02/12/2014
Il est tard
- Sarah Key -
A force d’avoir l’air de quelqu’un qui va bien, qui encaisse tout, qui entraîne, qui supporte, qui envisage des solutions, qui ne baisse pas les bras et qui croit toujours possible un autre moyen de voir, une extrapolation, une extra-solution, je me retrouve bien seule quand ça ne va vraiment pas. Pourtant je sais que je ne le suis pas, que sont là autour de moi les gens qui m’aiment et pensent à moi, et merde. L’injustice est au-dessus de mes forces, je ne la supporte pas, je suis désarmée devant elle, je n’ai pas appris, pas pu, pas su comment faire. Et je reste une espèce d’handicapée face à elle. Une ultime épreuve ? Je souris au travers de mes larmes, je ne vois plus clair tant je mouille mes lunettes de vue, c’est con, c’est stupide, c’est idiot et ça ne sert à rien de me lamenter, à rien de soupirer, à rien d’attendre un miracle. Je ne sais pas comment font les gens victimes d’injustices notoires, comme je ne sais toujours pas comment j’y arrive moi-même, je n’ai pas les moyens d’analyser d’où me vient l’énergie pour faire face et faire front. Mais je souffre. Je doute. J’hurle en moi-même. En silence. C’est affreux. Il me faudrait un gun, une batte, un poing fort, une prise, un moyen pour faire sortir cette rage, cette douleur. Et ce sont les mots, là, juste les mots qui pissent le sang à ma place, les mots qui tuent, qui remplacent, qui sauvegardent, qui m’apaisent. Mes mots ne me jugent pas, ils me prennent comme je suis, ils sont entiers, ils sont fervents, ils sont mes amis, mes confidents, mes alliés, mes mots gagnants. J’ai envie de traverser l’écran et envahir l’espace de mots terrifiants et tendres, de mots cruels et aimants, rock’n’roll, de mots, de maux, de poésie, d’aphorismes, d’appréhension, d’avenir, d’orientation, de rimes et de j’aime.
« Parfois, depuis qu’il avait commencé à vivre librement, Abel s’était demandé à lui-même : « Pour quoi ? » La réponse était toujours la même et elle était aussi la plus commode : « Pour rien ? » Et si la pensée insistait : « Ce n’est rien. Comme ça, ça vaut pas la peine », il ajoutait : « Je me laisse aller. Ca doit quand même mener quelque part. »
C’est bizarre d’ouvrir ainsi un livre par hasard et de tomber sur un passage qui d’un seul coup vous calme. Pourquoi ce livre de José Saramago, " La lucarne ", pourquoi celui-là et pas celui du dessus, " Lâchez-moi ! " d’Hampton Hawes avec Don Asher ou " Le manipulateur " de John Grisham ou encore " La folie privée ", psychanalyse des cas limites, d’André Green ? Tout n’est pas explicable. Le sourire me revient en voyant la tranche du livre d’Annie Ernaux, " Ecrire la vie ".
Je me calme, doucement les choses reprennent leur place initiale. L’angoisse semble s’affaisser et le cœur se dégonfle, je cesse de pleurer. Je me trouve presque ridicule face à moi-même. Vais-je céder au désespoir ? Vais-je offrir ce pouvoir à autrui de m’abattre, comme ça, à petit feu, subrepticement. Non. C’est pas tant me battre qui me botte, c’est ne pas laisser les choses décider à ma place. C’est être agissante, actrice, vivante, plutôt que victime non-consentante d’un destin qu’on m’écrirait. Peu m’importe de déplaire ou plaire, peu m’importe ce qu’il me coûte d’être, pas grave de me brûler les ailes un peu au gré de rencontres et d’obstacles, mais pas qu’autrui me les déchire. Comment fait-on pour ne pas tuer celui qui vous assassine ? On anticipe, on se prépare, on se munit, on s’arme, on s’assagit, on réfléchit, se réfugie, s’inspire, se régénère, s’ouvre l’esprit.
« Est-ce que j’ai pleuré ? J’ai évacué un flot de sel, le sel de ces sardines, mon unique nourriture depuis des jours. Les avions n’arrivent plus à m’effrayer, pas plus que l’héroïsme ne réussit à m’animer. Je n’aime personne, je ne hais personne, je ne veux personne. Je suis sans passé ni avenir. Sans racine ni branches. Seul comme cet arbre abandonné sur un rivage ouvert au vent du large où se déchaîne la tempête. Je ne peux plus avoir honte des larmes de ma mère, frémir à la rencontre de deux rêves, nés au même instant, d’une même aube… »
Les mots de Mahmoud Darwich, les mots d’une mémoire pour l’oubli, les mots qui recueille les fragments d’un passé éclaté et témoignent de l’inévitable travail de deuil, m’apaisent encore d’un cran. Et j’ouvre au gré de mes gestes amples au sein de mes étagères pleines à craquer de bouquins : " La difficulté d’être " de Jean Cocteau et d’un seul coup, c’est étrange de merveille, je me sens mieux, pas moins triste, mais beaucoup mieux, moins empoisonnée, plus en paix .
« La haine m’est inconnue. L’oubli des offenses est chez moi si fort qu’il m’arrive de sourire à mes adversaires lorsque je les rencontre face à face. Leur étonnement me douche et me réveille. Je ne sais quelle contenance prendre. Je m’étonne qu’ils se souviennent du mal qu’ils m’ont fait et que j’avais oublié. »
00:29 Publié dans écriture, état d'âme, fragments | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : écriture, fragment étatd'âme, partage, émotion, humain
18/11/2014
Trop sensible
On pense toujours qu’on a réussi à cautériser ses anciennes blessures, on se dit que c’est bon, que la résilience est faite et que tout cela n’est plus qu’un vieux mauvais souvenir. C’est vrai, en partie. Parce que même si la mémoire fait le tri, même si je ne pense pas tous les jours à ce qui s’est passé, Dieu soit loué, même si je sais en conscience que j’ai pu m’extirper de toute cette histoire qui est mienne et que j’ai pu tout de même conduire ma vie pour en être où je suis, je dois bien reconnaître que je suis rattrapée, parfois, par mon petit cœur altéré, ce petit cœur de la petite fille que j’ai été ou que je n’ai pas pu être. Ce matin, en visionnant cette courte vidéo qu’a entrepris ce papa de sa fille pendant ses quatorze premières années, j’ai pleuré. Pleurer ne m’est pas étranger, bien au contraire, je me demande d’ailleurs toujours comme le corps fait pour toujours fabriquer encore et encore des larmes alors que j’ai tellement eu souvent l’impression d’avoir épuisé mon quota, là, ça n’était pas des larmes ordinaires, elles étaient plus salées, plus difficiles à tomber, plus intérieures je dirais, plus profondes, des larmes qui venaient de loin, des sortes de larmes de rage mêlée de tendresse, des larmes anciennes. Quoiqu’il en soit, et quoi que je veuille, je ne pourrais pas changer ce passé compresseur et assassin mais je peux continuer, continuer à me battre pour plus d’humanité et continuer à croire en la capacité qu’à l’être humain a devenir meilleur. Désolée, il fallait que ça sorte par les mots, il fallait que j’en parle, je serais toujours, à vie, trop sensible, c’est certain !
12:20 Publié dans fragments | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : fragments, histoire, enfance, émotion, écriture, partage, humain
18/04/2014
Oye-Plage
- Photo Dominique Hasselmann -
Quand mon ami Dominique m’a envoyé cette photo de la plage d’Oye, une flopée de souvenirs pas trop tendres m’est revenue. Nous y allions souvent avec papa, maman. Papa avait un couple de vieils oncles qui y avait une petite bicoque. Comment s’appelaient-ils déjà ?
Francis et Georges, je crois. Oui, c’est ça. Francis et Georges. Deux vieux garçons qui avaient été ostracisés par la famille toute entière parce qu’ils étaient homosexuels. Deux hommes charmants que maman tentait de remettre dans le droit chemin. A l’époque, elle s’occupait de mettre en relation des hommes et des femmes pour qu’ils construisent un couple, elle était une sorte de conseillère matrimoniale. Elle n’était pas à une aberration près, ma mère !
Cet été-là, elle s’était mis en tête de présenter Françoise et Jacqueline, deux vieilles filles de son village d’enfance, à Georges et Francis qui avaient déjà l’un et l’autre au moins plus de cinquante ans. L’ambiance était tendue. Je devais avoir onze ans. Je ne comprenais pas à l’époque ce qui se passait, pour moi c’était étrange. J’avais toujours connu mes deux grands oncles ensemble, blaguant, cuisinant, et nous racontant toutes sortes d’histoires drôles. C’était des bons vivants.
Ces quinze jours furent pesants. On aurait dit que personne n’était à sa place, et maman était d’un miel effarant, minaudant, poussant ses deux ouailles dans les bras de ces messieurs en leur faisant bien comprendre l’intérêt qu’ils auraient aux yeux de la famille à rentrer dans le rang.
Je n’aimais pas ce qui se passait, je sentais la fausseté et surtout la grande tristesse de cette idée et de son devenir. Parce qu’à ma grande surprise, elle est arrivée à ses fins et Georges finit sa vie avec Françoise et Francis avec Jacqueline. Je n’ai plus jamais vu mes grands oncles sourire depuis. L’un et l’autre ont dépéri à petit feu. Paix à leurs âmes.
Oye-plage reste pour moi, l’endroit du contre-nature, de l’anti-bonheur. Et si pendant des années cette plage fut pour moi un endroit de liberté sauvage où je pouvait courir jusqu’à m’effondrer la tête dans le sable, où je pouvais chanter à tue-tête : « l’amour est enfant de bohème » et où nous faisions avec mon petit frère des châteaux de sable étourdissants, elle perdit d’un seul coup toute sa superbe après cette quinzaine estivale qui m’a tourmentée longtemps sur la nature des sentiments.
11:05 Publié dans fragments | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : fragments, souvenirs, photographie, partage, humain
21/03/2014
Lettre à mon père
Papa,
C’était ton anniversaire, hier. C’était aussi la veille du printemps. Je ne me souvenais plus de ton âge… Mon petit sms t’a touché à entendre le message que tu m’as laissé. Je crois bien que c’est la première fois que tu me parles si longtemps et avec autant de trémolos dans la voix. Je sais que c’est difficile pour toi d’exprimer ta tendresse, ton affection, tes sentiments. Nous avançons, tu vois, loin l’un de l’autre mais avec ce lien qui nous lie l’un à l’autre qu’on en veuille ou pas.
Je t’ai vu pleurer trois fois dans ma vie, la première c’était au décès de ton père, j’avais ce jour-là un pull-over vert qui m’arrachait la peau, tu semblais si désemparé face au trou béant dans la terre qui emportait celui dont tu aurais tant voulu être aimé et dont tu semblais si fier, tes larmes m’ont bouleversée du haut de mes huit ans. Et puis il y a eu cette seconde fois, intense, dans le salon télé à la maison, suite à une émission sur la guerre d’Algérie, cruelle, tu nous avais alors parlé de la tienne, tu étais tout jeune soldat, tu venais à peine d’avoir dix-huit ans et les images qui remontaient et que tu avais tant de peine à décrire ont fait une nouvelle fois couler tes larmes, j’avais presque envie alors de te prendre dans mes bras, tu semblais si fragile, j’avais quatorze ans.
La troisième fois a été bien différente, j’avais plus de trente ans et nous étions alors tellement tous remués par une vérité impossible à entendre et à accepter, une vérité qui nous montrait notre père sous une autre lumière, pas celui qu’on pensait que tu était malgré toutes tes difficultés et tes duretés. Cette fois où j’ai compris que tu n’avais pas pu être le bon père que tu aurais voulu être mais bien trop dans la haine de ce père là pour comprendre ta monstruosité. Tes larmes, tes larmes ce jour là, tes larmes d’enfant meurtri, tes larmes ne comprenant pas ce que je te disais, ces larmes qui étaient la seule défense et la seule explication que tu pouvais offrir à ma souffrance, tes larmes, ces larmes là ne m’ont pas remuée, enfin pas dans le même sens. Je ne pouvais les accepter, elles ressemblaient aux miennes que pendant des années tu qualifiais de « larmes de crocodile ».
J’ai cessé d’attendre, papa, ce que tu ne peux me donner. J’ai compris que tout ce qui m’était arrivé petite t’avait dépassé, que toi-même tu avais été agi par les ombres d’un lourd passé et que tu as tenté de faire du mieux que tu pouvais. J’ai cessé de pleurer sur cet amour bafoué. 75 ans. Dans le message que tu me laisses, tu me dis que ça va aller, qu’il faut faire pour que ça aille, que juste ton cœur te fait des misères. Voilà. Il a fallu trente ans pour que je puisse t’entendre sans trembler. Je n’ai plus peur de toi, je n’ai plus peur de ce que tu m’as fait, plus peur de vivre et d’aimer.
Tu vieillis, j’ai grandi.
Il faut dépasser son passé, c’est toujours ce que tu m’as dit. Je l’ai fait mien, mon passé, je l’ai éprouvé, je l’ai compris. Toute cette quête de sens m’a rendu ma liberté jusqu’à celle de m’attendrir. Ce que j’éprouve pour toi est indéfinissable mais c’est tout ce que je peux t’offrir, une sorte de pensée apaisée, une sorte de lien posé, une sorte de maturité. Nous savons l’un et l’autre que tout cet équilibre trouvé dans cette distance paisible est ce que nous pouvions faire de mieux pour ne pas nous faire souffrir. Un compromis. Je devrais, je crois, te dire « merci », de l’avoir compris.
Tu me dis à bientôt, dans ton message juste avant de raccrocher. C’est gentil, mais ça n’est pas vrai. Seul l’espace qui nous sépare nous permet de faire ce que nous avons à faire, toi de ton côté avec maman et tes activités et moi, avec ma famille telle que j‘ai voulu qu’elle soit, avec tes petits-fils que tu ne connais pas et cet homme qui est leur père...
Encore bon anniversaire papa, prend soin de toi.
Ta grande fille.
Blue
11:11 Publié dans fragments | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : correspondance, histoire, anniversaire, état d'âme, parcours, partage, humain
22/03/2013
Zucchero
Ce matin j'ai démarré sur les chapeaux de roues. Me suis vétue de noir des pieds à la tête et ai enfilé une jupe longue, un pull souple et moelleux et des bas noirs. Je me sentais femme, femme, female. J'ai alors pris ma voiture et j'ai fait mon trajet quotidien en énergisante compagnie. Zucchero! Oh fatche! J'avais déjà des ailes qui m'étaient poussées dans la nuit mais là, j'ai décollé et suis arrivée à la boutique l'âme élargie comme un grand aigle noir qui déploie ses ailes et y pose son petit pour le soutenir sur son pennage. Il faisait un froid de canard mais j'étais chaude comme un gratin de courgettes sortant du four. Rien n'a entamé l'humeur de ma journée. Pas même la rareté de la clientèle ou sa morosité. Pas non plus les coups de fil répétés de tous mes créanciers ou celui salé à souhait de mon banquier préféré. C'est bon de se sentir ainsi pousser des ailes. C'est un attribut étonnant et renversant. On a le sentiment que tout va être possible, on prend de la hauteur, on jubile. Zucchero ne m'a pas quittée et quand à mon retour quelques huit heures après je l'ai retrouvé, l'humeur intacte mais pourtant fatiguée, j'ai à nouveau entonné à tue-tête avec lui son refrain. Parfois, la vie peut être si énervée...
22:23 Publié dans état d'âme, fragments, Musique | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : musique, état d'âme, zucchero, partage, humain, fantaisie
19/01/2013
chaos
Aristote a dit:"la musique adoucit les moeurs". Elle apporte, c'est vérifié, réconfort et sentiment de sécurité à bon nombre de personne atteintes de la maladie d'Alzheimer. Je n'ai pas encore cette maladie, mais d'après une très ancienne ex petite amie de Pat, c'est ainsi que je devrais finir, elle lit dans les astres et m'a décrit dans le moindre détail ma fin funeste. Autant dire que je ne suis pas pressée! La musique adoucit les moeurs et en l'occurence, cette soirée d'hier en présence de Manu Katche et surtout de Nils Peter Molvaer m'a permis d'oublier pour un temps le fracas de mon coeur.
Avant-hier, en route pour la capitale, c'est pour moi la saison des achats, un hiver en cache un autre, la neige vient de tomber, en boutique je reçois l'été et je m'en vais décider de ce que sera fait l'hiver prochain. Je vis dans une sorte d'absurdité mais c'est la loi du genre, assise chaudement dans la voiture, me faisant délicieusement conduire, rêvassant au dernier passage que je venais de lire de Simone de Beauvoir dans ses lettres à Nelson Algren, je reçois un coup de fil sur mon portable. Alertée vu l'heure tardive, je décroche et j'entends une vois familière, celle de mon fils, haletante et en souffrance: " S'il te plaît, décroche, s'il te plait décroche, maman, mon dieu, faîtes qu'elle décroche...". Choquée, pensant au pire, je lui dit le plus calmement possible: " Je suis là, mon chéri, je suis là, qu'est-ce qu'il t'arrive?". J'avais déjà à ce moment précis l'estomac noué et les palpitaions d'usage d'une mère inquiète.
- Ils sont rentrés dans la maison, ils étaient trois, je n'ai rien pu faire, ils ont cassés la fenêtre du salon, ils ont dévastés la maison, ils m'ont menacés, je...
- Calme-toi mon coeur, calme toi, je suis là, ils sont partis maintenant. Es-tu blessé?
- Non, je n'ai rien, je suis chamboulé, secoué, horrifié, j'ai peur, j'ai peur maman et puis j'ai rien pu faire...
- Raconte-moi , dis-moi doucement ce qui s'est passé. Mais avant ferme les volets, tu te sentiras plus en sécurité. Ils ne vont pas revenir ce soir...
Tout en fermant les volets, Peter me raconte ce qu'il vient de vivre. Le récit est entrecoupé de larmes, de frissons et d'élan de haine aussi. Il est très ému.
Tranquillement installé dans sa chambre au deuxième étage de notre maison située en plein coeur de la ville, il se faisait une joie de passer une soirée tout seul, peinard avec lui et lui-même. Nous étions en route pour Paris et son frère au cinéma avec sa douce amie. Il entend du bruit mais ne s'en inquiète pas outre mesure, il pense que les tourtereaux sont rentrés et font du rangement. Quand même au bout d'un moment, pour s'en assurer, il se met à sortir de sa chambre et tombe nez à nez avec deux gars basanés qu'il ne connaît ni d'Eve ni d'Adam. Là, c'est la panique des deux côtés. Les deux prennent leurs jambes à leur cou, dévalent en courant l'escalier et repartent pa la fenêtre brisée avec deux sacs enflés et le troisième sort de mon bureau, un chandelier à la main avec un " Bâtard, si tu bouges, je te fracasse!" qui cloue mon grand sur place et se sauve. Peter découvre alors les dégâts.
Mis à part la fenêtre du salon brisée, le rideau éventré et la barre à rideau descellée par la force du mouvement d'intrusion forcée, ils ont mangé des bananes dans la cuisine, sans doute pour prendre des forces, ont vidé par terre le contenu du placard sur le palier où je range mes fringues d'été, fouillé gentiment si je puis dire le bureau de mon homme et complètement mis à sac le mien. M'ont pris mon ordi portable, mon apprareil photo, toutes mes bagues qui étaient entreposées dans un pot en ébène africain à côté des mes livres de poésie dans l'étagère au dos de mon bureau. Ma bague de fiançaille, une petite aigue marine sur un jonc en or, la bague que ma belle-maman m'avait confiée qui lui venait de sa grande tante, ces bagues années trente après guerre or blanc platine et diamant, elle y tenait tant et puis d'autres bagues qui m'étaient chères plus par leurs histoires que par leur valeur en soi au marché noir. Quand Peter, après s'être remis de ses émotions deux verres de rhum à la rescousse, m'a envoyé les photos du chantier dans mon bureau, j'ai été prise d'un spasme lourd et profond et j'ai fondu en larmes. Un chaos. Pas d'autre mot. Jonchent sur le sol pêle-mêle tous mes papiers, mes vers, mes billets doux, toutes les petites attentions que je conserve minutieusement et que je relis et retrouve quand j'ai le coeur trop lourd. Tous mes tiroirs vidés, mes étagères retournées, ma vie piétinée.
- Tu appelles Police Secours, ok! Et tu me rappelles dans la foulée. On va continuer à se parler jusqu'au retour de ton frère. Encvoie-lui un texto, qu'il ne soit pas surpris par le chambardement en entrant et Trouve une solution pour calfeutrer la fenêtre, il fait un froid de canard ce soir.
- Ok, maman! Je n'ai rien pu faire , tu sais...
- Tu as fait beaucoup, mon grand. Va sovoir s'il n'y avait eu personne dans la maison ce qu'auraient été les dégâts. Tu peux être fier de toi, ça va ?
- Merci maman, ça va , ça va. J'appelle les flics et te rappelle.
Les "Police secours" ont été très sympa. Ils l'ont valorisé en insistant sur le fait qu'il avait mis en fuite les trois voleurs, qu'il avait bien réagi en restant courtois et puis ils sont passés à la maison le rassurer. Rien de tel que d'agir dans ces moments là. Son frère est rentré, ils ont fait une nuit blanche. C'est violent en crisse une telle expérience.
11:17 Publié dans art de vivre, écriture, fragments, histoires et faits divers | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : tranche de vie, expérience, violence, écriture, partage, humain
28/05/2012
En direct de Dijon
Mon escapade se termine, dommage, j'eusse aimé qu'elle dure davantage. J'étais bien loin de tout ce qui fait mon quotidien et plus près du coup de ce qui m'est nécessaire: la fluidité, la tranquillité, la nonchalance de l'existence, l'absence de téléphone, l'absence d'obligations, de tracas, d'allant à l'autre. Juste soi à respecter, à s'occuper, à entendre. J'ai adoré. Adoré n'avoir qu'à penser, lire et manger. Adoré revoir mes vieux amis de Provence avec qui j'ai une fois de plus devisé jusqu'au bout de la nuit, bu, ripaillé, jasé et réfléchi. Rêver de ballades au Maroc dont ils sont tous les deux des enfants, reparler du temps de quand on était plus jeunes, plus fougueux, plus imbéciles aussi. Le temps passe sur nous et nous insufle ses apprentissages douloureux et salvateurs. On s'endurcit et on s'assouplit, drôle de mélange, drôle d'alchimie que l'expérimentation de la vie. Continuer de faire des projets et constuire des châteaux en Espagne même si les uns et les autres on n'est plus depuis peu des Don Quichotte en feu. Avant-hier soir j'ai effleuré le tapis rouge de Cannes sous la pluie et puis j'ai fini la soirée dans un petit bistrot dans la vieille ville plein de charme et d'accents chantants. Les discussions autour du pastaga ont la même nature qu'autour d'une bière, partout où que ce soit, l'individu se pose les mêmes questions et a les mêmes semblants de réponse, pourtant sous le soleil, c'est différent, la manière de dire a une autre couleur. "Tsé, Marcel, c'est qu'elle ne m'aime plus la Ginette, elle veut partir avec plus jeune, qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire peuchère pour la retenir, j'ai qu'elle!". L'amour, l'amour, le nerf de la guerre.
Je suis à Dijon, dans ma famille d'adoption, chez ma soeur de coeur, son mari, ses trois petits. Il fait grand soleil, on a gonflé la piscine pour que la jeune classe s'ébroue et lâche son énergie. Elle jardine, il fait le sieste, mon homme aussi. Je croyais avoir oublié comment pouvez être des enfants de 4, 8 et 10 ans. Les miens maintenant sont grands mais les gestes reviennent vite, comme le vélo, ça s'oublie pas. Je sais que c'est pas la peine de s"énerver, j'ai appris ça avec le temps. Vieillir, ça se fait sans qu'on s'en rende compte imperceptiblement. Je me sens bien. Pendant un moment l'esprit cherche à mettre de l'ordre, petit à petit les pièces du puzzle s'installent et puis un jour se produit le déclic, l'engrenage fonctionne, on est fin prêt pour l'étape d'après. Encore quelques heures de répit avant de retourner à ma vie active, au grand théâtre de ma vie. J'ai trop attendu pour prendre le large, prendre ce recul qui permet de retrouver sa quintessence, ce pourquoi on est fait. Faut se méfier du chant de sirènes, des chemins de traverse. En même temps faut bien se mouiller. J'ai pas de remords, j'ai quelques regrets mais j'ai toujours en moi l'essentiel, ma botte secrète quoiqu'il puisse arriver, j'ai foi dans la vie et foi dans l'amitié et ça, je ne suis pas prête de l'abandonner.
Suis bien heureuse de vous retrouver...
17:43 Publié dans écriture, fragments, pensée du moment | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pensée du moment, vie, amitié, amour, partance, rencontre, foi, échange, humain
03/05/2012
Grand-papa
Grand-papa a été un grand homme, droit comme l'épée d'un roi. Petits, mes garçons l'appelaient "Gros-papa", il faut dire que c'était plutôt un bon vivant au bon coup de fourchette, toujours soucieux du bien-être des gens qu'il aimait, généreux, convivial, ouvert, un excellent grand-père. Un sacré père aussi, les liens qui l'unissaient à ses fils ont toujours été denses et sincères et ceux qu'il a entretenu avec sa fille qu'il chérissait, à son image, protecteurs et aimants. Ses amis adoraient son enthousiasme et tout le monde a profité largement de son humour, de son immense gentillesse et de son féroce appétit de vivre. Il a toujours été là pour chacun d'entre nous. Me concernant, grand-papa a été un beau-papa formidable. Il m'a accueillie telle que j'étais et m'a toujours encouragée à devenir celle que je suis. Il m'a accordé sa confiance et son estime, précieux cadeaux pour quelqu'un qui en avait cruellement manqué, il a toujours porté un regard bienveillant sur ma façon d'être femme et celle d'être mère. Je l'ai beaucoup aimé. Je vois encore la toute première fois où je l'ai rencontré, comme il m'a impressionnée! Fier, père de famille respecté, drôle, il en imposait mais avec toujours une sorte de douceur dans sa manière d'être, cette sensibilité qui le caractérisait. Il fallait voir avec quel entrain il nous emmenait tous manger un couscous, son plat préféré qui lui rappelait son enfance en Algérie et comment il était touchant quand dans nos virées parisiennes il nous montrait les ponts qu'il avait construit sur la Seine avec toutes les histoires pour chacun d'eux. Il aimait ça les histoires tout comme il aimait les voyages et les autres horizons et puis les fleurs, les plantes et les odeurs. Un homme merveillleux vient de nous quitter et nous nous retrouvons d'un seul coup tous comme orphelins. Néanmoins je sais que ce qu'il nous as transmis est à jamais gravé et qu'ainsi il vivra en nous pour l'éternité. Requiescat in Pace.
19:13 Publié dans art de vivre, fragments | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : pierre natier, grand-papa, famille, sensibilité, rencontre, décès, partage, humain
15/06/2011
Une extraordinaire journée ordinaire (soir)
J'ai des idées dans la tête et je fais ce que j'ai envie
Je t'emmène faire le tour de ma drôle de vie
Je te verrais tous les jours...
Si je te pose des questions,
Qu'est-ce que tu diras?
Et si je te réponds,
Qu'est-ce que tu diras?
Si on parle d'amour,
Qu'est-ce que tu diras ?
Si je sais que tu mènes la vie que tu aimes au fond de moi,
Me donne tous tes emblèmes, me touche quand même du bout de ses doigts,
Même si tu as des problèmes, tu sais que je t'aime, ça t'aidera,
Laisse les autres totems, tes drôles de poèmes, et viens avec moi
On est partis tous les deux pour une drôle de vie
On est toujours amoureux et on fait ce qu'on a envie
Tu as sûrement fait le tour de ma drôle de vie
Je te demanderai toujours...
Si je te pose des questions,
Qu'est-ce que tu diras?
Et si je te réponds,
Qu'est-ce que tu diras?
Si on parle d'amour,
Qu'est-ce que tu diras ?
Si je sais que tu mènes la vie que tu aimes au fond de moi,
Me donne tous tes emblèmes, me touche quand même du bout de ses doigts,
Même si tu as des problèmes, tu sais que je t'aime, ça t'aidera,
Laisse les autres totems, tes drôles de poèmes, et viens avec moi..."
19:10 Publié dans art de vivre, fragments | Lien permanent | Commentaires (33) | Tags : histoire de vie, christian mistral, fragments, écriture, partage, humain
Une extraordinaire journée ordinaire (midi)
08:01 Publié dans art de vivre, fragments | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : art de vivre, fragment écriture, journée, partage, humain
14/06/2011
Une extraordinaire journée ordinaire (matin)
13:05 Publié dans art de vivre, fragments | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : art de vivre, fragments, écriture, journée, partage, humain
07/02/2011
regard
Combien de temps m'a-t-il fallu pour regarder un sexe d'homme droit dans les yeux, d'égal à égal?
Et pourquoi est-ce encore si difficile pour moi... parfois?
00:55 Publié dans fragments | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : sexe, avancée, regard, question relation, humain
14/01/2011
flash back
J'étais au restaurant juste en face de l'endroit où je sévis six jours sur sept, il devait être à peu de minutes près treize heures. C'est rare que je me pose pour le déjeuner mais là j'en avais franchement besoin, exténuée par la masse de travail abattu la veille et le matin même. Je me suis assise lourdement devant le feu à gaz craignant même que les flammes n'emportent ma tignasse, il faut dire que c'est assez étonnant ce petit feu en hauteur qu'a installé dans son espace mon auvergnat d'en face que je connais maintenant depuis plus de vingt ans; on a ouvert ensemble nos espaces respectifs mais on est toujours restés assez distants, ce n'est pas un grand bavard ni un grand affectif, quoique depuis quelques années je trouve qu'il s'assouplit, sans doute depuis qu'il est devenu papa, je ne sais pas, mais je pense que d'être père peut permettre à un homme de laisser un peu plus son coeur prendre la relève et lui ouvrir les portes de sa sensibilité, lui permettre de l'exprimer, du moins pour certains êtres qui sont comme çà un peu tendus renfermés sur eux-mêmes...
Juste à la petite table d'à côté, justement un père était attablé avec sa petite fille, elle devait avoir environ sept ans, elle était trop mignonne avec ses petites tresses châtaignes et ses petites boots fourrées. Elle regardait son père avec des grands yeux, il était particulièrement doux et tendre avec elle, souriant, lui racontant des tas de choses, s'intéressant à ce qu'elle aimait, ce qu'elle désirait, ce qu'elle vivait, ce qu'elle voulait manger..."Des frites et du jambon, j'aime ça les frites et le jambon!", Quelle excellente idée! J'étais tellement occupée avec ma fatigue et mes soucis du jour que je n'ai pas venu venir tout de suite les remontées qui imprégnaient doucement mon cerveau, pourtant habituellement je suis plus vigilante, mais là, je n'ai pas tout de suite prêté attention à ce que produisait sur moi cette jolie et proche scénette et j'ai commandé une bière, une blanche de Brugges c'est celle que je préfère!
En buvant tranquillement perdue dans mes pensées, j'ai eu d'un seul coup comme une affluence dans la gorge, des sanglots étouffés empêchaient le liquide mousseux de s'écouler normalement jusqu'à mon oesophage et je fus prise d'une sorte d'étranglement vraiment incontrôlable! J'ai eu d'un coup d'un seul une remontée d'images; cette petite fille que j'entendais dire à son papa " J'ai pas mon cahier d'images, celui pour dessiner...", moi au même âge... Je repensais soudain à mes petits carnets, ce que j'écrivais à l'époque, ces petits journaux intimes bourrés de mots, de dessins, de photos. Tous ces petits morceaux de moi, de mon passé, de mon petit coeur de petite fille que papa et maman, plus de dix ans après, ont jeté au feu cruellement sans me demander ce que je voulais bien en faire, sans savoir une fois de plus ce qu'ils faisaient. Double blessure de l'intime, corps et esprit, ils m'avaient presque tout pris, ils avaient tout atteint!
J'ai ravalé mes sanglots muets d'enfant d'alors, j'ai fini ma bière, en ai repris une autre, je n'ai pas opté pour le jambon-frites, j'avais commandé en arrivant le plat du jour, un coq au vin qui n'était pas loin de me rappeler celui que faisait ma mère. Et je me suis redis une fois de plus que ce beau gâchis de l'époque toute cette engeance tout cette souffrance tout ce merdier faisaient décidément partis intégrante de moi et que c'était chouette de voir d'autres possibles, que ça me faisait chaud au coeur de savoir qu'une petite fille pouvait ainsi être aimée et respectée par son père, je crois d'ailleurs qu'à ce moment là je lui ai souri et qu'un flot de tendresse et de reconnaissance m'a emplie d'air la tête et de douceur l'âme. J'ai fini allègrement mon repas et suis repartie bien plus légère que je n'étais entrée tout en leur souhaitant une bien belle journée. Si je ne m'étais pas retenue, je les aurais, tous les deux, volontiers embrassés!
13:26 Publié dans art de vivre, fragments | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : art de vire, fragment, souvenir, famille, intime, blessure, humain
09/01/2011
arrêt sur image
La libido en berne
Je me traîne
Dans les méandres de la trace
Qu'il a plantée en moi.
Tenace.
Vorace.
Papa!
10:20 Publié dans état d'âme, fragments, poésie | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : état d'âme, état des lieux, inceste, blessure, mémoire, famille, poésie, humain
19/11/2010
Murs
- Murs - de Constantin Cavafis -
(Musique extrait "Ascenseur pour l'échafaud" de Miles Davis- Montage Barner - Voix Blue)
J'ai plus que rarement parlé avec mon père, d'abord parce qu'il n'aimait pas ça et m'envoyait toujours bouler en touche vers ma mère quand je tentais une approche et puis aussi parce qu'on n'était et ne pouvait jamais être d'accord, ce qui dans son système de valeur est plus qu'insupportable. La seule véritable discussion que nous ayons pu avoir remonte à plus d'une quinzaine d'années, il avait même pris pour l'occasion rendez-vous avec moi, ça m'avait fait tout drôle, il me traitait finalement comme une de ces affaires, comme un dossier, un problème à résoudre, ce que je ne manquais pas d'être alors à dire ce qu'il ne fallait pas dire et à chercher à comprendre et à en sortir. J'ai retenu de cet entretien étrange, trois petites phrases de lui, il faisait dans le court en matière de verbe comme en matière d'affect: "va pas fouiller", "faut dépasser son passé" et "un mur se présente devant moi, je le défonce"... A la première injonction, utilisant la même technique, je me souviens avoir répondu "trop tard"... à la seconde, " le passé! je crois qu'il faut le faire sien"... et à la troisième, "je n'aime pas la technique, je préfère démonter le mur pierre par pierre, brique par brique, pour bien arriver à comprendre comment il s'est construit, et puis on ne sait jamais c'est peut-être bien un mur porteur, j'ai pas trop envie, tu vois que tout s'écroule et me reste dans les doigts, c'est que je tiens à en sortir indemne, je suis kamikaze certes mais pas complètement cinglée!". Le silence entre nous s'est vite réinstallé et juste avant de me dire au revoir en pensant adieu, il m'a lâché un "tu vas le regretter, tu ferais mieux de prier et de demander l'aide de là-haut", ce à quoi je n'ai pu manqué de réagir, "c'est plus de la tienne dont j'aurais eu besoin, là, ici, que tu puisses pour une fois dans ta vie donner à ta fille ce dont elle a besoin, je sais je vais souffrir mais pas beaucoup plus qu'hier et sans doute beaucoup moins, nous n'avons pas la même façon de voir ni d'opérer, ni d'agir, papa, ce n'est pas un scoop ni pour toi, ni pour moi, je ne t'apprends rien là, je reste une possédée à tes yeux et pour moi tu es toujours une énigme, c'est plus qu'un mur qui nous sépare, c'est une enceinte, des murailles, va, tu vas bien mieux vivre sans moi... et de mon côté, j'ai du pain sur la planche, pour défaire ce que tu as bétonné à outrance pour que ça ne sorte pas. Vois-tu, je n'y peux rien, c'est inéluctable, j'ai encore tant à faire dehors, tant à donner et tant à apprendre. Peut-être qu'on aura avant que l'un de nous se retrouve au cimetière l'occasion de pouvoir en reparler, peut-être aussi que non, que je n'en aurais même plus l'envie, ni le besoin, ni les mots pour me dire à toi... mais rien ni toi, ni personne d'ailleurs ne m'empêchera de faire ce que j'ai à faire et comme je sens qu'il faut que je le fasse, c'est comme ça." Là j'esquisse un sourire, car je me rappelle soudain que quand j'étais petite fille et que je lui posais une question parfois bête pour comprendre les choses, il répondait toujours "c'est comme ça, c'est pas autrement!", et me disait aussi "quelle têtue de bourrique tu fais!" finalement, au secours, je lui ressemble un peu, on se rejoint sur un point, pas question de lâcher l'affaire, m'aurait-il transmis sa ténacité? Peut-être mais on ne la met pas lui et moi au même service, lui il tente de plus en plus d'enterrer ce qu'il ne peut pas voir et se flagelle sans savoir ce qu'il a fait, et moi, je m'ouvre à la lumière et à la conscience de mes actes et de ma vie tout entière... Nos chemins ne sont pas près de se croiser et probable que c'est mieux ainsi, parce ce que j'y vois n'est pas joli, joli et pas facile à digérer non plus pourtant ça se fera, je sais, et je pourrais alors oublier et l'exonérer de ce qu'il a fait et... de ce qu'il n'a pas su faire, juste être mon père.
21:23 Publié dans état d'âme, fragments, poésie, réflexion | Lien permanent | Commentaires (27) | Tags : filiation, famille, relation, poésie, musique, photographie, émotion, rencontre, découverte, partage, art, état d'âme, humain
13/08/2010
demande d'amis
Maman m’a fait sa demande d'amis sur ma page facebook, non pas que j’y aille vraiment assidûment mais c’est comme ici un espace d’un peu de moi, en première réaction j’ai déconnecté mon compte, une réaction reflexe face à ce que j’ai d’abord vécu comme un effet boomerang, me revenait alors des images que j’ai mis longtemps à comprendre et à digérer d’elle lisant mes courriers et mes journaux intimes, ce qu’elle faisait en toute impunité. Et puis j’ai réfléchi, j’ai refusé sa demande, j’ai écrit ceci qu’elle lira un jour peut-être si cela doit se faire, et j’ai reconnecté mon compte et retrouvé mes amis.
Le plus terrible dans l’inceste c’est l’absence de frontières, ton corps d’enfant ne t’appartient pas et n’est pas identifié comme tel, pas validé; ton âme toute neuve et friande d’apprendre et d’éprouver n’est qu’un jouet dont se servent à loisir les personnes de référence sachant bien qu’il te faut l’affect pour être en vie; tu ne sais où tu es tu ne sais qui tu es tu n’as aucune conscience de ta géographie, au fond bien malgré toi tu n’existes pas toi-même et longtemps tu traînes cette marque aux fers ancrée au plus profond du profond de ta chair.
Tu n’as pas d’intime tu n’as pas de chez toi tu es à tous et à toutes et du coup à personne, mais plus tard tu grandis tu cherches tu construis un radeau qui t’emporte plus loin vers d’autres rives vers cette voie enfin qui te donne naissance et tu t’offres à toi-même ce qu’on a toujours refusé, du respect de l’amour de la reconnaissance et plus que tout tu fuis d’un réflexe viscéral toute forme d’ingérence de violence d’injustice quel que soit l’habit dont elles se parent souvent.
Il reste bien sûr toujours latentes les cicatrices que les protagonistes peuvent réveiller facile même si tu te protèges depuis ton édifice il reste que tu le veuilles ou non au fond de tes entrailles cette filiation ce lien cette demande affective.
Quand elle a voulu franchir la ligne de cette frontière construite avec le temps de bouts de mes neurones et de chaque particule de ma peau de mon sang de mes tripes de femme mûre de mère et d’amante, elle a bien failli une fois de plus m’atteindre et j’ai dans un sursaut refermé la coquille pour mieux me retrouver et une fois de plus faire face. Elle a toujours été la pieuvre dominante, la mère maquerelle offrant ses enfants en pâture, elle n’en sait même rien elle–même mais continue, pourquoi diable ferait-elle autrement ce qu’elle a toujours fait, inlassablement elle ignore la vérité de ceux qu’elle a engendrés de ceux qu’elle a mis au monde et cruellement continue de payer sur l’autel de l’immonde son tribut à la grande névrose familiale dont elle est le pion maître.
Je n’ai plus à me battre maintenant je suis mienne mais j’ai encore au fond de ces peurs ancestrales qui m’inhibent et me freinent, me tétanisent même bien plus que je ne veux l’admettre et le croire. Alors j’écris, j’écris et j’écrirai encore jusqu’au bout de mes nuits jusqu’au bout de ma vie pour ne pas perdre tout ce que j’ai repris ne pas oublier tout ce que j’ai appris ne pas revenir ne pas retremper ne pas re goûter à l’amer et surtout ne pas attendre un quelconque geste vers celle que je suis. Leur monde sans frontière est un monde sans cadre un monde sans amour un monde sans espoir un monde où l’individu na pas de place car il est à tous et jamais à lui-même.
Non, maman, je ne peux t’accepter dans ma liste d’amis, elle n’est pas très longue mais elle est toute ma vie et tu ne peux avoir une place au milieu de celle-ci tu ne peux avoir une place au milieu de ceux que j’aime de ceux que je respecte de ceux que je découvre de ceux avec qui je peux être moi-même, toi, tu es ailleurs dans ma carte du monde, dans un endroit clos où parfois je passe quand j’en ai la force ou le désir brûlant d’avoir des réponses et de donner un sens et d’espérer encore malgré toutes ces années un peu de ta tendresse même si au fond je sais qu’elle est empoisonnée.
Il est long le chemin pour se désintoxiquer pour se défaire d’une drogue à laquelle on s’est nourri pendant de longues années, long le chemin pour se permettre d’être et de dire ce qui doit être dit et de dire sa propre vérité. Je m’y emploie chaque jour en espérant que ce soit le dernier tout en sachant que je ne peux baisser la garde, chaque jour à séparer le bon grain de l’ivraie, chaque jour pour devenir un petit peu plus humaine, un petit peu plus vraie.
Tu as fait du mieux que tu as pu, je n’en ai aucun doute, mais arrête-toi là et laisse-moi donc vivre tranquille entourée des miens et de ceux avec qui je partage l’essentiel l’affectif le réel. Je te refuse, maman dans ma liste d’amis, je refuse à nouveau de rentrer dans ton monde dans cette vision que tu as de l’Amour, et dans cette vision que tu as du Pardon dans cette vision mortifère et mortificatoire que tu as de la Vie.
Que viens-tu donc chercher dans les pages de la mienne, restons-en là veux-tu chacun à sa frontière avec ces quelques moments d’échange à la longue cuillère, c’est tout ce que je peux t’offrir pour le moment, c’est le mieux dans l’instant que je puisse faire pour celle que je suis devenue, pour cette petite fille qui vibre au fond de moi et qui compte sur mon aide, pour celle qui est loin de celle que tu voudrais que je sois ou que tu penses encore à force de cécité que je semblais être.
Le plus terrible dans l‘inceste c’est l’absence des repères, ceux qui doivent te protéger t’agressent, ceux qui doivent t’apprendre te détruisent ceux qui doivent t’aimer t’utilisent ceux qui doivent te respecter t’abîment ceux qui doivent te donner vie et confiance te tuent.
Le plus terrible du plus terrible c’est qu’ils n’en savent rien, qu’ils ne s’en rendent pas compte n’étant pas eux-mêmes maîtres d’eux-mêmes manipulés par leur propre destin. C’est une histoire sans fin si on n’en coupe pas la chaîne, c’est une histoire sans fin sans frontières sans repères sans cadre sans plan, un roman de misère où les victimes les morts les bourreaux les parents sont finalement tous des enfants en souffrance, mais c’est toujours celui qui arrive le dernier qui prend en charge tout ce que les autres n’ont pas pu voir pas pu entendre pas pu ressentir pas pu exprimer.
Voilà, maman ce que j’avais à te dire et pourquoi je te garde à une certaine distance, nous ne pouvons faire ce chemin ensemble que si enfin tu comprends que cette frontière m’est nécessaire, car comme tu ne le sais pas elle me protège de ta folie que tu as faite mienne, elle me protège de la mort de celle que je suis.
09:39 Publié dans fragments | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : fragments, psychologie, inceste, facebook, amour, humain, histoire, enfance, réflexion
15/07/2010
lettre à ma mère
Maman,
Les années passent et je ne peux toujours pas t'appeler chère maman, je crains d'ailleurs que cela me reste impossible à mon grand regret.
Je t'ai haï, maman, j'ai haï te haïr, j'ai même eu très peur d'éprouver cette émotion avec autant d'intensité, de violence, d'évidence aussi. J'ai eu très peur de devenir monstrueuse et meurtrière tant la puissance de feu de ce sentiment nouveau pour moi à l'époque, il y a de ça plus de dix ans maintenant, m'a terrassée et m'a crucifiée de douleur.
Nous avions pas mal de différents et ça depuis un moment, ça faisait pas mal de temps qu'on ne pouvait plus se parler ni s'entendre ni même s'approcher tant la blessure était grande. Tu n'as jamais supporté cette vérité qui est la mienne, tu ne le peux davantage aujourd'hui mais cela n'a plus la même importance dorénavant, j'ai fait ce que j'avais à faire pour sauver ma peau et celle de mes fils, devenir ma propre mère; néanmoins je ne peux m'empêcher de penser souvent à ce moment précis de ma vie, ce moment où j'ai finalement tué ma mère, tué ma maman idéalisée, tué celle que j'aurais voulu et eu besoin que tu sois, ce jour où j'ai fait sauter pour de bon ce verrou "amnésiant" et aliénant qui aurait pu me rendre vraiment folle pour de bon, ce moment précis de ma vie où j'ai hurlé et craché du fond de mes entrailles: " maman je te hais". J'ai vraiment eu peur des mots, moi qui ne les craignais guère, peur de leur intensité peur de leur influence peur de la vérité de l'horreur dans laquelle tu m'avais plongé depuis ma naissance.
Maintenant je l'ai bu jusqu'à la lie cette haine, j'ai même compris qu'elle pouvait revêtir les mêmes atours que l'amour, s'infiltrer dans les mêmes voies les mêmes canaux, "l'ahour" devrais-je dire, car après l'avoir ressenti si profondément dans toutes les fibres et méandres de mon être, elle s'en est allée pour faire place au véritable amour, pas pour toi maman, cela me sera toujours probablement difficile j'éprouve à ton égard plutôt une sorte de compassion, non, je te parle de l'amour tout court, l'amour de la vie, l'amour de l'amour, l'amour de l'art, l'amour de l'autre, de mon corps, de mon sexe, de la femme que je suis devenue, l'amour de l'homme, du masculin, de l'alter ego et l'amour de mes enfants, l'amour de mes enfants de la maternité de la famille. Car vois-tu, ce qu'il y a de plus douloureux pour moi et qui le reste encore, ce n'est pas tant que tu n'aies jamais pu m'aimer que celui que tu ne m'aies pas permis de le faire.
J'ai bien essayé d'y tendre, oh oui, de toute la force dont j'étais capable, je me suis écartelée jusqu'au presque point de rupture pour éprouver exprimer partager cet amour auquel je n'avais pas accès, et ça n'est qu'en le découvrant, qu'en débloquant la source en déverrouillant le passage que j'ai mesuré à quel point j'étais loin de la réalité.
Vivre l'amour est bien plus intense bien plus stupéfiant de beauté et de simplicité, bien plus nourissant que ce que je n'imaginais.
Tard, mais pas trop tard je l'espère, quoique certains jours j'en doute et que cela me désespère, tard mais pas trop tard j'ai pu l'offrir en cascade à mes fils déjà grands et qui me l'ont rendu au centuple eux-mêmes soulagés de cette libération tant attendue.
Si tu savais, maman, à quel point tout cela endommage, à quel point tout cela t'a toi-même endommagée et à quel point on renoue avec soi-même en explorant ce chemin de la vérité et de l'épreuve, ce chemin que tu as toujours redouté et comme je peux le comprendre, tu t'autoriserais à ton tour cette haine en amont, qui, une fois sortie de soi ouvre la porte à la vie même dans toute sa quintessence.
Take care, maman.
Ta fille
15:19 Publié dans fragments | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : fragments, enfance, écriture, maman, émotion, filiation, humain
19/06/2010
du Hyde en moi
J'ai été folle et pour cause, mon psy à l'époque il y a de ça un bail me l'a confirmé plus d'une fois, il me semble d'ailleurs parfois l'être encore, la frontière est si mince... Je le sais pour l'avoir vécu et en avoir souffert que ce n'est pas des plus commodes ni des plus confortables ni vraiment enthousiasmant que de vivre avec un dédoublement de personnalité!
Rien de plus difficile à mon sens que cette dualité, que de sentir qu'une partie de vous vous échappe complétement, rien de plus éprouvant que de se retrouver hagarde le matin ne sachant plus ce qui a bien pu se passer la veille à cette soirée à ce dîner devant ce film, rien de plus douloureux que de ne pas être là quand l'homme de votre vie vous fait l'amour passionément et qu'alors c'est un autre monde qui s'ouvre béant peuplé de fantômes de personnages bibliques de roi vous offrant en pâture à son meilleur garde ou à son invité de marque de dîners fins où vous êtes apportée comme mets sur un plateau doré à une tablée de convives assoiffés buvant à votre figue et se rassasiant l'un aprés l'autre de votre corps livré, rien de plus effrayant que de pas pouvoir aimer ce corps et en profiter librement et de ne pouvoir s'appartenir toute entière, rien de plus cruel de ne pouvoir aimer vraiment pas même ses enfants...
Il y a, il y a eu du Hyde en moi, je n'ai pas voulu ça et n'ai voulu que m'en dépatouiller, l'apprivoiser le comprendre... Et c'est tout un parcours de vie, un chemin du combattant que d'être à part entière pour moi, un chemin qui en vaut la peine en tout cas, un émerveillement de chaque instant!
09:55 Publié dans fragments | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : folie, psychologie, cheminement, vie, témoignage, amour, fantasme, humain
27/03/2010
Forsythia
C'était plus fort que moi, cette floraison jaune et présage de printemps m'y ramenait inexorablement. J'ai mis des années à comprendre le rejet irrévocable de cette fleur annonciatrice de beaux jours et de lumière qui ne m'inspirait qu'ombre et sombres pensées. Je reste encore aujourd'hui stupéfaite de l'impact d'une image gravée au fond de l'inconscient, tout comme certaines odeurs d'ailleurs, ces sortes de madeleines empoisonnées. Et pourtant c'est un jour comme aujourd'hui que l'explication a jailli, en laissant mon regard baguenauder alentour, un jour comme ce matin tout pareil la nature de l'émotion revenant en boomerang, intacte: il y en avait UN, énorme à la porte d'entrée de la maison abritant les dix premières années de mon existence, un gros forsythia vigoureux et florifère qui chaque année annonçait la montée de séve et donc dans la foulée la demande plus gourmande des protagonistes qui ont tourmenté, traumatisé mon enfance, ce jaune là pétant de vie me donnait du gris mortifère à l'âme, du moins tant que le fantôme de l'inceste était là... Maintenant je ne tremble plus à l'évoquer, voire même le voir...
16:08 Publié dans fragments | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : enfance, souvenir, mémoire, état d'âme, psychologie, humain
07/03/2010
Pyrograve
A dire vrai pourtant gravé dans ma mémoire je n'y accédais pas d'emblée, l'évocation de pyrogravure dans un blog ami m'y a ramenée pourtant, l'effet boomerang... Au lycée, en cinquième j'ai souvenir d'une vaste cour plantée de modules préfabriqués à côté du bâtiment 19 ème, goudronnée austère mais vallonnée par ailleurs, j'y ai fait mes premiers gadins en skate! J'adorais ça, pyrograver, c'était au cours d'arts plastiques appliqués. J'aimais l'odeur du cramé dans le bois, j'aimais l'idée de la trace indéfectible, j'aimais y faire des arabesques et des phrases de style en lettres gothiques chiadées, j'y mettais tout mon coeur! Mais, oh ces "mais" qui ont tant ponctués ma jeunesse éprise de romantisme et d'éperdu, le prof, Père, de son état au sens religieux, m'avait prise en charité, grave, avec le recul et la lucidité acquise avec le temps et les dents, cela ne me paraît pas si étonnant mais sur le moment complètement. Je voulais absolument finir, la scène m'apparaît si clairement que j'en ai peur moi-même, finir disais-je une planchette bourrée de mots d'espoir et d'amour pour maman à l'occasion de la fête des mères, j'ai oublié la phrase si importante pour moi à graver dans la fibre de l'arbre, je voulais peaufiner et j'avais obtenu l'autorisation de venir en dehors des heures de cours sous la tutelle de mon professeur, ça va sans dire douze ans c'est pas grand pour une petite. Il m'a coûté cher cet extra, le bougre avait la main baladeuse plutôt en dessous du nombril et plutôt dans la culotte des filles, j'ai pourtant résister mais pas suffisamment, j'avais été à bonne école et je savais me laisser faire et lui le savait aussi, comment... il a dû le sentir sans doute comme tout bon chasseur. Sauf que je n'ai plus voulu y retourner et que cela a levé des inquiétudes, j'étais plutôt du genre qui roule, j'avais changé aprés, et toute l'affaire est sortie à grand bruit, la prof de science Nat s'en est mêlée, j'étais pas la première sauf que j'étais la première à avoir boycotté le cours de travaux manuels et puis ils ont étouffé l'affaire, on était chez les curés quand même!
Depuis, je n'ai plus jamais pyrogravé.
00:07 Publié dans fragments | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : mémoire, enfance, passé, histoire