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04/05/2010

le corps bavard

Le corps bavard À notre insu, notre corps s'exprime. Il dit nos peurs, nos angoisses, nos désirs, notre histoire, la vraie. Derrière un corps social exposé vit et sévit un être intime, qui souffre souvent dans son corps de ne pas être entendu. Il en est ainsi de l'enfant qui pleure sans larmes; de cet autre qui crie sa solitude la bouche fermée dans un silence assourdissant; ou de celui qui, sur la plage, à califourchon sur le dos de sa mère, dessine des mots tactiles, à la recherche de lui-même. Le corps bavard, c'est aussi cette femme à la vie sociale, professionnelle, familiale épanouie, qui panique dès qu'elle doit se déplacer; ou encore ce responsable d'entreprise aux comportements inattendus, disproportionnés, qui derrière son air assuré révèle une autre peau, psychique cette foi, qui se craquelle comme si elle ne pouvait contenir son propriétaire.

Le corps bavard, ce sont des histoires réelles de personnages qui nous entourent, qui vivent avec nous, tels des anonymes que nous connaissons, à moins que ce ne soit nous-même. Tous nous partageons en notre chair des éprouvés qui nous font toucher parfois des questions fortes, intenses sur ce que nous vivons, comment nous le vivons, pourquoi nous le vivons ainsi.

Sophie Marinopoulos est psychologue, psychanalyste. Elle exerce à l'Hôpital Mère Enfant du CHU de Nantes. Consultante sur les questions de parentalité, de famille, de filiation, elle est engagée dans la reconnaissance de la santé psychique comme faisant partie intégrante des problèmes de santé publique. Elle a fondé l'association pour la Prévention et la Promotion de la Santé Psychique (PPSP) et elle est la directrice du lieu d'accueil et d'écoute des familles Les Pâtes au beurre, à Nantes.

J'ai lu une première fois ce livre au mois d'Août l'année dernière, c'est évidemment la quatrième de couverture qui m'a interpellée, et pour cause, je sais bien que c'est en écoutant parler mon corps que j'ai pu sortir de mon enfermement, et cela n'a pas été simple mais reste toujours d'actualité, j'ai toujours pensé que mon corps était mon meilleur allié, j'ai toujours pensé aussi qu'il exprimait à sa manière mes terreurs enfouies. Je l'ai ressorti denièrement voulant en relire des passages ce qui m'arrive souvent avec certains ouvrages puisque j'en souligne les phrases qui me percutent au moment de la première lecture. Là néanmoins ce qui me frappe c'est plutôt la réaction des uns et des autres qui passent ici me voir et qui le découvre sur mon bureau et jusqu'à encore aujourd'hui a provoqué nombre de dicussions et de confidences tout à fait étonnantes. Oui, comme c'est dit plus haut on a tous expérimenté ce genre de "parole du corps" pour peu qu'on l'ait bien voulu. Pour ma part une des plus flagrantes fut les plaques dans le bain, à chaque fois que je prenais un bain chaud ou tiède moussant ou clair c'était la même chose, je ressortais couvertes de plaques rouges comme des piqûres d'orties. Peu plus jeune mais de plus en plus avec le temps, jusqu'à ce que ça m'alerte franchement, et je ne cessais de prendre des bains comme pour comprendre et quand mon corps a pu metre en mots ce qui avait bien pu m'arriver dans cette fichue baignoire, les plaques ont cessé leur apparitions fortuites, et j'ai bien d'autres exemples du genre dans mon escarcelle. Alors je rejoins ce livre et y retrouve des réponses que j'ai expérimentées par la force des choses. Et je suis bien loin d'être seule dans ce cas à entendre les histoires recueillies depuis sa présence en vue. Dans ce livre toutes sortes d'exemples de cette nature mais pas seulement, une manière aussi d'entendre et de se mettre à l'écoute de ce langage intime, de s'accepter aussi, de laisser venir les réponses, de lacher prise...

Instructif et passionnant.

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- Le corps bavard de Sophie Marinopoulos - édition fayard -

- Gravure d'Henri Matisse -

  

02/04/2010

papier pâte

- Vous êtes québécoise?

- Ben non, pourquoi j'y ressemble?

- Crisse! C'est pas disable ça, une personne qui lit Mistral dans l'Eurostar, c'est bien la première fois que ça m'arrive en tabarnak!

- Fichtre! Vous vous l'êtes, n'est ce pas... québécois?

- Oui, Madame, j'en suis et fier... Vous aimez là ce que vous lisez, c'te question vous m'avez l'air si concentrée, je vous ai même vu sourire aux anges...

Il croyait pas si bien dire le bougre, perdue que j'étais dans les mots de l'auteur sa verve et son humour familier hier dans le TGV.

- Avez-vous lu Vamp?

Là j'esquisse de nouveau un sourire mais entendu cette fois-ci, il connaît bien Christian Mistral, pas un épais qui me la joue plan drague, quoique bon ça me changeait de quand j'avais vingt ans et qu'on me prenait pour une suédoise sans livre à la main!

- Oui, monsieur...

- Oh! Et Valium aussi?

- Ah! Valium, si vous me prenez par les sentiments, sans menterie j'ai adoré lu deux fois et relirai sans doute, et puis Sylvia aussi et Coco et Vautour et Fontes, et là celui-là Papier et Carton que je viens de recevoir.

- Cââââlissssssse, mais vous êtes mordue!

- Enragée... Et vous, vous le connaissez, j'veux dire de plus près l'écrivain tornade poète?

- Voui madame, très bien!

- OH! Oh!

Suis restée bouche bée, comme deux ronds de flan, scotchée à mon siège et à son regard, je pensais à ma prochaine question, je voulais savoir, plus, et puis trop tard, le train a stoppé on était arrivé, du moins pour moi, lui il continuait jusqu'à Londres peut-être, j'ai pas osé lui demander un nom une adresse un numéro! Je suis française, ché pas, peut-être que québécoise j'aurai eu le culot...

 

 

 

 

 

 

(Pour YLT en réponse à sa question: Papier Mâché et Carton-Pâte, de Christian Mistral, aux éditions VLB, 146 et 151 p, 1995)

 

27/02/2010

Lendemain de fête d'un vieux maître soufi...

 

Mon ami et poète Jalel El Gharbi vient de sortir aux éditions du cygne le receuil de pensées de son vieux maître soufi maintes fois rencontré au cours de mes nombreuses et quotidiennes visites sur son blog, je vous invite d'ailleurs à lire ce qu'en écrit Guilio-Enrico Pisani dans Zeitung Lëtzebuerger Vollek, ma commande passée j'attend avec douce impatience de me délecter des inflexions mystiques et poètiques sorties de l'âme et du coeur de celui qui souvent m'enchante de sa délicatesse et de sa profonde humanité.

13:16 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : livre, poésie, rencontre, blog, art, humain

30/01/2010

Vortex Violet

Après dans l'ordre de mes découvertes Vamp, un opercut, et Valium, mon préféré lu deux fois, Vacuum que je picore encore, je viens de dévorer Vautour le dernier des Vortex Violet de Christian Mistral. Un roman attachant et tendre au sens où je l'entends, avec cette écriture mistralienne bien personnelle et unique qui me parle tant. Tout en ayant beaucoup d'amitié pour l'homme, je dois dire que Mistral est l'écrivain qui m'a le plus marqué dans les derniers mois qui viennent de passer, un verbe riche et dense, une sensibilité à fleur, une capacité à exprimer les tréfonds de l'âme humaine avec une sorte de grâce rebelle et un déchirement poétique tout à fait particulier, je ne m'en lasse pas, j'en redemande.

Plum en avait parlé en ces termes dans un de ses commentaires au Vacuum II: "...parce que je me souviens quand j’ai lu Vautour, il y a un bail maintenant, à quel point ça m’avait jeté sur le cul de lire quelque chose qui collait d’aussi près à ma propre vie, je veux dire dans plein de petits détails que je pourrais pas vraiment nommer, un mélange de sensibilité, vision du monde et plus prosaïquement de "conditions de vie" pas juste semblables mais vécues, intégrées d’une façon tellement proche… (C’est certain que le fait que nous ayons vécus "en parallèle" plus ou moins dans les mêmes lieux et à la même époque y est pour quelque chose, mais pas seulement. Puisque, évidemment, Mistral n’est pas le seul écrivain québécois de sa génération que j’ai lu et jamais, même si j’en ai bien sûr apprécié d’autres, jamais je n’ai ressenti ça aussi fort…)

N'ayant pour ma part pas vécu à Montréal en parallèle et pas de la même manière je ne peux en dire autant, mais par contre je retrouve chez Mistral dans sa langue et dans ses excès cette singulière importance de l'amitié et de l'amour pas si différents au demeurant, et quand il parle de ses états d'âme et de tout ce qui le remue et qui l'anime les gens qu'il aime ou qu'ils l'aiment ou le détestent, ça m'atteint au coeur et j'en vibre de l'intérieur, c'est une écriture émotionnelle comme une musique comme un poème. Et puis derrière cette teinte bien à lui, ce ton t'auto-dérision, cette sorte de nombrilisme bien caractéristique mais qui densifie encore davantage son écriture, il y a beaucoup d'humanité au fond et de volonté d'être au plus prés, une lucidité acérée sans compromis. La richesse du vocabulaire et cet humour un peu à la Buster Keaton ou plus encore peut-être à la Chaplin d'évoquer les scènes de vie truculentes et parfois si rocambolesques, tragiques et déchirantes aussi, cette manière de manier les mots tout à fait propre à son oeuvre me touchent vraiment profond et m'interpellent. Vautour est un cheminement comme chacun des Vortex d'ailleurs, une tranche de vie, une rencontre, toujours cette fatale présence de la mort et de la séparation de l'alcool des femmes aussi de tout ce qui donne un sens, à ceux qui comptent dans notre vie, aux méandres de l'inspiration et comment cela se tricote s'emboîte et nous transforme nous nourrit nous fait avancer, un bel hommage et une belle preuve d'amour à l'amitié et à l'écriture aussi, à la sueur, à la vie, pas un instant je n'ai douté de l'existence d'une telle expérimentation, c'est là aussi toute la puissance de cet écrivain indéniablement génial. Il parle de ce qu'il vit et comment ça vit en lui, et cela avec tant de talent. Vivant vivace percutant transpirant émouvant et décapant, moi ça me transporte...

 

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" Murmures de rêves étirés aux limites comateuses crues. Sursauts tout le long de la musculature et spasmes dans toutes les épaisseurs. Chorégraphies valsantes de rasoir Bic bleus et les deux lames leur sont des lèvres d'acier qui modulent des aigus. Et il m'arrive de m'éveiller, de me dresser fiévreux dans la nuit de mon lit, des pages plein la tête, et j'allume et j'écris tout excité à l'idée du bon matériau que ça fera pour le livre qui me travaille si les mots passent l'aube. Alors lambeau par lambeau par lambeau de lambeau, j'extrais de mon âme toute les épiphanies qui la brouillent comme un oeuf sanglant."

" Qu'ajouter? J'ai triché de toutes les inavouables façons que j'avoue maintenant. J'ai déterré de vieux trucs enfouis dans la boîte que je réserve aux vieux trucs, des trucs ue j'écris gratis et qui sont déjà vieux pendant que je les écris, et qui me faisaient penser à Vautour mais qui n'étaient pas Vautour. J'ai voulu les fourrer dans ce livre que je torchais pour le faire vivre et pour l'achever. J'ai pris le job de Dieu avec des moyens d'avorton. Pour une histoire aussi simple, il y a de quoi désepérer de la littérature si on n'accepte qu'elle demeure impuissante à mouler les tragédies ordinaires. Si simple, je le répète, que chacun devrait y ressentir le parfum d'une perte proche. En rencontrant Vautour, j'étais un raté jusqu'à preuve du contraire lui aussi, j'étais sur le point de connaître le succès, il était sur le point de mourir. Un an plus tard je file un coton pleurnichard et peureux. Rien n'est notable dans cette affaire. Aucun détail ne rachète le destin de ce jeune homme, pas plus que le mien qui s'élabore en toute injustice blafarde. Je songe aux horreurs que la nature suggère d'éprouver au contact de la peur, la grosse chienne, la vraie grosse peur de mourir, et je découvre stupéfait que cela me tranche le poignet qui scribouile. Je trace les signes avec l'énergie d'un restant de main, assis me soûlant devant un téléphone qui ne sonne pas, je suis vivant mais c'est bien peu quand le téléphone se dégonfle."

- Christian Mistral - Vautour -

 


 

20/01/2010

Complainte

 

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"Laissez-moi" de Marcelle Sauvageot.

 

"Un petit volume si amer, si pur, si noble, si lucide, si élégant, si sévère et d'une tenue si haute dans son allure désolée et déchirée. On serait presque tenté de dire que c'est là un des chefs-d'oeuvre de la plume féminine, s'il n'était inconvenant d'introduire une idée de littérature dans cette confession clairvoyante et meurtrie."

- Paul Claudel -

 

 

Un cri, oui, un long cri des tréfonds de son être, juste et tripant, terrible de lucidité et de noblesse aussi. "Une attention à ce qui est en elle" a dit Charles du Bos, "un ouvrage d'harmonie et de contrepoint" dira Paul Valery, un travail d'orfèvre, un tempérament de femme tout à fait admirable, et un regard sur l'amour et l'amitié, la relation à soi et à l'autre si moderne, si dense. J'ai lu cet unique livre de Marcelle Sauvageot il y a dix ans déjà, relu ces jours -ci j'ai retrouvé ce que j'avais pu y ressentir et j'ai compris aussi les changements opérés en moi, mais ai retrouvé intact le plaisir intense de lire les états d'âme de cette belle personne, cette grande dame.

 

 

"Où est le mal si je restais, si j'acceptais ces insuffisances, si je les aimais? Oh! homme, tu veux toujours qu'on t'admire. Toi, tu ne juges pas, tu ne mesures pas la femme que tu aimes. Tu es là, tu la prends; tu saisis ton bonheur, elle semble ne plus s'appartenir, avoir perdu toute notion: tu es heureux. Elle t'a crié: je t'aime et tu es satisfait. Tu n'es pas brutal; tu es doux, tu lui parles, tu t'inquiètes d'elle; tu la consoles par des mots tendres, tu la berces. Mais tu ne la juges pas, puisque tu lui demandes d'être heureuse par toi et de te dire qu'elle est heureuse par toi. Mais si tu t'aperçois que deux yeux te regardent, puis sourient, tu te révoltes. Tu as l'impression qu'on t'a "vu" et tu ne veux pas être vu: tu veux "être" seulement (...) tes faiblesses sont à moi. Je les ai découvertes peu à peu en t'examinant sans trêve. je souffre que tu aies ces travers, mais je ne voudrais pas que tu en changes.(...) Rien n'est plus attachant que les faiblesses et les défauts: c'est par eux qu'on pénètre l'âme de l'être aimé, âme constamment cachée par le désir de paraître semblable à tout le monde. (..) Ne te plains pas de ce que je te juge et te mesure: je te connais mieux et ce n'est pas pour t'aimer moins."

"Et ce qui me fait souffrir, ce n'est pas tant la mort d'un amour que celle d'un être vraiment vivant que nous avions créé l'un et l'autre... Cet être était une union de vous et de moi, tels que nous le voulions l'un et l'autre."

- Marcelle Sauvageot -

 

 

 

 

 

 

 

12/01/2010

Origines

 Origines de Christian Mistral, collection Écrire des Éditions Trois-Pistoles.

 

Ce genre de livre rare qui devient de chevet, qu'on peut prendre n'importe quand n'importe où à n'importe quelle page, un livre de réponses qui suggére des questions, un témoignage tripant savoureux intelligent sensible qui inspire et a déjà, sans doute fait et fera encore des émules de cet appétit de vivre et cette soif d'écrire, en tout cas pour moi l'effet est là...

 

 

 "Avant tout, l'écriture est un état d'esprit. On est, pour paraphraser Henry Miller, écrivain avant d'avoir écrit une seule ligne. On l'est en mangeant, en marchant dans la rue et jusque dans son sommeil. Au beau milieu de la nuit, on se réveille carré dans le lit avec une idée, un bout de phrase, un mot joli, et alors on apprend vite à ne pas se recoucher avant de l'avoir noté quelque part, car il est rare autrement qu'on les retrouve au matin..."

"On est écrivain parce qu'on ne peut faire autrement, en tout cas c'est ainsi que les choses devraient être. On ressent la trouble envie, bientôt muée en nécessité, de communiquer avec ses semblables anonymes, contemporains et à venir. On éprouve l'incomparable jouissance, assimilable au soulagement d'un trop-plein, de donner une forme extérieure à ce qui, indistinct, nous gonfle le lieu de l'âme. Et, comme ce n'est jamais tout à fait ça, on recommence."

- Christian Mistral -

 

 

 

14/11/2009

Pantoute

J'ai récidivé et suis de nouveau infidéle à mon jeune et passionné libraire voisin, c'est que l'émoustillement à magasiner chez Pantoute même en ligne, l'échange de mails chaleureux et attentifs aux savoureuses tournures et l'idée du voyage de ces livres par bâteau, à fond de cale ballotés sur les océans donne à tout cela un frémissement et une saveur toute particulière, l'attente aussi, l'attente sans précision sans date le temps qui dure, n'est ce pas là une des composantes du plaisir?

 

27/10/2009

Un jour un livre m'a aidé...

 Sur son blogue Chantal Guy nous interroge à la suite de son article sur le livre refuge, celui qui nous aide dans les périodes difficiles, dans les passages à vide ou qui nous a aidé, la question n'est pas si facile surtout si on aime beaucoup les livres, pour ma part avec le recul ils sont nombreux et différents suivant les périodes de ma vie, mais vous, pourriez vous dire quel est celui qui vous a rendu service et le fait encore?

 

 

 

16/10/2009

Christian Mistral, Vacuum

" Puisque vie m'est jusqu'ici prêtée, je m'efforcerai encore d'inventer mon avenir, de retranscrire mon passé, et de demeurer maître de ma propre existence à mesure qu'elle s'écoule impitoyablement."

- Christian Mistral - Vacuum -

 

 

VACUUM | livres: CHRISTIAN MISTRAL | ISBN: 9782764604373

 

J'ai fini il y a quelques temps déjà le dernier livre de Christian Mistral en ma possession, Vacuum journal romancé sous forme de blog, j'y ai retrouvé avec plaisir celui que j'ai appris à connaître au travers de son écriture et de nos échanges, de son cahier spicilège et de ses réactions impulsions transpirations et émotions, l'avoir entendu chez Christiane Charette m'a donné envie d'écrire à nouveau sur, pour, par aussi sans doute cet homme et cet écrivain qui compte beaucoup pour moi. En quatrième de couverture on peut lire ce propos de Sylvain Trudel " On voit vivre de près l'enfant terrible, au coeur d'un monde  où se dévoilent tour à tour la prescience d'un vaste désenchantement, la déchirante nostalgie des amis en allés et des instants de grâces perdus, l'impétuosité des assauts d'un homme libre et joliment têtu, les tournures d'un écrivain fulgurant" et oui, il y a une sorte de magnétisme non seulement dans son écriture mais dans l'être tout entier, une exigence une violence et une tendresse aussi le tout donnant cette matière vivante en fusion, une colère sous-jacente qui force à s'exprimer à sortir du bois de nos endormissements qui incite à réfléchir et un enveloppement parallèle une fidélité à toute épreuve, imprévisible impossible sincère attachant sensible poète, l'écrivain de Vamp, Valium, Vacuum n'est pas dîfférent de l'homme devenu plus qu'un ami. Il est de cette sorte de plume météore qui remue, retourne, cherche, triture, enfante aussi. Une quête une soif une énergie rompue à toute épreuve et cet écorchement ce à vif qui sonde et percute, cette écriture quotidienne fouillée recherchée pointue, vivant et douloureux à la fois bourré d'humour et de bourrasques Vacuum a l'image de son auteur n'est pas de tout repos, entraînant.

 

 

 

20/08/2009

Amours sorcières

" Eveiller un désir, ce n'est pas une question de technique, c'est plus subtil. Qui peut dire où cela commence, quelle étoile fait de sa chute une source d'eau et de lumière?"

- Tahar Ben Jelloun -

 

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Tahar Ben Jelloun est un conteur, il raconte des histoires, histoires d'amour blessé de trahison de sorcellerie d'hommes et de femmes en prise avec leur passion déroutés par leur désirs naufragés de l'amour, mais aussi d'autres belles d'amitié et de tendresse partagé, tout un panel de sentiments tous plus riches les uns que les autres dans un langage bien à lui mâtiné de poésie et d'humour sur fond d'un Maroc tiraillé entre tradition et modernité. Un parfum magique enveloppe tout ce livre et m'a séduite on y retrouve toute la quintessence romanesque de l'auteur. Ensorcellant.

 

 

11/08/2009

Naguib Mahfouz

«La souffrance a son côté de joie, le désespoir a sa douceur et la mort a un sens.»

- Naguib Mahfouz -

 

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9782253063278FS.gifJ'ai toujours beaucoup aimé Naguib Mahfouz, et après avoir lu il y a quelques années déjà sa trilogie traitant de la vie contemporaine du Caire, vraiment particulièrement palpitante à mon sens et riche d'enseignement, j'ai dévoré La Quête et La belle du Caire, deux romans qui m'ont traversée par la qualité de l'écriture et par la justesse fine et aboutie de l'analyse des relations humaines et des sentiments.
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9782757803882.jpgCe deuxième roman de Naguib Mahfouz, l'Amante du pharaon était resté jusqu'en 2005 inédit en France. Publié en arabe en 1943, il m'a séduite, pas insensible du tout à l'atmosphère des Milles et une Nuits, des contes et légendes de contrées lointaines. Difficile de résumer ce livre en quelques lignes, cela ne lui rendrait pas l'hommage qu'il mérite. En faire une simple histoire d'amour entre un pharaon Mérenrê II et une courtisane de toute beauté Rhodopis est un peu trop raccourci car ce roman est bien plus dense.
Les rapports humains sont au coeur du livre qui nous entraîne le long du Nil. Le temps d'une année, le pharaon découvrira l'amour la violence de la passion, et en oubliera son peuple. Cela ne pourra lui être pardonné.
La langue de Mahfouz est fleurie et raffinée, ses personnages évitent toujours le piège de la caricature et le tragique de ces destinées nous laisse essouflés une fois le livre refermé. Un roman à lire pour être dépaysé, pour traverser tous les cercles des passions humaines et en ressortir ébloui par la maîtrise du romancier à manipuler ses personnages. En suis encore imprégnée...

podcast
 - Anouar Brahem - Conte de l'incroyable amour - Etincelles -

 

 

 

 

11/06/2009

Sauvages

"Je ne connais pas d'écrivains qui ne vivent pas dans le conflit, dans le combat, dans le désir. Oui, le désir. Je pense que le mot désir résume presque tout. Au fond, ce que je recherche dans la littérature, c'est l'énergie vitale." 

Louis Hamelin -

 

9782764604304-bigsauvage.jpgLa première fois que j'ai entendu parler de Louis Hamelin, c'est conjointement Christian Mistral et Sandra Gordon qui me l'on chaleureusement recommandé, lors d'une discussion chez Yvan le Terrible, il me semble. "La rage", pas disponible à la librairie québécoise à Paris, j'ai lu alors "Sauvages", là c'est chez Venise que Stéphane Ranger en a parlé, dans ces livres préférés il mettait en tête Mistral et Hamelin, confiance établie. Une belle rencontre.

"Sauvages" de Louis Hamelin.

"Poètes qui se meurent de désir, débroussailleurs qui ont vu l'ours, informaticien pris entre deux feux : qu'ils soient indiens ou écrivains, les personnages qui traversent ces dix histoires sont aux prises avec la complexité d'un monde qui n'est que le pâle reflet des beautés réfugiées dans la mémoire. Ils ont des désirs simples ou compliqués, de l'amour à revendre, l'art de se mettre les pieds dans les plats. Naïfs ou rusés, passionnément inadaptés, ils oscillent entre la secrète nostalgie d'une vie libre et les besoins de la tendresse. Dans leur imagination s'empilent les cadavres de loups et les filles de Toronto. La solitude est leur lot commun, ils mordent dans le gras de l'avenir, se promènent de couples embryonnaires en mirages familiaux. Sans cesse, leur tristesse s'alimente à leur joie. Ils sont, en d'autres mots, des vivants bien ordinaires et terribles."

 

 Louis Hamelin écrit cash, avec les tripes un langage poétique et charnel qui donne le vertige des histoires tristes et drôles à la fois, pathétiques, humaines. C'est abouti et vivant, une cadence et un vocabulaire riche qui vous traverse et qui touche profond. Et puis une manière bien personelle de décrire les lieux et les ambiances, on en ressent l'odeur, la couleur, le son. Une écriture comme une musique, on est pris dans un rythme qui sonne comme une dentelle d'histoires sombres et déchirantes d'individus en quête de liberté, beaux et stoïques avec une sorte de violence contenue, en quête de tendresse tout en ayant peur de l'amour, sauvages.

 

 

 

 

19/05/2009

Jack Kerouac

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" Dimanche dans ma cabane... Cher John... couché à lire des haïkus et puis, debout pour aller prendre nu un bain avec éponges dans le jardin isolé et ensoleillé, seulement vu des daims s'ils regardent, ou par le cheval blanc qui a l'air vert dans l'ombre, ou par l'oiseau mouche, ce type heureux de Californie qui fredonne, ou par le rat dans ma cave qui a poussé des cris musicaux la nuit dernière quand il a cru que j'étais endormi. Ai passé de longues nuits plaisantes à dormir sous la lune brillante, dans une atmosphére sans vent parfaitement chaude, sur mon lit de paille entre le buisson des roses et la pente de la prairie, pensant au " Pourquoi?". Bien et pourrais-tu m'écrire une lettre, John, pour me dire pourquoi il y a cette existence apparente dont nous savons bien sûr qu'elle est une simple illusion, mais c'est une illusion significative susceptible de transmettre quelque chose de quelque façon dans une sorte d'accomplissement divin, sorte d'achévement infini quand nous atteignons la vitesse de la lumière et rejoignons la lumière constante et l'éternité d'or? Oui. Mais pourquoi n'est toujours pas expliqué et comment est un autre mystére. Je m'émerveille devant le calme des poétes de haïkus japonais qui se contentent de se réjouir du passage des jours et vivent dans ce qu'ils appellent des "huttes-à-ne-rien-faire", et sont tristes, puis gais, puis tristes, puis gais, comme les moineaux et les burros, et les écrivains américains nerveux."

-Jack Kerouac, lettre à John Clellon Holmes, 27 mai 1956-

 

 

13/04/2009

livres

 

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" Une bibliothèque est une chambre d'amis ."

- Tahar Ben Jelloun -

 

 

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02/04/2009

LÉON, COCO ET MULLIGAN

Couverture-LCM-web.png« Entre la rue Sherbrooke et l’avenue des Pins, entre le boulevard Saint-Laurent et la rue Saint-Denis s’étend un quartier, un quartier de fruit trop mûr, à l’écorce appétissante, au jus rance, à la chair puante, un bout de ville insomniaque dont les frontières, comme celles qui circonscrivent le territoire des chiens sauvages, sont délimitées par de subtiles odeurs que l’étranger ne renifle jamais sans inquiétude. C’est le carré Saint-Louis et son appendice, la rue Prince-Arthur. Si le centre-ville est l’organe génital de Montréal, par où la ville copule tristement et sans illusions avec le reste des civilisations, le carré Saint-Louis se situe quelque part entre le sein et le nombril, comme un mamelon supplémentaire, et bien que la fontaine qui gicle tout l’été en son centre évoque une bitte de béton qui n’en finit plus de dégorger son amour. Ce n’est pas un carré comme les autres, parce que son aire s’étend bien au-delà de ses angles, un problème à faire bander les poètes géomètres.»

Léon est un écrivain qui n’a jamais publié. Coco est un vieux schizo qui récite de la poésie, surtout des vers de Mulligan, ce poète mythique. Ils vivent ensemble depuis des années, itinérants. Léon protège son vieux pote en attendant de se trouver un endroit où il sera enfin capable d’écrire. Ils s’installent pour un été au carré Saint-Louis et font la connaissance de la faune qui y gravite. Jusqu’à la tragédie...

Léon, Coco et Mulligan s’inscrit dans la lignée des grands romans de
Mistral, avec cette écriture lyrique dont l’auteur a fait sa marque. On y
retrouve, rendu avec une acuité fabuleuse, le Montréal jubilatoire des années
80, bariolé, traversé d’originaux et de détraqués, de rêveurs et de banlieusards
en quête d’émotions faciles. On y retrouve surtout ce plaisir d’écrire, cette
fête du style comme seul peut en donner un écrivain d’exception.

 

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Ce roman de Christian Mistral m'a interpellé de différentes manières, en première lecture, toujours ce plaisir renouvelé de cette écriture qui lui est propre, cette poésie si personnelle et cette richesse du vocabulaire qui m'émeut tant, un tel amour des mots . Je sais que je me répète , j'ai déjà donné mon sentiment de cette façon en vous parlant de Sylvia au bout du rouleau ivre, d'abord puis de Vamp, mais je réitère. Je n'ai jamais rien lu de semblable, et la musique Mistralienne s'infiltre en moi et j'en frissonne encore.

Et puis, cette rencontre avec Emile Nelligan, et alors  tout ce livre a pris un nouvel éclairage, plus dense encore. J'ai eu envie d'en savoir plus sur le Carré St Louis et puis sur cette statue d'Emile réalisée par Roseline Granet . Une façon pour moi de mieux approcher tout cet univers qui m'attire et me parle, et de découvrir d'autres manières d'appréhender l'existence qui me semble si proche de moi et en même temps si nouvelle.

Quelque chose de différent néanmoins dans l'écriture, du moins à ma lecture par rapport à Vamp qui était débordant, ici, c'est ciselé, pointu et économe , tout en étant riche et coloré, truculent et vivant  comme pour mieux nous atteindre. Cela rejoint en partie pour moi ce poéme de Mistral sur cette brièveté qui donne de la puissance aux mots, et qui dans ce livre n'enlève rien au lyrisme d'ailleurs mais lui donne un ton proche de la musique de chambre, on rentre ainsi complètement dans l'univers des deux protagonistes et dans leur rêves. Et je ne vous parle pas du rebondissement final!

 

" Il en sentait la grandeur et la majesté, le sens et le non-sens, l'ordre naturel et la pulsion chaotique. Un hélicoptère passa, et ce n'était plus le léger bruissement d'une abeille mais un assourdissant tonnerre qui eût pu provenir de la pièce d'à côté. Léon longeait les fenêtres, embrassant Montréal du regard. Son plasma crépitait comme une traînée de flammes tandis que la burlesque puissance de la civilisation inconsciente qui avait produit ça lui entrait dans les os à massives doses. Il s'exaltait,respirait mieux. Une féerie sarabandait devant ses yeux farcis de brume. "

- Christian Mistral - ( Léon, Coco et Mulligan)

 

Et une sorte d'auto-dérision, une légèreté du désespoir, une lucidité aussi.

 

" Aussi que peut-on attendre d'un huitième étage, quand toute sa vie d'homme on s'est nourri d'images qui donnent le vertige?"

" C'que tu comprends pas, c'est que le vrai monde, ça lit pas. Pourquoi, joualvert, que t'écris des livres si y a pas de vrai monde pour les lire?"

- Christian Mistral - ( Léon, Coco et Mulligan)

 

Alors oui, j'ai été une fois de plus traversée par Mistral.

Prégnant.

 

 

 

 

 

24/02/2009

Anaïs Nin

" Le seul alchimiste capable de tout changer en or est l'amour. L'unique sortilège contre la mort, la vieillesse, la vie routinière, c'est l'amour."

 -Anaïs Nin-

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Anaïs Nin est née en 1903 à Neuilly-sur-Seine, d'une mère danoise et d'un père espagnol, parti avant sa naissance. Elle déménage pour New York avec sa mère et ses deux frères, vivant une adolescence déracinée. A onze ans elle commence à écrire, seul moyen pour elle de résoudre le manque et la fascination amoureuse pour la figure paternelle. C'est le début de son futur Journal d'enfance.

anais.jpgElle met un terme rapide à sa scolarité et travaille comme mannequin, jusqu'à sa rencontre et son mariage en 1923 avec le banquier Hugh Parker Guiler. Ils s'installent à Paris l'année suivante, avant de préférer les Yvelines et Louveciennes en 1929. Cette période est celle d'une riche activité intellectuelle : elle écrit en collaboration avec D.H. Lawrence et étudie la psychothérapie avec Otto Rank, disciple de C.G. Jung qui la nomme quelques temps assistante. Mais surtout, elle écrit à Louveciennes la plus grande partie des 15000 pages dactylographiées de son journal. 
Sa maison devient un fameux salon littéraire qui accueille ses amis Antonin Arthaud, Otto Rank, et June ainsi qu’Henry Miller, qu'elle rencontre en 1931. Elle s'éprend du couple, devient très proche de June et nourrit une relation amoureuse et artistique avec Miller. Jusqu'en 1939 et son nouveau départ pour New York, sa liaison avec lui marque profondément son oeuvre et sa vie. 

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Dans les années 1940, pour faire face à des difficultés financières, elle cède à un mystérieux collectionneur qui lui commande une grande quantité de récits érotiques à un dollar la page. Au fur et à mesure, celui-ci exige de plus en plus de sexe brut et de moins en moins de poésie. Cette orientation déplaît profondément à Nin, qui a pourtant besoin de cet argent. Elle ne se reconnaît dans ce travail que plus tard, et rassemble alors plusieurs de ses textes afin de composer le recueil Le Delta de Vénus (Vénus érotica), un de ses ouvrages les plus célèbres. 

Elle publie entre 1947 et 1961 les quatre tomes des Cités intérieures, ainsi qu'un recueil de nouvelles et plusieurs romans, dont La maison de l'inceste en 1958. A Greenwich Village, elle participe à l'effervescence artistique, fréquente assidûment le milieu new-yorkais, et se lie d'amitié plus ou moins amoureuse avec les auteurs Gore Vidal, Edmund Wilson et Lawrence Durrell. 

En 1966, le premier tome de son journal, couvrant la période 1931-1932, paraît dans une version censurée. Il rencontre immédiatement un large public passionné par la vie de cette femme qui préfère passer une journée à décrire cinq minutes vécues, plutôt que passer cinq minutes à décrire une journée vécue. 1969, année érotique, voit la publication du très explicite Delta de Vénus. Nin, déjà considérée comme un auteur majeur tant pour la qualité de sa plume que pour la sexualité imprégnant ses écrits, accède à la reconnaissance institutionnelle en 1973, quand le Philadelphia College of Art la nomme docteur honoris causa. L'année suivante, elle est élue au sein du prestigieux National Institute of Art and Letters. 


anas_nin_journal_1_1.jpgElle meurt d'un cancer trois ans plus tard à Los Angeles. La publication de son oeuvre ne s'achève qu'en 1996. 

Avec sept tomes de son Journal, quatre de son Journal de jeunesse et quatre de son Journal amoureux, version non censurée de son journal intime. 
Anaïs Nin est une figure incontournable de la littérature narcissique, amoureuse et érotique. En 1990, Philip Kaufman s'inspire de son aventure avec Henry Miller relatée dans Henry et June pour réaliser le film éponyme, qui accorde à tort à Anaïs une liaison avec June. Ultime clin d'oeil à celle qui a commencé à écrire pour fuir le manque du père et chez qui l'inceste est un thème très présent.

 

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" L'érotisme est l'une des bases de la connaissance de soi, aussi indispensable que la poésie."

 - Anaïs Nin -

 

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11/02/2009

Bleu

Cover-Jose-Ensch_02.jpgJalel El Gharbi vient d'écire un livre sur José Ensch ,   , avec laquelle je partage beaucoup d'idées , de goûts et d'intérêts en a fait une note .

Je suis toujours trés attachée et touchée au ton de Jalel , une amitié d'ailleurs hors des sentiers battus se tissent au travers des mots , beauté !

Alors pour reprendre les mots de mon ami rapporté dans sa note  :

 

"Bleu épousant le violet"
C’est dire que le bleu est promis à toutes les mutations :
Avance ton sommeil et plonges-y
au plus profond du bleu qui deviendra
noir et puis blanc

Dans le même recueil, il est question d’alliance de couleurs :
Les brebis passent autour de l’abbaye
ses arcs tendus vers le bleu
la verdure qui l’épouse"

José Ensch

 

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"le bleu fait office de mémoire"
Autant dire qu’il s’agit d’une couleur inhérente au monde poétique. Peut-être même que c’est le monde qui emprunte cette couleur à la poésie.

Qu'est ce qu'évoque pour vous le bleu ?

 

 

00:54 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : poésie, bleu, état d'âme, livre

26/01/2009

syngué sabour

henry-moore-23.4.jpg" Du corps à corps par le corps avec le corps depuis le corps et jusqu'au corps ."

- Antonin Artaud "

 

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 " Syngué sabour " d'Atiq Rahimi

Pierre de patience . Dans la mythologie perse, il s'agit d'une pierre magique que l'on pose devant soi pour déverser sur elle ses malheurs, ses souffrances, ses douleurs, ses misères... On lui confie tout ce que l'on n'ose pas révéler aux autres... Et la pierre écoute, absorbe comme une éponge tous les mots, tous les secrets jusqu'à ce qu'un beau jour elle éclate... Et ce jour-là on est délivré.

Je viens de refermer ce livre , lu d'un seul tenant , remuant et si dense . Un livre d'une grande poésie , monologue d'une femme face au coma de son époux , lâchant dans un souffle sa colère , ses frustrations , désirs inavoués , ses angoisses , et sa haine , sa peur aussi ...Utilisant alors le corps de son mari inconscient comme contact, se raccrochant à son souffle comme à une écoute, elle parviendra à lui livrer tous ses secrets, à lui confier toute sa douleur comme à une «pierre de patience» qui finira par «éclater» en lui apportant la délivrance. Parler pour mourir enfin libre. Un roman qui traite avec beaucoup de profondeur et sans fioriture de cette incommunicabilité entre les sexes opposés , de cette chape qui les empêche de s'ouvrir l'un à l'autre et à eux-mêmes , surtout quand on est une femme .Dans ce livre marquant, écrit à la mémoire de Nadia Ajuman, jeune poétesse afghane sauvagement assassinée par son mari, Atiq Rahimi apporte le regard neuf d'un homme donnant parole à une femme, tout en permettant de comprendre son bourreau. Car dans cette histoire, il n'y a pas de monstres, seulement des victimes.

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 Les mots d'Atiq Rahimi sont simples, mais ils pèsent lourds et touchent au plus juste, en plein cœur. Ils sont la voix de milliers de femmes qui souffrent. « Cette voix qui émerge de ma gorge, c'est la voix enfouie depuis des milliers d'années. » dit-elle à son mari. Il le fait avec gravité et un certain lyrisme et une certaine audace qu’il faut souligner. C’est un magnifique poème, une œuvre puissante absolument à découvrir, poignant , juste et bouleversant .

Et en «révélant» cette vérité des femmes en terre d'islam , Atiq Rahimi se veut aussi «prophète» d'un changement, d'un espoir.

 

 

 

19/01/2009

L'avenir dure longtemps

images.jpegEn octobre 1990 disparaissait le philosophe Louis Althusser, dix ans après avoir étranglé sa femme Hélène au cours d'une crise de démence. Dans l'intervalle, il avait rédigé L'avenir dure longtemps, afin de "soulever la pierre tombale" d'un non-lieu qui l'avait "enfoui à vie " dans le silence. En effet reconnu irresponsable au moment du meurtre, il n'avait pas eu à répondre de ses actes devant un tribunal: " ce livre est cette réponse à laquelle autrement j'aurais été astreint " , écrit-il .

 

Dans cet ouvrage , Althusser abat les cartes de son destin où histoire familiale et personnelle, amitiés et amours, tissent avec le parti communiste, l'Ecole normale, la philosophie, la psychanalyse, la psychiatrie et la folie une vie peu commune.

Un texte unique , d'une intensité tragique , poignant , L'avenir dure longtemps a marqué mon parcours et ma mémoire .

 

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" Nul être au monde ne peut répondre à la demande d'angoisse: dis-moi quelque chose! quand ce mot veut simplement dire donne-moi tout, donne-moi d'exister enfin ! de quoi colmater cette angoisse de ne pas exister dans ton regard et dans ta vie, de n'être qu'une simple occasion en passant, de ne pas suffire à constituer ton intégrité entamée à jamais! Et derrière cet appel pathétique, je savais trop, et Hélène elle-même savait trop, ce qui de dissimulait: la terreur fantasmatique d'Hélène de n'être qu'une mauvaise femme, une mère affreuse, une mégère à faire du mal et mal, et avant tout à qui l'aimait ou voulait l'aimer. A la volonté impuissante d'aimer, ne répondait alors que le refus (désir ) farouche, obstiné et violent de ne pas être aimée parce qu'elle ne le méritait pas, parce qu'au fond elle était qu'un affreux petit animal plein de griffes et e sang, d'épines et de fureur . "

 

" Qu'est ce donc que pouvoir aimer? C'est disposer de l'intégrité de soi, de sa "puissance ",non pour le plaisir ou par excès de narcissisme mais tout au contraire pour être capable d'un don, sans absence, reste , ni défaillance, voire défaut. Qu'est ce alors qu'être aimé,sinon être capable d'être accepté et reconnu comme libre en ses dons mêmes, et qu'ils "passent", trouvent leur voie et chemin de dons, pour recevoir par eux l'échange d'un autre don désiré du fond de l'âme : précisément être aimé, échanger le libre don d'amour ? Mais pour être le libre "sujet" et "objet" de cet échange, il faut pouvoir l'amorcer, il faut commencer par donner sans restriction si l'on veut en échange le même don, ou plus encore, que celui qu'on donne. Pour cela il faut bien entendu et de toute évidence ne pas être limité dans la liberté de son être, il ne faut pas être entamé dans l'intégrité de son corps et de son âme, il faut , disons le, ne pas être " châtré " mais disposer de sa puissance d'être sans en être amputé d'une seule partie, sans être voué à le compenser dans l'illusoire ou le vide . "

-L'avenir dure longtemps - Louis Althusser -

 

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Louis Althusser avait entamé une analyse avec Lacan , ce qui ne l'a pas mis à l'abri de tuer sa femme, Lacan voyait en lui depuis longtemps un cas atypique , cela m'a amusé , étant donné que moi aussi au cours de mes différentes rencontres "psy" j'ai entendu cette phrase moulte fois ! Oh je vous rassure je n'ai tué personne !! Dans son livre , il parle très bien de cette relation qui s'instaure entre l'analyste et son patient ...

" L'analyse est comme un lourd camion chargé de sable fin " . Oui c'est vrai , au début rien ne vient , quelques grains tombent et puis d'un coup  d'un seul le sable se déverse et là on se dit , ça y est , c'est bon ... mais non , c'est ce que l'on voudrait croire ... Une analyse , un détricotage de névrose est un processus lent et semé d'embûches . On peut même en devenir son pire ennemi tant la lutte est inégale !"

 

Ce livre est poignant , autobiographique , recherche d'un homme qui cherche à comprendre comment une partie de lui a pu ainsi lui échapper , superbe écriture , dense et sensible . 

 

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" L'inconscient , c'est comme le tricot, il suffit de laine, mais on peut varier les points à l'infini "

-Louis Althusser-

 

15/01/2009

Vamp

 

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Je viens de refermer le deuxième livre venu du Québec de Christian Mistral : "Vamp", son premier roman, paru en 1988; une chronique urbaine qui met en scène des jeunes de cette " génération vamp ", génération qui ne rêve pas de changer le monde, mais de le vampiriser . Personnages vaguement désabusés au romantisme nostalgiques, les héros de Vamp sillonnent Montréal en rêvant de la "super-femme", celle qui séduit et terrorise en même temps.

Christian Mistral a écrit ce livre  impressionnant , généreux et fantasque à 23 ans ! Un mordant et une richesse de vocabulaire , une truculence , je n'ai jamais rien lu de pareil !

 

J'ai pris mon temps pour lire , car ce livre déborde de partout , je ne sais comment dire ; une telle densité de  mots , matière brute poétique, une musique bien personnelle et décapante, des lettres qui s'entrechoquent et s'entremêlent pour faire jaillir l'émotion, intense et ce phrasé qui s'infiltre , et nous emmène profond , une expérience qui ne peut laisser indifférent , un travail d'orfèvre !

Une sorte de violence contenue et un lyrisme ; et puis un réel amour de la langue qui dépasse l'entendement et qui donne à ce roman cette température unique et particulière . Tout est écrit à la première personne , ce "je " qui accentue la dynamique et qui prend aux tripes ...

 

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" S'extraire du ventre la différence, comme un fantassin déroule ses intestins sur le champ de bataille, est un acte extatiquement spasmogène comparable seulement à celui de s'abreuver au suc des chairs femelles. La personnalité, le ton à nul autre pareil, deviennent quand enfin on les débusque les plus précieux des trésors. Des richesses qu'on n'a pas à défendre, du reste, et qu'on gagne à étaler, car elles sont tout sauf transmissibles et on les emporte avec soi dans la tombe,aprés qu'elles vous ont au long de la vie marqué d'un sceau corrosif indélébile que l'on confond avec la vérité de l'être. "

 

"Qu'est ce que tu fais demain ? " demanda quelqu'un. " Je n'ai jamais rien à faire. je suis toujours libre", m'entendis-je répondre. Et c'était vrai. le ciel se charbonnait, virait au fusain jaspé de garance comme le crayon facile, rapide et sûr d'un pastelliste cyclopéen. Je bus aussi, longuement, vidai la bouteille, et quand July prévint du balcon qu'elle montait nous rejoindre, je m'en fis apporter une autre. J'avais envie de partager avec eux la grâce que m'inspirait à moi cette noble nuit opalescente et dramatique, le calme sans mélange qui m'imprégnait, limpide comme une eau claire, mais je m'abstins de troubler le silence de peur d'altérer sa qualité, comme pour fixer ce précieux instant dans ma mémoire, cette rare et trompeuse éclaircie dans l'écrasante permanence de la tempête. Mon sentiment flottait dans les sphéres de l'indicible; j'avalais ma salive devant l'immensité de cette nuit, dont suintait un tel lyrisme lacrymogène quelle prenait les proportions d'un opéra à notre insolente gigantomachie, dans l'arène du Moulin devenu pour un soir le royaume de l'orgueil ."

 

Vamp , Christian Mistral

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39490_5.jpgPour bien comprendre Christian Mistral et l'effet de son écriture , on peut lire cette très belle note de Venise sur un autre de ses romans " Vacuum " ; j'en ai encore un troisième qui m'attend , je vais le désirer un peu car cette écriture me chamboule et me remue fort . C'est vraiment à consommer avec délectation , si je puis me permettre , car on ressort d'un livre comme celui -ci différent et rincé pour ne pas redire karcherisé dans les entrailles de son inconscient !

 

" Je ne sais pas, c'était atroce. De me sentir plein de quelque chose pour lequel je n'avais pas de nom, de ne pas savoir comment ouvrir le robinet et laisser couler tout ça dans les rues . Je cherchais mon axe, le centre précieux de l'être autour duquel tout s'organise, et c'était comme une bouée sur la mer, il flottait, montait, descendait, dérivait avec les marées, insaisissable,imperceptible ..."

Vamp , Christian Mistral