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07/10/2012

Mistral chanté par Moran

 

 

C'est toujours un régal poignant. Merci Christian.

 

force fragile

Je me lève ce matin glacée jusqu'aux os. Un blizzard intéreur m'empêche d'agir. Je suis comme figée dans la glace de mon passé hurlant. Qu'est-ce qui m'arrive encore? J'ai eu une semaine difficile et compliquée, tourmentée et cruelle par certains côtés. J'ai du faire face à des vieux vieux démons endormis qui ont refait surface aux détours de discussions compliquées. J'ai mis le pied à terre, je me suis effondrée sous le poid d'une douleur intense qui m'a cloué au pilori. D'angoisse je me suis ratatinée Jeudi sur un trottoir à Paris. J'étais là, immobile, face contre terre, à la sortie du métro station Etienne Marcel. J'avais un rendez-vous important, et tétanisée par une souffrance intense, je ne pouvais pas m'y rendre, mon corps ne voulait plus faire un pas. J'ai senti en moi un hurlement de fauve, j'ai senti mon ventre devenir dur et j'ai pensé: " je vais imploser!". Là, en dernier recours, puisqu'aucun passant ne m'a prêté mains fortes, j'ai passé un coup de fil, un appel au secours, une sonnette d'alarme. En vain. Alors j'ai mobilisé mes forces intellectuelles, je n'ai pas laissé l'émotion envahir tout. Je me suis fabriquée une image de moi-même forte et capable de faire face, comment dire, je me suis concentrée, je me suis raccrochée à une ancre positive, j'ai pensé à mon homme, à mes fils, à mon entreprise, à mon meilleur ami, j'ai mobilisé le maximum de neurones pas encore touchés par cette vague de froid, tous les neurones encore tièdes et les quelques rares encore brûlants de ma fièvre de vivre et je me suis relevée. Je me suis redressée à la verticale et j'ai marché jusqu'à la place des Victoires où j'étais attendue. Plus tard dans la journée j'ai pu en parler, encore tremblante, encore sous le choc. Et puis les choses on repris leur cours. Cette nuit j'ai revécu cette scène. Ce matin je ne suis que frissons. Des vieilles terreurs d'enfant imprégnent ma peau d'adulte, je sais que je vais devoir aller au devant d'elles, pour les comprendre, les extirper, les empêcher de venir interférer plus qu'il ne faudrait dans la grande fille que je suis devenue. C'est difficile de se réchauffer quand le givre du passé vous tombe dessus. Forte et fragile. Parfois j'ai ce sentiment d'être dotée d'une force hors du commun et d'autre fois c'est la fragilité si fine si au bout du fil qui m'étreint que je me demande comment je vais pouvoir, pouvoir continuer à vivre comme ça, pouvoir faire ce bout de chemin, pouvoir m'ouvrir plus grande encore au monde et me mesurer aux forces du vent? Je me frotte les pieds, l'un à l'autre, j'ai les orteils gelés, j'ai les bras comme la peau d'une poule qu'on vient de plumer, et mes vertébres semblent claquer des dents. Pourtant j'ai trois tonnes de couches de vêtements sur le dos, un pull, une écharpe, une vieille robe de chambre bordeaux, des grosses chaussettes en laine, un pantalon en pilou. Il fait une température normale en cette saison dans mon bureau. Dieu que j'ai froid! Ce même froid qu'à ma naissance, ce froid de l'abandon, ce froid du non-amour, ce froid de la tahison, de l'abus de confiance, ce froid angoissant et profond. Je sens qu'il faudrait que je crie, que je pousse à nouveau ce cri: " JE VEUX VIVRE", à défaut, je l'écris. Toute la maison est endormie et si je pousse là ce cri intense qui déchire, je vais ébranler l'équilibre qui règne ici. O Solitude! Mon enfant intérieur, mon tout petit à moi n'est pas encore guéri. Et je n'ai pas non plus encore parfaitement construit la cuirasse qui l'empêche de souffrir. Ma résilience a encore à mûrir, à encore à se faire, à se construire. A être là à me dire et à tenter de rétablir mon fluide corporel me réchauffe petit à petit. Réfléchir et constuire ma pensée, l'offrir et l'ouvrir à autrui, au monde, à vous a un effet brasero. Chaleur humaine. Puissance des mots. J'ai la gorge qui se noue tout d'un coup et les larmes me salent le visage. Combien de fois vais-je devoir encore éprouver de ne pas avoir été aimée, désirée, respectée, validée? Comment puis-je me faire comprendre que je suis digne de l'être, que je n'ai pas sans cesse à devoir m'expliquer, que cette culpabilité de vivre et de tout qui me ronge n'est pas la réalité mais un poison qu'on m'a fait prendre d'office, suis tombée dans la marmite de la honte toute petite? Quand bon dieu, vais-je enfin pouvoir pour de bon sortir de cette victimisation qui me pourrit la vie. Accepter d'être ce que je suis comme je suis. Ne pas avoir sans cesse cette impression de devoir rendre des comptes. Agir en femme libre. La température monte. Shit. Fuck Hate. Venceremos! Je veux pouvoir être fragile sans finir en miettes, je veux pouvoir être juste et non plus agie par toutes ces forces obscures qui m'habitent et qui me font parfois faire des choses qui m'échappent, qui ne sont pas moi et qui pourtant le sont aussi. C'est infernal, cette dichotomie, cette sorte de skyzophrénie. Je fais tout pour me réunir, tout pour n'être qu'une, tout pour être le plus en accord possible avec ce que je pense, ce que je sens, ressens, aspire, désire et recherche. Mais je sens bien à quel point tout est un peu plus compliqué quand on a été malmené tout bébé. Je n'ai pas dit mon dernier mot, pas encore. Je ne suis pas découragée, non. Je suis fragilisée. D'un seul coup ramenée à mon état initial, à poil, sans défense. Merde, ce que j'ai froid.

 

 

06/10/2012

céleste

 

05/10/2012

se comprendre

"On a tous en nous un monde de choses, chacun un monde de choses à soi! Et comment pouvons-nous nous comprendre, monsieur, si dans les mots que je prononce je mets le sens et la valeur des choses que j'ai en moi; alors que celui qui les écoute es prend inévitablement avec le sens et la valeur qu'ils ont pour lui, avec son monde à lui?"

- Luigi Pirandello- Six personnages en quête d'auteur -



04/10/2012

Thalie

nattier002.jpg

- Toile de Jean-Marc Nattier -


 

"La conscience a été donnée à l'homme pour transformer la tragédie de la vie en une comédie."

- Démocrite -



Face B, pour Laure et pour nous tous...

 

03/10/2012

Plus fort que nous

 

Je partage ma vie depuis presque trente ans avec un homme que j'aime et qui m'aime. Notre parcours semé d'embûches et de désillusions nous a parfois séparés l'un de l'autre, subrepticement. Et puis les autres aussi s'en sont mêlés, le bonheur, ça agace. Pourtant nous ne vivions pas dans le bonheur, nous tentions juste l'un et l'autre de nous offrir l'un à l'autre le meilleur de nous-mêmes. Qui est parfait, qui peut se targuer de l'être? La vie de couple, c'est ça l'idée, c'est de parvenir à être, chacun et du même coup permettre et encourager l'autre, c'et un deal, une relation, une juste équation, un amour vrai, une confiance sans cesse renouvelée. C'est savoir qu'il ne peut pas faire autrement que ronfler et préférer prendre les feuilles de salade dans le plat avec les doigts, c'est qu'en retour il accueille plusieurs fois par jour que je lui demande s'il me désire, et m'aime encore. C'est accepter qu'il soit au fond du trou à faire on ne sait quoi, voire rien peut-être et qu'en retour il écoute sans sourciller mes états d'âme. C'est avoir le matin un poème et une fleur séchée au bol de mon petit déjeuner et qu'il trouve sans sa poche un mot doux, un baiser. C'est privilégier la qualité à la quantité, l'humain à la vanité, l'humour à la possession, l'esprit à la négation de l'autre, la tendresse à l'emporte-pièce. C'est vraiment tout un programme. Je ne pourrais vivre sans cet homme qui parfois, très rarement, me met hors de moi. Et que parfois, tout aussi rarement j'exaspère. Nous nous aimons, plus comme nous nous aimions, mais davantage, mieux avec l'âge. Parce que pour quoi est-ce que? Parce que je crois que nous savons l'un et l'autre que l'amour se travaille, se cultive et s'entretient. Par ce que nous avons en commun l'envie, l'idée et l'énergie à faire ce que nous sommes, parce qu'aussi nous sommes fiers et en sommes fiers. Et parceque nous nous sommes apprivoisés, compris, acceptés, chacun dans notre complexité et que nous avons faim l'un de l'autre. L'amour, n'est pas une donnée, c'est un cheminement, une destinée... Faut se le permettre, s'offrir à son possible, s'ouvrir à soi-même. C'est une expérience unique, qui engage, qui embellit et qui encourage chacun à être ce qu'il  a à être, lui- même Seuls deux êtres libres peuvent s'aimer longtemps. Cette liberté qu'ils gagnent l'un avec l'autre, l'un sur l'autre, l'un dans l'autre. Cette ivresse amoureuse qui les fait devenirs grands.

 

02/10/2012

Fashion-week

Paris-Fashion-Week-2012.jpg

 

Tous, ça les rend dingues. "Fashion-week". Ils tremblent, sont aux taquets, en rêvent depuis des nuits. Et puis, ben, il se passe ce week-end, avec moults fracas et moultes découvertes mais pas de quoi fouetter un chat, pour moi! Ou je vieillis, ce qui par la force des choses se produit, ou je deviens plus spectateur qu'acteur dans ce process récurent qui ne semble fabriquer que du vent alors qu'il génère tant de business. C'est étonnant de voir cette multitude de créatures venues d'on ne sait où et qu'on ne voit que là, graciles, évanescentes, fragiles, présentes et puis ces looks improbables, tant d'asiatiques, de russes, de femmes à cran, d'hommes hagards, tous en noir. Au milieu de tout ça, je traçe ma route. La mode est à multiples facettes, sans aucun doute... Et il y a matière, ça c'est clair! Paris...

 

30/09/2012

les ondes orientales

 

28/09/2012

Une autre extraordinaire journée ordinaire -2-

Plate, plate plate. Rien. Rien à se mettre sous la dent. Le néant. Le vide. Et la peur qui pointe son bout de nez. Quel métier stupide! Pas même la force de prendre mon livre. J'ai ma déclaration de douane à faire, et puis les taxes et paiements divers. J'ai la sensation effrayante de ne faire que des chèques, alors que je devrais plutôt les recevoir. Pas de pluie à l'horizon! En tout cas pas de cette nature. Faut être cinglée pour faire ce métier! Pourtant je m'accroche, pourtant j'y crois, pourtant je me dis que les gens ont besoin d'être admis, aimés, reconnus, regardés, conseillés, respectés, entendus. J'ai peur, peur de ne plus être dans la course, peur d'avoir trop envie de faire autrement que le courant, peur d'en payer le prix une nouvelle fois. Indépendant, une utopie, un rêve d'enfant, une lubie! Trop de charges, trop d'impôts trop de trop. Mais l'âme sincère et toujours au taquet, pas le moment de chômer.

Elle revient me voir une énième fois, c'est incroyable à quel point l'indécision fait partie de sa vie. Je la bouscule un peu, "oui, mais vous, oui mais vous..." Oui, quoi, moi? Je suis toujours stupéfaite à quel point les femmes que je rencontre me trouve pleine, féminine, là, entière, féline. Certaines sont partagées entre la confiance et la méfiance, elles sont bigrement partagées, elles sont méfiantes et puis d'un coup super confiantes. Etrange. Je leur fait peur, je le sens. Elles me respectent. Elles m'envient. Elles voudraient vivre ma vie. Elles se disent que peut-être, elles aussi... (Si seulement elles savaient, le prix que j'ai payé.) Elles aussi elles pourraient passer des heures à s'expliquer, à se dire, à s'enthousiasmer à un homme aimant, présent, là pour elles. Sauf que ça court pas les rues ce genre d'individu. Sauf qu'elles ne sont sans doute pas capable de fournir ce qu'il faut pour s'entourer d'une telle présence, sauf que prendre le risque  d'aimer est au dessus de leurs forces, sauf que c'est compliqué.

J'apprends jour après jour avec toutes ces femmes qui vivent des réalités loin des miennes mais leurs. J'apprends la vie et je deviens humble, deviens humble, oui. J'étais tellement campée sur ma vérité. Tellement à cran. Tellement sûre. Tellement aveuglée.

Des souffrances, il y en a tant que ça dépasse l'entendement.

 

Sur toi

 

27/09/2012

Une autre extraordinaire journée ordinaire -1-

Pas le temps cette fois  de faire dans la dentelle. Je me suis levée à l’heure où je devais être au magasin. Pas question de trainasser, de méditer, de tergiverser. Il me faut être efficace et rapide. Je saisis un jean, un pull col V noir, une paire de bottes et mon écharpe doudou en cachemire et soie d’un ton subtil taupé. Vite fait un petit coup de pinceau et de rouge sur ma face encore endormie, un brossage intense de mon blond vénitien et me voilà après une tasse de thé avalée d’un seul coup prête à partir. Je perds quelques précieuses minutes à chercher ma voiture que j’ai garée je ne sais où. Je ne m’explique pas cette résistance que j’ai à me souvenir de l’endroit où je la mets. Et me voilà en route pour de nouvelles aventures. Jamais savoir de quoi va être fait la journée. C’est un bon exercice de lâcher-prise. Un disque qui ne m’appartient pas raisonne dans l’habitacle, j’écoute distraitement et puis d’un seul coup arrive une chanson qui m’émeut davantage. Je la remets une deuxième fois un peu plus fort et une troisième pour cette fois complètement m’immerger dedans.

 

J'écris sur ce que j'endure

Les petites morts, sur les blessures

J'écris ma peur

Mon manque d'amour

J'écris du court

Mais c'est toujours

 

Sur ce que je n'ai pas pu dire

Pas pu vivre, pas su retenir

J'écris en vers

Et contre tous

C'est toujours l'enfer

Qui me pousse

 

A jeter l'encre sur le papier

La faute sur ceux qui m'ont laissée

Ecrire, c'est toujours reculer

L'instant où tout s'est écroulé

 

On n'écrit pas

Sur ce qu'on aime

Sur ce qui ne pose pas

Problème

Voilà pourquoi

Je n'écris pas

Sur toi

Rassure-toi

 

J'écris sur ce qui me blesse

La liste des forces qu'il me reste

Mes kilomètres de vie manquée

De mal en prose, de vers brisés

 

J'écris comme on miaule sous la lune

Dans la nuit, je trempe ma plume

J'écris l'abcès

J'écris l'absent

J'écris la pluie

Pas le beau temps

 

J'écris ce qui ne se dit pas

Sur les murs, j'écris sur les toits

Ecrire, c'est toujours revenir

A ceux qui nous ont fait partir

 

On n'écrit pas qu'on manque de rien

Qu'on est heureux, que tout va bien

Voilà pourquoi

Je n'écris pas

Sur toi

Rassure-toi

 

J'écris quand j'ai mal aux autres

Quand ma peine ressemble à la votre

Quand le monde me fait le gros dos

Je lui fais porter le chapeau

 

J'écris le blues indélébile

Ça me paraît moins difficile

De dire à tous plutôt qu'à un

Et d'avoir le mot de la fin

 

Il faut qu'elle soit partie déjà

Pour écrire " ne me quitte pas "

Qu'ils ne vivent plus sous le même toit

Pour qu'il vienne lui dire qu'il s'en va

 

On n'écrit pas la chance qu'on a

Pas de chanson d'amour quand on en a

Voilà pourquoi, mon amour

Je n'écris rien

Sur toi

Rassure-toi

 

 

Quel beau texte, quelle correspondance avec ce que je ressens, j’en suis toute retournée. Je me demande qui chante, cette voix , je la connais. Enfin Rue Basse, j’ouvre la boutique avec un bon vingt minutes de retard. Mes clientes le savent, c’est sans doute pour cela que c’est plus calme le matin. Un truc étonnant dans le commerce c’est ce temps, ce temps à attendre et puis souvent d’un seul coup tout le monde qui arrive en même temps. A croire que beaucoup d’entre nous ont la même horloge biologique. J’ai avec moi L’insatiable Homme-Araignée dès fois que je trouve le temps de bouquiner. J’attaque par les vitrines. La nuit j’en ai rêvé. Je reproduis ce qui m’est apparu. C’est beau. J’aime. J’espère que ça va plaire. Un doux mélange de matières et de formes qui inspirent la douceur et la féminité. De la non-couleur. De l’enveloppement. Une certaine façon de penser la mode. Confortable et élégante. Satie envahit l’espace. C’est une gymnopédie. Ma première cliente de la journée entre :

 

-       Oh ! Vous êtes là ?

-       Oui. Comme vous pouvez le constater, je suis là…

-       J’adore votre vitrine, elle est de toute beauté, ce gilet… il m’a fait de l’œil !

-       Vous voulez le passer ?

-       Oui, c’est une folie, mais oui… Ici c’est dangereux de franchir la porte ! Trop de tentations !

-       Bah ! On n’a qu’une vie, non ?

-       Allez dire ça à mon banquier !

       

Elle essaye le fameux gilet qui lui va à merveille. Je le savais, elle le savait. Il était pour elle. Quand je l’avais commandé huit mois plus tôt, j’avais justement pensé à elle. Bingo. C’est réussi. Elle repart plus légère et en sortant ouvre la porte à Madame Dauberville qui a une petite mine, je trouve, elle d’habitude si pimpante.

 

-       Bonjour Madame Dauberville, ça n’a pas l’air d’aller fort ce matin ?

-       Non, c’est pas terrible. J’ai été opérée fin Août, c’est pour cela que vous ne m’avez pas vu jusqu’à aujourd’hui. Je viens d’avoir les résultats. C’est pas génial…

-       Hum…

-       Je vais quand même devoir faire de la chimio… Je suis effrayée à cette idée !

-       Vous allez y arriver, vous êtes une battante !

-       Oui, Blue, vous avez raison, je suis une battante mais là, j’en ai les jambes coupées.

-       Et si nous parlions de futilités, je vais vous montrer ce que j’ai reçu pour vous, histoire de vous changer les idées, qu’en pensez-vous ?

-       Oui, c’est exactement ce dont j’ai besoin, montrez-moi, voulez-vous, Blue !

 

Je lui montre alors des petites choses comme elle aime. Elle n’est pas très grande et tous les petits volumes un peu près du corps lui vont bien, je l’habille depuis plus de cinq ans, je connais son corps par cœur. Je lui fait essayer un petit twin-set en mérinos et soie black blue avec un pantalon droit en flanelle grise, je lui pose un collier de minuscules perles grises amaties autour du cou et lui passe une veste en faille de soie bleu nuit qui pourra lui servir de petit imper élégant. Elle me sourit, heureuse de l’image que lui renvoie le miroir. Elle ne pense plus à son cancer du sein. A la caisse elle m’embrasse, me promet de me donner de ses nouvelles, me remercie du courage que je lui ai donné alors que je l’ai juste aidée à le trouver en elle et disparaît en plein milieu d’un morceau de jazz expérimental de ce nouvel artiste que je viens de découvrir Palle Danielsson, contrebassiste de grand talent qui m’enchante.

Je me prépare à fermer, je déjeune ce midi avec mon amie Anne qui sculpte et qui surtout à un grand besoin de me raconter ses nouvelles péripéties sexuelles. Faut dire qu’elles sont toujours d’un tel incroyable que chaque fois je me dis que la réalité dépasse la fiction.  La concernant, c’est vraiment peu dire ! Elle arrive en trombe, toujours à courir et après avoir mis un petit mot sur la porte de la boutique : «  Je reviens à 14 heures, à très vite », nous allons déjeuner à l’Orange bleue. La cuisine y est simple, délicieuse et l’endroit est plein de poésie propice aux confidences et autres diableries.

Anne est déchainée, elle a tellement besoin de parler qu’elle en oublie de manger. Je l’écoute en dégustant mon carpaccio de bœuf-frites.

 

-       Je me suis encore fourrée dans une histoire pas possible, tu sais Blue !

-       Ah, tu m’étonnes !

        

On se sourit d’un air entendu.

 

-       Je crois qu’une fois de plus je ne me suis pas rendue compte ! Tu crois que je suis anormale ? Pourquoi est-ce que j’ai ces pulsions que je ne peux contrôler ? Pourquoi je ne peux pas vivre sans être pénétrée ? Tu te rends compte, j’ai maintenant trois amants et je n’arrive pas à gérer…

-       Euh ! En même temps ?

-       Non, tout de même. Quoique ça ne me déplairait pas, c’est une idée…

 

Elle se tait une minute et rêvasse à cette idée.

 

-       Là, je me suis retrouvée dans une histoire de dingue. Une de mes amies m’a invitée à faire l’amour avec elle et un de mes amants que j’adore depuis longtemps. Nous avons fait cela tranquillement à trois, c’était plutôt bien, mais depuis, figure-toi, alors qu’ils m’avaient juré l’un et l’autre de ne jamais le faire sans moi, ben ils sont toujours l’un avec l’autre et je n’existe plus ni pour l’un ni pour l’autre, ça me fait un mal de chien, tu n’as pas idée. Je ne mange plus, je ne dors plus, je suis comme devenue folle. J’ai le sentiment d’avoir été utilisée comme un objet, suis terrassée. Qu’est ce que t’en penses ?

-       Depuis que je te connais, tu as toujours été confrontée à ce sentiment d’être un objet. Ce que j’en pense, tu le sais bien, toi seule sait pourquoi il faut toujours que tu reproduises les mêmes schémas, les mêmes erreurs, pourquoi tu fais ton propre malheur ? Tu vas me dire que c’est plus fort que toi. Et je vais te dire que tu peux agir dessus mais que je n’ai pas la recette miracle pour toi. Seulement, je n’aime pas te voir souffrir, te voir dans cet état là parce que les choses t’échappent. Ne cois-tu pas qu’aller au-devant de toi, pourrais t’être profitable ?

-       J’ai essayé, j’ai tout essayé. Je dois être maudite !

-       Nan, nan, arrête de dire des conneries ! Quelque chose en toi tente de se dire, essaie d’entendre. Parle à ton homme, dis lui que tu souffres, demande lui de l’aide, c’est ton meilleur ami, non ?

-       Oui. Il a une patience infinie avec moi et il m’aime. Mais lui parler de ça, Blue, c’est trop la honte !

-       C’est certain que ça n’est pas facile, mais vous vivez ensemble de puis plus de trente ans, vous vous connaissez bien l’un et l’autre et il ne t’a jamais laissé tomber. Il doit bien sentir que tu souffres et doit avoir envie de t’aider sauf qu’il ne sait pas par quel bout prendre le problème, tu ne crois pas ?

-       Si, tout à fait, je vois bien qu’Alain cherche à m’aider, mais je n’arrive pas à lui parler de ces démons qui me démangent, tu sais... comment tu dis déjà... ce Hyde en moi !

-       Tu peux le faire. Tu peux intervenir. Quand changer te fera moins peur que souffrir…

Anne prend un café gourmand. Elle boit le café et je mange la mousse au spéculoos, le mini-tiramisu et la barre de chocolat. Je suis obligée d’écourter notre conversation, l ‘heure tourne et je ne peux me permettre d’être en retard une deuxième fois. D’un commun accord on se donne rendez-vous la semaine prochaine, même endroit, même heure. Elle me serre dans ses bras, je la réconforte. On dirait un moineau crevé tant elle est maigrichonne. On s’embrasse et on se quitte sur le trottoir. Je retourne à ma base, le cœur un peu défait...

 

26/09/2012

ailleurs...

 

25/09/2012

explore ton corps

dmitry kuklin.jpg

- Photo Dmitry Kuklin -


Il y a comme ça des images que je croise et qui opercuts, me percutent. Explore ton corps. Suite à une discussion hier avec Laure, je me suis posée et j'ai tenté de penser mon corps. Longtemps je me suis sentie chose, rien, voire moins que rien, en tout cas rien d'humain. Longtemps mon corps n'a été qu'un étranger pour moi, insondable, impossible, trop lointain, comme si je devais le garder à distance. Et puis, à dix-neuf ans, j'ai accouché. J'ai souffert, j'ai crié, pourtant pas tout à fait là, dissociée de moi-même, comme anesthésiée. Je me suis demandée si l'enfant que je venais de mettre au monde était bien de mon fait, si j'avais pu faire ça. Quelque chose s'est brisé, une digue a craqué et j'ai découvert en donnant vie à un petit être que j'avais une vie moi aussi, une vie et un corps. La prise de conscience de ce corps meurtri fut brutale, j'étais comme rouillée. Trop longtemps absente je ne savais pas quoi faire de ce grand corps qui d'un coup s'imposait à moi, demandait à faire corps avec ce que j'étais. J'ai mis du temps à l'apprivoiser, à le connaître, à le sonder. Encore aujourd'hui, il me déroute, il me surprend. Mais j'ai découvert en l'explorant qu'il avait beaucoup à dire, qu'il était ma mémoire et mon ami. Parfois je lui parle, je lui demande de l'aide, je le mets à contribution pour parcourir, pour avancer, pour comprendre encore et toujours ce qui m'est arrivé, ce qui m'arrive, ce qui se passe en moi.


jaime ibarra.jpg

- Photo Jaime Ibarra -


Je danse. Je bouge. Je me positionne et j'apprends à le regarder. Je ne pouvais pas me voir dans les miroirs plus jeune, rien, il n'y avait aucun reflet. Je passais un temps fou devant la glace, mes yeux ne me percevaient pas, ne voulaient pas me voir. C'est fou quand j'y pense, fou d'avoir pu vivre ainsi pendant plus de vingt ans, c'est cruel de s'en rendre compte, de mesurer qu'on a ainsi vécu un quart de sa vie sans avoir pu être au monde. Maintenant, c'est fini. Et s'il reste encore quelques zones d'ombre, j'ai pu me reprendre en mains, me rassembler, m'accepter et jouir de ce corps qui m'a été donné. Le serpent de Guem. Cette musique me donne des ailes. Mon corps alors me semble léger aérien, telle une plume offerte aux alizées. Etonnament plus je m'exprime avec mon corps, plus j'arrive à formuler, à écrire, à réfléchir. Cette fameuse relation du coprs et de l'esprit n'est pas une duperie, c'est si bon de sentir tout son être vibrer, respirer, accueillir, offrir, aimer. C'est bon d'arriver à cet état de grâce, à cet abouti. J'ai lutté, je me suis battu avec mes névroses, je lutte encore pour éviter qu'elles ne reviennent polluer cette relation entre mon corps et moi. J'explore encore. Je me crée. J'écris.



24/09/2012

love

 

Muere lentamente

poésie,pablo neruda,émotion,partage,humain,écriture,pouvoir des mots,blog,mc comber

- La Havane, plage de l'Est - Août 2012 -

 
 
 
Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n'écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
grâce à ses yeux
 
Il meurt lentement
celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider
 
Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l'habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
de ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu
 
Il meurt lentement
celui qui évite la passion
et son tourbillon d'émotions
celles qui redonnent la lumière dans les yeux
et réparent les coeurs blessés
 
Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap
lorsqu'il est malheureux
au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
n'a fui les conseils sensés
 
Vis maintenant !
Risque-toi aujourd'hui !
Agis tout de suite !
Ne te laisse pas mourir lentement !
Ne te prive pas d'être heureux !
 
- Pablo Neruda -
 
 


23/09/2012

De l'avis de Jacob sur le dernier Angot

Je n'ai pas lu le dernier livre de Christine Angot, Une semaine de vacances, pas encore. J'avais trouvé L'inceste un peu plat mais à lire les critiques ce n'est pas le cas cette fois. Ce matin en parcourant l’article : Assez! de Didier Jacob dans le Nouvel Obs, vitriolant l'ouvrage et plus encore la démarche de l'écrivain, j'ai eu un haut le coeur et je me suis dit qu'il y avait encore fort à faire pour que dans l'esprit de tout à chacun l'inceste dans toute sa cruauté fasse son chemin. Jacob se désole qu'une scène de fellation soit décrite sur une centaine de pages, soit, c'est peut-être long, je me ferais mon idée en lisant cet ouvrage, mais qu'il puisse dans quatre courtes phrases écrire: "Les poils du monsieur, la bouche de la petite. Elle est sa fille, voyez-vous. C'est un inceste, c'est du Angot. La routine, en quelque sorte." Une centaine de pages alors, c'est bien peu. Mais ça n'est pas ce qui m'a fait le plus bondir et qui m'a fait prendre conscience du long chemin encore à parcourir. "Une jeune fille, apparemment séduite par un père, qui ne se sépare jamais de son Guide Michelin, se soumet au bon vouloir du monsieur, un imbécile patenté dont on se demande pourquoi elle ne lui met pas une claque dès la page 2 (ce qui aurait arrangé tout le monde). Ils roulent en Peugeot, fellation, on part au restaurant, vaseline dans le trou du cul, on visite une église, et vas-y que je te suce encore mon petit papa chéri. Scandaleux? Si seulement! Christine Angot sent bien que ça ne suffira pas, le coup de l'inceste, pour susciter l'admiration des gazettes en mal de corporel. Qu'est-ce que je vais donc trouver, s'interroge-t-elle probablement, pour passer au JT? Faute d'idées nouvelles sur le terrain de la pornographie, Christine Angot se rabat sur la pipe dans le confessionnal. Mais qui croit-elle choquer - si ce n'est l'intelligence?". Ouch! Là, c'est Jacob qui me choque, m'entrechoque, me bouscule dans mes retranchements et titille mon intelligence. Comment un être humain normalement constitué n'arrive pas à comprendre dans quel état un inceste peut mettre un enfant, comment se peut-il qu'un journaliste de talent puisse penser qu'en écrivant à sa manière ce qu'elle a vécu Angot brigue une quelconque admiration? Peut-on s'attendre d'ailleurs à une admiration quand on a le besoin voire la nécessité de partager une telle souffrance, un tel destin, une telle mainmise sur une vie? Comment peut-on un instant penser qu'une jeune fille est pu être séduite par son père, pire apparemment. Il n'y a guère de séduction dans une relation incestueuse. C'est une relation qui n'en est pas une pour tout dire, c'est le pouvoir d'un être sur un autre, il n'y a pas concertation. Et si un père veut plusieurs fellations par jour, et s'il faut qu'elles soient longues, le temps d'écrire une centaine de pages par exemple, et s'il faut qu'elles se fassent dans un confessionnal parce qu'il y bande mieux, quel choix pour l'enfant soumis à cet amour haïssant ou cette haine amoureuse d'une perversité sans nom? Peut-être celui plus tard, une fois devenu grand, d'écrire une autofiction qui je cite: " est aujourd'hui tombée en désuétude, sauf pour les quelques écrivains qui en appliquent encore bêtement les règles, ainsi qu'en peinture autrefois s'acharnaient, en pleine révolution des styles, les ténors de l'art pompier." Il s'est dit que la critique est facile et l'art si difficile. Oui, l'art de s'en sortir et l'art de sortir de sa plume le jus d'une telle engeance, oui c'est difficile. Angot n'est peut-être pas arrivée au travers de son livre à faire comprendre cela à Jacob ou c'est Jacob qui ne le peut vraiment pas comme tous ces gens qui préfèrent ne pas en entendre parler, ou ne peut penser que ça puisse être aussi pornographique et aussi désolant qu'un mauvais film de cul. Que l'écriture mérite mieux, alors qu'en l'occurrence, pour m'y être essayée, je sais qu'elle investissement de soi elle demande, quelle douleur elle engendre et quel volonté elle consomme, une autofiction de cette nature là.

 

22/09/2012

Psalmem

 

Retirado do disco "Between Us and The Light" (Outside Music, 2006). Com Leszek Możdżer no piano, Lars Danielsson no contrabaixo e Zohar Fresco na percussão. As fotos são da autoria de Juanjo Valverde, extraídas da sua obra "La vida en Albacete".

 

un départ

Mon fils aîné part tout à l'heure à l'autre bout de la planète, à l'aventure, pour un an. Il part avec sa douce voir le monde et découvrir comment vivre autrement et l'un avec l'autre sans la contrainte d'un quotidien pesant. Ils en parlent depuis si longtemps. Hier, c'était son anniversaire, mon corps a réagi, j'étais anéantie: bouffées de chaleurs, vertiges, malaises, je n'étais que l'ombre de moi-même. Ce matin, c'est une grande tristesse qui m'envahit. Pourtant je suis heureuse pour lui, pour elle, pour eux et je trouve merveilleux de pouvoir faire cette expérience et de goûter ainsi à l'existence. La Polynésie, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, c'est si beau, c'est si loin aussi... J'ai beau me raisonner, me dire qu'on ne fait pas les enfants pour soi, que c'est un homme maintenant, qu'il faut couper un jour ou l'autre le cordon, toutes ces choses qui se disent et que tous veulent penser, mon enfant reste mon enfant. S'il lui arrive une tuile, je ne pourrais être là, s'il est triste, je ne pourrais pas le consoler, s'il souffre, je ne pourrrais pas le soulager et s'il est heureux, je ne pourrais le partager. "T'inquiète, on va skyper!". Oui, je sais qu'on va pouvoir se parler au travers l'océan avec ces petites machines. Je sais que je vais pouvoir vous suivre sur facebook, que vous allez communiquer, qu'on va s'écrire des mails et qu'on va souvent penser les uns aux autres, mais c'est pas que je sois inquiète, non, je suis émue. Je suis une maman qui voit partir son enfant, j'ai la gorge serrée, l'estomac noué, le coeur qui pleure et sourit en même temps. Mon tout petit devenu si grand!

 

20/09/2012

Le Voyage

Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes, 
L'univers est égal à son vaste appétit. 
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes ! 
Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! 

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme, 
Le coeur gros de rancune et de désirs amers, 
Et nous allons, suivant le rythme de la lame, 
Berçant notre infini sur le fini des mers : 

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ; 
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns, 
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme, 
La Circé tyrannique aux dangereux parfums. 

Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent 
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ; 
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent, 
Effacent lentement la marque des baisers. 

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent 
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons, 
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent, 
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons ! 

Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues, 
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon, 
De vastes voluptés, changeantes, inconnues, 
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom.

 

- Charles Baudelaire -