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01/03/2010

chemin

 

Hum, quand le thème du défifoto est tombé chez Barbara, j'ai tout de suite pensé à cette chanson chantée à tue-tête en boucle si souvent dans les descentes Nord-Sud pour les vacances d'été avec mes trois gaillards dans le char la valise bourrée de malles vélos et autres rêveries. Evidemment ça défie les règles du défi, je sais, à dire vrai j'ai toujours aimé transgresser un peu déformer mettre à ma sauce. Je suis allée visiter les uns, unes et autres, de biens belles images évocatrices et chargées de sens. Je n'ai pas pris de photo moi-même, j'avais en tête plus de mots que d'images quoique les mots puissent en être aussi, j'ai donc fouillé comme à mon ordinaire pour trouver l'évocation la plus proche de mon ressenti en lien avec chemin, chemin impliquant cheminement et traces aussi. Voilà celle qui s'approche le plus de ce que j'ai envie d'exprimer à ce sujet...

 

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- photo de Richard Gonzales -

 

Tracer son chemin, une idée qui m'est chère d'autant que tant d'individus pensent qu'il est défini par avance, je ne le crois pas, je crois à l'instar de ce qu'exprime cette image on le dessine jour après jour avec tous nos gestes nos micro-décisions, toutes nos initiatives et paroles avancées, dans notre manière de penser de concevoir d'échanger. J'aurais pu aussi parler de ce chemin qu'est cet espace pour moi, cheminement serait plus juste, et puis cette notion de traces, l'importance de ce que l'on transmet de ce qu'on laisse en héritage des individus croisés sur la route qu'on marque, de la puissance d'agir et d'aimer, de l'histoire la grande et la plus petite qui nous sillonne elle aussi. Je vous livre tout ça en vrac, à réfléchir, la vie est un chemin et le chemin, ben c'est la vie...

 

 

 

 

26/02/2010

La marche à l'amour

 En écho à la note de GeeBee et parce que j'aime beaucoup...

Tu as les yeux pers des champs de rosées
tu as des yeux d'aventure et d'années-lumière
la douceur du fond des brises au mois de mai
dans les accompagnements de ma vie en friche
avec cette chaleur d'oiseau à ton corps craintif
moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches
moi je fonce à vive allure et entêté d'avenir
la tête en bas comme un bison dans son destin
la blancheur des nénuphars s'élève jusqu'à ton cou
pour la conjuration de mes manitous maléfiques
moi qui ai des yeux où ciel et mer s'influencent
pour la réverbération de ta mort lointaine
avec cette tache errante de chevreuil que tu as 
tu viendras tout ensoleillée d'existence
la bouche envahie par la fraîcheur des herbes
le corps mûri par les jardins oubliés
où tes seins sont devenus des envoûtements
tu te lèves, tu es l'aube dans mes bras
où tu changes comme les saisons
je te prendrai marcheur d'un pays d'haleine
à bout de misères et à bout de démesures
je veux te faire aimer la vie notre vie
t'aimer fou de racines à feuilles et grave
de jour en jour à travers nuits et gués
de moellons nos vertus silencieuses
je finirai bien par te rencontrer quelque part
bon dieu!
et contre tout ce qui me rend absent et douloureux
par le mince regard qui me reste au fond du froid
j'affirme ô mon amour que tu existes
je corrige notre vie 
nous n'irons plus mourir de langueur
à des milles de distance dans nos rêves bourrasques
des filets de sang dans la soif craquelée de nos lèvres
les épaules baignées de vols de mouettes
non
j'irai te chercher nous vivrons sur la terre
la détresse n'est pas incurable qui fait de moi
une épave de dérision, un ballon d'indécence
un pitre aux larmes d'étincelles et de lésions profondes
frappe l'air et le feu de mes soifs
coule-moi dans tes mains de ciel de soie
la tête la première pour ne plus revenir
si ce n'est pour remonter debout à ton flanc
nouveau venu de l'amour du monde
constelle-moi de ton corps de voie lactée
même si j'ai fait de ma vie dans un plongeon
une sorte de marais, une espèce de rage noire
si je fus cabotin, concasseur de désespoir
j'ai quand même idée farouche
de t'aimer pour ta pureté
de t'aimer pour une tendresse que je n'ai pas connue
dans les giboulées d'étoiles de mon ciel
l'éclair s'épanouit dans ma chair
je passe les poings durs au vent
j'ai un coeur de mille chevaux-vapeur
j'ai un coeur comme la flamme d'une chandelle
toi tu as la tête d'abîme douce n'est-ce pas
la nuit de saule dans tes cheveux
un visage enneigé de hasards et de fruits
un regard entretenu de sources cachées
et mille chants d'insectes dans tes veines
et mille pluies de pétales dans tes caresses 
tu es mon amour
ma clameur mon bramement
tu es mon amour ma ceinture fléchée d'univers
ma danse carrée des quatre coins d'horizon
le rouet des écheveaux de mon espoir
tu es ma réconciliation batailleuse
mon murmure de jours à mes cils d'abeille
mon eau bleue de fenêtre
dans les hauts vols de buildings
mon amour
de fontaines de haies de ronds-points de fleurs
tu es ma chance ouverte et mon encerclement
à cause de toi
mon courage est un sapin toujours vert
et j'ai du chiendent d'achigan plein l'âme
tu es belle de tout l'avenir épargné
d'une frêle beauté soleilleuse contre l'ombre
ouvre-moi tes bras que j'entre au port
et mon corps d'amoureux viendra rouler
sur les talus du mont Royal
orignal, quand tu brames orignal
coule-moi dans ta plainte osseuse
fais-moi passer tout cabré tout empanaché
dans ton appel et ta détermination 
Montréal est grand comme un désordre universel
tu es assise quelque part avec l'ombre et ton coeur
ton regard vient luire sur le sommeil des colombes
fille dont le visage est ma route aux réverbères
quand je plonge dans les nuits de sources
si jamais je te rencontre fille
après les femmes de la soif glacée
je pleurerai te consolerai
de tes jours sans pluies et sans quenouilles
des circonstances de l'amour dénoué
j'allumerai chez toi les phares de la douceur
nous nous reposerons dans la lumière
de toutes les mers en fleurs de manne
puis je jetterai dans ton corps le vent de mon sang
tu seras heureuse fille heureuse
d'être la femme que tu es dans mes bras
le monde entier sera changé en toi et moi 
la marche à l'amour s'ébruite en un voilier
de pas voletant par les lacs de portage
mes absolus poings
ah violence de délices et d'aval
j'aime
que j'aime
que tu t'avances
ma ravie
frileuse aux pieds nus sur les frimas de l'aube
par ce temps profus d'épilobes en beauté
sur ces grèves où l'été
pleuvent en longues flammèches les cris des pluviers
harmonica du monde lorsque tu passes et cèdes
ton corps tiède de pruche à mes bras pagayeurs
lorsque nous gisons fleurant la lumière incendiée
et qu'en tangage de moisson ourlée de brises
je me déploie sur ta fraîche chaleur de cigale
je roule en toi
tous les saguenays d'eau noire de ma vie
je fais naître en toi
les frénésies de frayères au fond du coeur d'outaouais
puis le cri de l'engoulevent vient s'abattre dans ta gorge
terre meuble de l'amour ton corps
se soulève en tiges pêle-mêle
je suis au centre du monde tel qu'il gronde en moi
avec la rumeur de mon âme dans tous les coins
je vais jusqu'au bout des comètes de mon sang
haletant
harcelé de néant
et dynamité
de petites apocalypses
les deux mains dans les furies dans les féeries
ô mains
ô poings
comme des cogneurs de folles tendresses

mais que tu m'aimes et si tu m'aimes
s'exhalera le froid natal de mes poumons
le sang tournera ô grand cirque
je sais que tout mon amour
sera retourné comme un jardin détruit
qu'importe je serai toujours si je suis seul
cet homme de lisière à bramer ton nom
éperdument malheureux parmi les pluies de trèfles
mon amour ô ma plainte
de merle-chat dans la nuit buissonneuse
ô fou feu froid de la neige
beau sexe léger ô ma neige
mon amour d'éclairs lapidée
morte
dans le froid des plus lointaines flammes 
puis les années m'emportent sens dessus dessous
je m'en vais en délabre au bout de mon rouleau
des voix murmurent les récits de ton domaine
à part moi je me parle
que vais-je devenir dans ma force fracassée
ma force noire du bout de mes montagnes
pour te voir à jamais je déporte mon regard
je me tiens aux écoutes des sirènes
dans la longue nuit effilée du clocher de Saint-Jacques
et parmi ces bouts de temps qui halètent
me voici de nouveau campé dans ta légende
tes grands yeux qui voient beaucoup de cortèges
les chevaux de bois de tes rires
tes yeux de paille et d'or
seront toujours au fond de mon coeur
et ils traverseront les siècles 
je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi
lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme
je marche à toi, je titube à toi, je bois
à la gourde vide du sens de la vie
à ces pas semés dans les rues sans nord ni sud
à ces taloches de vent sans queue et sans tête
je n'ai plus de visage pour l'amour
je n'ai plus de visage pour rien de rien
parfois je m'assois par pitié de moi
j'ouvre mes bras à la croix des sommeils
mon corps est un dernier réseau de tics amoureux
avec à mes doigts les ficelles des souvenirs perdus
je n'attends pas à demain je t'attends
je n'attends pas la fin du monde je t'attends
dégagé de la fausse auréole de ma vie

- Gaston Miron (L'Homme Rapaillé, Montréal, l'Hexagone, 1994) -



06/02/2010

lumière

 

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" La conscience n'est dans le chaos du monde qu'une petite lumière, précieuse mais fragile."

- Louis-Ferdinand Céline -

 

 

 

05/02/2010

les mots

Merci Jalel.

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.
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الــكــلــمــات
غير الخبز اليومي
وقلب امرأتي
وحليب الأطفال
ــ أنا لا أملك شيا

 

وسوى الشعر
وإيقاد النار
وتشخيص الآتي
أنا لا أتقن شياّ
وسوى أرض بلادي
وسماء بلادي
وزهور بلادي
أنا لا أعبد شياّ
وسوى الشعب الكادح
والناس البسطاء العاديين
وأيديهم ــ لست أقدس شياّ

 

لو عشت شقيا
سأموت سعيداً لو قدرت كلماتي
أن تفرح بعض الناس
لو أمكن أن يقرأها
في المستقبل
طفلٌ
في كراس .

 


A part le pain quotidien
Le cœur de ma femme
Et le lait des enfants
Moi, je n’ai rien

 

A part faire des poèmes,
Allumer un feu
Et diagnostiquer l’avenir
Moi, je ne maîtrise rien

 

A part la terre,

Le ciel,

Et les roses de mon pays
Moi je n’adore rien

 

A part le peuple laborieux
Les gens simples, ordinaires
Et leurs mains
Moi je ne vénère rien

J’ai vécu malheureux
Mais je mourrais heureux
Si mes mots pouvaient rendre
Heureuses quelques personnes
Si dans l’avenir
Un enfant
Pouvait les lire
Sur son cahier
.
.
.

 

01/02/2010

soir de scotch

J'ai oublié ce que tu sais
J'ai emmêlé mes confidences
Je sais plus trop ce qui est vrai
J'ai des accidents de conscience

Qu'est-ce donc que la vérité
Seras-tu sûr de ta passion
Quand tu auras pu me calculer
Quand je serai ton équation

Les soirs de scotch m'enchantent
Je sais pas si je te l'ai dit
Moi et la nuit mourante
Enlacées, grises et engourdies

Passons la nuit à nous mentir
Honnêtement comme les anges
Meublons le rêve qui s'étire
Buvons le rêve qui nous mange

Tu fais le fou, je fais la foire
On plonge au fond de la bouteille
Tout est vrai tant qu'il reste à boire
Et qu'on éclipse le sommeil

Les soirs de scotch m'enchantent
Je sais pas si je te l'ai dit
L'ivresse est caressante
Suave et chaude comme un nid

Les soirs de scotch m'enchantent
Je sais pas si je te l'ai dit
Sur mes douceurs prudentes
Ils coulent et mouillent mon ennui

Les soirs de scotch m'enchantent ...

 

- Christian Mistral - Fontes -

 

 

30/01/2010

Vortex Violet

Après dans l'ordre de mes découvertes Vamp, un opercut, et Valium, mon préféré lu deux fois, Vacuum que je picore encore, je viens de dévorer Vautour le dernier des Vortex Violet de Christian Mistral. Un roman attachant et tendre au sens où je l'entends, avec cette écriture mistralienne bien personnelle et unique qui me parle tant. Tout en ayant beaucoup d'amitié pour l'homme, je dois dire que Mistral est l'écrivain qui m'a le plus marqué dans les derniers mois qui viennent de passer, un verbe riche et dense, une sensibilité à fleur, une capacité à exprimer les tréfonds de l'âme humaine avec une sorte de grâce rebelle et un déchirement poétique tout à fait particulier, je ne m'en lasse pas, j'en redemande.

Plum en avait parlé en ces termes dans un de ses commentaires au Vacuum II: "...parce que je me souviens quand j’ai lu Vautour, il y a un bail maintenant, à quel point ça m’avait jeté sur le cul de lire quelque chose qui collait d’aussi près à ma propre vie, je veux dire dans plein de petits détails que je pourrais pas vraiment nommer, un mélange de sensibilité, vision du monde et plus prosaïquement de "conditions de vie" pas juste semblables mais vécues, intégrées d’une façon tellement proche… (C’est certain que le fait que nous ayons vécus "en parallèle" plus ou moins dans les mêmes lieux et à la même époque y est pour quelque chose, mais pas seulement. Puisque, évidemment, Mistral n’est pas le seul écrivain québécois de sa génération que j’ai lu et jamais, même si j’en ai bien sûr apprécié d’autres, jamais je n’ai ressenti ça aussi fort…)

N'ayant pour ma part pas vécu à Montréal en parallèle et pas de la même manière je ne peux en dire autant, mais par contre je retrouve chez Mistral dans sa langue et dans ses excès cette singulière importance de l'amitié et de l'amour pas si différents au demeurant, et quand il parle de ses états d'âme et de tout ce qui le remue et qui l'anime les gens qu'il aime ou qu'ils l'aiment ou le détestent, ça m'atteint au coeur et j'en vibre de l'intérieur, c'est une écriture émotionnelle comme une musique comme un poème. Et puis derrière cette teinte bien à lui, ce ton t'auto-dérision, cette sorte de nombrilisme bien caractéristique mais qui densifie encore davantage son écriture, il y a beaucoup d'humanité au fond et de volonté d'être au plus prés, une lucidité acérée sans compromis. La richesse du vocabulaire et cet humour un peu à la Buster Keaton ou plus encore peut-être à la Chaplin d'évoquer les scènes de vie truculentes et parfois si rocambolesques, tragiques et déchirantes aussi, cette manière de manier les mots tout à fait propre à son oeuvre me touchent vraiment profond et m'interpellent. Vautour est un cheminement comme chacun des Vortex d'ailleurs, une tranche de vie, une rencontre, toujours cette fatale présence de la mort et de la séparation de l'alcool des femmes aussi de tout ce qui donne un sens, à ceux qui comptent dans notre vie, aux méandres de l'inspiration et comment cela se tricote s'emboîte et nous transforme nous nourrit nous fait avancer, un bel hommage et une belle preuve d'amour à l'amitié et à l'écriture aussi, à la sueur, à la vie, pas un instant je n'ai douté de l'existence d'une telle expérimentation, c'est là aussi toute la puissance de cet écrivain indéniablement génial. Il parle de ce qu'il vit et comment ça vit en lui, et cela avec tant de talent. Vivant vivace percutant transpirant émouvant et décapant, moi ça me transporte...

 

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" Murmures de rêves étirés aux limites comateuses crues. Sursauts tout le long de la musculature et spasmes dans toutes les épaisseurs. Chorégraphies valsantes de rasoir Bic bleus et les deux lames leur sont des lèvres d'acier qui modulent des aigus. Et il m'arrive de m'éveiller, de me dresser fiévreux dans la nuit de mon lit, des pages plein la tête, et j'allume et j'écris tout excité à l'idée du bon matériau que ça fera pour le livre qui me travaille si les mots passent l'aube. Alors lambeau par lambeau par lambeau de lambeau, j'extrais de mon âme toute les épiphanies qui la brouillent comme un oeuf sanglant."

" Qu'ajouter? J'ai triché de toutes les inavouables façons que j'avoue maintenant. J'ai déterré de vieux trucs enfouis dans la boîte que je réserve aux vieux trucs, des trucs ue j'écris gratis et qui sont déjà vieux pendant que je les écris, et qui me faisaient penser à Vautour mais qui n'étaient pas Vautour. J'ai voulu les fourrer dans ce livre que je torchais pour le faire vivre et pour l'achever. J'ai pris le job de Dieu avec des moyens d'avorton. Pour une histoire aussi simple, il y a de quoi désepérer de la littérature si on n'accepte qu'elle demeure impuissante à mouler les tragédies ordinaires. Si simple, je le répète, que chacun devrait y ressentir le parfum d'une perte proche. En rencontrant Vautour, j'étais un raté jusqu'à preuve du contraire lui aussi, j'étais sur le point de connaître le succès, il était sur le point de mourir. Un an plus tard je file un coton pleurnichard et peureux. Rien n'est notable dans cette affaire. Aucun détail ne rachète le destin de ce jeune homme, pas plus que le mien qui s'élabore en toute injustice blafarde. Je songe aux horreurs que la nature suggère d'éprouver au contact de la peur, la grosse chienne, la vraie grosse peur de mourir, et je découvre stupéfait que cela me tranche le poignet qui scribouile. Je trace les signes avec l'énergie d'un restant de main, assis me soûlant devant un téléphone qui ne sonne pas, je suis vivant mais c'est bien peu quand le téléphone se dégonfle."

- Christian Mistral - Vautour -

 


 

25/01/2010

éclairage

 

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" Aime la vérité en toi. N'en use pas.

D'aucuns par foi ou par habitude, dressent des croix

Sur le bord des chemins, d'autres passent, sans plus.

Je dors, sous les étoiles, ces clartés étrangères. "

 

- Fernando Pessoa -

 

 

 

 

 

13/01/2010

Des fleurs en hiver

 

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Visionnement tard dans la soirée d'un téléfilm américain comme eux seuls savent le faire, appuyé en diable, shaker de tous les ingrédients nécessaires à faire venir la larme, une histoire chassé croisé de relations parents enfants, hum, plutôt mère fille père fille, genre une fille qui vient de perdre son père infirmière aux urgences et qui sauve une vieille dame atteinte d'un cancer du poumon pendant qu'il meure juste à côté de cinq balles dans le thorax. La vieille elle même en conflit avec sa fille qui n'accepte pas de voir sa mère en phase terminale et surtout d'en rire, d'en plaisanter, d'avoir l'air de s'en foutre, oh, j'oubliais la fille de la mère en question enceinte bien sûr, un bon mélo du Dimanche soir. Sauf que je n'ai pas versé une larme mais un torrent, sauf que la maman mourante était jouée par Gena Rowlands, sauf qu'elle joue de surcroit le rôle d'une brillante pianiste, sauf que la musique de Chopin dans les moments boîte à kleenex, sauf que ces morts qui vivent en nous, les amours manqués, les paroles non dîtes, les réconciliations, le happy end ou presque, les tulipes jaunes qui poussent dans la neige blanche, ça m'a remuée sec et profond et je me suis mise à l'horizontale dans des gros sanglots d'enfant emmitouflée dans un pyjama douillet chaussettes comprises, j'avais si froid dehors et si liquide et humide en dedans.

Plusieurs rêves ont secoués ma nuit mais un plus tenace, évident comme un flash: j'écris à mon cousin!

Ce cousin parmi tous mes cousins est le fils aîné du frère de ma mère, son frère préféré, je le soupçonne de l'être parce qu'il a failli tuer son père à coup de pioche, mon parrain de plus, celui aussi des frères de ma mère qui a épousé une des sœurs de mon père, Olivier de son prénom, il était avec Maxime, l'autre fils aîné de l'autre frère de ma mère mon cousin préféré, nous étions les trois aînés faut dire de ce côté il y avait de quoi se serrer les coudes, gamins on a fait les quatre cent coups ensemble gentiment, la dernière fois que je l'ai vu et entendu, j'avais 15 ans. Et là, suite à un véritable suintement outre-atlantique me prenait une viscérale et imposante envie, voir besoin de lui écrire trente années après, je réitère, le cheminement de l'inconscient est imprévisible et surtout il ne connaît aucun repos ni RTT...

Les fleurs qui poussent dans la neige. Des fleurs en hiver.

 

Cher Olivier,

Je vais sans doute te paraître une revenante, on le serait à moins, pas vu ni entraperçu ni parlé depuis de longues années, pourtant cela ne me semble pas si loin quand j'y repense. Je ne sais de toi que ce que ton père m'en a dit lors de l'unique visite que je lui ai faite il y a bien quinze ans maintenant, j'y ai appris que tu étais kiné et que tu exerçais à Paris, j'aurais pu faire des recherches plus approfondies à l'époque, n'en ai pas eu la force. Je venais de lui parler de son père, tu sais, peut-être t'en a-t-il touché un mot, c'était mon souhait mais je n'en suis pas certaine, son père, notre grand-père... Je venais lui parler de moi, de mon frère ma sœur de la tienne, la petite écrasée par un camion en le fuyant et l'autre portant comme moi un prénom de martyre, de sainte, de celle qu'on jette aux lions.

Je ne sais comment est ta vie, si tu as rencontré l'âme sœur si tu es toi-même papa, je me souviens de toi d'une manière assez vague surannée n'ayant plus aucune photos de famille à mon actif toutes brûlées dans une grosse caisse noire au milieu de ma cheminée un hiver torride il y a un bail maintenant.

J'aimerais que l'on se voit, qu'on se raconte, qu'on se retrouve, la vie passe si insensée, je voudrais qu'on puisse se parler avant le décès de mamie, que je te dise ce que sans doute tu sais dans ton for intérieur ou que tu sais tout court quoique j'en doute, les secrets sont bien gardés dans nos familles respectives d'un côté comme de l'autre.

Je reconnais que mon initiative est brutale et directe mais je ne peux pas ne pas le faire, alors appelle-moi ou déchire moi ou répond moi ou laisse pisser, l'important finalement c'est de savoir que tu existes et que tu connaisses mon existence en retour.

Je suis moi même mariée depuis 25 ans, je vais bientôt très bientôt avoir 45 ans moi qui pensais ne jamais passer la quarantaine, mise sous quarantaine si jeune, je suis mère de trois fils grands sensibles et fiers. J'habite Lille, de Paris c'est une heure de TGV, d'une vie à l'autre une éternité.

Take care, et fait comme bon te semblera.

Ta cousine.

HB

 

 

Alors voilà, j'ai posté ce courrier, papier bleu enveloppe de même couleur, encre noire à l'adresse que j'avais eu par ma tante, la femme de mon parrain qui avait couru derrière ma voiture pour que je dise à ses enfants ce qu'elle ne pouvait dire accepter voir reconnaître, je n'ai pas eu le courage à l'époque, pas le courage, et maintenant que je fais face, maintenant que la boucle est presque bouclée pour moi et que je peux comprendre et accepter, Gena jouant ce petit bout de morceau de Mozart dans ce moovie pour coeurs en détresse m'en donne la force, j'en suis toute remuée et miel aussi voilà que je retrouve au fond d'un carnet cette adresse oubliée et que je lance mon flacon d'encre et de papier dans les tuyaux des postiers.

Une fleur en hiver.

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11/01/2010

Ça.

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Quand je suis sur ça,
mon plaisir ne peut se comprendre.
Et, ma foi, sans ça,
que pourrais-je faire de ça.
J'aime assez m'y reprendre,
pour arriver encore à ça?
Afin de mieux m'étendre
sur ce beau sujet là,
Ah ! Que j'aime ça !
Ce mot me plaît à la folie;
il semble déjà
Que je suis à même de ça.

Gaudriole de 1834 -

 

 

 

30/12/2009

évocations...

 

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- Man Ray -

 

 

 

" Plus que la poésie, la chanson est une formidable machine à errer dans le temps. Associé à un événement marquant, premier baiser ou accident de voiture, telle ou telle chanson prendra une signification privée pour chaque personne qui l'entend, et cela, pour toujours. Seules certaines odeurs possèdent un semblable pouvoir d'évocation, aussi puissant et immédiat. Mais écrire les parfums, cela relève du poème..."

- Christian Mistral - Fontes -

 

 

 

 

18/12/2009

Il y a des jours où les mots sont de trop

 

 

J'ai beaucoup aimé cette note de Gaétan Bouchard, notre ami Butch, je ne la pensais pas prémonitoire pour lui et son art... Et parce que je ne suis pas du tout insensible à ce langage, que je trouve particulièrement truculent et riche, tonique aussi, savoureux, bon cela m'est très personnel j'avoue je ne cherche pas à vous convaincre mais quand même il y a une petite musique... Je me fais ici  le relais de la publication pirate que produit Christian Mistral sur son blog, les fameux "mots de trop" de Gaétan, ceux qu'il ne faut pas écrire à ce qu'il paraît...

 

 

TEXTE INÉDIT QUI COMPORTE UN TITRE


Un gars qui écrit des livres m'a laissé entendre que j’pourrais publier un texte inédit qui comporte un titre dans la revue Mollusque, une revue de littérature toé chose.  
 
C'est un numéro thématique sur les Sauvages. Hostie, j'en suis un. Ça tombe bien. 
 
Ça fait qu'après m'être gratté la tête une couple de fois, j'me su's dit que j'pourrais ben torcher un p'tit que'que chose pour Mollusque.  
 
D'abord, mon père disait qu'i' était pas un Sauvage pis qu'les Bouchard v'naient d'la Normandie. 
 
Fuck, i' v'naient même pas d'la Normandie les Bouchard! I' v'naient comme i' pouvaient quand l'occasion s'présentait. Pis i’ d’vaient v’nir souvent parce qu’i’ étaient dix-neuf enfants du côté d’mon père. 
 
La mère de mon père était une Sauvage, une Algonquine ou, comme on dit à c't'heure, une Anishnabé. A v’nait d’la réserve d’Oka. Le père de mon père a grandi à deux miles de Métis-sur-Mer. Pis du côté d’ma mère, c'est pareil. Des descendants d'Acadiens métissés de Micmacs qui vivaient à Sainte-Clothilde-de-Horton su' l'bord d'la track, comme des Gitans. 
 
Nous autres, des Bouchard d'la Normandie? Christ de joke de curé, oué... D'la christ de marde. On nous a pâlis maudit calvaire de pompier sale! Comme si on était des Juifs sous l'occupation allemande, en France, en 1944. Pâlis pour notre bien, bien sûr. Pour ne pas passer pour des hosties d'Sauvages. J'm'appelle pas Simon Ben Gourion mais François Dupont! J'm'appelle pas Makwa Grizzli mais Gaétan Bouchard!   
 
Ces hosties de curés-là ont toutte faitte pour crisser ça dans 'a tête de mon père, qu'on n'était pas des Sauvages, mais des chevaliers de la table ronde, avec une fleur-de-lys dans l'cul.  
 
Tabarnak! On a gardé de nos racines que le paillard français qui a trempé sa bite dans 'a p'lote de nos grands-mères. Maudit christ de saint-cibouérisation d'calice! 
 
Ça fa' qu'un m'ment d'nné e'j'me su's dit qu'c'était assez. Toutte disait que j'étais un Sauvage. C'était écrit dans ma face saint-chrême, dans 'a face de mon père, de mes frères, de ma mère, de mes ancêtres. On était des Métis calice! Pis on l'est d'venu, avec des cartes toé chose pis toutte le kit.  
 
Mon pays, c'était encore l'hiver. Mais c'était aussi l'île Mékinak, l'Île de la Tortue. Pis j'me su's mis à comprendre plein d'affaires sur moé et mon pays. D'abord que je ne savais rien de Saint-Laurent et Saint-Maurice. Comme tout le monde autour de moé. C'qui fait que j'ai rebaptisé mes noms de lieux : le fleuve Magtogoek, la rivière Métabéroutin, pis toutes sortes d’affaires de même. Pis ça fait juste commencer. C'est pas fini. Christ que non c'est pas fini. 
 
J'me suis mis aussi à écouter les arbres. Fuck, c'est pas d'ma faute, mais nous autres les Sauvages on sait qu'i’ nous parlent, les arbres, les roches pis toutte le reste, juste parce que c'est comme ça. Nous sommes animistes, ouais. On pense qu'i' a d'la vie dans toutte. C'est ben dur à comprendre ça, hein? 
 
Moé, les arbres me parlent. Pis i' m'disent crissez-nous don' patience tabarnak!  
 
-Arrachez pas mon écorce torrieu! Fendez-moé pas en quatre pour rien! Wo! Menute! J'su's pas tout seul là-dedans... J'fais vivre des oiseaux, des moénaux, des pas beaux... Toutes sortes d'affaires de même... Christ! Wake up! 
 
Ouin, ouin. Les arbres me parlent. Pis si j'peux prendre une feuille de moins, j'va's l'faire. Pour être en parfaite symbiose avec le Grand cercle de la vie.  
 
Ça se pourrait donc que mon texte ne soit pas publié dans Mollusque pa'ce qu'i' faudrait que j'leu' z'envoie une version imprimée par courrier postal, aux éditions Diptyque, à l'adresse de j'sais p'us trop qui, à Monrial. C'est sûr que j'f'rai pas ça. 
 
Moé j'aime trop les arbres pis ça m'tente pas d'imprimer ça sur papier quand toutte se fait si simplement de nos jours par les voies électroniques. Hostie on n'est plus au temps des mandarins. C'est pas des rapports à doubles interlignes que j'fais, mais d'la littérature.  
 
-Hostie d'Sauvages! qu'i' vont s'dire en r'cevant mon texte. Faut toujours qu'i' fassent chier en plus qu'i' savent pas boire! 
 
Ben oui, ben oui.  
 
Vous vous attendez à quoi, que j'vous liche le cul? 
 
No way. 
 
J'su's un Sauvage hostie. 
 
Wou-wou-wou-wou-wou-wou! 
 
 
Makwa Grizzli 
Alias Gaétan Butch Bouchard
 

 

 

16/12/2009

voyage

 

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- Edward Hopper (1882-1967) -

 

 

 

" J'ai accompli de délicieux voyages, embarqué sur un mot."

- Honoré de Balzac -

 

 

 

11/12/2009

Le plumitif

 

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 Le Plumitif, puisque c'est ainsi qu'il se nomme, son nom d'artiste en somme m'avait déjà touchée par ses propos et échanges chez Christian Mistral plusieurs fois d'ailleurs, il s'est ouvert un peu plus en nous menant vers son site qu'à priori il trouve "tarte" pour reprendre son mot, pas moi j'y ai trouvé des propos qui me parlent des oeuvres qui me touchent et une démarche tout à fait personnelle et singulière qui m'interpelle, voilà je le partage avec vous, j'ai choisi ces deux oeuvres en particulier et pour l'image et pour le texte, j'ai aimé d'ailleurs dans son introduction et présentation que je vous invite vivement à lire ce qu'il dit sur cette interactivité entre les mots et les images "les multiplicateurs de sens", les mots ne sont pas écrits par rapport à l'image, pas plus que l'image n'évoque les mots mais l'association des deux donne une autre dimension encore, "la première contribution de l'artiste c'est de nous révéler le monde sous un jour inédit" nous dit-il, je ne peux qu'y adhérer, une belle rencontre je dois dire...

 

 

 

 

27/11/2009

les yeux fertiles

 

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- oeuvre d'IsaBercée -

 

 

"Toutes les opérations les plus cachées de l'être, tous ses élans, ses désirs, ses amours, ses craintes, ses angoisses, tous ses sentiments les plus doux, et les plus tendres, comme les plus durs et les plus violents, trouvent leur plus haute expression dans le regard. C'est dans cet organe vivant que se rencontre, pour ainsi dire, tout ce qui veut, tout ce qui chante, tout ce qui pleure, tout ce qui vibre, tout ce qui aime dans l'âme, dans cette substance spirituelle où réside la flamme de la pensée, la vie immatérielle et supérieure, la vie de l'esprit."

- Buffon -

 

 

 

19/11/2009

truismes et "trolleries"

 

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Une trollerie dans une grotte amie m'a quelque peu perturbée et réveillée de vieilles angoisses, quelques mots lachés genre Basquiat de la plume qui d'un jet ont fait d'un de mes rêves un truisme cauchemar réveillant du même coup une écorchure interne que je pensais jusqu'alors résorbée. Bien sûr c'est facile et sans doute bien confortable de se réfugier derrière une folie assumée et de langage et de pensée pour impunément pouvoir dire tout et n'importe quoi de belle manière parfois je dois dire, et sans manquer de lucidité voir d'un certain humour non plus, comme des éclairs de génie, bien sûr il ne faudrait pas être atteinte par les propos d'un soi disant troll se présentant fou mais qui ne l'est pas forcément plus ou moins que vous et moi, ça m'a interpellée sur ce qui anime ce genre d'essai littrératuroartisticoprovocateur, il faudrait tout passer à quelqu'un sous prétexte qu'il délire ou qu'il écrit entre deux verres ou que sais-je encore et bien, peut-être, mais cela n'empêche pas certaine petite chose comme moi d'être atteinte toute carapacée que je semble être par une phrase trollerienne ou pas  telle que: "ben helenablue est une grosse truie qui fout sa propre expérience de souffrance à deux balle sur le dos des autres pour justifier son orgueil judiciaire, c'est tout." ça m'a fait mal, même si en premier lieu j'ai pris le parti d'en rire elle a fait son chemin insidieusement dans les méandres de mon cerveau et a rejailli dans mes songes.

Certaine cicatrice reste fragile.

 

 

 

 

16/11/2009

scellées

 

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les voix
dans l’ombre
une vie


à rebours
on aurait souhaité
la perte de mémoire


devant la porte
restée fermée


comment
tracer


le silence
à fleur


du corps
laissé


en proie
au temps


parole
enfouie


sous la
terre tiède


message d’ici
dans l’oubli
de la chair


une main
restera tendue


certain
du sourire


l’ailleurs
en abîme


trouer le lit
par le feu


l’espoir
n’est que
brasier
de paille


l’histoire
n’est plus
la même


devant le phénix
l’ombre du mot


dira
l’anamnèse


écrite
dans la plaie


greffe le souvenir
sur la terre ouverte


penser
l’instant


devant l’éternité


conduire aux
cages du vent


la parole
offerte


contre
l’ennemi


qui ronge
par derrière

 

 

- Laurent Fels -

 

 

 

11/11/2009

ballade en eaux troublantes...

Tout ce temps à m'éprendre des mots des uns et des autres pour mieux comprendre, cette exploration sans fin dans la littérature et la poésie inextinguible me nourrit et l'esprit et le coeur, m'inspire. Une semaine passée étrangement riche et variée, réentendre la petite musique de Louis-Ferdinand Destouches au travers de passages de son voyage au bout de la nuit et de son mort à crédit une biographie ça s'invente et l'émotion comme suspendue écriture fouillée présente accaparante vivante, en parallèle et en même temps une nuit pour l'arrachant pur jus criant Putain d'Arcan. Toujours le même parcours le même désir qui m'anime et les mêmes frissons qui me traversent l'échine quand je lis certains et certaines et que je m'endors avec eux, une sorte de drogue mi douce mi dure, éclectique. Et de la poésie aussi, compagne permanente d'au moins une heure quotidienne à voix haute ou off en intime entre deux portes deux conversations deux soupirs à n'importe quel moment, mélodique, particulière prégnante imprégnante même, suavité et douleur, violence et tendresse, art en ombre et lumière, indéfectible amie des gris de Novembre comme des bleus de Mai ou des ors de Juillet... J'aime les mots, les phrases, syntaxe et grammaire bousculées et bousculantes, l'écoulement paisible d'un vers, le verbe transperçant lucide sans concession truculent et jouissif de certains romans et la poétique troublante de certains autres. Ces ballades sont offrandes et échappées, prise de conscience et rencontres. Un jour perdu que celui où tu n'as pas ri, un jour perdu que celui où tu n'a pas lu, un jour perdu que celui où tu n'as pas vécu. Au commencement était l'émotion...

 

 

 

09/11/2009

dans le rétroviseur

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Souvent, et c'est récurrent je me prends à construire des films dans le rétroviseur celui du véhicule devant moi où je ne perçois qu'un regard et à l'arrière dans le mien où je profite davantage de l'inconnu dans son entièreté;  j'observe, j'invente, j'extrapole mon imagination va bon train et, j'en ris parfois toute seule dans mes babines!

Je n'ai pas pu conduire pendant plus de dix ans ayant ce que Sigmund a nommé et qu'on appelle communément des hallucinations, terrifiantes et sanglantes. Toujours la même, un couteau m'éventrait, le sang giclait sur le pare-brise et finissait par envahir tout l'habitacle. Ca me paralysait sur place et je n'étais alors plus capable d'appuyer sur la bonne pédale ou de passer la vitesse adéquate. J'ai laissé des lors la voiture au garage ou dans des mains moins atteintes du ciboulot. Ce n'est qu'après ma longue et laborieuse thérapie que j'ai pu récupérer mes facultés au volant; étrange quand même que tout cela ait disparu car c'était vraiment très présent très précis en 3D palpable et incroyablement violent.

Le moniteur d'auto-école avec qui j'ai appris à conduire était un pervers grisonnant la cinquantaine bien sonnée tombeur de ces dames prétentieux et macho et qui n'avait qu'une idée en tête du moins me concernant tripoter de la chair fraiche. Avec moi il jouait sur du velours sa main effleurait ma cuisse souvent et je devenais alors dure comme du bois de fer en état de tétanie totale incapable de quoi que ce soit, il a prolongé jusqu'à mon sexe tendre et frais de jeune fille je sens encore sa main d'homme dans ma culotte, les miennes agrippées au volant de terreur incapable de lui envoyer un aller retour ni même d'émettre un son de désaprobation. J'ai mis du temps à comprendre que sans doute tout cela m'était familier...

A l'examen du permis, l'inspecteur m'a trouvé trop émotive mais a fini par me le donner au bout du quatrième passage ayant compris finalement que je ne serais jamais une Speedy Gonzales de la route.

Maintenant je m'éclate! Quand je suis au volant de titine, la musique à tire larigot, chansons, jazz, classique et même de la variette de midinette d'antan, je me plais à chanter à tue-tête ou à me raconter mes histoires de rétroviseurs... Les temps ont changés, moi aussi, joueuse et courtoise je suis souvent reprise au klaxon aux tricolores perdue dans mes pensées, je jette toujours un petit signe de la main à un acte galant de laisser passer et apprécie une conduite souple feutrée féline et comme je suis dans une sorte de véhicule sans âge un peu déglingué j'intéresse beaucoup les contrôles de gendarmerie et je me fais des amis parmi les rastaquouères de mon quartier. Toujours est-il que je peux enfin conduire ma vie comme bon me semble sans craindre les giclées d'hémoglobine, les caresses intempestives ou les bouffées de chaleur émotionelles et je me régale...

 

 

 

regards croisés

 

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Chez Françis...

 

 

 

07/11/2009

cours de poésie!