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09/12/2012

Mon petit rien

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- Marlène Dumas -

 

J'ai passé trois années à l'écrire ce livre, trois années à recoucher sur le papier tout un vécu et en faire une matière et, je l'ai laissé croupir dans un tiroir encombré de bilans, de vers, de billets doux, de procés, de romances... Hier soir au détour d'une conversation imbibée de jus de pomme fermenté, j'ai reparlé de moi, de ce parcours, de mon manuscrit, de cette volonté rageuse et scribale de dire. C'est peut-être du jus d'égo, peut-être. Quand bien même! Ce chemin je l'ai fait, ce roman en devenir est sur papier, libre, concentré. Je vais le reprendre et aller au bout, boucler la boucle et ainsi remplir le contrat que je m'étais fixé. Je le dois bien à la petite fille en moi, à mes fils et à tous les enfants à venir. C'est le moins que je puisse faire là où j'en suis.

 

08/12/2012

Fragment d'un discours amoureux

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- Sculpture Auguste Rodin -

 

" On me dit: ce genre d'amour n'est pas viable. Mais comment évaluer la viabilité? Pourquoi ce qui est viable est un bien? Pourquoi durer est-il mieux que brûler? "

- Roland Barthes -



04/12/2012

Faire, défaire, refaire

FAIRE est un état actif. C'est une affirmation positive. J'ai le contrôle et je m'approche d'un but, d'un souhait ou d'un désir. Il n'y a pas de crainte. Tout va bien, tout est serein. Je suis une bonne mère. je suis généreuse et attentive aux autres, je suis celle qui donne, la nourricière. C'est le " je t'aime", peu importe qui ou quoi.

DEFAIRE c'est laisser filer. La crainte que les choses ne soient pas comme elles doivent être et l'anxiété de ne pas savoir quoi faire. Il peut y avoir une destruction totale dans la tentative de trouver une réponse, et il peut y avoir une violence qui se transforme en dépression. On est immobile devant l'éveil de la peur. C'est la vue du fond du puits. Dans la relation aux autres, c'est le rejet et la destruction. C'est le retour du refoulé. Je jette les choses, le les brise, les relations sont cassées. Je suis la mauvaise mère. C'est la disparition de l'objet de l'amour. La culpabilité conduit à un profond désespoir et à la passivité. On se retire dans son terrier pour se refaire, se retrouver, élaborer une stratégie.

REFAIRE signifie qu'une solution au problème a été trouvée. Ce n'est peut-être pas la réponse définitive mais un effort pour avancer. Vous y voyez plus clair. Vous redevenez active. Vous reprenez confiance. Dans la relation aux autres, la réparation et la réconciliation sont réalisées. Les choses ont repris leu cours normal. Il y a de nouveau espoir et amour.

 

- Louise Bourgeois -

 

03/12/2012

perdurer

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"Au début, mon travail portait sur la peur de tomber. Puis, il s'est transformé en art de tomber. Comment tomber sans se blesser. Plus tard, il devient l'art de durer." 

- Louise Bourgeois -

 

29/11/2012

cheminement

 

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- Sculpture Henrique Oliveira -

 

 

"Ce qu'on apprend dans les livres, c'est la grammaire du silence, la leçon de lumière. Il faut du temps pour apprendre. Il faut tellement plus de temps pour s'atteindre."

- Christian Bobin - "La Part Manquante"



27/11/2012

Un bouquet de lumière

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- Jérome Karsenti -

 

" J’ai toujours attendu que quelque chose sauve la vie. J’ai toujours été étonné, quand un livre me brûlait les mains, de voir que d’autres pouvaient en parler calmement, et que cela ne les faisait rasseoir que dans leur propre vie éteinte. Quand on leur amène leur propre cœur dans des mains blanches, et que les gens n’en veulent pas, il n’y a plus rien à espérer pour eux.

Par l’amour c’est comme si j’avais été mis une fois de plus en haut d’un arbre, à l’abri de tous les dangers. Quelqu’un m’a aimé, par cet amour j’ai été sauvé de ma vie et du monde. Il m’a semblé que c’était cette lumière que je cherchais étant enfant.Tout d’un coup quelqu’un rassemble toutes ces lumières et me les donne. C’est comme si je posais ma main sur le cœur nu de la vie. Je suis prêt à ce que tous mes livres disparaissent et même le prochain, sauf cette phrase :” La certitude d’avoir été un jour, ne serait-ce qu’une fois, aimé, et c’est l’envol définitif du cœur dans la lumière”.

Il est possible que tout me soit enlevé, mais cette phrase là est écrite en moi autant que dans mes livres."

 

- Christian Bobin, La lumière du monde, extrait de Dans le tympan du cœur, édition Gallimard, 2001 - 



26/11/2012

Jacques Loussier Play Bach Trio

 

 

Je me réveille en vrac, déchirée de l'intérieur, encore à lutter avec mes vieux démons qui m'empêchent de vivre mes désirs les plus profonds. Toujours ce mur, toujours cette chappe, ce noeud qui me vient de si loin et que je tente de résorber avec le temps. Pourtant j'ai peur, le temps passe, vais-je arriver à temps à me vivre complètement corps et âme? Avant la ménopause, avant que je m'assèche de vieillesse et que je me rabougrisse de la chair, avant que ça ne puisse plus, vraiment plus. Je sens les blocages, je sens que ça serre, je sens que je n'y arrive pas, comme si j'étais enfermée dans un écran de télé et que je cogne à l'écran de toute mes forces pour sortir de la boîte, comme cette publicité pour protéger les enfants des programmes qui ne sont pas pour eux, des images qui pourraient les choquer. Moi c'est mon passé qui me hante, comme Angot, comme tant d'autres et je veux m'en tirer, je veux récupérer ce qui m'a été volé, arraché, pris de force. J'écoute Loussier jouer Bach, Colette disait de Jean-Sébastien qu'il était comme une machine à coudre. je l'entends comme une machine à en découdre. La musique a cet effet étonnant et tout à fait extraordinnaire d'arriver à me faire oublier mon enveloppe charnelle, elle me parle au-delà et je me sens libre avec elle comme je peux l'être avec la poésie d'Eluard ou l'air frais d'un petit matin au bord de l'océan, le plombé d'une nuit chaude d'été, un feu de camp. Je sais pourtant que ça n'est pas à force d'y penser, d'y repenser encore, de me culpabiliser de ne pas y arriver et de forcer la chose qu'alors se libèrera l'énergie de vie en moi. Et quand je butte comme j'ai l'impression de faire depuis trois heures du matin, c'est au cutter que j'attaque ma vie. Quelle merde que d'avoir envie de vivre à fond, dense, quelle prétention peut-être que toujours vouloir plus, que toujours vouloir fort. Maman me disait qu'être riche c'est se contenter de ce que l'on a. Se contenter, je ne peux pas, je ne peux me résoudre à m'accrocher au peu que j'ai réussi à regagner. Ce que je veux c'est sentir la chaleur du bonheur m'envahir et n'être qu'être. Les notes de Bach s'insinuent en moi, je sens que la contrebasse me charme et que doucement mes tensions intérieures et mes sensations de lutte acharnées baissent, je m'apaise, me cotérise. Phénix. Quand le piano revient avec toute sa vitalité, je récupère la mienne. Loussier me permet de rebondir. Tant qu'il y a de la vie, on peut espérer, on doit le faire. Rien n'est figé. Nous ne sommes que mouvements. Il faut que je trouve comment je vais pouvoir contourner cet obstacle. Je sais que la clef existe quelque part. C'est gai d'entendre un public comme ça avoir du plaisir et communier ainsi autour de la musique. Je ne regrette pas mon choix, j'ai pourtant hésité, je voulais écouter Mahler, la cinquième symphonie, le "end" de Mort à Venise. J'ai commencé et tout de suite j'ai saigné, je me suis dit " tu n'es pas maso, quand même, tu ne souffres donc pas assez que tu veuilles en remettre une louche!". C'est idiot parfois de se mettre au diapason musical de son état d'âme, c'est pas le bon plan. J'ai pensé à Loussier. Hier matin au petit déjeuner pendant que nous parlions de choses et d'autres avec mon homme il est appparu au milieu de la conversation et nous nous sommes l'un et l'autre tus et juste regardés. Intense. Cette intensité, je la retrouve. J'ai de la chance d'être aimée comme je le suis depuis tant d'années. J'ai de la chance d'aimer. Au nom de cet amour je veux être entière. Je veux être toute à moi pour être toute à lui. Cet homme magnifique qui partage ma vie. Je cesse d'écrire, je me laisse porter par les notes, et j'entre fière dans ma journée. Presque recomposée.

 

25/11/2012

Une semaine de vacances

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J'ai passé mon aprés-midi avec l'écriture précise et insupportable d'Angot. De la dentelle noire, ciselée, implacable, fulgurante. Comment parler de ce livre sans évoquer pour moi les séances de dissection de grenouille en sciences naturelles quand j'avais 13 ans. J'ai ressenti le même écoeurement et la même fascination. L'évocation insoutenable et précise de cette semaine de jeux sexuels parfaitement rendue entre un père et sa fille, la perversité de la relation, l'amour mortifère qui s'en dégage et enfin la délivrance par un rêve de cette intimité opressante et tragique sont remarquablement rendus par les mots de l'auteur qui nous tient en haleine du début jusqu'à la fin de son livre. J'en suis toute retournée encore et toute horrifiée aussi d'y avoir pris un certain plaisir. Sans complaisance Angot nous livre comment avec l'écriture on peut rendre le pire et en venir à bout. Renversant.

 

19/11/2012

Accalmie

L'accalmie est un étonnant moment, un moment qui n'intervient qu'apès des vents violents, un moment comme suspendu dans le temps et dans l'espace, un moment de grâce pour reprendre ses esprits, se poser, réfléchir, panser ses plaies, réparer, retrouver ses forces intimes. Tout semble à l'arrêt. L'estomac n'est plus noué, les bouffées de chaleurs sont remplacées par une fraîcheur matinale, les idées noires n'interfèrent plus dans la mécanique de la pensée, les hauts-le coeur laissent la place à l'appétit, les membres se détendent, le dos respire et les mains redeviennent franches. Je pèse mon poids, mon corps semble apaisé et mon coeur ne bat plus la chamade. J'ai une sensation de quiètude un peu abstraite mais agréable et je ressens le détachement. Le détachement, le recul, le lâcher-prise, mon aliénation a déposé les armes, ma névrose cesse de me taquiner et mes douleurs se sont évanouies comme par magie. L'accalmie a frappé, elle s'est installé après une nuit intense de réglements de compte et d'échanges animés, les travailleurs de mon inconscient sans doute qui ne s'arrêtent jamais ont remis de l'ordre pour me laisser souffler, pour que je puisse de nouveau croire possible cet état que je voudrais voir perdurer. Pas de fumée sans feu, pas d'accalmie sans tempête, pas de conscience sans prises de conscience, pas d'actions sans effet. On ne peut pas ne pas changer. Infinitésimalement. Inexorablement. Mon corps se repose mais mon  cerveau carbure, comme s'il pouvait sans retenue emplir tout mon crâne. Quelle étrange sensation que de récupérer toute sa tête! Quelle fascinante présence! Je suis comme régénérée, comme si pendant la nuit de nouveaux neurones avaient déblayé la place et remplacé d'autres morts ou mal en point. Je ressens ces nouvelles connections se mettre en place et j'éprouve un plaisir indescriptible à retrouver ainsi ma capacité à entrevoir et à analyser, ma pensée, ce noyau dur inaliénable qui n'a pas été entamé. J'ai envie d'arrêter le temps, envie que dure et dure ce moment. J'ai si rarement l'occasion de me sentir si proche de moi, ainsi, à jeun. J'ai gagné du terrain. Et je prends doucement confiance. Etre, c'est possible, c'est certain. Là, je suis, à plein et en paix. J'ai envie d'aimer et de créer.

 

13/11/2012

Lélius ou l'amitié

Il me semble, en ce sens, discerner que nous sommes faits pour qu'il existe entre tous les humains quelque chose de social, et d'autant plus fort que les individus ont accès à une proximité plus étroite. Ainsi nos concitoyens comptent davantage pour nous que les étrangers; nos parents proches, plus que les autres personnes. Entre parents, la nature a ménagé en effet une sorte d'amitié ; mais elle n'est pas d'une résistance à toute épreuve. Ainsi l'amitié vaut mieux que la parenté, du fait que la parenté peut se vider de toute affection, l'amitié, non : qu'on ôte l'affection, il n'y a plus d'amitié digne de ce nom, mais la parenté demeure.

 La force que recèle l'amitié devient tout à fait claire pour l'esprit si l'on considère ceci : parmi l'infinie société du genre humain, que la nature elle-même a ménagée, un lien est contracté et resserré si étroitement que l'affection se trouve uniquement condensée entre deux personnes, ou à peine davantage.


Ainsi l'amitié n'est rien d'autre qu'une unanimité en toutes choses, divines et humaines, assortie d'affection et de bienveillance : je me demande si elle ne serait pas, la sagesse exceptée, ce que l'homme a reçu de meilleur des dieux immortels. Certains aiment mieux les richesses, d'autres la santé, d'autres le pouvoir, d'autres les honneurs, beaucoup de gens aussi lui préfèrent les plaisirs. Ce dernier choix est celui des brutes, mais les choix précédents sont précaires et incertains, reposent moins sur nos résolutions que sur les fantaisies de la fortune. Quant à ceux qui placent dans la vertu le souverain bien, leur choix est certes lumineux, puisque c'est cette même vertu qui fait naître l'amitié et la retient, et que sans vertu, il n'est pas d'amitié possible !

 

- Cicéron - Lélius ou l'amitié (extraits)



29/10/2012

entreprendre

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28/10/2012

le genre de petite histoire qui fait du bien

Nos bagages sont chargés dans la voiture. Nous avons fait en sorte d'être prêts à partir plus tôt pour ne pas faire attendre la soeur de Pat qui veut dîner avec nous. J'ai du coup quitté la boutique avant l'heure de fermeture, ce qui est rarrissime pour moi un Samedi. Un fois n'est pas coutume. Pat décide de mettre un peu d'essence dans le réservoir et s'arrête à la pompe avant de prendre l'autoroute, histoire de faire des économies. Le carburant est tellement hors de prix en ce moment. Il sort de la voiture et là d'un seul coup se raidit.

- Merde! Il m'arrive une tuile! Je n'ai pas mon portefeuille!

- Tu as dû le laisser à la maison. Quand t'en es-tu servi la dernière fois? Où le mets tu d'habitude?

Pendant que je l'assaille de question et que je commence à sentir l'angoisse m'envahir, il réfléchit.

- Voyons... Je suis allé à la poste ce matin pour l'envoi en nombre. Je suis sûr d'être revenu avec puisque j'ai donné à Isa la carte pro et les coordonnées de la personne qu'elle doit voir pour les enveloppes d'invitation. On est revenu ce midi à la maison. Je ne m'en suis pas servi depuis. Il ne peut être qu'à la boutique. Pourtant je ne comprends pas. j'ai bien fait attention en partant de ramasser toutes mes affaires. Mon apprareil photo, mon casque...

- Retournons à la boutique, voir s'il n'est pas sur le bureau!

On fait le plein avec ma carte bleue, j'avais bien mon portefeuille dans mon sac. Pat garde pour le moment son calme et moi, je fais en sorte de ne pas partager ma peur grandissante. Malgré sa fréquente tête en l'air, je sais que Pat fait attention à son morlingue, néanmoins là je suis inquiète. Retour à la case départ, j'ouvre la grille du magasin, défait l'alarme, remets les lumières et je monte à l'étage. Sur le bureau, rien. Sur le sol pas davantage. Je redescends, Pat me rejoint après s'être garé. Il monte à son tour, et tout comme moi ne voit rien. Il retourne la poubelle, cherche dans les coins. Toujours rien. On fouille l'un et l'autre un peu partout dans le magasin. Rien. Pas de portefeuille. 

- Merde, ça craint! Où peut-il bien être?

- S'il n'est pas ici, il est peut-être dans la voiture, on a pas regardé. Tu n'as pas changé de veste ni de manteau. Un portefeuille, ça ne disparait pas comme ça. Tu l'as peut-être perdu ou on te l'a piqué...

La soirée et le week-end commençaient à prendre une sale tournure. Je ne voyais pas comment nous pouvions aller à Paris sans les papiers de la voiture, sans le permis de conduire de Pat et avec cette incertitude. Nous refermons penauds l'un et l'autre la boutique. Tout cela n'a pas de sens. Et là, alors que Pat a maintenant autant les boules que moi, son portable sonne. Son visage s'éclaire. C'est Pierre, notre petit dernier.

- Pierre a reçu un coup de télélphone. Une jeune femme lui rapporte mon portefeuille dans dix minutes à la maison. Elle l'a trouvé sur le trottoir. Il a dû tomber de ma poche ce midi quand je suis sorti de la voiture. C'est la deuxième fois cette semaine qu'elle trouve un portefeuille par terre et qu'elle le rapoorte à son propriétaire. Pourquoi a-t-elle appelé Pierre? J'ignorais que j'avais son numéro dans mon portefeuille!

- Si,si, souviens-toi, il te l'a griffonné sur un bout de papier quand il a changé de portable lundi. C'est pour ça qu'elle a trouvé ce numéro. C'est fou cette histoire!  

Nous repassons pas la maison. Le portefeuille est au complet sur la table de la salle à manger. Notre soulagement est à la mesure de la tension qui nous a étreint. Pat s'exclame:

- C'est bon de savoir qu'il existe encore des gens comme ça! 

Notre week-end peut commencer.

 

25/10/2012

Pearl Buck

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« Quel que soit son domaine de création, le véritable esprit créatif n’est rien d’autre que ça :   une créature humaine née anormalement, inhumainement sensible. Pour lui, un effleurement est un choc, un son est un bruit, une infortune est une tragédie, une joie devient extase, l’ami un amoureux, l’amoureux est un dieu, et l’erreur est la fin de tout. Ajoutez à cet organisme si cruellement délicat l’impérieuse nécessité de créer, créer, et encore créer – au point que sans la possibilité de créer de la musique, de la poésie, des livres, des édifices, ou n’importe quoi d’autre qui ait du sens, il n’a plus de raison d’être. Il doit créer, il doit se vider de sa créativité. Par on ne sait quelle étrange urgence intérieure, inconnue, il n’est pas vraiment vivant à moins qu’il ne soit en train de créer. »

Pearl Buck (1892 – 1973)



24/10/2012

Élémentaire!

COMMENT WATSON APPRIT LE TRUC

par Sir Arthur Conan Doyle



Watson regardait son compagnon avec intensité depuis que celui ci s’était assis à la table du petit déjeuner. Holmes leva finalement les yeux, et aperçut le regard de son compagnon.

« He bien, Watson, à quoi songez vous ? », demanda-t-il.

« A vous».

« Moi ? »

« Oui, Holmes. Je songeais à quelle point sont superficielles vos petites astuces, et comme il est extraordinaire que le public continue à s’y intéresser. »

« Je suis assez d’accord », dit Holmes. «En fait, je crois me souvenir que je vous ai moi même fait une telle remarque par le passé ».

«Vos méthodes», dit Watson avec sévérité, «sont vraiment aisées à acquérir ».

« Sans aucun doute», répondit Holmes avec un sourire. «Peut être pouvez vous donner vous même un exemple de ces méthodes de raisonnement ?»

« Avec plaisir », dit Watson. « Je suis en capacité de dire que vous étiez fort préoccupé en vous levant, ce matin ».

« Excellent !», dit Holmes. « Comment avez vous su cela ? »

« Par ce que vous, un homme d’habitude soigné, avez pourtant oublié de vous raser. »

« Mon dieu, comme c’est brillant !» dit Holmes. «Je ne savais pas, Watson, que vous étiez un si bon élève. Votre regard de faucon a-t-il détecté autre chose ? »

« Oui, Holmes. Vous avez un client du nom de Barlow, et n’avez pas eu de succès sur son cas ».

«Diable, comment avez vous su cela ? »

« J’ai vu le nom sur une enveloppe qu’il vous a envoyé. En l’ouvrant, vous avez poussé un grognement, avant de la fourrer dans votre poche avec un froncement de sourcils ».

« Admirable ! Vous êtes effectivement très observateur. Encore autre chose ? »

« J’ai bien peur, Holmes, que vous vous adonniez à la spéculation financière. »

« Et cela, comment pouvez vous le dire, Watson ? »

« Vous avez ouvert le journal, regardé la page économique et eu une exclamation d’intérêt ».

« Ma foi, c’est très subtil de votre part, Watson. Une nouvelle déduction ? »

« Oui, Holmes. Vous avez mis votre manteau noir, et non votre robe de chambre. Cela prouve que vous attendez une visite importante d’un instant à l’autre. »

« Rien de plus ? »

« Je ne doute pas que je pourrais trouver d’autres éléments, Holmes, mais je ne vous donne que ces quelques la, afin de vous montrer qu’il y a d’autres personnes que vous dans le monde à pouvoir être aussi habiles.

«Mais certaines ne le peuvent pas», dit Holmes. «Je dois bien avouer que peu sont dans cette situation, mais j’ai bien peur que vous n’en fassiez partie, mon cher Watson. »

« Que voulez vous dire, Holmes ? »

« Eh bien, mon ami, j’ai le sentiment que vous déductions n’ont pas été aussi heureuses que ce que j’aurais souhaité. »

« Voulez vous dire que je me trompais ? »

« Oui, j’en ai peur. Reprenons tous les points dans l’ordre correct ; je ne me suis pas rasé car j’ai envoyé mon rasoir pour se faire aiguiser. Me voici en manteau pour un rendez vous matinal avec mon dentiste. Son nom est Barlow, et la lettre que vous voyez la me confirme le rendez vous. Dans le journal, la page à propos du cricket est juste à coté de l’économique, et je vérifiais si l’équipe de Surrey avait tenu face à celle de Kent. Mais continuez, Watson, continuez ! Mes tours sont vraiment très superficiels, et il n’y a aucun doute qu’un jour prochain vous saurez comment faire.

 

Cette histoire fut écrite par Conan Doyle à l’occasion de la création de la Queen’s Dolls’ House, en 1923. Le texte original est rédigé sur un livre de la taille d’un timbre, d’une écriture manuscrite.



23/10/2012

de la parole

 

 " Je cherche mon patois personnel, tout est là."

- Fred Griot -

 

21/10/2012

L'enterrement (Festen... la suite)

 

Je viens de voir la pièce "L'enterrement ( Festen... la suite)". J'en suis sortie en larmes. Je m'y attendais! Je savais parfaitement qu'un tel sujet ne me laisserait pas insensible quoique l'auteur ai choisi de me dire. C'était pire encore que ce que j'imaginais. Au départ, ça commence léger, pour tout ceux qui ont vu Festen, on replonge dans l'atmosphère du film et vite des images viennent à l'esprit même si ça n'est ça n'est que suggéré par un truchement cinématographique. Tout de suite on y est.  Un à un les personnages reviennent: Christian, le fils violé, marié à Pia, la serveuse de l’hôtel paternel. Son frère Michael et sa nouvelle épouse, Sofie, qui ignore totalement l’histoire tragique de la famille. Helene, la sœur, sorte de régulateur agressif des relations joué par une Mathilda May déchaînée et Else, la mère, presque absente à elle-même, évanescente. Kim, le cuisinier, qu'on retrouve avec bonheur et Henning, le fils de Michael, douze ans, fragile. La famille semble apaisée et la pièce s’égrène sur le mode de la comédie, avant de basculer violemment dans la tragédie. J'ai entendu à la fin de la représentation derrière moi des " ça commence à bien faire, trop c'est trop, c'est abuser..." Moi j'étais scotchée par la cruauté de l'après proposé par Thomas Vinterberg et Mogens Rukov. Après la mort du père, qu'allait-il donc se passer? Après la mort du mien que va-t-il se produire? Sans doute pas ce que je viens de voir, Dieu soit loué parce qu'il n'y a pas eu après la révélation des faits tant de distance mise entre les protagonistes mais une réelle volonté d'en découdre et de faire autrement. "L'enterrement" est pourtant réaliste, il tient compte de tout ce que j'ai pu apprendre sur le sujet, de ces fantômes qui errent dans les familles, de ces putains de loyautés et de ce malheureux et infernal piège de la répétition. J'en ai le sang glacé tant c'est justement rendu dans cette pièce. Les acteurs donnent tout, ils vivent de l'intérieur ce drame humain poignant et arrivent parfaitement à rendre ce qui se passe dans ce genre de dramatrugie familiale obscène. Samuel Le Bihan en Michael, le fils à priori épargné est exceptionnel, Pierre Cassignard poignant dans le rôle de Christian l'abusé abuseur à son tour, Mélanie Doutey qui joue Sofie est un feu-follet dans cette sinistre histoire et Caroline Proust est une Pia renversante de sincérité." L'enterrement" a le mérite de parler de sujet plutôt tabou et plutôt délicat à aborder, il le fait avec intelligence,humour et humanité, ça n'est pas "trop", bien au contraire. C'est courageux et brillant. Et ça met en lumière à quel point l'inceste est destructeur, cruel, ravageur pour les individus et à quel point aussi la révélation de l'inceste au sein de la famille ne suffit pas pour en éradiquer les effets au coeur même des individus. Je le sais. Je l'ai vécu. Je le vis encore. Le jour où comme dans cette pièce nous aurons à vivre mon frère, ma soeur, ma mère et moi, l'enterrement de notre propre père comme ce que nous avons eu à vivre à l'enterrement du père de notre mère, nous mesurerons, je crois combien nous avons encore à faire pour protéger nos enfants de cette folie et pour sortir libre enfin de cet affreux piège dans lequel nous sommes tombés petits. Daniel Benoin, merci!

 

14/10/2012

pour l'amour des mots

Suite à la brillante note de Venise sur son amour des dicos, j'ai eu envie d'ouvrir le grand Petit Robert que je me suis offert l'année dernière, édition 2012. Je n'avais pas mis mon nez dedans depuis un bail et c'est avec un ravissement renouvelé que j'ai une fois de plus découvert quelques mots comme: épaufrer, mulard, ripaton, slurp, smack, smalt, sucrate, sucrine, tue-diable, youyouter. J'ai eu un plaisir fou à retrouver: éperdument, riquiqui, tournebouler, vitupérer, chamade, douceâtre, fastoche, heaume, merdouiller, meringuer, mignardise et n'en suis pas revenue d'y lire sinoque. Un véritable coffret de trésors. L'autre jour dans une conversation, j'ai employé le mot dithyrambique, provoquant la consternation de mon interlocutrice. "Dithyrambique, ça veut dire quoi?". Il y a comme ça des mots qu'on possède en soi sans se souvenir de comment ni du pourquoi. On les sait et on en use alors qu'autour de nous personne ne les emploie. C'est marrant, j'aime ces mots là, ils sont comme un trait de personnalité, ils marquent l'imaginaire, comme quand j'entends parler mes amis québécois faque j'ai découvert un faq dans le petit robert qui désigne la rubrique d'un site web regroupant les questions les plus fréquement posées en cherchant si le faque québécois pourrait s'y retrouver sait-on jamais! J'espère n'être pas trop fourrante, là je focaille un peu, je sais pas trop où tout ça va me mener. Si ce n'est que ça titille et que le sentiment que j'éprouve à l'orée de tous ces mots est proche de la gourmandise mêlée à ce délicieux plaisir d'y goûter, un plaisir plus que proche de celui de la cuisine. Tous ces ingrédients à portée, tous ces mélanges à créer, toutes ces recettes qui réveillent nos souvenirs et fabriquent ceux de l'avenir. J'encourage encore et toujours mes fils à ne pas appauvrir leur vocabulaire et surtout à ne pas perdre la manière de l'écrire. Avec cette nouvelle génération d'écriture simplifiée, ce nouveau langage sms, je crains que ne se perdent l'usage et la beauté des mots. Je ne sais pas vous mais j'ai mal aux yeux et aux oreilles quand je lis sur mon portable koi, jamé, grav, eske, quoique mis bout à bout comme ça, c'est presque poètique, les G à la place des j'ai, Ght, Ttf, Ic et j'en passe. Parfois je n'y comprends goutte, je dois avoir 1 QI d'8 tre et un manque de pratique c'est certain puisque je fais bien attention à l'inverse quand j'envoie un mesage de l'écrire dans un français chiadé. Parfois on me trouve vieille-France alors que ça n'est que par amour des mots que je prends le temps d'écrire: Qu'est-ce qui a embelli ta vie aujourd'hui? plutôt que: KwaD9. Et que même si biz, blem et je t'm ne me déplaisent pas, je leur préfère baisers, ennuis et je t'aime tout en entier. Tiens faribole, je l'avais oublié celui-là. Frimousse, fric-frac, fricoter... Trop de la balle! Il fait une grisaille humide aujourd'hui dehors, vais me mettre devant un bon feu dans la cheminée et continuer ma ballade aventurière avec Robert, me faire la belle pour l'amour des mots...

 

08/10/2012

Mistral chanté par Major

 

J'aime ses chansons, qu'est-ce que je peux vous dire de plus, si ce n'est qu'il a des interprètes artistes musiciens hors pairs...

 

07/10/2012

Mistral chanté par Moran

 

 

C'est toujours un régal poignant. Merci Christian.

 

force fragile

Je me lève ce matin glacée jusqu'aux os. Un blizzard intéreur m'empêche d'agir. Je suis comme figée dans la glace de mon passé hurlant. Qu'est-ce qui m'arrive encore? J'ai eu une semaine difficile et compliquée, tourmentée et cruelle par certains côtés. J'ai du faire face à des vieux vieux démons endormis qui ont refait surface aux détours de discussions compliquées. J'ai mis le pied à terre, je me suis effondrée sous le poid d'une douleur intense qui m'a cloué au pilori. D'angoisse je me suis ratatinée Jeudi sur un trottoir à Paris. J'étais là, immobile, face contre terre, à la sortie du métro station Etienne Marcel. J'avais un rendez-vous important, et tétanisée par une souffrance intense, je ne pouvais pas m'y rendre, mon corps ne voulait plus faire un pas. J'ai senti en moi un hurlement de fauve, j'ai senti mon ventre devenir dur et j'ai pensé: " je vais imploser!". Là, en dernier recours, puisqu'aucun passant ne m'a prêté mains fortes, j'ai passé un coup de fil, un appel au secours, une sonnette d'alarme. En vain. Alors j'ai mobilisé mes forces intellectuelles, je n'ai pas laissé l'émotion envahir tout. Je me suis fabriquée une image de moi-même forte et capable de faire face, comment dire, je me suis concentrée, je me suis raccrochée à une ancre positive, j'ai pensé à mon homme, à mes fils, à mon entreprise, à mon meilleur ami, j'ai mobilisé le maximum de neurones pas encore touchés par cette vague de froid, tous les neurones encore tièdes et les quelques rares encore brûlants de ma fièvre de vivre et je me suis relevée. Je me suis redressée à la verticale et j'ai marché jusqu'à la place des Victoires où j'étais attendue. Plus tard dans la journée j'ai pu en parler, encore tremblante, encore sous le choc. Et puis les choses on repris leur cours. Cette nuit j'ai revécu cette scène. Ce matin je ne suis que frissons. Des vieilles terreurs d'enfant imprégnent ma peau d'adulte, je sais que je vais devoir aller au devant d'elles, pour les comprendre, les extirper, les empêcher de venir interférer plus qu'il ne faudrait dans la grande fille que je suis devenue. C'est difficile de se réchauffer quand le givre du passé vous tombe dessus. Forte et fragile. Parfois j'ai ce sentiment d'être dotée d'une force hors du commun et d'autre fois c'est la fragilité si fine si au bout du fil qui m'étreint que je me demande comment je vais pouvoir, pouvoir continuer à vivre comme ça, pouvoir faire ce bout de chemin, pouvoir m'ouvrir plus grande encore au monde et me mesurer aux forces du vent? Je me frotte les pieds, l'un à l'autre, j'ai les orteils gelés, j'ai les bras comme la peau d'une poule qu'on vient de plumer, et mes vertébres semblent claquer des dents. Pourtant j'ai trois tonnes de couches de vêtements sur le dos, un pull, une écharpe, une vieille robe de chambre bordeaux, des grosses chaussettes en laine, un pantalon en pilou. Il fait une température normale en cette saison dans mon bureau. Dieu que j'ai froid! Ce même froid qu'à ma naissance, ce froid de l'abandon, ce froid du non-amour, ce froid de la tahison, de l'abus de confiance, ce froid angoissant et profond. Je sens qu'il faudrait que je crie, que je pousse à nouveau ce cri: " JE VEUX VIVRE", à défaut, je l'écris. Toute la maison est endormie et si je pousse là ce cri intense qui déchire, je vais ébranler l'équilibre qui règne ici. O Solitude! Mon enfant intérieur, mon tout petit à moi n'est pas encore guéri. Et je n'ai pas non plus encore parfaitement construit la cuirasse qui l'empêche de souffrir. Ma résilience a encore à mûrir, à encore à se faire, à se construire. A être là à me dire et à tenter de rétablir mon fluide corporel me réchauffe petit à petit. Réfléchir et constuire ma pensée, l'offrir et l'ouvrir à autrui, au monde, à vous a un effet brasero. Chaleur humaine. Puissance des mots. J'ai la gorge qui se noue tout d'un coup et les larmes me salent le visage. Combien de fois vais-je devoir encore éprouver de ne pas avoir été aimée, désirée, respectée, validée? Comment puis-je me faire comprendre que je suis digne de l'être, que je n'ai pas sans cesse à devoir m'expliquer, que cette culpabilité de vivre et de tout qui me ronge n'est pas la réalité mais un poison qu'on m'a fait prendre d'office, suis tombée dans la marmite de la honte toute petite? Quand bon dieu, vais-je enfin pouvoir pour de bon sortir de cette victimisation qui me pourrit la vie. Accepter d'être ce que je suis comme je suis. Ne pas avoir sans cesse cette impression de devoir rendre des comptes. Agir en femme libre. La température monte. Shit. Fuck Hate. Venceremos! Je veux pouvoir être fragile sans finir en miettes, je veux pouvoir être juste et non plus agie par toutes ces forces obscures qui m'habitent et qui me font parfois faire des choses qui m'échappent, qui ne sont pas moi et qui pourtant le sont aussi. C'est infernal, cette dichotomie, cette sorte de skyzophrénie. Je fais tout pour me réunir, tout pour n'être qu'une, tout pour être le plus en accord possible avec ce que je pense, ce que je sens, ressens, aspire, désire et recherche. Mais je sens bien à quel point tout est un peu plus compliqué quand on a été malmené tout bébé. Je n'ai pas dit mon dernier mot, pas encore. Je ne suis pas découragée, non. Je suis fragilisée. D'un seul coup ramenée à mon état initial, à poil, sans défense. Merde, ce que j'ai froid.