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28/09/2012

Une autre extraordinaire journée ordinaire -2-

Plate, plate plate. Rien. Rien à se mettre sous la dent. Le néant. Le vide. Et la peur qui pointe son bout de nez. Quel métier stupide! Pas même la force de prendre mon livre. J'ai ma déclaration de douane à faire, et puis les taxes et paiements divers. J'ai la sensation effrayante de ne faire que des chèques, alors que je devrais plutôt les recevoir. Pas de pluie à l'horizon! En tout cas pas de cette nature. Faut être cinglée pour faire ce métier! Pourtant je m'accroche, pourtant j'y crois, pourtant je me dis que les gens ont besoin d'être admis, aimés, reconnus, regardés, conseillés, respectés, entendus. J'ai peur, peur de ne plus être dans la course, peur d'avoir trop envie de faire autrement que le courant, peur d'en payer le prix une nouvelle fois. Indépendant, une utopie, un rêve d'enfant, une lubie! Trop de charges, trop d'impôts trop de trop. Mais l'âme sincère et toujours au taquet, pas le moment de chômer.

Elle revient me voir une énième fois, c'est incroyable à quel point l'indécision fait partie de sa vie. Je la bouscule un peu, "oui, mais vous, oui mais vous..." Oui, quoi, moi? Je suis toujours stupéfaite à quel point les femmes que je rencontre me trouve pleine, féminine, là, entière, féline. Certaines sont partagées entre la confiance et la méfiance, elles sont bigrement partagées, elles sont méfiantes et puis d'un coup super confiantes. Etrange. Je leur fait peur, je le sens. Elles me respectent. Elles m'envient. Elles voudraient vivre ma vie. Elles se disent que peut-être, elles aussi... (Si seulement elles savaient, le prix que j'ai payé.) Elles aussi elles pourraient passer des heures à s'expliquer, à se dire, à s'enthousiasmer à un homme aimant, présent, là pour elles. Sauf que ça court pas les rues ce genre d'individu. Sauf qu'elles ne sont sans doute pas capable de fournir ce qu'il faut pour s'entourer d'une telle présence, sauf que prendre le risque  d'aimer est au dessus de leurs forces, sauf que c'est compliqué.

J'apprends jour après jour avec toutes ces femmes qui vivent des réalités loin des miennes mais leurs. J'apprends la vie et je deviens humble, deviens humble, oui. J'étais tellement campée sur ma vérité. Tellement à cran. Tellement sûre. Tellement aveuglée.

Des souffrances, il y en a tant que ça dépasse l'entendement.

 

27/09/2012

Une autre extraordinaire journée ordinaire -1-

Pas le temps cette fois  de faire dans la dentelle. Je me suis levée à l’heure où je devais être au magasin. Pas question de trainasser, de méditer, de tergiverser. Il me faut être efficace et rapide. Je saisis un jean, un pull col V noir, une paire de bottes et mon écharpe doudou en cachemire et soie d’un ton subtil taupé. Vite fait un petit coup de pinceau et de rouge sur ma face encore endormie, un brossage intense de mon blond vénitien et me voilà après une tasse de thé avalée d’un seul coup prête à partir. Je perds quelques précieuses minutes à chercher ma voiture que j’ai garée je ne sais où. Je ne m’explique pas cette résistance que j’ai à me souvenir de l’endroit où je la mets. Et me voilà en route pour de nouvelles aventures. Jamais savoir de quoi va être fait la journée. C’est un bon exercice de lâcher-prise. Un disque qui ne m’appartient pas raisonne dans l’habitacle, j’écoute distraitement et puis d’un seul coup arrive une chanson qui m’émeut davantage. Je la remets une deuxième fois un peu plus fort et une troisième pour cette fois complètement m’immerger dedans.

 

J'écris sur ce que j'endure

Les petites morts, sur les blessures

J'écris ma peur

Mon manque d'amour

J'écris du court

Mais c'est toujours

 

Sur ce que je n'ai pas pu dire

Pas pu vivre, pas su retenir

J'écris en vers

Et contre tous

C'est toujours l'enfer

Qui me pousse

 

A jeter l'encre sur le papier

La faute sur ceux qui m'ont laissée

Ecrire, c'est toujours reculer

L'instant où tout s'est écroulé

 

On n'écrit pas

Sur ce qu'on aime

Sur ce qui ne pose pas

Problème

Voilà pourquoi

Je n'écris pas

Sur toi

Rassure-toi

 

J'écris sur ce qui me blesse

La liste des forces qu'il me reste

Mes kilomètres de vie manquée

De mal en prose, de vers brisés

 

J'écris comme on miaule sous la lune

Dans la nuit, je trempe ma plume

J'écris l'abcès

J'écris l'absent

J'écris la pluie

Pas le beau temps

 

J'écris ce qui ne se dit pas

Sur les murs, j'écris sur les toits

Ecrire, c'est toujours revenir

A ceux qui nous ont fait partir

 

On n'écrit pas qu'on manque de rien

Qu'on est heureux, que tout va bien

Voilà pourquoi

Je n'écris pas

Sur toi

Rassure-toi

 

J'écris quand j'ai mal aux autres

Quand ma peine ressemble à la votre

Quand le monde me fait le gros dos

Je lui fais porter le chapeau

 

J'écris le blues indélébile

Ça me paraît moins difficile

De dire à tous plutôt qu'à un

Et d'avoir le mot de la fin

 

Il faut qu'elle soit partie déjà

Pour écrire " ne me quitte pas "

Qu'ils ne vivent plus sous le même toit

Pour qu'il vienne lui dire qu'il s'en va

 

On n'écrit pas la chance qu'on a

Pas de chanson d'amour quand on en a

Voilà pourquoi, mon amour

Je n'écris rien

Sur toi

Rassure-toi

 

 

Quel beau texte, quelle correspondance avec ce que je ressens, j’en suis toute retournée. Je me demande qui chante, cette voix , je la connais. Enfin Rue Basse, j’ouvre la boutique avec un bon vingt minutes de retard. Mes clientes le savent, c’est sans doute pour cela que c’est plus calme le matin. Un truc étonnant dans le commerce c’est ce temps, ce temps à attendre et puis souvent d’un seul coup tout le monde qui arrive en même temps. A croire que beaucoup d’entre nous ont la même horloge biologique. J’ai avec moi L’insatiable Homme-Araignée dès fois que je trouve le temps de bouquiner. J’attaque par les vitrines. La nuit j’en ai rêvé. Je reproduis ce qui m’est apparu. C’est beau. J’aime. J’espère que ça va plaire. Un doux mélange de matières et de formes qui inspirent la douceur et la féminité. De la non-couleur. De l’enveloppement. Une certaine façon de penser la mode. Confortable et élégante. Satie envahit l’espace. C’est une gymnopédie. Ma première cliente de la journée entre :

 

-       Oh ! Vous êtes là ?

-       Oui. Comme vous pouvez le constater, je suis là…

-       J’adore votre vitrine, elle est de toute beauté, ce gilet… il m’a fait de l’œil !

-       Vous voulez le passer ?

-       Oui, c’est une folie, mais oui… Ici c’est dangereux de franchir la porte ! Trop de tentations !

-       Bah ! On n’a qu’une vie, non ?

-       Allez dire ça à mon banquier !

       

Elle essaye le fameux gilet qui lui va à merveille. Je le savais, elle le savait. Il était pour elle. Quand je l’avais commandé huit mois plus tôt, j’avais justement pensé à elle. Bingo. C’est réussi. Elle repart plus légère et en sortant ouvre la porte à Madame Dauberville qui a une petite mine, je trouve, elle d’habitude si pimpante.

 

-       Bonjour Madame Dauberville, ça n’a pas l’air d’aller fort ce matin ?

-       Non, c’est pas terrible. J’ai été opérée fin Août, c’est pour cela que vous ne m’avez pas vu jusqu’à aujourd’hui. Je viens d’avoir les résultats. C’est pas génial…

-       Hum…

-       Je vais quand même devoir faire de la chimio… Je suis effrayée à cette idée !

-       Vous allez y arriver, vous êtes une battante !

-       Oui, Blue, vous avez raison, je suis une battante mais là, j’en ai les jambes coupées.

-       Et si nous parlions de futilités, je vais vous montrer ce que j’ai reçu pour vous, histoire de vous changer les idées, qu’en pensez-vous ?

-       Oui, c’est exactement ce dont j’ai besoin, montrez-moi, voulez-vous, Blue !

 

Je lui montre alors des petites choses comme elle aime. Elle n’est pas très grande et tous les petits volumes un peu près du corps lui vont bien, je l’habille depuis plus de cinq ans, je connais son corps par cœur. Je lui fait essayer un petit twin-set en mérinos et soie black blue avec un pantalon droit en flanelle grise, je lui pose un collier de minuscules perles grises amaties autour du cou et lui passe une veste en faille de soie bleu nuit qui pourra lui servir de petit imper élégant. Elle me sourit, heureuse de l’image que lui renvoie le miroir. Elle ne pense plus à son cancer du sein. A la caisse elle m’embrasse, me promet de me donner de ses nouvelles, me remercie du courage que je lui ai donné alors que je l’ai juste aidée à le trouver en elle et disparaît en plein milieu d’un morceau de jazz expérimental de ce nouvel artiste que je viens de découvrir Palle Danielsson, contrebassiste de grand talent qui m’enchante.

Je me prépare à fermer, je déjeune ce midi avec mon amie Anne qui sculpte et qui surtout à un grand besoin de me raconter ses nouvelles péripéties sexuelles. Faut dire qu’elles sont toujours d’un tel incroyable que chaque fois je me dis que la réalité dépasse la fiction.  La concernant, c’est vraiment peu dire ! Elle arrive en trombe, toujours à courir et après avoir mis un petit mot sur la porte de la boutique : «  Je reviens à 14 heures, à très vite », nous allons déjeuner à l’Orange bleue. La cuisine y est simple, délicieuse et l’endroit est plein de poésie propice aux confidences et autres diableries.

Anne est déchainée, elle a tellement besoin de parler qu’elle en oublie de manger. Je l’écoute en dégustant mon carpaccio de bœuf-frites.

 

-       Je me suis encore fourrée dans une histoire pas possible, tu sais Blue !

-       Ah, tu m’étonnes !

        

On se sourit d’un air entendu.

 

-       Je crois qu’une fois de plus je ne me suis pas rendue compte ! Tu crois que je suis anormale ? Pourquoi est-ce que j’ai ces pulsions que je ne peux contrôler ? Pourquoi je ne peux pas vivre sans être pénétrée ? Tu te rends compte, j’ai maintenant trois amants et je n’arrive pas à gérer…

-       Euh ! En même temps ?

-       Non, tout de même. Quoique ça ne me déplairait pas, c’est une idée…

 

Elle se tait une minute et rêvasse à cette idée.

 

-       Là, je me suis retrouvée dans une histoire de dingue. Une de mes amies m’a invitée à faire l’amour avec elle et un de mes amants que j’adore depuis longtemps. Nous avons fait cela tranquillement à trois, c’était plutôt bien, mais depuis, figure-toi, alors qu’ils m’avaient juré l’un et l’autre de ne jamais le faire sans moi, ben ils sont toujours l’un avec l’autre et je n’existe plus ni pour l’un ni pour l’autre, ça me fait un mal de chien, tu n’as pas idée. Je ne mange plus, je ne dors plus, je suis comme devenue folle. J’ai le sentiment d’avoir été utilisée comme un objet, suis terrassée. Qu’est ce que t’en penses ?

-       Depuis que je te connais, tu as toujours été confrontée à ce sentiment d’être un objet. Ce que j’en pense, tu le sais bien, toi seule sait pourquoi il faut toujours que tu reproduises les mêmes schémas, les mêmes erreurs, pourquoi tu fais ton propre malheur ? Tu vas me dire que c’est plus fort que toi. Et je vais te dire que tu peux agir dessus mais que je n’ai pas la recette miracle pour toi. Seulement, je n’aime pas te voir souffrir, te voir dans cet état là parce que les choses t’échappent. Ne cois-tu pas qu’aller au-devant de toi, pourrais t’être profitable ?

-       J’ai essayé, j’ai tout essayé. Je dois être maudite !

-       Nan, nan, arrête de dire des conneries ! Quelque chose en toi tente de se dire, essaie d’entendre. Parle à ton homme, dis lui que tu souffres, demande lui de l’aide, c’est ton meilleur ami, non ?

-       Oui. Il a une patience infinie avec moi et il m’aime. Mais lui parler de ça, Blue, c’est trop la honte !

-       C’est certain que ça n’est pas facile, mais vous vivez ensemble de puis plus de trente ans, vous vous connaissez bien l’un et l’autre et il ne t’a jamais laissé tomber. Il doit bien sentir que tu souffres et doit avoir envie de t’aider sauf qu’il ne sait pas par quel bout prendre le problème, tu ne crois pas ?

-       Si, tout à fait, je vois bien qu’Alain cherche à m’aider, mais je n’arrive pas à lui parler de ces démons qui me démangent, tu sais... comment tu dis déjà... ce Hyde en moi !

-       Tu peux le faire. Tu peux intervenir. Quand changer te fera moins peur que souffrir…

Anne prend un café gourmand. Elle boit le café et je mange la mousse au spéculoos, le mini-tiramisu et la barre de chocolat. Je suis obligée d’écourter notre conversation, l ‘heure tourne et je ne peux me permettre d’être en retard une deuxième fois. D’un commun accord on se donne rendez-vous la semaine prochaine, même endroit, même heure. Elle me serre dans ses bras, je la réconforte. On dirait un moineau crevé tant elle est maigrichonne. On s’embrasse et on se quitte sur le trottoir. Je retourne à ma base, le cœur un peu défait...

 

25/09/2012

explore ton corps

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- Photo Dmitry Kuklin -


Il y a comme ça des images que je croise et qui opercuts, me percutent. Explore ton corps. Suite à une discussion hier avec Laure, je me suis posée et j'ai tenté de penser mon corps. Longtemps je me suis sentie chose, rien, voire moins que rien, en tout cas rien d'humain. Longtemps mon corps n'a été qu'un étranger pour moi, insondable, impossible, trop lointain, comme si je devais le garder à distance. Et puis, à dix-neuf ans, j'ai accouché. J'ai souffert, j'ai crié, pourtant pas tout à fait là, dissociée de moi-même, comme anesthésiée. Je me suis demandée si l'enfant que je venais de mettre au monde était bien de mon fait, si j'avais pu faire ça. Quelque chose s'est brisé, une digue a craqué et j'ai découvert en donnant vie à un petit être que j'avais une vie moi aussi, une vie et un corps. La prise de conscience de ce corps meurtri fut brutale, j'étais comme rouillée. Trop longtemps absente je ne savais pas quoi faire de ce grand corps qui d'un coup s'imposait à moi, demandait à faire corps avec ce que j'étais. J'ai mis du temps à l'apprivoiser, à le connaître, à le sonder. Encore aujourd'hui, il me déroute, il me surprend. Mais j'ai découvert en l'explorant qu'il avait beaucoup à dire, qu'il était ma mémoire et mon ami. Parfois je lui parle, je lui demande de l'aide, je le mets à contribution pour parcourir, pour avancer, pour comprendre encore et toujours ce qui m'est arrivé, ce qui m'arrive, ce qui se passe en moi.


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- Photo Jaime Ibarra -


Je danse. Je bouge. Je me positionne et j'apprends à le regarder. Je ne pouvais pas me voir dans les miroirs plus jeune, rien, il n'y avait aucun reflet. Je passais un temps fou devant la glace, mes yeux ne me percevaient pas, ne voulaient pas me voir. C'est fou quand j'y pense, fou d'avoir pu vivre ainsi pendant plus de vingt ans, c'est cruel de s'en rendre compte, de mesurer qu'on a ainsi vécu un quart de sa vie sans avoir pu être au monde. Maintenant, c'est fini. Et s'il reste encore quelques zones d'ombre, j'ai pu me reprendre en mains, me rassembler, m'accepter et jouir de ce corps qui m'a été donné. Le serpent de Guem. Cette musique me donne des ailes. Mon corps alors me semble léger aérien, telle une plume offerte aux alizées. Etonnament plus je m'exprime avec mon corps, plus j'arrive à formuler, à écrire, à réfléchir. Cette fameuse relation du coprs et de l'esprit n'est pas une duperie, c'est si bon de sentir tout son être vibrer, respirer, accueillir, offrir, aimer. C'est bon d'arriver à cet état de grâce, à cet abouti. J'ai lutté, je me suis battu avec mes névroses, je lutte encore pour éviter qu'elles ne reviennent polluer cette relation entre mon corps et moi. J'explore encore. Je me crée. J'écris.



17/09/2012

Un dimanche avec Swan

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- Swan et Blue - Photo Patrick Natier -

 

Swan n’était là que pour deux jours. Elle avait déjà vu Lille, en tout cas la vieille ville avec Pat le samedi en descendant de son train alors j’avais envie de lui montrer autre chose, des endroits que j’aime, un peu plus loin. Elle était enthousiaste à l’idée de voir d’autres pays, qu’à cela ne tienne, nous irions en Belgique et puis en Hollande aussi, c’est si facile d'ici. Nous nous sommes levés plus tôt qu’à l’ordinaire pour un Dimanche. Normalement on glande un peu, on se laisse vivre mais là, si nous voulions aller jusqu’à la mer et puis ensuite passer à Bruges et pourquoi pas dîner à Gand, il n’y avait pas de temps à perdre. Quoique, est-ce vraiment perdre son temps que de le prendre ? Nous sommes partis Pat, Swan et moi après un déjeuner animé avec mes trois gars, un délicieux poulet-frites dans l’estomac. Jazz au programme tout le long du voyage : Brad, Oscar, Chet, un peu de Paolo Conte aussi. Nous avons comme à l’accoutumée suivis les canaux de Damme. Un tel ravissement ces longs canaux bordés d’arbres. Puis enfin, nous sommes arrivés à Nieuuwvliet-Bad, une enclave hollandaise sur la côte belge, au Nord. La mer était grise, je ne l’étais pas et Swan non plus, trop heureuse d’être là. Une bonne bière pour elle et un chocolat nature pour Pat, à l’amaretto pour moi.  Une heure à prendre le large dans notre tête face à la mer et nous avons repris la route, enchantés. Tranquille. L’accordéon de Galliano nous donnait le tempo. Quand nous avons approché de Bruges, impossible d’entrer dans la ville avec la voiture, c’était une journée sans. Par bonheur, nous avons trouvé un parking qui nous a mené juste au cœur de la ville. Là, Swan n'a plus su où donner de la tête. Il fallait la voir s’émerveiller ainsi à chaque instant de chaque édifice, chaque monument, chaque petite chose de cette Venise du Nord bourrée de poésie et de surprises. Un régal. Clic-clic kodak par ci, clic-clic kodak par là. Nous avions de la chance, le soleil avait réussi à refaire une apparition et la lumière était plus que parfaite. On ne pouvait rêver mieux, être là dans cette ville magique, sans bruit de moteurs. Douceur de vivre. Nous nous sommes laissés faire par nos pas profitant de l’ambiance bon-enfant et avons fini cette journée hors du temps, à Gand. Ville typique des Flandres, riche et grande, une architecture étonnante en dentelle de pierre, réjouissante. Nous avons diné dans un restau au bord de l’eau sous un brasero, avons parlé de son séjour à Paris, de Montréal, de nos envies de voyage respectifs, de politique, d’art, de la vie. Son accent chantant doux comme une musique avec ces tsé, ces plates, ces chez nous, ces an au son différent était rafraîchissant au milieu de cette langue flamande impossible à comprendre. On a rit, on a eu du fun à être là et on s’est régalé d’une carbonade flamande- frites maison- côte de Ventoux goûteux et doux. Précieux moment. Elle vient de repartir vers Sauve chez notre ami Mc Comber avec son énorme sac à dos orange et noir pour homme sanglé sur son corps de femme. Cinq heures de route. Elle va peut-être repenser tendrement à nous, à cette escapade et à nos rires d’adolescentes sur la plage. En tout cas, je n’oublierai sûrement pas pour ma part ce Dimanche avec Swan.

 

16/09/2012

L'insatiable Homme-Araignée

Elle est entrée dans la boutique, royale ! Tout chez elle est artistique. Elle est gourmande, étonnante, atypique. Sa crinière noire. Ses yeux jais outrageusement maquillés. Son corps ondoyant. Ses mains d’artisan. Sa voix rauque. Une femme enivrante, exaltante, sorcière. Elle captive et masque ainsi sa grande fragilité et sa sensibilité d’écorchée. C’est mon amie depuis toujours même si on ne se le dit que depuis peu. J’ai du plaisir à la regarder, à l’écouter, à la deviner. J’aime croiser son regard fier, j’aime l'habiller.

- Blue ! faut que tu lises ça !

- Quoi, ça ?

- Cet écrivain cubain.

- Tu sais que je reviens de Cuba ?

- Non je l’ignorais, tu as aimé ?

- Oui. La Havane, torride ; Trinidad, envoûtant ; les cubains, charmants…

- Lis ça, tu m’en diras des nouvelles. C’est l’écriture comme on aime, tu sais: celle qui décape, qui arrache, qui nous remue profond et loin…

- Ok, ok, c’est quoi son nom ?

- Pedro Juan Gutiérrez.

En face de chez moi, il y a un petit libraire, un des rares qui survit tant bien que mal. J’y passe toutes les semaines, parfois même deux à trois fois, c’est irrésistible pour moi. J’entre dans son petit espace tout en longueur bourré de bouquins jusqu’au plafond et sur l’étroite table à l’entrée je vois une pile de livres qui attire mon attention : L’insatiable Homme-Araignée, 13E Note Editions, Pedro Juan Gutiérrez, la photo d’un métis tatoué envoyant un baiser d’une portière de vieille américaine en noir et blanc. Je prends l’ouvrage, et je souris, je pense à elle. C’est un recueil de nouvelles. Je feuillette, j’en aime le ton, la manière incisive, la rage qui se dégage du livre. En exergue une phrase d’Hemingway, et puis une autre de Frank Lloyd Wright qui me plaît : «  Il est beaucoup plus difficile de vivre sans règles, mais c’est ce que doit faire, en toute honnêteté, un homme capable de penser. » Je suis conquise et je repars avec le livre.

Ce matin je l’ouvre à nouveau pendant que le poulet dore dans le four et que Swan prend sa douche. La première nouvelle  Silvia à New-York me scotche, j’en ai des frissons jusqu’au fond de mon sexe, je tressaille. Puissant, dérangeant, irrésistible. L’écriture de ce cubain va être ma drogue des jours prochains. C’est peut-être ce qui m’a sauvé : les cuites, les femmes, faire sortir la rage, tout envoyer bouler, ne rien attendre de personne. Et écrire. Ivre, aux aurores, j’écrivais des nouvelles sur tout ce qui m’arrivait. C’était très amusant. Et j’ai continué. Et j’en suis là. « Il y a le Cuba des cartes postales et des clichés. Et il y en a un autre, un Cuba du sexe, d’alcool, de fureur et de mots. Du premier, Pedro Juan Gutiérrez semble tout ignorer, le second il le croque en couleur, à grands traits, à grands bruits. «  écrit Vanessa Postec de Transfuge. « La rage de Gutiérrez contre la répression du Cuba de Castro est grisante. Crue. Choquante. Et sensuelle. » dit a son tour Anderson Tepper du New York Times. Je ne peux pas encore en dire autant avec le peu que j’en ai lu, ce que je sais c’est que cette façon cruelle et douce d’écrire, les tripes à l’air, me touche au plus haut point et me bouscule, me donne envie de prendre la plume et d’à mon tour crier la vie.

 

09/09/2012

La Casa Musica de La Habana

Le spectacle devait commencer à neuf heures du soir et nous étions un peu à l'avance parce que Marlen avait tenu à nous accompagner, elle n’aime pas sortir le soir seule dans son quartier et voulait être sûre que nous ne courions aucun danger. Vu le nombre de gardiens et d’hommes de sécurité, il n’y avait pas à s’en faire. Nous nous sommes assis à une petite table au milieu de la grande salle sombre en sirotant notre récurent mojito et nous avons assisté à l’installation de la scène au milieu des ingénieurs du son. La salle s’est remplie progressivement. Des couples d’amoureux, des groupes d’amis, une bande de vénézuéliennes complètement en transe, sans doute ravies d’être là et quelques hommes seuls disséminés de ci-de là. Les gros caissons noirs de chaque côté de l’estrade envoyait un son épouvantable, à un point tel qu’il n’était pas possible d’apprécier la musique diffusée. J'espèrais que cela allait changer une fois le groupe en piste. De plus en plus l’ambiance chauffait, certains se mettaient à danser près de leur table, d’autres trinquaient et se réjouissaient d’être là. Mais le spectacle le plus édifiant qui au début m’avait mise mal à l’aise était le défilé de plus en plus consistant de jeunes femmes toutes tirées à quatre épingles, maquillées, perchées sur des talons invraisemblables, moulées dans des petites robes trois trous à la Jackie Kennedy, les mains impeccablement manucurées tenant une pochette oblongue scintillante. Elles passaient et repassaient, se déhanchant et lançant des œillades à la volée. Elles m'évoquaient une présentation de Paule Ka avec leurs coupes de cheveux toutes identiques, lissés et remontés en chignons savamment décoiffés. Si jeunes. Tellement jeunes. Des lolitas, jeunes femmes jouant à être femme pour aiguiser les appétits masculins. Aucun homme célibataire ne le restait longtemps. Elles l’approchaient à deux ou trois, souvent une blonde, une brune, une entre-deux, comme pour proposer un choix à leur proie et même parfois l’une d’elle se levait pour aller en chercher une quatrième sentant que celle-ci qui avait tapé dans l’œil du coquin. Juste avant que le concert ne soit lancé, des bandes de copains firent leur entrée. Manifestement, ces hommes avaient leurs habitudes, et venaient sans état d’âme cueillir une fleur pour agrémenter leur soirée. A la table à ma droite étaient assis trois couples de cubains et cubaines venus pour apprécier la musique, ou tenter de le faire. Mon voisin le plus proche me regardait d’un air dépité chaque fois qu’un gars repartait avec une de ces jeunes filles sous le bras. Je pensais : « ça pourrait être sa fille ! » Et lui semblait se dire : « Elle doit penser que ça pourrait être ma fille ! ». La musique d’un coup est venue s’abattre sur nous coupant court à nos émotions. Et j’aime trop la musique pour pouvoir l’entendre dans de telles conditions, je me suis demandée d’ailleurs de quoi les tympans des cubains étaient faits pour pouvoir le supporter. Et puis, surtout, je commençais à avoir trop mal au cœur de voir tout ce gâchis, toute cette jeunesse qui n’a comme seule issue que l’usage de son corps. Je suis repartie de la casa musica de la Habana, ivre et triste. Une image de Cuba loin des couleurs, des lumières et de la poésie que je m'étais écrite jusque là.

 

La Finca Vigia -2-

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J'ai toujours adoré les allées bordées d'arbres. Petite, je me rappelle très bien de l'euphorie que me procurait celle qui menait au petit Moulinsart de mon amie Marianne. Ses parents étaient les meilleurs amis de mes parents et j'allais souvent le Mercredi après-midi chez elle. On jouait au docteur, à la poupée, on s'inventait des histoires de reines. Mais mon moment préféré était toujours... l'arrivée. L'immense allée en gravier habillée de droite et de gauche d'une rangée bien dessinée de peupliers. Comment dire? Allégresse, c'est le premier mot qui me vient, oui, un sentiment d'allégresse à être comme ça, sur un chemin qui communique avec le ciel. A La Finca, quand mes pas m'ont amenés à l'allée bordée de palmiers qui mène à la piscine, j'ai pensé à Proust et à ses madeleines. J'avais la mienne. J'en ai pleuré.

 

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Au bout de l'allée, les sièges à bascule, présents dans tous les intérieurs cubains, au bord de l'énorme piscine presque carrée vide mais peinte en bleue des mers du Sud invitaient à s'asseoir. Ce que j'ai fait. Je me suis plue à imaginer qu'avait dû être l'ambiance à l'époque, les amis, les rires, les discussions, les espiégleries d'Ernest et les chiens au milieu de tout ça. J'ai fermé les yeux et j'ai goûté au délicieux bruit du vent dans les feuillages, me faisant mon petit film. Pat m'a sorti de ma rêverie, me montrant du doigt les petites pierres tombales pour chacun de ses quatre chiens et par derrière le fameux "Pilar" restauré.

 

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De voir son bâteau m'a donné envie d'en savoir davantage et je proposais à Pat et à Emilio qui nous accompagnait dans le même genre de voiture que Jesus à la Havane, de pousser jusqu'au petit village où Hemingway aimait pêcher: Cojimar, la source d'inspiration du vieil homme et la mer, on ne pouvait pas ne pas aller y finir notre sorte de pélerinage avant d'enfin s'échouer sur la plage. Nous sommes tombés d'accord et nous prîmes la route vers cette nouvelle destination. Après s'étre désaltéré d'un vesou frais, aux peut-être vertus aphrodisiaques, nous sommes repartis dans la chaleur moîte, fenêtres grandes ouvertes vers Cojimar. Sur la route, il n'y avait presque personne, à part des camions aux chargements incroyables: sacs de riz vintages ou masse d'individus agglutinés, des équipages improbables toujours très colorés et quelques rares américaines plaisantes à regarder. Du vert, du vert, du vert encore. La nature est riche et foisonnante. Cuba ne manque pas d'être arrosé. Juste avant d'arriver à l'entrée du village, juste au tout dernier carrefour, je demandais à Emilio de s'arrêter devant une ruine magnifique qui avait mis en branle spontanément tous mes neurones. J'ai bondi tel un cabri hors de la voiture pour la prendre en photo sous toutes ses coutures. J'ai senti en moi pousser mes envies d'entreprendre et de construire, je voyais déjà ce que je pourrais faire d'un endroit comme celui-là, tout y était. J'ai demandé à Emilio à quoi avait bien pu servir cette bâtisse, il m'a répondu: une école. Je n'ai pas pu y entrer mais mes plans étaient fait. Vaste restaurant au rez-de chaussée et belles chambres claires avec vue sur la mer dans les étages. Emilio ne comprenait pas mon enthousiasme et me regardait avec des yeux ronds tentant de partager ma vision. Pat alors me dit: "Blue, tu es à Cuba!", j'ai déchanté, adieu veau, vache, cochon, couvée...

 

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- L'objet de ma rêverie -

 

Dés l'entrée du petit village de pécheurs, on est au parfum. Bien clair qu'ici "Papa" a laissé son empreinte, d'ailleurs face au fort au bout du port, sa tête en bronze trône au milieu d'une rotonde de colonnes blanches, fixant à jamais la mer qui s'étend à l'infini devant son effigie. Là, Pat a pris de belles photos de moi contemplative et nous sommes repartis vers les plages où les habitants de la Havane viennent en famille prendre l'air du large. Emilio connaissait un endroit moins touristique où il venait régulièrement avec sa femme et ses enfants. L'idée nous plaisait d'être plutôt du côté des cubains que sur une plage formatée face au complexe hôtelier. Pas du tout la même ambiance qu'à Trinidad, pas l'ombre des cocotiers, à la Havane, ça cogne dur mais l'eau de l'océan est plus fraîche que celle trop tiède de la mer des Caraïbes. Les us et coutumes, eux restent les mêmes. Tous avec leur bouteille de Rhum et de coca à s'enivrer tout au long de la journée sous un soleil de plomb, tous plutôt en groupe, peu de couple comme nous, et toutes tranches d'âge confondues. Je n'avais pas vu autant de grand-pères et de grand-mères sur une plage qu'à Cuba! Nous avons déjeuné là sous une petite construction de bric et de broc. Un délicieux poisson grillé et dos mojitos. Et nous avons bullé sur la plage sachant que nos vacances tiraient à leur fin et qu'il allait nous falloir très vite changer de rythme, de paysages aussi...

 

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- "Papa" à l'entrée de Cojimar -



02/09/2012

La Habana -1-

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- La Habana -

 

J’ai commencé mon voyage là, trop fatiguée et décalquée par le décalage horaire, je n’ai pas pu apprécier ma première journée dans la capitale cubaine et j’étais bien heureuse de quitter tout ce brouhaha et ces odeurs de gas-oil pour Trinidad, la sereine. Mais j’ai quand même voulu en savoir davantage sur cette ville mythique qui a fait tant couler d’encre et avant de repartir pour le petit Nord de la France, je suis restée trois jours à La Havane. Marlen, qui nous a gentiment accueillie n’habite pas le cœur de la ville mais de l’autre côté du Malecon dans un quartier résidentiel normalement calme quand on s’y enfonce mais bruyant à souhait de son balcon. Son appartement au deuxième étage d’un petit immeuble art déco donne sur une grosse artère, le spectacle y est saisissant. Au ralenti le Dimanche, en transe le Lundi. Des vieux bus scolaires américains avec l’arrière en porte-à-faux, des camions de toutes sortes ressemblant plus à des jouets d’enfant, des grosses voitures « fifties » hallucinantes dans des couleurs pétardes, des petites ladas grises à foison, des vélos, des vieilles motos comme dans les films d’après-guerre, et des gens à pied, plein de gens à pied, qui soit attendent des cars vétustes et bondés, soit hèlent des taxis ou même des automobilistes au hasard, chacun tentant sa chance pour éviter de faire toute la route à pied jusqu’au centre. L’immeuble voisin du sien est un vieux cinéma 1930 pur jus, l’Arenal, à l’abandon. Marlen nous a raconté que dans les années cinquante toute La Havane y venait, elle même y avait vu La Callas chanter. Depuis presque dix ans il est fermé, dommage, elle semblait en être désolée.

 

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- Du balcon de chez Marlen, le Dimanche -

 

Nous avons voulu la première journée faire un tour global dans la cité pour prendre la température du lieu. Jésus, un ami de Marlen a fait pour nous le guide dans sa voiture rafistolée repeinte en bleu vif à l’extérieur et noir à l'intérieur. Il nous a baladé de long en large et en travers dans pas mal de quartiers de la ville pour qu’on la comprenne. On est allé chercher les points hauts pour pouvoir avoir une vue d’ensemble et nous avons aussi visité le cimetière presque aussi beau que celui de Gênes. Après avoir passé des heures à déambuler dans la vieille ville- toute une partie du centre est restaurée - au milieu des touristes, nous avons bu tous les trois un verre à l’El Nacional, le fameux hôtel d’Al Capone. On se serait cru dans le Parrain dans les gros fauteuils en osier doré et skaï rouge sous le préau à colonnes joliment éclairé de grosses lanternes marocaines entrain de siroter le daïquiri mis au point par Hemingway lui-même qui est à la Havane une des vedettes, après Le Ché. Je ne vous dis pas le monde au Foridita et à la Bodeguita del Medio, les deux bars qu’affectionnait « Papa ». C’était sympa malgré une chaleur accablante. J’ai adoré le restaurant dans lequel nous a emmené Jésus, nous voulions tout sauf un lieu touristique. C’est comme ça qu’on s’est retrouvé un Dimanche midi dans une immense salle au quatrième étage d’un immeuble au plein cœur de la ville sans même qu’on puisse le savoir de l’extérieur dans un restaurant où les cubains viennent en famille manger dans un décor rustico-hispanique du porc grillé ou du poisson arrosé d’une sangria maison. Vraiment un chouette moment. Jesus nous expliquait du mieux possible, ne parlant qu’espagnol, que c’était une sorte de coopérative et que c’est pour cela qu’on pouvait manger aussi bon à des prix aussi bas. C’était bondé. Les grands ventilateurs brassaient un air chaud et lourd et la jovialité emplissait l’atmosphère. Un lieu autrement plus sympa que d’autres que nous avions pu faire avec notre guide touristique sous le bras. Le charme de La Havane commençait à opérer et nous étions finalement ravis d’être là. Nous nous sommes cassés le nez devant la porte du musée d’art contemporain, les horaires avaient changés et nous avons du coup décidé de faire celui du Havanna club, pas tout à fait le même délire mais instructif quoique expéditif. On ne peut pas le faire sans un guide, passage obligé à la caisse, et le guide mène ça de main de maître à une cadence plus que rapide pour vite nous amener à ce qui le motive : le magasin de souvenirs.

Enfin, nous avons voulu finir la journée en beauté. La fille de Marlen travaille dans la mode, elle est ancienne mannequin, mariée à un photographe français et fait maintenant de la production d’images. Elle m’avait envoyé via mon amie un mail avant de partir nous indiquant un lieu insolite pour dîner en tête à tête. Nous avons demandé à Jesus de nous y déposer, Pat et moi, ce qu’il a aimablement fait et de venir nous rechercher après le repas, car l’endroit en question était vraiment dans un coin improbable de La Havane, en dehors du circuit touristique niché au troisième étage d’un ancien palais, rampe d’escalier et sols en marbre, hauteur de plafond surprenante, immenses pièces bourrées de colonnes, il paraît que La Havane est une des villes la plus riche en colonnes du monde, sombre et pas très rasssurant. Au rez-de chaussée, l’espace est complètement squatté, recoupé en petits appartements. Un tel y gare son américaine, plusieurs autres ont des citernes d’eau suspendues aux moulures et aux stucs, un autre encore a fait pendre son linge entre une ferronnerie sophistiquée et un bout de fresque, des fils électriques traversent l’air de partout, une vraie forêt vierge et sur les murs desquamés on peut lire un poème de Fidel et voir une peinture du Ché. Au deuxième, c’est entassé. Chacun a fabriqué son petit chez soi de bric et de broc avec des planches, des tôles usagées, des morceaux de tout et de rien, on a l’impression que c’est provisoire, que c’est en chantier mais on comprend vite en jetant un œil discret que c'est ainsi que les gens vivent, alors quand on arrive au troisième après avoir passé une sorte de gigantesque salle de bal entièrement vide, on est comme dans un rêve ou dans un film. La porte en bois sculpté s’ouvre sur un espace raffiné, meublé avec goût de mobilier pourtant disparate, des tables dressées avec une élégance rare, nappées de blanc, des assiettes en porcelaine fleurie du début du siècle, des verres en cristal, de l’argenterie. Par chance nous avons pu être sur l’unique table pour deux installée sur un large balcon en pierre digne de celui qu’on imagine dans Roméo et Juliette, et nous avons dîné là, à la lumière des chandelles avec une vue plongeante sur une ville déchirée, blessée, et malgré tout vivante, insensée. Nous nous sommes régalés, avons passé une délicieuse soirée à se dire et en sortant Pat a voulu prendre des clichés en me faisant poser. Je me suis prêtée au jeu, j’aime quand il me regarde. Le résultat est un peu noir mais rend à merveille l’ambiance du lieu, à vous de juger, à votre tour de voir et de vous inspirer!

 

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- Photos Patrick Natier -



01/09/2012

Pas de deux...

 

Ecrire, c'est danser...

 

 

28/08/2012

Trinidad -3-

voyage, écriture, sensation, émotion, cuba, trinidad, partage, humain

- Trinidad - Aout 2012 -

 

Je suis restée plus longtemps à Trinidad, plus que prévu au départ. Me devais de me partager équitablement entre chacune de mes hôtesses, mais bon, c'était mes vacances aussi et j'avais un certain besoin de farniente et de poésie. Après avoir atterris à la Havane, Marco est venu nous chercher dans sa Lada pourrie pour nous amener chez Marlen, la mère de l'amie de notre amie. Wouah, je vous dis pas le bruit qui m'a assaillie. Dingue. Des diesels fumants à tout va, des vieux bus scolaires et engins que je n'avais jamais de ma vie vus avant de venir ici. Des antiquités ambulantes crachant de leurs pots des nuages noirs provoquant des brouillards dignes du cinéma hitchcockien. Quand Marlen m'a soumis l'opportunité de dégager au plus vite de chez elle parce qu'elle avait besoin du lit de la grande chambre sur rue, je n'ai pas hésité et me suis retrouvée dans cet havre de paix qu'est Trinidad. Luisant, coloré, musical. Tous les soirs nous allions entendre la salsa à la casa musica, vaste bar en plein air où viennent tous les cubains danser et boire un verre. Après deux mojitos, on est vite pris par l'ambiance et par le rythme même si parfois je me sentais un peu vieille au milieu de tous ces jeunes plus beaux les uns que les autres se déhanchant au son de la guitare. Impossible pour nous de nous fondre dans la masse! Avec notre physique, Pat et moi, on nous prenait souvent pour des allemands ou bien des hollandais, personne n'arrivait à croire qu'il pouvait y avoir des français aussi grands! Nous avons dit par nos gestes, en parlant ni l'un, ni l'autre la langue espagonle. C'est là qu'on comprend tout l'intérêt de parler la langue du pays, quoique par chance l'espagnol à des racines communes avec le français et que le langage analogique lui est universel!  Et même là-bas, à l'autre bout du monde j'ai été rattrapée par mon métier... Juani a voulu me faire visiter sa garde-robe pour avoir mon avis et a étrenné pour nous une robe fleurie bleue qu'elle s'était offerte trois mois auparavant et n'avait jamais osé mettre. Quand elle est apparue dans sa robe avec ses deux coktails de fruits frais dans les mains pour nous faire plaisir, je me suis extasiée: " Wouahou! Que vous êtes belle!". Le lendemain j'avais deux roses du jardin d'un rose évanescent dans un vase sur ma table de nuit. La mode est partout un moyen de communiquer impressionnant. Les cubaines d'ailleurs aiment la couleur et les vêtement moulants et aussi ce qui brille, ça m'a frappé le nombre de T-shirts que j'ai pu voir à Trinidad comme à La Havane avec des motifs scintillants...

 

18/08/2012

Trinidad -2-

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A Trinidad, toujours sur les directives de notre amie qui nous a envoyés là, nous avons logé chez l'amie d'une de ses amies. A Cuba, il s'est développé activement depuis que l'état l'a permis les "casa particular". Pas moins de 700 endroits de cette sorte rien que pour Trinidad. Ceux qui le désirent et qui le peuvent doivent s'inscire dans une sorte de registre, ils n'ont droit de proposer qu'une seule chambre chez eux et reversent une grande partie de ce qu'ils gagnent à la mère patrie. Une ouverture sensible pour les cubains qui le font et qui leur permet de mieux vivre. Ce n'est pas avec les salaires qu'ils touchent qu'ils peuvent penser subvenir à leurs besoins. Difficile d'imaginer qu'ils puissent s'en sortir avec l'équivalent de vingt à trente euros par mois! Cette nouvelle possibilité mise en place depuis 2010 pour permettre le développement du tourisme qui est la première manne du pays est une chance pour eux et une chance aussi pour les touristes comme nous qui préfèrent vivre plus près des gens et dans des ambiances non formatées. Beaucoup de cubains et de cubaines ont ainsi une double activité, leur métier d'un côté et de l'autre un système pour arrondir les fins de mois, c'est ainsi que nous avons rencontré un journaliste travaillant à la radio faisant de temps à autre le chauffeur entre La Havane et Trinidad, c'est aussi ainsi que ce sont développés les paladars, des minis-restau chez l'habitant souvent charmants.

Juani nous a reçu royalement dans sa maison de famille qu'elle n'a jamais quitté et dans laquelle elle habite avec son homme, sa belle-fille et son petit fils depuis plus de soixante ans, c'était la maison de ses parents. Son fils, dentiste travaille au Vénézuela, il a accepté, pour offrir à sa famille de vivre mieux, de partir là-bas pour un contrat de deux ans qui l'oblige à ne pas revenir au pays et qui lui permettra au bout de ces vingt quatre mois de prendre l'argent de son labeur bloqué tout le temps du contrat. Nous avions pour nous au bout de leur maison toute en longueur rose tendre, une petite chambre. Du toit terrasse on pouvait voir tous les voisins et l'état de délabrement du tribunal populaire juste à côté qui comme beaucoup de bâtiments officiels est atteint de façadite aigüe, la devanture fraîchement repeinte et pimpante avec un intérieur en plus que piteux état.

Nous avions à notre disposition, un petit coin privatif à l'ombre sous un énorme manguier qui perdait ses fruits à chaque orage violent et une sympathique vue sur un bout de jardin entouré de grands murs grisonnants dans lequel s'épanouissait un citronnier, des griffes de sorcières et quelques fleurs dont un rosier. Il y avait bien entendu également un gros bosquet de menthe pour le mojito que le maître de maison nous préparait à l'heure de l'apéro. Il aimait à dire d'ailleurs que ses mojitons étaitent le meilleurs du patelin. Pour en avoir bu un peu dans tous les coins à n'importe qu'elle heure, je peux lui donner raison!

Juani a été une hôtesse formidable de gentillesse et de drôlerie. Professeur d'anglais et d'espagnol à la retraite, elle nous donnait notre petite cours matinal quotidien, nous avions fort à faire Pat et moi, ne parlant ni l'un ni l'autre un mot d'espagnol. En échange nous lui parlions le français, une langue qu'elle adore et qu'elle tentait d'apprendre à l'aide d'un manuel de conversation et d'une vieille cassette audio. Nous avons usé et abusé de la douche extérieure dans un coin du jardin. Dans ses pays de soleil, l'eau et l'air sont plus que bienvenus. Juani s'est beaucoup amusé, surprise de nous voir tous les deux préférer mille fois nous ébattre avec l'eau l'un et l'autre dehors plutot que dans la salle de bains prévue à cet effet attenante à la chambre à coucher. Elle nous a trouvés très "cubano" dans notre maière de faire, jamais une seule personne avant nous n'avait ainsi profiter de l'installation en plein air ce que régulièrement elle et sa famille prennent plaisir à faire! Elle a encore plus ri et de bon coeur quand un jour d'orage redoutable nous nous sommes mis sous les gargoulettes crachant de l'eau à toute puissance pour prendre ainsi une dose d'eau de pluie tiède. Décidemment nous étions vraiment différents!

Féru de cuisine le mari de Juani nous a fait goûter sa soupe aux haricots noirs, délicieuse et parfumée; son porc grillé à la créole avec des bananes plantains rissolées et le typique mélange cubain de riz blanc et de black beans, véritable symbole du métissage ambiant. Nous nous sommes régalés de multitudes de fruits juteux très présents dans la cuisine cubaine, comme les mangues, les goyaves, le fruta-bomba, les bananes et les ananas. Des fruits avec un vrai goût qui sont servis à chaque repas en accompagnement des plats. Un peu déroutant au début, mais on s'habitue vite à prendre les fruits pour des légumes, comme on s'habitue aussi encore plus rapidement à boire des mojitons ou des cubatas à tout va...

 

 

15/08/2012

Come back

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- Photo Patrick Natier -

 

De retour, oui, avec plein d'images dans la tête, plein d'émotions, et plein de mots qui se bousculent. Trinidad: ses couleurs, sa chaleur, ses contrastes et toute son immense poésie. La Havane: son tumulte, ses mystères, sa folie et son extraordinaire richesse architecturale, sa pauvreté aussi. Cuba: les cubaines et les cubains, l'humain, la musique, l'art, le rhum, la cuisine, la salsa, le système débrouille face aux manques de tout genre incroyables et stupéfiants, la culture, le temps qui s'est arrêté, Hemingway, le musée à ciel ouvert qu'est ce pays. Tant à partager avec vous ces jours à venir, pour revivre une deuxième fois intense ce que j'ai déjà vécu et comment je l'ai vécu. Un voyage qui bouleverse et qui fait réfléchir, un voyage au coeur de ce qui fait vibrer l'humain, avancer, comprendre, construire, anticiper, s'enrichir et qui semble si compliqué et si impossible là-bas. Encore sous le choc du décalage horaire et des nombreuses sensations contrastées et variées qui m'animent, je retrouve doucement mes marques et vais distiller tranquillement ce que ce pays m'a appris et m'a si chaudement "mucho calor!" offert et qu'il me brûle d'écrire...

 

21/07/2012

Heureusement il y a les blogs...

"Helenablue" a aujourd'hui quatre ans et un mois, jour pour jour. Et il s'en est passé des choses pendant tout ce temps là. Des choses importantes pour moi. Cet endroit a changé ma vie, oui, et je pense qu'il a changé celle de quelques autres aussi, en bien je l'espère, en ouverture d'esprit et de coeur, en toute sympathie, en résonnance. Ici, je me confie, je réfléchis, je partage mes découvertes, mon goût pour l'art pictural, la musique, l'écriture et mon intérêt puissant pour les choses de la vie. Je me découvre aussi, j'avance, je me mesure à la pensée d'autrui et j'en ressens un immense bienfait. C'est un jour perdu que celui où je n'ai pas blogué ou que n'y ai pas pensé. Depuis le 21 Juin 2008, ça n'est presque pas arrivé. J'ai très vite trouvé un moyen d'expression qui me correspondait, un moyen d'expression en accord avec ma sensibilité, avec mon besoin de rencontres, de réactivités et avec cette particularité que j'ai de m'ouvrir aux autres sans me sentir dépossédée. J'aime ce lieu, il me ressemble. J'aime vous y retrouver. J'aime ce qu'on y fait ensemble. Je ne pourrais concevoir le reste de ma vie sans. J'y puise une telle inspiration, une telle énergie, tant d'affections, tant de plaisirs et tant d'étonnements, comment pourrais-je m'en passer? Merci d'être là. Merci de me lire, merci à vous d'interagir, merci d'exister et de me faire vibrer, merci à vous de m'aimer, merci de votre douce fidélité. Quand je me lève le matin, ma première pensée vient ici. Tout comme dormir, manger, boire, respirer, écrire et échanger sont vitaux pour moi, pour ma santé psychique et pour faire battre mon coeur toujours sur le qui-vive. Alors, tant que j'en ai la possibilité, tant que je peux offrir et recevoir, tant que je suis en vie, je nous souhaite le plus long et le plus inspirant des voyages via ce navire chaleureux déjà bien plein de souvenirs merveilleux, de rencontres improbables, de passion, d'amour, de ciel bleu, d'aventures cérébrales et d'audacieux échanges. Heureusement et pour mon plus grand bonheur, il y a les blogs, et il y a ... celui-là!

 

19/07/2012

Et re-hop!

Pour l'amour de l'art!

 

 

30/06/2012

correspondance

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On ne s'écrit plus. Avec internet on se parle, on se "mail" voire on se "hotmail". Avec les portables on se "sms", se "mms". On chatte, on skype mais on prend que rarement sa plume pour écrire une lettre ou une carte postale, ça n'est plus dans l'air du temps. Pourtant, quel bonheur j'ai eu hier matin en recevant une lettre manuscrite de mon amie Laure. L'objet en lui-même m'a émue. La délicatesse des arabesques sur le papier et puis le contenu, une lettre parait plus intime, plus personelle, plus physique aussi. Imaginer la personne aimée entrain de l'écrire est déjà tout en soi un poème. Bon, c'est vrai qu'avec toutes les possibilités de communication rapide, la tentation est forte de rédiger un petit mot sur son clavier pour exprimer son attachement et l'intérêt que l'on porte à quelqu'un, d'autant que si cette personne est à l'autre bout du monde, la simultanéité a son charme aussi, elle permet une sorte de conversation. Avec le décalage horaire, il y a un plaisir alors proche de la correspondance, l'attente. L'attente de la réponse. Mais il y a une sensualité dans l'écriture à la main impossible à rendre, quand le pouls s'accélère, quand l'émotion est là. L'expression du premier jet, c'est si délicat. J'aime ça. Il faut d'ailleurs une belle complicité pour se permettre de s'écrire ainsi, c'est sans doute ce qui me touche le plus dans cet acte d'écrire, la confiance que l'on a d'être lue comme il faut, d'être entendue, d'être comprise et de rentrer dans le monde de l'autre à pas feutrés, goûter à son intimité pour mieux l'aimer. En s'écrivant davantage, on s'aimerait davantage encore, peut-être...

 

 

23/06/2012

knock out

Il m'arrive parfois de me décourager, après un mauvais rêve, une fâcheuse rencontre ou une piètre journée. Hier j'ai cumulé les trois et ce matin les bras m'en tombent. J'ai le sentiment que rien n'a de saveur, que rien ne peut éclaircir mon paysage intérieur, que tout est sombre et surtout embrouillé. Je me demande à quoi bon, je ne me sens pas fière, je n'ai pas d'entrain et plus en tête de perspectives. C'est douloureux, sournois et c'est lourd à porter et à vivre, ce néant angoissant. J'ai tenté la méthode coué, sans résultat. J'ai médité une bonne heure, cherchant à positiver et à m'alléger de ce poid, sans grand succés. Je n'arrive pas à pleurer pourtant mon coeur est chargé et ma peine intense, j'ai mal d'être ainsi immobilisée et je culpabilise d'être cette masse inerte sans désirs, sans envies, sans avenir et surtout sans énergie. Comment en suis-je arrivée là? Pourquoi n'ai-je pas su me protéger mieux de moi-même? Qu'est-ce qui me met ainsi dans cet état, et surtout à ce point? J'ai bien des pistes et des idées là-dessus mais comment faire pour ne pas me laisser envahir par cette puissante inertie qui s'abat ainsi sur moi comme un couvercle et qui m'oblige à ressasser mes erreurs, mes peurs, mon besoin d'être aimée? J'ai le genou à terre. Comment vais-je pouvoir permettre à ma journée d'être créative et lumière? Comment contourner cet état et retrouver la grâce, l'appétit, l'envie de vivre, d'écrire, de créer et d'être au monde, debout et avenante? Je courbe l'échine, je dois bien avoir en moi un moyen, un coin où l'herbe pousse et le soleil existe. A terre pour l'instant mais sur pied demain, ces moments tragiques ne peuvent perdurer, va me falloir puiser profond pour pêcher l'inventivité qui va me sortir de ce trou obscur et poisseux du mal-être et de l'impuissance à donner...

 

15/06/2012

inspiré

 " Ecrire, c'est une respiration."

- Julien Green -

 

03/06/2012

Oui!

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- Blue par Patrick Natier - Mont Royal, Montréal, Octobre 2010 -


Le thème du défifoto de ce mois de Juin était "Ailes", j'y ai participé non en photographe amateur mais en modèle parce que ce thème m'a tout de suite fait penser à cette photo que j'aime de moi-même en haut du Mont Royal par une belle journée ensoleillée d'Octobre à Montréal. J'aime cette image, elle est joyeuse, tonifiante, jubilatoire, un de ces moments de grâce quand le bonheur vous donne des ailes, quand tout alors paraît possible, quand vous êtes au septième ciel. Avant l'amour, ça arrive parfois aussi, cette poussée intense d"énergie, de puissance et de légereté. J'étais heureuse à ce moment précis du clic clic de la boîte magique, j'étais bien, au nirvana, émue et je retrouve la qualité de l'émotion intacte en revoyant cette photo, puissance des images, avec un petit trémolo dans le coeur, un goût de le revivre, mais on ne peut revivre une première fois n'est-ce-pas? C'était la première fois que je voyais Montréal, la première fois que je montais en haut du Mont Royal, la première fois que je me balladais avec Christian Mistral, la première fois qu'on partageait lui et moi une escapade diurne, la première fois que j'exprimais devant lui mon plaisir de sa compagnie, la première fois que je pouvais partager cela avec l'homme de ma vie, la première fois que notre amitié pouvait ainsi se montrer sans retenue au grand jour, la première fois que je ressentais une telle fierté, la première fois que je m'autorisais à le faire. Jamais je ne pourrais retrouver cette quintessence de la première fois, mais je suis bien persuadée que dans les mêmes conditions, au même endroit, je pourrais savourer pleinement ce moment passé, cette ancre positive et que je pourrais même arriver à vivre tout aussi intensément une nouvelle première fois différente. On a tous quelque part au fond de soi une image de cette sorte de joie pure et étonnante de fraîcheur, on a tous dans le coin de sa tête une expérience de ce genre, une exaltation qui balaie tout sur son passage, un moment où tout semble possible, un pareil moment d'harmonie totale, on peut tout s'en souvenir avec tendresse et y puiser parfois le ressort nécessaire pour continuer d'avancer et de croire que ce que en quoi on croit a un sens, une force et un élan vital. On a tous le goût de revivre un tel délicieux défi à tout ce qui entrave et alourdit notre vie. Cette photo à la feuille d'érable c'est comme dire "Oui" à la vie! Et je dis "Oui".



28/05/2012

En direct de Dijon

Mon escapade se termine, dommage, j'eusse aimé qu'elle dure davantage. J'étais bien loin de tout ce qui fait mon quotidien et plus près du coup de ce qui m'est nécessaire: la fluidité, la tranquillité, la nonchalance de l'existence, l'absence de téléphone, l'absence d'obligations, de tracas, d'allant à l'autre. Juste soi à respecter, à s'occuper, à entendre. J'ai adoré. Adoré n'avoir qu'à penser, lire et manger. Adoré revoir mes vieux amis de Provence avec qui j'ai une fois de plus devisé jusqu'au bout de la nuit, bu, ripaillé, jasé et réfléchi. Rêver de ballades au Maroc dont ils sont tous les deux des enfants, reparler du temps de quand on était plus jeunes, plus fougueux, plus imbéciles aussi. Le temps passe sur nous et nous insufle ses apprentissages douloureux et salvateurs. On s'endurcit et on s'assouplit, drôle de mélange, drôle d'alchimie que l'expérimentation de la vie. Continuer de faire des projets et constuire des châteaux en Espagne même si les uns et les autres on n'est plus depuis peu des Don Quichotte en feu. Avant-hier soir j'ai effleuré le tapis rouge de Cannes sous la pluie et puis j'ai fini la soirée dans un petit bistrot dans la vieille ville plein de charme et d'accents chantants. Les discussions autour du pastaga ont la même nature qu'autour d'une bière, partout où que ce soit, l'individu se pose les mêmes questions et a les mêmes semblants de réponse, pourtant sous le soleil, c'est différent, la manière de dire a une autre couleur. "Tsé, Marcel, c'est qu'elle ne m'aime plus la Ginette, elle veut partir avec plus jeune, qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire peuchère pour la retenir, j'ai qu'elle!". L'amour, l'amour, le nerf de la guerre.

Je suis à Dijon, dans ma famille d'adoption, chez ma soeur de coeur, son mari, ses trois petits. Il fait grand soleil, on a gonflé la piscine pour que la jeune classe s'ébroue et lâche son énergie. Elle jardine, il fait le sieste, mon homme aussi. Je croyais avoir oublié comment pouvez être des enfants de 4, 8 et 10 ans. Les miens maintenant sont grands mais les gestes reviennent vite, comme le vélo, ça s'oublie pas. Je sais que c'est pas la peine de s"énerver, j'ai appris ça avec le temps. Vieillir, ça se fait sans qu'on s'en rende compte imperceptiblement. Je me sens bien. Pendant un moment l'esprit cherche à mettre de l'ordre, petit à petit les pièces du puzzle s'installent et puis un jour se produit le déclic, l'engrenage fonctionne, on est fin prêt pour l'étape d'après. Encore quelques heures de répit avant de retourner à ma vie active, au grand théâtre de ma vie. J'ai trop attendu pour prendre le large, prendre ce recul qui permet de retrouver sa quintessence, ce pourquoi on est fait. Faut se méfier du chant de sirènes, des chemins de traverse. En même temps faut bien se mouiller. J'ai pas de remords, j'ai quelques regrets  mais j'ai toujours en moi l'essentiel, ma botte secrète quoiqu'il puisse arriver, j'ai foi dans la vie et foi dans l'amitié et ça, je ne suis pas prête de l'abandonner.

Suis bien heureuse de vous retrouver...

 

 

Sur ma route

" On peut penser assez de mal d'un homme et être tout à fait de ses amis; car nous ne sommes pas si délicats que nous ne puissions aimer que la perfection, et il y a bien des vices qui nous plaisent même dans autrui."

- Vauvernargues -