mes partages sentir le fluide de la vie m'envahir. Je crois que tout est dans cet appétit de vivre, de découvrir et d'offrir.

Une mer trop d'huile me donne des bouffées de chaleur. Le chaos est parfois nécessaire. Le fameux calme après la tempête, la douceur après la peur, les réveils spontanés en sueur. Je suis bien trop complexe pour ne vivre que des bons sentiments. Pourtant la simplicité m'émeut tant. Toujours cette sensation d'être un paradoxe ambulant.

J'aurais aimé aimer davantage et mieux, cette année encore. Je n'ai pas toujours été à la hauteur de mes frissons. Ce qu'on peut être lâche pour se protéger, ce qu'on peut être couard. Ce que c'est difficile d'être conséquent, d'être congruent, d'être sincère.

On avance tous à force de printemps...

 

26/12/2012

De la méditation

But de la méditation: débarasser l'esprit des irritants psychiques que sont la haine, la colère, l'envie, l'orgueil, la jalousie. Permettre à l'esprit de voir la réalité telle qu'elle est, en déchirant le voile des illusions derrière lequel souvent nous percevons le réel. Atteindre la perfection de toutes les qualités latentes dans notre mental subconscient. Préalable: reconnaître ses faiblesses et ses défauts, et à partir de là, prendre un chemin ascendant. Purifier le mental, surmonter tristesse et lamentations, surmonter la douleur et le chagrin, marcher sur le juste chemin menant à la paix. Une fois assis, rester immobile, le mental est analogue à une bassine d'eau boueuse, plus longtemps vous la maintenez immobile, plus la boue se dépose et l'eau devient claire. Dans une autre étape, extirper la boue qui repose au fond, autrement si l'on secoue la bassine fatalement elle remontera. Le corps et le mental sont étroitement liés et chacun influence l'autre.

La méditation est conscience sans ego.

- Felwine Sarr -

 

20/12/2012

Alors vraiment, bientôt la fin du monde?

Parce que franchement j'ai pas envie que ça s'arrête. Je veux encore pouvoir me ballader tête nue sous la pluie et sentir l'eau me balayer le visage. Je veux encore me réchauffer le fessier devant un feu de bois, je veux encore me brûler la langue avec mon thé du matin, je veux encore avoir froid, avoir mal, avoir le goût des autres. Je veux encore pouvoir m'allonger dans l'herbe verte ou offrir mon grand corps à la grande bleue. Je veux encore serrer contre mon coeur mes fils, mes amis, mon livre de chevet, mon oreiller. Je veux encore et encore noircir des pages de je ne sais même pas quoi, je veux encore noyer mes chagrins dans le vin, mes peines dans les larmes, mes joies dans des fous rire improbables, mon plaisir dans des cris et ma rage dans des pas de danse. Je veux encore faire et défaire, cuisiner des petits plats exotiques, des douceurs salées, des tartes, des poires, du gibier. Je veux encore mon poème du matin, ma chanson à tue-tête dans ma BM noire, Chanel dans le cou et dans la baignoire, sentir ses baisers doux, m'imaginer, m'atteindre. Je veux encore apprendre, découvrir, partager la galette des rois avec mon petit frère, parler pendant des heures entières, jubiler, créer, rendre plus belles les femmes, montrer de quoi je suis capable, finir les livres que j'ai commencé et en entamer d'autres. Je veux encore écouter les chansons d'Aznav en boucle, relire tous les mails de Christian, passer des heures sur le net, lire à haute-voix, tenter d'aider mon prochain, voyager loin, voir et recevoir, me sentir femme. Je veux encore me regarder nue dans la glace sans me faire peur, apprendre à m'accepter, me foutre de ma gueule, m'étonner. Je veux encore aller au ciné, voir des spectacles, visiter des musées, des palais, des paysages insensés, rester à ne rien faire, juste à méditer, lire pour la centième fois les lettres de Flaubert à Louise Collet, prendre le large. J'ai pas envie que ça s'arrête, j'ai encore envie d'affronter, de débattre, de ne pas être d'accord, de râler, de me sentir vivante, d'être au bout du rouleau, de désirer et de tailler une bavette avec le boucher de mon quartier, de partager ici mes états d'âme, de faire exister Blue. Et puis je voudrais bien être grand-mère un jour et écrivaine et sage et sereine. Nan, j'ai pas envie, mais pas envie du tout que ça s'arrête, et vous?

 

 

19/12/2012

Écrire

" Il y a une folie d'écrire qui est en soi-même, une folie d'écrire furieuse mais ce n'est pas pour cela qu'on est dans la folie. Au contraire.

L'écriture c'est l'inconnu. Avant d'écrire on ne sait rien de ce qu'on va écrire. Et en toute lucidité.

C'est l'inconnu de soi, de sa tête, de son corps. Ce n'est même pas une réflexion, écrire, c'est une sorte de faculté qu'on a à côté de sa personne, parallèlement à elle-même, d'une autre personne qui apparaît et qui avance, invisible, douée de pensée, de colère, et qui quelquefois, de son propre fait, est en danger d'en perdre la vie.

Si on savait quelque chose de ce qu'on va écrire, avant de le faire, avant d'écrire, on n'écrirait jamais. Ce ne serait pas la peine.

Écrire c'est tenter de savoir ce qu'on écrirait si on écrivait - on ne le sait qu'après - avant, c'est la question la plus dangeureuse que l'on puisse se poser. Mais c'est la plus courante aussi.

 

L'écrit ça arrive comme le vent, c'est nu, c'est de l'encre, c'est l'écrit, et ça passe comme rien d'autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie. "

 

- Marguerite Duras -

 

 

13/11/2012

Lélius ou l'amitié

Il me semble, en ce sens, discerner que nous sommes faits pour qu'il existe entre tous les humains quelque chose de social, et d'autant plus fort que les individus ont accès à une proximité plus étroite. Ainsi nos concitoyens comptent davantage pour nous que les étrangers; nos parents proches, plus que les autres personnes. Entre parents, la nature a ménagé en effet une sorte d'amitié ; mais elle n'est pas d'une résistance à toute épreuve. Ainsi l'amitié vaut mieux que la parenté, du fait que la parenté peut se vider de toute affection, l'amitié, non : qu'on ôte l'affection, il n'y a plus d'amitié digne de ce nom, mais la parenté demeure.

 La force que recèle l'amitié devient tout à fait claire pour l'esprit si l'on considère ceci : parmi l'infinie société du genre humain, que la nature elle-même a ménagée, un lien est contracté et resserré si étroitement que l'affection se trouve uniquement condensée entre deux personnes, ou à peine davantage.


Ainsi l'amitié n'est rien d'autre qu'une unanimité en toutes choses, divines et humaines, assortie d'affection et de bienveillance : je me demande si elle ne serait pas, la sagesse exceptée, ce que l'homme a reçu de meilleur des dieux immortels. Certains aiment mieux les richesses, d'autres la santé, d'autres le pouvoir, d'autres les honneurs, beaucoup de gens aussi lui préfèrent les plaisirs. Ce dernier choix est celui des brutes, mais les choix précédents sont précaires et incertains, reposent moins sur nos résolutions que sur les fantaisies de la fortune. Quant à ceux qui placent dans la vertu le souverain bien, leur choix est certes lumineux, puisque c'est cette même vertu qui fait naître l'amitié et la retient, et que sans vertu, il n'est pas d'amitié possible !

 

- Cicéron - Lélius ou l'amitié (extraits)



26/10/2012

La source des femmes

 

 

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La source des femmes, un conte oriental plein de lumière, d'émotion, de courage et d'élégance. Un très beau film de Radu Mihaileanu. Son "Va, vis et deviens" qui se passait entre l'Ethiopie et Israel interrogant les racines de l'immigration en Israel m'avait remuée jusqu'au fond des tripes. Son "Concert" sur le monde baroque des musiciens slaves confronté à la décrépitude post-communiste m'avait touchée aux larmes. Beaucoup d'humour et de grâce dans ce cinéma engagé qui ne peut laisser indiférent. Cette fresque sur la condition des femmes dans le monde de l'islam est stupéfiante de délicatesse et devient même universelle invitant à réfléchir sur ce regard que peuvent porter les hommes sur l'autre moitié de l'humanité. "La source des femmes" invite sans forcer à y penser et peut-être à faire doucement bouger certaines choses encore malheureusement trop figées et trop archaïques.

 

25/10/2012

Pearl Buck

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« Quel que soit son domaine de création, le véritable esprit créatif n’est rien d’autre que ça :   une créature humaine née anormalement, inhumainement sensible. Pour lui, un effleurement est un choc, un son est un bruit, une infortune est une tragédie, une joie devient extase, l’ami un amoureux, l’amoureux est un dieu, et l’erreur est la fin de tout. Ajoutez à cet organisme si cruellement délicat l’impérieuse nécessité de créer, créer, et encore créer – au point que sans la possibilité de créer de la musique, de la poésie, des livres, des édifices, ou n’importe quoi d’autre qui ait du sens, il n’a plus de raison d’être. Il doit créer, il doit se vider de sa créativité. Par on ne sait quelle étrange urgence intérieure, inconnue, il n’est pas vraiment vivant à moins qu’il ne soit en train de créer. »

Pearl Buck (1892 – 1973)



21/10/2012

L'enterrement (Festen... la suite)

 

Je viens de voir la pièce "L'enterrement ( Festen... la suite)". J'en suis sortie en larmes. Je m'y attendais! Je savais parfaitement qu'un tel sujet ne me laisserait pas insensible quoique l'auteur ai choisi de me dire. C'était pire encore que ce que j'imaginais. Au départ, ça commence léger, pour tout ceux qui ont vu Festen, on replonge dans l'atmosphère du film et vite des images viennent à l'esprit même si ça n'est ça n'est que suggéré par un truchement cinématographique. Tout de suite on y est.  Un à un les personnages reviennent: Christian, le fils violé, marié à Pia, la serveuse de l’hôtel paternel. Son frère Michael et sa nouvelle épouse, Sofie, qui ignore totalement l’histoire tragique de la famille. Helene, la sœur, sorte de régulateur agressif des relations joué par une Mathilda May déchaînée et Else, la mère, presque absente à elle-même, évanescente. Kim, le cuisinier, qu'on retrouve avec bonheur et Henning, le fils de Michael, douze ans, fragile. La famille semble apaisée et la pièce s’égrène sur le mode de la comédie, avant de basculer violemment dans la tragédie. J'ai entendu à la fin de la représentation derrière moi des " ça commence à bien faire, trop c'est trop, c'est abuser..." Moi j'étais scotchée par la cruauté de l'après proposé par Thomas Vinterberg et Mogens Rukov. Après la mort du père, qu'allait-il donc se passer? Après la mort du mien que va-t-il se produire? Sans doute pas ce que je viens de voir, Dieu soit loué parce qu'il n'y a pas eu après la révélation des faits tant de distance mise entre les protagonistes mais une réelle volonté d'en découdre et de faire autrement. "L'enterrement" est pourtant réaliste, il tient compte de tout ce que j'ai pu apprendre sur le sujet, de ces fantômes qui errent dans les familles, de ces putains de loyautés et de ce malheureux et infernal piège de la répétition. J'en ai le sang glacé tant c'est justement rendu dans cette pièce. Les acteurs donnent tout, ils vivent de l'intérieur ce drame humain poignant et arrivent parfaitement à rendre ce qui se passe dans ce genre de dramatrugie familiale obscène. Samuel Le Bihan en Michael, le fils à priori épargné est exceptionnel, Pierre Cassignard poignant dans le rôle de Christian l'abusé abuseur à son tour, Mélanie Doutey qui joue Sofie est un feu-follet dans cette sinistre histoire et Caroline Proust est une Pia renversante de sincérité." L'enterrement" a le mérite de parler de sujet plutôt tabou et plutôt délicat à aborder, il le fait avec intelligence,humour et humanité, ça n'est pas "trop", bien au contraire. C'est courageux et brillant. Et ça met en lumière à quel point l'inceste est destructeur, cruel, ravageur pour les individus et à quel point aussi la révélation de l'inceste au sein de la famille ne suffit pas pour en éradiquer les effets au coeur même des individus. Je le sais. Je l'ai vécu. Je le vis encore. Le jour où comme dans cette pièce nous aurons à vivre mon frère, ma soeur, ma mère et moi, l'enterrement de notre propre père comme ce que nous avons eu à vivre à l'enterrement du père de notre mère, nous mesurerons, je crois combien nous avons encore à faire pour protéger nos enfants de cette folie et pour sortir libre enfin de cet affreux piège dans lequel nous sommes tombés petits. Daniel Benoin, merci!

 

12/10/2012

"Oser avec audace"

Vu chez Laure...

 

 

J'ai appris deux choses l'année dernière. La première est que la vulnérabilité n'est pas faiblesse. Et ce mythe est terriblement dangereux. Laissez-moi vous demander honnêtement -- et je vous préviens, je suis un psy, je sais comment vous gêner -- si vous pouviez donc lever la main combien d'entre vous, honnêtement, en pensant à une action qui vous rendrait vulnérable ou à dire quelque chose qui vous rendrait vulnérable, se disent, « Mon Dieu, la vulnérabilité est une faiblesse. Ceci est une faiblesse » Combien d'entre vous pensent que la vulnérabilité est un synonyme de faiblesse ? La grande majorité. Je vais vous poser une question: Cette semaine à TED, combien d’entre vous, en voyant la vulnérabilité ici sur scène, ont pensé que c'était du pur courage ? La vulnérabilité n'est pas une faiblesse. Je défini la vulnérabilité comme un risque émotionnel une mise à nu, une incertitude. Elle alimente nos vies quotidiennes. Et j'en suis arrivée à la conviction -- c'est ma 12ème année de recherche -- que la vulnérabilité est la mesure la plus précise que nous ayons du courage -- être vulnérable, se mettre à nu, être honnête. (...)

Si nous devons trouvons un moyen de nous rapprocher les uns des autres, la vulnérabilité en est le chemin. Et je sais que c’est alléchant de rester en dehors de l’arène, parce que je l’ai fait toute ma vie, en pensant, Je vais botter le cul à tout le monde quand je serai blindée et parfaite. Et c’est alléchant. Mais la vérité est que ça n’arrive jamais. Et même si vous arrivez à être aussi parfait que possible et aussi blindés que possible en rentrant dans l’arène, ce n’est pas ce que vous voulez voir. Nous voulons que vous y rentriez. Nous voulons être avec vous et en face de vous. Et nous voulons, pour nous-mêmes et pour les personnes auxquelles nous tenons et pour ceux avec qui nous travaillons, « Oser avec audace ».

- Brené Brown

 

 

05/10/2012

se comprendre

"On a tous en nous un monde de choses, chacun un monde de choses à soi! Et comment pouvons-nous nous comprendre, monsieur, si dans les mots que je prononce je mets le sens et la valeur des choses que j'ai en moi; alors que celui qui les écoute es prend inévitablement avec le sens et la valeur qu'ils ont pour lui, avec son monde à lui?"

- Luigi Pirandello- Six personnages en quête d'auteur -



25/09/2012

explore ton corps

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- Photo Dmitry Kuklin -


Il y a comme ça des images que je croise et qui opercuts, me percutent. Explore ton corps. Suite à une discussion hier avec Laure, je me suis posée et j'ai tenté de penser mon corps. Longtemps je me suis sentie chose, rien, voire moins que rien, en tout cas rien d'humain. Longtemps mon corps n'a été qu'un étranger pour moi, insondable, impossible, trop lointain, comme si je devais le garder à distance. Et puis, à dix-neuf ans, j'ai accouché. J'ai souffert, j'ai crié, pourtant pas tout à fait là, dissociée de moi-même, comme anesthésiée. Je me suis demandée si l'enfant que je venais de mettre au monde était bien de mon fait, si j'avais pu faire ça. Quelque chose s'est brisé, une digue a craqué et j'ai découvert en donnant vie à un petit être que j'avais une vie moi aussi, une vie et un corps. La prise de conscience de ce corps meurtri fut brutale, j'étais comme rouillée. Trop longtemps absente je ne savais pas quoi faire de ce grand corps qui d'un coup s'imposait à moi, demandait à faire corps avec ce que j'étais. J'ai mis du temps à l'apprivoiser, à le connaître, à le sonder. Encore aujourd'hui, il me déroute, il me surprend. Mais j'ai découvert en l'explorant qu'il avait beaucoup à dire, qu'il était ma mémoire et mon ami. Parfois je lui parle, je lui demande de l'aide, je le mets à contribution pour parcourir, pour avancer, pour comprendre encore et toujours ce qui m'est arrivé, ce qui m'arrive, ce qui se passe en moi.


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- Photo Jaime Ibarra -


Je danse. Je bouge. Je me positionne et j'apprends à le regarder. Je ne pouvais pas me voir dans les miroirs plus jeune, rien, il n'y avait aucun reflet. Je passais un temps fou devant la glace, mes yeux ne me percevaient pas, ne voulaient pas me voir. C'est fou quand j'y pense, fou d'avoir pu vivre ainsi pendant plus de vingt ans, c'est cruel de s'en rendre compte, de mesurer qu'on a ainsi vécu un quart de sa vie sans avoir pu être au monde. Maintenant, c'est fini. Et s'il reste encore quelques zones d'ombre, j'ai pu me reprendre en mains, me rassembler, m'accepter et jouir de ce corps qui m'a été donné. Le serpent de Guem. Cette musique me donne des ailes. Mon corps alors me semble léger aérien, telle une plume offerte aux alizées. Etonnament plus je m'exprime avec mon corps, plus j'arrive à formuler, à écrire, à réfléchir. Cette fameuse relation du coprs et de l'esprit n'est pas une duperie, c'est si bon de sentir tout son être vibrer, respirer, accueillir, offrir, aimer. C'est bon d'arriver à cet état de grâce, à cet abouti. J'ai lutté, je me suis battu avec mes névroses, je lutte encore pour éviter qu'elles ne reviennent polluer cette relation entre mon corps et moi. J'explore encore. Je me crée. J'écris.