Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/03/2013

Drôle de Dimanche

Réveil normal, tôt, amical. Rien ne semblait pouvoir ombrer cette journée froide et humide dehors mais chaude et chaleureuse dedans. Poulet-purée habituel. Discussion et échange en famille aussi. On décide de voir un film. " La taupe", le film de Thomas Alfredson. Le matin entre le thé et le déjeuner j'avais été remuée par un documentaire sur Yves Saint Laurent et Pierre Bergé que Pat m'avait enregistré, me suis pas méfiée! Quand la Taupe est arrivée, j'ai fait un malaise, submergée. Saleté d'inconscient. Bon, pas de panique, je connais la chose, quand elle veut s'exprimer elle n'a pas d'heure. Me suis couchée. Me suis réveillée trois heures après, la langue pâteuse et surtout les idées grisées. Et plein d'options dans la tête! Un dialogue intérieur, une sorte de mal être, toujours ces vieux démons qui hantent mon esprit et puis aussi ces questions lancinantes: c'est quoi tout ce tremblement, qu'est-ce que je fous, à quoi je sers, suis-je vraiment aimable, aimée? C'est idiot. Je le suis. Mais j'en doute. Parce que je doute de ce que je suis. Je sais, ça commence à bien faire, ça fait quatre années que je dis ça ici, que je cherche, que je creuse, que j'escamote. Mais bon, c'est comme ça. Je tiens le bon bout mais un élastique m'empêche de vraiment couper le cordon. J'ai mis au monde trois beaux gars, magnifiques et denses. Je vis avec et tout contre un homme fabuleux. J'ai des amis formidables, des amours, je me réalise peu à peu, une sorte de course à l'échalotte! Je veux vivre ma vie, la vie telle qu'elle m'est donnée à fond, jusqu'au bout. J'ai besoin d'oeuvrer. De dire. D'écrire. Je ne suis pas poète mais j'y suis sensible...

"Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême Savant ! - Car il arrive à l'inconnu ! - Puisqu'il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu'aucun ! Il arrive à l'inconnu ; et quand, affolé, il finirait par perdre l'intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu'il crêve dans son bondissement par les choses inouïes et innommables : viendront d'autres horribles travailleurs; ils commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé!"

- Lettre du voyant - Arthur Rimbaud -

 

07/03/2013

Little Girl Blue

 

Je viens de lire le texte d'Anne et je suis toute retournée. Maman! J'écoute Nina Simone, je lis sur elle, et je tombe sur sa toute première chanson. My god! Je n'arrive plus à en vouloir à ma mère, tant mieux, mais je lui en ai voulu profond, intense, haineux. C'est ma maman et c'est tout le problème. Quand on peut penser qu'elle n'a pas compris, pas voulu, pas initié ces choses terribles, c'est plus facile mais quand on l'a toujours en ligne de mire, qu'elle n'a rien fait pour nous faire éviter le pire voire pire encore qu'elle l'a provoqué, c'est un petit peu plus compliqué. Je le regrette, pour elle, pour moi et pour notre relation qui n'arrive pas à s'ancrer dans nos réalités et nos cartes du monde si éloignées.

 

art africain

MAHAFALI 011.jpg

- Photo Galerie Alain Lecomte -

 

Je partage deux choses avec mon ami Alain Lecomte, l'amour du jazz (c'est un fin connaisseur et un engrangeur de disques vinyls, il adore les pochettes) et une passion sans borne pour l'art africain. Lui en connaît un rayon, il est même devenu expert en la matière et sa galerie à Paris est bourrée de mystères, d'objets étonnants à la beauté rare. Avant qu'il n'ait ouvert cet espace pour donner libre court à sa passion, nous nous sommes beaucoup vu et avons beaucoup échangé. J'étais complètement ignare sur cet art mais d'une façon irrésistible et viscérale j'étais attirée par lui. Quand j'ai rencontré Alain (un jour il a poussé la porte de ma boutique, j'en ai déjà parlé ici) le courant est vite passé. Quelques objets l'avaient séduits, une poupée Ashanti et aussi une échelle Dogon, au fond du magasin. Il est entré en relation avec moi très directement, me demandant ce que j'aimais dans cet objet. Je me souviens bien, sa question m'avait scotchée parce que je ne l'étais jamais posée! J'aimais cette échelle pour son aspect brut et sculpurale et pour sa texture aussi, un bois de fer patiné par le temps, poli d'un côté et écorce de l'autre. Un objet puissant. J'avais aussi à l'époque près du comptoir, une chaise Baoulé et un tabouret Ashanti considéré comme un symbole de prestige sur lequel j'aimais m'asseoir (je l'ai toujours d'ailleurs mais il a émigré chez moi et c'est toujours vers lui que je me pose quand je reçois des amis). Et là cet homme que je voyais pour la première fois commence à me raconter des histoires de tribu, de rites, de paysages, de son amour de l'art, de sa collection personnelle complètement dingue (je l'ai découverte par la suite) et de son désir profond d'ouvrir une galerie. Je lui propose de but en blanc, de faire une expo déjà dans le cadre de mon espace, ainsi il pourrait tâter du terrain! C'est comme cela que notre amitié est née. Il est revenu quelques mois plus tard avec une caisse de trésors à la main: serrures bambara, poulies sénoufo, masque Punu, masque Fang, masque Dan, Dogon-Kanaga, jumeaux Ewé, appuie-nuque, bijoux, velours Kassaï, j'étais emerveillée... J'ai encore avec moi certains de ces objets, j'aurai du mal à m'en séparer. Léopold Sédar Senghor a écrit: " En entrant dans l’univers de l’art nègre, le voyageur ne découvre pas un monde nouveau qui pourrait seulement rapetisser son univers mais y découvrir un nouveau domaine merveilleux dont un homme semblable à lui, un frère noir, lui remet la clé. Cette clé, c’est l’esthétique de l’Afrique noire : la conception noire de l’Univers". Peut-être est-ce cela qui m'attirait dans cet art, m'ouvrir à un autre monde, sortir du mien? Possible. En tout cas ma rencontre avec cet art fut vraiment thérapeutique. J'y ai trouvé un sens, une symbolique et une fécondité esthétique fascinante. Et puis, ces objets qui me suivent maintenant dans ma vie depuis un petit bout de temps, m'apaisent et me réjouissent. C'est dire leur importance!

 

04/03/2013

Fashion-week again

555022_142488599252727_638993557_n.jpg

- Collection Ilaria Nistri -



La Fashion-week, c'est récurent, deux fois par an. Stimulant, étourdissant, fatiguant, stressant et magique en même temps.

Beaucoup pense que la mode est un art mineur. Beaucoup n'imagine même pas à quel point la mode est loin d'être futile et inutile. La mode révèle, la mode instruit sur l'état du monde, la mode fait rêver, la mode s'aventure, la mode est une sorte de miroir, la mode parle du futur en tenant compte du passé, elle est présence, elle est réalité tout en étant evanescence et subtilité. Elle fait partie de ma vie, c'est mon métier et chaque jour qui passe j'apprends d'elle. La mode c'est la manière d'être, le mode de vie, l'expression corporelle, le social, le paraître et la difficulté d'être, le temps, la géographie, c'est un langage, une poésie, une thérapie et un business aussi. Immergée en pleine euphorie créative et concentrée pour tendre au parfait dans ce que je tente de transmettre, je suis épuisée mais satisfaite, j'ai bien oeuvrée et ça n'est pas une tâche aisée.

" La mode se démode, le style jamais " disait Gabrielle, quelle femme tout de même! C'est un des autres intérêts de cette matière qu'il faut toujours faire évoluer, on ne peut s'endormir sur ses lauriers ni vivre dans le passé, c'est avancer qui compte et avoir une vision, un goût, et, une façon d'être femme, à défendre. C'est ça qui me remue et qui me donne l'énergie de plus de vingt fois sur le métier remettre l'ouvrage!

En attendant, de toujours et encore polir et façonner, vais remettre mon grand corps entre les bras ailés de Morphée. Bonne nuitée!



24/02/2013

Danse! You say "dance"?*

 

 

* Une pensée tout particulière pour mon amie Laurence...


Voyage

marc perez.jpg

- Sculpture Marc Perez -

 

 

"Je me sens né à tout instant
A l'éternelle nouveauté du Monde..."

- Fernando Pessoa -



23/02/2013

Je me souviens

En lisant le récit d'Anne suite à ses aventures au Québec, je me souviens. Je me souviens des miennes. Il n'y avait pas de neige en Octobre, au contraire, la lumière était plutôt douce et ocre. Je me souviens de l'émotion qui m'a étreinte pendant tout le vol, je me souviens de ma sensation d'immense ivresse une fois arrivée au sol, je me souviens de n'avoir rien compris quand j'ai du acheter mon ticket pour la navette mais avoir quand même réussi à me faire comprendre, je me souviens, je me souviens très bien de la Grande Bibliothèque et de l'arrivée de Mistral avec son parapluie vert, fluo. Je me souviens et avec un plaisir insensé de notre ballade le lendemain jusqu'au Mont Royal, de la vue, de l'extase, du bonheur que nous avions Christian et moi à nous dire. Je me souviens en vrac du chinois, de l'immeuble en ruine que je voyais revivre, de cette galerie d'art, du bus, des lasagnes d'Emcée, de l'arrivée de Sandra, de la table de cuisine où nous nous sommes retrouvés, du Bunker, de la soirée des Corpuscules, du feu que j'ai failli mettre à sa cuisine en voulant me faire un thé, de l'image du balcon à jamais insérée dans ma rétine, du dépanneur, de la poutine. Mais ce dont je me souviens le plus et qui me touche chaque fois que j'y pense, c'est la chaleur, l'amitié et la prévenance de tous ceux que j'ai rencontré là-bas. Anne en parle, elle en a goûté, l'accueil insensé et vrai que les québécois nous font, nous ont fait, nous feraient. Enrico chante que les gens du Nord ont dans le coeur le soleil qu'ils n'ont pas dehors, les gens du Grand Nord, je vous dis pas! En attendant d'y retourner vite, je me souviens, et me régale, me régale et me régale encore et c'est sans fin, de me souvenir.

 

20/02/2013

Après birthday

Hier, j'ai pris un an. C'est pour moi toujours une épreuve que cette journée, depuis un bail, à croire que c'est un souvenir que j'aimerais oublier, mon birth day! Réveillée à 4h du mat - j'ai des frissons, je claque des dents et je monte le son - par une froidure peu commune dans tout mon grand corps épuisé et malgré des tentatives désespérées pour me réchauffer (bain brûlant, grog fumant, massages violents) c'est le texte de Christian d'abord, puis la note de Laure et les pensées de Laurence qui ont réussi à vaincre ce froid intense. Seul un peu d'amour vrai, chaud, vivant pouvait remettre sur pied ma carcasse défaillante. Suis allée vers 6h30 du mat me remettre au lit avec mes petits doudous dans l'esprit. Cocoon. A 11h, mon homme déboule anxieux: "il est l'heure, il est l'heure, debout! Bon anniversaire, mon amour!" L'heure! J'étais déjà en retard d'une bonne demi. La boutique ouvre à 10h30 et suis encore au lit! Je me précipite, grelottante toute entière à nouveau, m'habille, me maquille en deux coups de cuiller à pot, avale sur le pouce une tartine beurrée, un thé vert parfumé d'Earl Grey et j'y vais. Mon petit dernier fait un stage en entreprise d'une semaine chez moi, suis rassurée, je serai pas seule toute la journée. Elle a défilé comme pour rire: papiers, réception de colis, rangements en tout genre, ménage de printemps, déferlante de coups de fil, quelques ventes. Quelle joie quand j'ai vu mon fleuriste préféré m'amener ce gros bouquet de tulipes blanches! Que c'est bon d'être aimée! Pourtant j'ai toujours si froid, si froid dedans, grand Dieu mais pourquoi ai-je à ce point froid? J'ai les mains gelées. Je découvre avec bonheur au cours de la journée quelques mails d'amis de coeur et des messages tendres de personnes qui me sont chères, chaque fois j'ai ma pichenette de chaleur mais le froid abyssal prend toujours le dessus, "Blue, pourquoi ce grand froid dur en toi?" 19 heures arrive enfin, il y a des jours comme ça on ne profite pas de l'instant présent on aspire déjà au lendemain, ça se fait sans qu'on y pense, peut-être un moyen de moins souffrir ou de moins réfléchir, est-ce que je sais? Nous avions prévu d'un commun accord d'aller toute la famille manger dehors un couscous chez notre ami Momo. Toujours aussi hivernale de l'intérieur je reprends un ultime bain chaud avant de me retrouver avec deux de mes fils, la chérie de l'un d'eux et mon homme au restau. L'ambiance chaleureuse et aimante, le vin, la bastilla de pigeon me remettent un peu de chaleur dans les veines, j'ai l'impression de revivre un peu et puis Peter me tend un paquet bleu. Je connais bien ce papier brillant double face, bleu et argent, c'est celui que j'utilise depuis des années à la boutique pour les emballages cadeaux. J'ouvre délicieusement le paquet et je suis tellement touchée par ce que j'y trouve que d'un seul coup mes lunettes de vue s'embrument. Un carnet Moleskine, grand format comme je les préfère et un stylo design acier chrome et ébène. J'ai le coeur qui bat la chamade. J'ouvre l'objet, deux dédicaces à l'intérieur du carnet. George et Peter m'on chacun écrit un petit mot doux. Là, impossible de me contrôler, mes larmes se bousculent et se transforment en gros sanglots longs, les mots de mes enfants me bouleversent d'émotion. Et aprés avoir passée ma journée à dire que j'avais froid, là d'un seul coup je m'éclate dans un "ce que j'ai chaud!"...

 

17/02/2013

Correspondage*


3787212773-1.jpg

art,art de vivre,correspondance,exposition,prague,découverte,partage,humain

 

Voilà, l'histoire de ces deux-là m'a profondément émue. Ainsi correspondre pendant toute une année, ainsi chaque jour penser à l'autre, se le dire, se dévoiler. Ainsi créer. J'ai trouvé ça vraiment touchant. Evidemment, les choses n'ont pas été faites au départ pour être vue par d'autres que les protagonistes, n'empêche que, au-delà de l'aspect esthétique et artistique, c'est l'aventure humaine qui me donne là des frissons de plaisir. L'un parlant avec ses découpages, l'autre avec ses mots. Chacun sensible et attentif, chacun voulant toucher l'autre. Chacun se nourrissant l'un de l'autre. L'âge importe peu, la distance non plus, la matière pas davantage. Il se fabrique ainsi un dialogue d'âme à âme. Je suis bien covaincue qu'au bout d'un temps certain, la communication entre ses deux êtres a dépassé le papier, l'encre et l'image. C'est du moins ce que j'ai ressenti tout au long de cette exposition attachante, inspirante et délicate...

 

art,art de vivre,correspondance,exposition,prague,découverte,partage,humain

art,art de vivre,correspondance,exposition,prague,découverte,partage,humain

art,art de vivre,correspondance,exposition,prague,découverte,partage,humain

art,art de vivre,correspondance,exposition,prague,découverte,partage,humain

art,art de vivre,correspondance,exposition,prague,découverte,partage,humain

art,art de vivre,correspondance,exposition,prague,découverte,partage,humain

art,art de vivre,correspondance,exposition,prague,découverte,partage,humain

art,art de vivre,correspondance,exposition,prague,découverte,partage,humain

 


* Correspondage - Exposition jusqu'au 17 Mars 2013, bâtiment de la Galerie Nationale - Prague 

 

 

16/02/2013

Jazz Dock

o32A5C702_.jpg

195160_Jazz-Dock-03.jpg

 

Le pur hasard fait parfois bien les choses. Encore faut-il les chercher pour les trouver, alors est-ce encore du hasard? Je voulais entendre du jazz et nous avions sans succès tenté de trouver sur internet avant de partir ce qui pouvait bien se passer dans la capitale tchèque point de vue musique de ce genre. Dépités nous pensions devoir nous passer de cette petite madeleine que nous apprécions l'un et l'autre, Pat et moi et voilà qu'à deux doigts d'en faire notre deuil nous découvrons à deux pas de l'endroit étonnant où nous avions trouvé refuge, sur l'eau, une adresse toute nouvelle dédiée au jazz, au blues et à la musique country, on ne pouvait être plus vernis! Avec une décoration très "pop" ou se mêlent jaune, rose et vert fluo tant au travers des éclairages que des meubles, le Jazz Dock bouscule les traditions et dépoussière l'idée que l'on se fait des clubs de jazz enfumés et cachés du regard des curieux. Ce soir là, la programmation proposait Rene Trossman à partir de 22h et jusqu'au bout de la nuit. N'ayant pas la moindre idée de qui était ce gars là et ce qu'il jouait comme sorte de musique mais séduits par l'endroit, nous nous y sommes posés. Wouah! Du blues. Du blues comme je n'en avais pas entendu depuis belle lurette. Un René de Chicago éblouissant et drôle accompagné de trois autres musiciens excellents et notamment un as au synthé. On a passé une soirée géniale qui nous a mis tout en foufelle. En sortant nous ne sentions plus le froid mordant bien allumés par la musique et les quelques cocktails pris à son rythme endiablé...

 

 

 

lettre à K.

écriture,kafka,correspondance,prague,voyage,littérature,décoration,partage,découverte,humain  

Cher Franz,

je reviens tout juste de votre ville de Prague, la grande Praha, si magique à la tombée de la nuit. Je l'ai traversée de long en large, montant, descendant, usant mes semelles sur ses mosaïques de petits pavés gris et blanc qui changent tous les dix métres et j'ai bravé la neige, le vent, le froid pour découvrir et ressentir cette cité mythique que beaucoup de guides touristiques donnent pour une des plus belles d'Europe avec Paris et puis Venise. Je ne sais dire, la beauté est si subjective. Pour moi elle est si dépendante de l'état d'esprit dans lequel on est et tellement liée à des idées qu'on se fait des choses. Difficile à dêméler. Praha n'est pas époustouflante de beauté comme peut l'être Rome ou Florence, du moins à mon humble avis mais elle dégage une sorte de mystère qui agit progressivement au fur et à mesure qu'on la découvre. C'est sans doute l'euphorie architecturale qui donne à cette cité un ton particulier, tous ces bâtiments qui s'entrechoquent et s'entrecoisent, tous plus chargés les uns que les autres en sculptures, en fresques, en ornements, avec en contraste, parfois, au milieu de cette opulence gracieuse un bâtiment austère, cubiste, à la serpe venant calmer le jeu. J'ai adoré tenter vous comprendre mieux en marchant sur vos pas. Comprendre dans quel état d'esprit vous pouviez être, tenter de me mettre à votre place dans vos endroits. Saviez-vous qu'un musée à votre intention a été créé, un musée qui tente de rendre votre angoissant univers et la tristese infinie de votre oeuvre? Je n'ai pas visité cet endroit, j'ai préféré mille fois baguenauder dans la Ruelle d'or, le long de la muraille nord du château qui domine la ville, cet "amas de petites maisons délabrées" je vous cite, dans lesquelles vous avez vécu au numéro 22 et qui semble vous avoir inspiré. Rénovées depuis, impressionnantes de petitesse, ces maisonnettes incongrues pas plus hautes qu'un homme, et plutôt un homme de petite taille, renferment une sorte de magnétisme, j'ai particulièrement été touchée par celle de la diseuse de bonne aventure, Matylda Prusova, plus connue sous le nom de mystique Madame de Thébes qui malgré la perte de son fils à la guerre de 14 continua à lire dans sa boule de cristal leurs fortunes aux gens du peuple. La pauvre, ayant prévu la chute du Troisième Reich, est morte aux mains de la Gestapo. La minuscule pièce qui ne contient qu'un divan recouvert d'un tapis d'Orient cramoisi, un guéridon rond, une chaise et un bureau sur lequel trône un crâne humain blanchi ressemble à un confessional, il a du s'en dire des choses dans cette alcove propice aux confidences. Et puis, surtout, pour mieux vous suivre, j'ai erré dans les cafés de la ville. Et là, je peux bien vous le dire tout de go, je me suis régalée. Le café Louvre d'abord, celui où vous aviez votre rond de serviette au premier étage de la rue Nationale, avec ses murs rose et crème, ses moulures en stucs néo-rococo, ses grands luminaires en vasque d'albâtre où le temps d'un chocolat chaud, onctueux à souhait, on retrouve l'art de vivre chaleureux et cosy de la Belle Epoque. Vous ignorez sans doute que cet endroit qui permettait aux visiteurs, dont vous faisiez parti, d'user du téléphone comme bon leurs semblaient et dont certains étaient passés maître dans l'art de s'y montrer passant parfois plusieurs coups de fil bruyants au cours d'une même soirée, a été fermé en Mai 1948 par les communistes pour en faire des bureaux et n'a été réhabilité qu'un 1992? Albert Einstein y avait aussi ses habitudes, ainsi les arts, la littérature et la science se côtoyaient autour de cafés et de mets. Votre ami Brod fut exclu du cercle philosophique qui y siégait? Diable, et pourquoi donc? Remarquez cela ne vous a pas empêché de continuer à visiter votre café préféré! J'y suis resté pendant quelques heures à regarder déambuler de table en table des corps masculins tendus dans de seyants gilets noirs, attentifs au moindre désirs des personnes attablées. Ce qui m'a frappée outre le décor, c'est qu'on peut y fumer. Et plus encore c'est dans le coin fumeur que la vie se fait plus active, à croire que la cigarette délie les langues et rassemble les individus. J'ai vu plusieurs groupes de femmes entre elles riant à gorges déployées, deux vieux copains qui semblaient en veine de se dire, et, tout près de moi, j'ai observé un long moment un monsieur d'un certain âge, mèche grisonnante, veste à carreaux plutôt criarde, en jeans comme la plupart des gens dans le lieu, se levant d'un bond à chaque fois qu'une grande brune faisait son apparition et se rasseyant dépité, la belle ne venant jamais dans sa direction. Je crois bien que tout son paquet de blondes y est passé. J'en étais presque désolée pour lui et aurais donné cher pour connaître son affaire, mais il ne parlait que tchèque. Quelle langue improbable! Impossible de s'y retrouver. Je serai bien incapable, Franz, de vous lire autrement que traduit en français, l'allemand est plus abordable que le tchèque mais est encore beaucoup trop une montagne pour moi. M'étant bien imprégnée du Louvre, il me restait vous concernant à visiter le Slavia. Magnifique endroit! Vaste, éclairé, de grandes baies s'ouvrant sur la Valtva, fleuve plus connu sous le nom de Moldau, avec un point de vue magique sur le château et la cathédrale trônant en hauteur derrière la multitudes de ponts rythmant ainsi l'image de carte postale quelle que soit l'heure. Le Slavia m'a plus fait songer à la Coupole de Paris, le genre grande brasserie truculente, symbole de l'histoire tumultueuse de la ville et de sa très riche vie intellectuelle, de sa façon de vivre, de se penser, de parler de soi. Ici, aussi, le personnel est en frac, à l'ancienne, tout comme le vestiaire à l'entrée. Les traditions sont respectées! Faisant face au théâtre national, ce lieu a accueilli nombreux intellectuels et artistes, on le sent fortement, il y a une liberté d'expression et une décontraction tout a fait sympathique invitant l'esprit à gambader et gamberger. Là aussi, j'ai stationné, n'en pouvant plus, je veux bien vous l'avouer de marcher et marcher encore, de musée en musée, 700 parait-il, rien que pour votre ville! Je ne les ai pas tous arpentés, de tous ceux que j'ai eu envie de faire, c'est le Veltrzni Palac, immense bâtiment construit dans le style constructiviste à l'autre bout de la ville qui m'a le plus secouée. Mais je vous en reparlerai, j'y ai fait une découverte si émouvante qu'il faudra bien une autre missive pour vous ne parler que d'elle, j'y suis encore, par la pensée. Oh! C'est que pour aller jusque là il m'a fallu prendre le métro. Je n'avais jamais encore pris un escalator aussi raide pour investir les entrailles de la terre. Quelle émotion! Mais,revenons à vos cafés. Aux cafés de votre ville sourde et gracieuse qui se découvre petit à petit. Hier, dernier jour de ma visite, j'ai voulu prendre un dernier liquoreux chocolat chaud dans le seul café cubiste au monde. Vraiment tous les styles se côtoient dans cette ville: roman, gothique, baroque, art nouveau, art déco, cubiste... A nouveau à l'étage, c'est le mobilier bien sûr qui m'a attiré l'oeil jusque dans les moindres détails: patères, poignées de porte, luminaires. Je n'ai pas tellement aimé les jupettes vertes en abat-jour sur les grand lustres de métal forgé mais par contre la rigueur et la pureté des tables et des sièges méritent le détour. Finalement pour nous, ce qui était sans aucun doute avant-gardiste à l'époque est devenu presque dépassé voire un tantinet vieillot mais c'est rigolo de se replonger ainsi dans des ambiances totales jusqu'aux tasses à café, on a un peu l'impression d'être dans un décor de ciné et de faire de la figuration. J'y ai vu une jeune femme slave de toute beauté, perdue dans ses pensées, seule, écrivant sur son petit carnet noir des bribes de choses et d'autres, sirotant entre deux coups de stylo son cappucino. J'avais pour ma part à la main un de vos livres, Un artiste de la faim à la colonie pénitentiaire et autres récits, votre médecin de campagne m'a fait froid dans le dos, et "Un rêve", Joseph K. rêvait, m'a subjuguée. Je ne vous avez plus lu depuis pas mal d'années, le dernier livre que j'ai repris de vous il y a peu était lettre au père qui m'avait inspiré une lettre à ma mère beaucoup moins dense, pour, comme vous l'écrivez vous-même "rendre à tous deux la vie et la mort plus faciles", pensez-vous cela possible? Je veux y croire même si parfois encore j'en doute. Je ne sais s'il est possible d'extraire de soi tout le poison que notre éducation nous a "intraveiné". D'ailleurs, je ne veux pas vous ennuyer avec ça mais j'ai fait pas mal de cauchemars entre vos murs, je me suis demandée s'il n'y avait pas une alchimie particulière qui m'a ainsi ramenée aux fantômes du passé. Comment séparer les choses qu'on décide et celles qui se décident malgré nous? Cher K., en tout cas, ces quelques jours en votre compagnie furent un régal et Prague sous son grand manteau blanc une poétique découverte pleine d'instants que je garde en mémoire comme des petits trésors brûlants. Merci d'avoir été et d'être encore au travers de vos mots aussi remuant.

Bien à vous.

Blue

 

11/02/2013

Prague

 

prague1.jpg

 

 

 " Le voyage est une espèce de porte par où l'on sort de la réalité comme pour pénétrer dans une réalité inexplorée qui semble un rêve."

- Guy de Maupassant -

 

 

08/02/2013

lire

kafka,écriture,lecture,pensée,émotion,émulation,partage,humain

 

"On ne devrait lire que des livres qui nous piquent et nous mordent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire."

- Franz Kafka -

 

07/02/2013

Jeudi 7

J'oscille entre la bonne humeur et le découragement. Suis entre-deux. Pourtant je m'étais fait la remarque hier entre deux clientes, toujours encore entrain de se plaindre, que c'était inutile et improductif de se sentir malheureux quand après tout il n'y avait pas de raisons valables de l'être si ce n'est l'impression qu'on pourrait être mieux. Se lever chaque matin que Dieu fait dans les bras de la personne aimée, descendre prendre son thé et bavarder quelques minutes avec deux de ses petits gars, rencontrer Chopin ou Schumann à la première gorgée, laisser son esprit gambader face à la fenêtre ouvrant sur un jardin d'hiver en berne et croiser le regard d'un merle venant faire des repérages pour installer son nid, vagabonder ensuite sur la toile et piocher deci delà des pépites comme " Be in love with your life every minute of it " de Jack Kerouac ou " Je crois que les petites actions sont souvent celles qui nous amarrent ici bas " d'Eric Mc Comber et alors ressentir du plaisir...

J'ai eu envie de partir quelques jours, ça m'a prise d'un coup. Je voulais découvrir un nouveau lieu, voir du pays, faire une nouvelle expérience. Moscou, St Pétersbourg, Zagreb? C'est Prague qui l'a emporté! Prague, la ville magique d'après ce qu'exprime André Breton ou Apollinaire lors du récit de leur visite. Prague, la ville de Kafka et de Rilke, ville alchimique, ville ésotérique, ville romantique avec son pont Charles, le plus bel ouvrage gothique de l'Europe, sa place du marché, son horloge astronomique, ses hôtels particuliers baroques, le château, la tour des poudres, le palais Sternberg, ses musées, sa musique, sa féérie. Tant pis si madame Cheval me dépouille un peu plus, tant pis si c'est la crise, que les temps sont durs et qu'il n'y a pas la place pour une folie d'aucune sorte. J'ai pris mon billet, ça y est, je nous y emmène la semaine prochaine, quatre jours, se changer les idées.

C'est un luxe de pouvoir ainsi décider de partir ou de ne rien faire, c'est une chance de pouvoir ainsi être libre de ses mouvements et de ses pensées. C'est un bonheur immense que d'aimer et d'être aimé, c'est précieux de le mesurer, de se le dire, de l'exprimer. Et pourtant encore, malgré tout ça, on n'a parfois pas la foi et on se noud le coeur avec des pensées sombres, je me demande pourquoi. Pourquoi est-ce si compliqué de s'autoriser à être bien et juste prendre la vie du bon côté, celui qui fait avancer et qui donne des ailes?

Aujourd'hui, c'est Jeudi, non c'est pas raviolis. Vais tenter une expérience, pour voir, vais tenter de penser à ce que je fais, d'être plus là encore que d'habitude, profiter de chaque petits gestes du lever au coucher et voir si cela m'entraîne vers des horizons insoupçonnés. Je crois le faire parfois mais très vite le naturel reprend le dessus et ma journée a filé sans que je m'en apercoive. Là, si j'essayais de ne pas oublier de ne pas oublier d'en être, de la tête aux pieds.

 

04/02/2013

C'est l'amour qui m'a faite*...

DSC01215.JPG

 - Photo Laurence Guez -

 

" C'est l'amour qui m'a faite

L'amour qui m'a fête

L'amour qui m'a fée..." (Prévert)

 

 

* Découvert dans Valium - Christian Mistral - p.233

 

Cloud

775667_332321186884975_398878075_o.jpg

- Tomàs Saraceno -

 

Il faut du courage pour créer une pièce de 1.200 mètres carrés, suspendu à 20 mètres du sol, formé par trois membranes qui deviennent autant de niveaux accessibles au public. Un spectacle de la science et de la créativité que l'artiste argentin Tomàs Saraceno (San Miguel de Tucuman, 1973) a été déployé dans le centre d'art Hangar Bicocca à Milan, avec la collaboration de l'entreprise de pneumatiques Pirelli. L'établissement est ouvert jusqu'au 17 Février est nommé sur la mousse espace-temps, un physicien Paul Davies expression faisant référence à un concept de la physique quantique qui inclut l'idée de déplacer les particules subatomiques capables de mutations responsables en la matière l'espace-temps.
 
«Le travail transforme l'architecture dans un organisme vivant, qui réagit aux mouvements des voyages d'utilisateur, ce qui rend visibles les relations qui nous lient avec l'espace. D'un simple étape pour un flux d'air peut déclencher un effet papillon, afin que les gens qui partagent l'espace, apprendre rapidement et instinctivement la nécessité d'équilibrer, agir de manière responsable envers les autres », a déclaré Saraceno, connu pour créations gonflables inspirés par la morphologie des bulles, toiles d'araignées, les réseaux neuronaux ou les formations de nuages.
 
Visible ci-dessous, et accessible par le haut, sur la mousse espace-temps, dont l'accès est interdit aux enfants de moins de 18 ans et ne convient pas à ceux qui souffrent de vertige ou de claustrophobie, est un doux, surface instable qui engage les visiteurs dans un jeu l'interdépendance. "C'est une métaphore de la façon dont nous vivons en interdépendance. Génèrer la nécessité d'une instance de dialogue continu, car tout léger mouvement peut réduire le solde en entier et avoir à réapprendre comment l'interpréter », explique l'artiste, qui considère cette pièce une étape importante de son projet Cloud-villes, une série de travaux basés sur l'utopie de plates-formes de création vivable, respectueux de l'environnement et suspendu.
 
Pendant six mois, jusqu'au dernier Novembre, a montré Saraceno Nuage ville, un autre épisode de la série, sur le toit du Metropolitan Museum de New York. "Cloud ville visuelle, car il inclut de nombreuses surfaces réfléchissante qui permettent aux différents aspects de la réalité perçue en même temps et, en même temps, a déménagé dans des contextes autres". Saraceno a été soutenue par les experts de l'Institut de technologie du Massachusetts. Il continuera à développer la mousse sur l'espace-temps pour en faire une réserve de biosphère autonome peut flotter l'énergie et de l'eau par panneaux solaires et un système rustique pour dessaler l'eau. «Nous voulons Emplazarla entre les Maldives, parce qu'il représente l'exemple parfait d'un paradis que dans 15 ou 20 ans en raison du changement climatique, pourraient disparaître", a déclaré Saraceno, à Milan pour un colloque organisé par Hangar Bicocca. La réunion, qui a rassemblé des penseurs comme le sociologue Bruno Latour, historien de l'art Molly Nesbit et le commissaire du projet, Andrea Lissoni, liée à des œuvres Saraceno avec de gros problèmes comme la nécessité de trouver de nouveaux moyens de vie et de trouver des solutions pour créer une architecture respectueuse de l'environnement et ne sont pas approuvés pour améliorer la relation de l'individu avec son environnement naturel et bâti.
 
 


02/02/2013

Oui, la vie est courte.

Parfois je déplore de ne pas me mettre plus en colère consciemment et laisser sortir cette rage qui m'habite et m'enfièvre de mon plein gré, au bon endroit, pour les bonnes raisons. Quand elles me tombent dessus, je les vis, je les crie, les éructe et ausssitôt après je le regrette, elles me font perdre la tête. Je n'aime pas cette idée d'être agie mais je l'accepte. La violence de l'angoisse qui m'assaille est telle que j'en perds toute objectivité et toute gentillesse. Je deviens le temps d'une crise passagère imbuvable, de mauvaise foi et cruelle. C'est idiot. Je n'aime pas l'injustice et je m'en veux alors que quelqu'un que j'aime trinque parce que je n'arrive pas à savoir d'où me vient ce mal-être et qu'il faut que j'en sorte coûte que coûte, que je sorte de moi ce poison violent qui m'empêche de profiter de l'instant. J'en ai gâché des moments avec ce système débile dans ma déjà longue vie, j'ai pas l'envie de continuer de même mais je n'ai pas encore trouver la solution, la parade, l'équation la meilleure pour éviter ces situations imbéciles et déchirantes. Le post de Christian vient en écho direct avec cette impuissance que je vis mal. La vie est courte. Attention, la vie est courte. Ca ne vaut pas la peine de la gâcher avec des scènes stériles et des propos malheureux et surtout infondés. Quand on est plus jeune, on se dit que ça va passer, qu'on va devenir grand et sage et mesuré et puis on se rend compte que ça n'est pas si simple que ça, qu'un ensemble de faisceau malheureux dans un quotidien chargé peut encore malgré notre expérience nous atteindre et nous faire sortir de nos gonds, bêtement, pour rien, enfin si, juste pour faire baisser la pression. Quelle engeance! Alors, c'est pas tant que je vise la perfection, non, mais je voudrais m'en prendre qu'à moi-même plutôt que rejeter tous les maux de la terre aux gens qui m'entourent et tentent de faire mon bonheur. J'ai bien l'humour en parade, l'auto-dérision, mais la vague de reproches parfois dévaste tout sur son passage et je ne suis plus capable de garder mon sang froid et de faire la part des choses. Ces moments où tout est de la faute de l'autre... La vie est courte en effet, et elle le devient de plus en plus au fur et à mesure qu'on avance, qu'on se chope des rides et des cheveux blancs. Bon, on devient plus philosophe, plus tolérant, mais cette soif d'absolu qui nous habite, cette exigence, cette barre mise très haut, cette volonté de vivre tout intensément, ce travail sans filet qui nous rend vulnérable et peu prudent, eux ne nous quittent jamais. On aménage, on se connaît mieux et plus vite on se rend compte mais pourquoi faut-il toujours encore faire les mêmes erreurs, à croire qu'on n'apprend pas de celles qu'on a déjà répétées ou alors doucement, peut-être? J'ai toujours pensé que la vie était courte. J'ai même cru pendant longtemps qu'elle serait encore plus courte que celle que je vis maintenant, j'ai toujours voulu qu'elle soit courte certes mais intense, courte mais passionnée, courte mais étonnante. J'ai toujours privilégié le trop au pas assez, couru plusieurs lièvres à la fois, gouté à des milliers de sources et aimé plus que de raison. Encore maintenant. Mais je voudrais à l'approche de ma cinquantaine, mettre autant d'ardeur à vivre intensément qu'à vivre justement et cesser de pourrir des soirées en vains propos navrants.

 

01/02/2013

Insomnie

 

La nuit dilate le temps et épaissit les silences.

Elle est soeur avec la trompette de Chet...



« J'écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable. Je fixais des vertiges. »

- Arthur Rimbaud, Une saison en Enfer, 1873 -

 

 

29/01/2013

Pour Anne...

Bon voyage...

 

apesanteur

La journée n'allait pas être facile, je le savais déjà depuis quelques semaines. Mais je savais aussi que quoiqu'il advienne elle devrait se passer et je m'étais en quelque sorte préparée. Madame Cheval, je l'ai rebaptisée, est venue ce matin comme prévue à neuf heures. Trempée par la pluie diluvienne qui tombait depuis l'aube, elle s'est présentée ruisselante devant moi pour prendre un premier contact comme elle me le dira le sourire aux lèvres. L'entretien s'est passé on ne peut mieux, courtoisie, questions d'usage, explications succintes. J'étais de toute façon dans un état second. Depuis deux jours je couve une sorte de grippe, et hier toute ma nuit fut agitée. La fièvre commençait à me gagner. Ce matin j'étais chaude comme un brazero. Les joues en feu et le front en braise, ma comptabilité me paraissait une espèce de grosse chose molle un peu lointaine, floue, arachnéenne. Après deux heures d'entretien intenses, madame Cheval est repartie son lourd dossier bleu sous le bras, et je suis retournée pas très vaillante derrière mon comptoir de verre. J'esperais tenir au moins la journée et m'écrouler comme une masse en début de soirée, mais mon corps en a décidé autrement. Le passage éclair de Sylvaine a mis chaos mes dernières cartouches et cessant de lutter je suis rentrée me mettre au chaud chez moi, c'est là que j'ai relu Camus et c'est avec lui que je me suis endormie pendant deux bonnes heures, assomée.

Sylvaine a vu sa vie chamboulée quand il y a plus de deux ans maintenant son fils aîné fut broyé dans un accident de la route. Il venait tout juste d'avoir vingt ans. Elle n'était pas revenue s'occuper d'elle depuis le coma de son Marc. Deux longues années de coma, deux longues années pendant lesquelles elle n'a jamais perdu pied. Elle disait: " tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir." Elle le pense toujours. Le meilleur ami de Marc n'avait pas eu cette chance. Le cinq tonnes qui a anéanti leurs vies lui avait fauché la sienne pour de bon. Et ce matin, elle était là, face à moi. Toujours aussi belle et aussi délicate, toujours la voix brisée. " Il est revenu à la vie, vous savez, pas encore tout à fait, pas encore en entier. Hémiplégique du côté droit, il se remet à parler, très doucement. On vient de lui faire une opération des plus délicates, c'est un chirugien russe qui s'en est occupé en Espagne. On va tout tenter. On ne peut pas laisser tomber. On ne peut pas abandonner son enfant, n'est-ce-pas?". Bien sûr qu'on ne peut pas. Elle a continué à se dire pendant une bonne heure, elle avait trop besoin de parler, de pleurer, de sortir d'elle tous ses doutes et ses découragements et ses espoirs aussi. Elle était venue chercher auprés de moi de l'énergie et je la lui ai offerte du mieux que je pouvais. Certains destins vous secouent les tripes et sont de véritables électro-chocs. On se sent d'un seul coup épargnés malgré nos petites misères. Le malheur de l'autre colore de lumière le sombre de nos états d'être. Même si à chacun sa souffrance, certaines souffrances sont beaucoup plus étreignantes que d'autres.

En me réveillant tout à l'heure d'une sieste régénérante, j'ai repensé à ces mots de Camus:" l'artiste se forge dans cet aller-retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s'arracher." J'ai plus que repensé à ces mots, je les ai ressenti et j'ai pris conscience que si parfois j'ai ce sentiment néfaste de ne servir à rien ou de pas en tout cas faire ce que je voudrais de ma vie, je me trompe. Chaque petit geste de la vie compte. Chaque temps consacré à l'autre nourrit ma fibre. Chaque fois que mon tempérament prend le dessus, mon art s'affine, se dessine, s'enrichit. Ma toute petite pierre à l'édifice. Madame Cheval me paraissait d'un seul coup bien lointaine. Mon âme, en apesanteur. Et mon coeur les voiles gorgées de vent. Me suis sentie en communion, gratifiée, apaisée, moins fiévreuse. En paix. En vie. Prête à repartir. A créer. A écrire. A commercer. A réagir. A inventer. A offrir. A ouvrir. A m'étonner.